D’un camarade d’Ulsan (ville industrielle et portuaire du sud de la Corée).
[Au cours de l’été 2006, les usines d’automobiles coréennes (Ssangyong Motor, Kia, GM Daewo, Hyundai) ont connu toute une vague de grèves pour les salaires et les conditions de travail. Hyundai pour sa part a été touché par plus d’un mois de grève et a vu ses profits pour l’année 2006 chuter de 47 %. On assiste d’ailleurs en Corée du Sud à une montée des luttes qui, en dix ans, sont passées de 88 à 286 grèves alors que doublait le nombre de journées de grève. En novembre, une manifestation de plus de 200 000 personnes à Séoul, la capitale a regroupé travailleurs permanents et non permanents pour demander entre autres la fin de ces « irréguliers » sans contrat qui forment plus d’un tiers de la force de travail coréenne]
...La grève du syndicat de HMC s’est terminée le 17 janvier 2007. Tous les membres du syndicat ont participé à la grève, mais les travailleurs « occasionnels » irréguliers en ont été exclus.
A la fin 2006, HMC n’a payé que 10 % de la prime de fin d’année parce que les objectifs de production de 2006 n’avaient pas été atteints. C’était un déni de la promesse antérieure selon laquelle l’entreprise paierait 15 % de cette prime même si les objectifs de production n’étaient pas atteints.
Les 5 % de la prime non versés s’élevaient en moyenne à 900 dollars (environ 700 euros). Le salaire moyen annuel d’un travailleur permanent de HMC est de 50 000 dollars (40 000 euros). Ainsi, le montant de la prime non payé n’était pas énorme pour un ouvrier permanent. La grève était surtout due au fait que l’entreprise ne respectait pas ses promesses. C’était aussi, sans aucun doute, une attaque contre le syndicat dans le non-respect de la parole donnée. De ce point de vue, la grève se justifiait. Mais la grève n’a concerné que les ouvriers permanents d’HMC. Elle a fait l’objet de blâmes et d’attaques virulentes dans les milieux capitalistes et dans la presse bourgeoise. Le syndicat d’HMC s’est trouvé isolé de l’ensemble des travailleurs de tout le pays durant cette grève.
La grève a montré les limites des luttes fréquentes des syndicats d’ouvriers permanents en Corée qui ne sont pas menées sur la base de l’unité et la solidarité de tous les travailleurs, qu’ils soient syndiqués ou non.
La grève a pris fin avec la promesse que l’entreprise paierait le supplément de prime fin février 2007 sous la condition que HMC sortirait 50 000 voitures supplémentaires grâce à des heures supplémentaires les week-ends et pendant les vacances. 50 000 voitures, c’était exactement le total de production « perdue » au cours des grèves de 2006. Les ouvriers d’HMC travaillent déjà 50 heures par semaine avec un système d’équipes. Plus de la moitié des travailleurs travaillent 60 heures par semaine et font des heures supplémentaires pendant les week-ends et les vacances. Ce sont de dures et longues heures de travail. Mais les nouvelles promesses entre le syndicat HMC et l’entreprise obligeront les travailleurs à faire plus de 64 heures par semaine pendant deux mois. Je pense que cette promesse et cet accord sont les choses les plus stupides jamais vues même du point de vue des travailleurs permanents. Nous devons réfléchir au fait qu’une telle promesse est le résultat final de trois semaines de grèves partielles et totales de 40 000 travailleurs.
Les grèves récentes du syndicat HMC montrent que nous devons construire un nouveau mouvement ouvrier de base construit sur l’unité et la solidarité de tous les travailleurs pas seulement pour les salaires (et surtout pas pour un morceau de prime) mais plus sur les conditions de vie en visant une réduction du temps de travail.
L.G.
25 janvier 2007
2. - Des ouvriers coréens en quête de contacts internationaux
On vient de terminer une rencontre d’ouvriers coréens qui s’intéressent au communisme de conseils. Malheureusement ils avaient aussi invité le CCI. En l’apprenant (ce groupe cherche des contacts internationaux par Internet), je leur avais suggéré au moins d’inviter des gens qui ont quitté le CCI il y a vingt ans (Internationalist Perspectives), qui n’étaient guère meilleurs. Voici des militants ouvriers avec vingt à vingt-cinq ans d’expérience, qui ont vécu la lutte contre la dictature, la torture, les prisons, les grandes grèves de masses de 1987-1989, avec un vécu militant cent fois plus intense que ces Occidentaux (moi y compris bien sûr), et voilà que les CCI viennent leur faire la leçon, presque comme des maîtres d’école, sur la décadence du capitalisme et la nécessité à tout moment de former des conseils ouvriers, si l’on ne veut pas tomber dans « l’aile gauche du capital ». Je serais mort de rire si ce n’était pas un tel gaspillage de ressources, de temps, et de bonne volonté. Ces Coréens cherchent non seulement des liens concrets avec le mouvement international, mais ils ont accumulé des fonds, et ils veulent se consacrer à un projet de traductions de textes clef, non seulement de l’anglais, mais aussi du français, de l’allemand, de l’italien. J’espère qu’ils n’ont pas été trop dégoûtés par leur premier goût du sectarisme d’ultra-gauche.
(...) Les ouvriers d’Ulsan (qui collaborent avec un groupe d’intellos et d’ouvriers à Séoul) ont accumulé un fonds considérable précisément pour faire traduire des textes importants parus depuis trente ou quarante ans en français, allemand et italien. Si vous pouvez m’envoyer d’anciens numéros, surtout avec des articles concernant l’Asie Orientale, je suis presque sûr qu’ils en traduiront quelques-uns.
Décembre 2006