Lip, entreprise d’horlogerie de Besançon menacée de liquidation se distingua par l’occupation de l’usine et la saisie d’un stock de montres vendues pour payer des indemnités de grève. Comme cela ne suffisait pas, les pièces détachées également saisies furent transformées en montres vendables, par la remise en route d’une chaîne de montage qui n’employa au grand maximum qu’une trentaine de travailleurs sur les 1 000 de l’usine.
Comme ce conflit atypique se situait dans la chute de l’après-mai 1968 (début de la grève le 17 avril 1971) et que les militants CFDT (centrale syndicale dans laquelle pas mal de gauchistes avaient trouvé refuge) étaient les plus influents dans le comité de grève, ce qui se passait chez Lip fut présenté comme le modèle d’une société autogérée.
Ce triomphe apparent de l’idéologie autogestionnaire, qui déclencha des polémiques violentes, reposait sur un mensonge : les quelques travailleurs qui avaient remis des mécanismes dans les boîtiers et ajusté des bracelets n’avaient nullement repris la production comme il fut affirmé alors. La confiscation (le vol) d’un stock important de produits fabriqués pour « se payer » était beaucoup plus significatif que cette peinture idéologique qui dissimulait ainsi la récupération - l’expropriation - simple du produit du travail.
Peu de cas a été fait de cette reprise d’activité très limitée d’ACT, qui, si elle peut s’apparenter au cas de Lip, n’en est pas moins différente. Elle n’a guère soulevé d’intérêt que dans des cercles très limités.
Cette opération supposait d’ailleurs une certaine complicité des pouvoirs, car il leur aurait suffi de couper l’électricité pour l’arrêter (ce qui avait déjà été fait pour le téléphone et Internet).
Ce texte est paru dans un dossier consacré à ACT Manufacturing (1) : Autopsie d’une lutte.
Voir aussi Vu : « Lip, l’imagination au pouvoir », un film de Christian Rouaud