Escondida est la plus grande mine de cuivre du monde. Elle appartient conjointement aux trusts miniers multinationaux australien BHD Billion et britannique Rio Tinto. Elle produit 8,5 % du cuivre mondial et 20 % du cuivre chilien. C’est une mine à ciel ouvert, un gigantesque trou dans le désert d’Atacama, dans l’extrême nord du Chili. La spirale du cours du cuivre (lors de la signature du précédent contrat collectif en 2003, le cours du cuivre était le cinquième du cours actuel) et la demande mondiale ont poussé la production et le surtravail pour des profits s’élevant à 3 milliards d’euros pour le seul premier semestre 2006 (juste avant la grève, la mine produisant plus de 50 % de plus que sa production normale antérieure). Les mineurs ont demandé le prix de leurs efforts et une part des profits engrangés par leur exploiteur. La revendication posée par le syndicat portait sur une augmentation de 10 % à 13 % et une prime de 30 000 dollars (25 000 euros).
Mais la direction reste inflexible. La question ne concerne pas seulement la multinationale qui, possédant d’autres mines au Canada, au Pérou, au Mexique, pourrait être forcée d’aligner primes et augmentations sur les concessions qu’elle ferait au Chili. Mais aussi le gouvernement chilien, qui possède une mine d’Etat d’importance similaire, et qui se trouverait devant des revendications semblables lors du prochain renouvellement de contrat. D’autres répercussions internationales pourraient entrer en cause, notamment sur le plan financier, à la fois pour le Chili et pour les multinationales.
Les 2 052 mineurs se mettent en grève le 7 août. Ils ne peuvent occuper l’énorme trou de la mine ; alors ils campent à l’extérieur, tentent d’en bloquer les voies d’accès ; temporairement. La police intervient rapidement et, après des heurts parfois violents, ils doivent rompre leurs barrages. Le gouvernement social-démocrate aurait déplacé près de 30 000 militaires dans le nord du Chili pour prévenir tout débordement de la grève. Le blocage n’est pas total, car de nombreux travailleurs sont en sous-traitance et, d’après BHD Billion, la mine fournit 40 % de sa production normale. Ce qui n’empêche la multinationale de déclarer un « cas de force majeure » pour échapper aux obligations de livraisons en vertu des contrats passés avec ses clients.
Les pourparlers, repris rapidement, paraissent dans l’impasse. La firme a tout intérêt à faire durer, même si la grève lui cause des pertes importantes. D’une part la loi chilienne sur les conflits du travail, qui date de la dictature Pinochet et n’a pas été modifiée, prévoit qu’après quinze jours de grève, la firme peut embaucher qui lui plaît pour remplacer les grévistes. Déjà, des « jaunes » ont été amenés par avion d’autres mines de la multinationale, notamment du Pérou.
Cette situation et l’épuisement du fonds de grève font que les mineurs - isolés dans leur lutte, malgré les protestations importantes des étudiants qui se manifestent au même moment, mais au loin dans la capitale, finissent par accepter le dernier accord signé par le syndicat prévoyant 8 % d’augmentation et une prime de 17 000 dollars (13 240 euros). La production de la mine reprend le 1er septembre.
C’est finalement une grève très classique, tant par son déclenchement que son déroulement et sa fin. Mais l’aspect le plus intéressant vient , comme dans bien des conflits aujourd’hui, du fait qu’il se place dans une multinationale qui, comme toutes, opère à flux tendus, et dont les opérations et les équilibres financiers peuvent être sérieusement perturbés par un conflit sérieux dans une lointaine partie du monde. Pour y échapper, les trusts (miniers en l’occurrence) cherchent à « sortir » de l’exploitation des « vieilles » mines (où un prolétariat est devenu combatif avec le temps), pour se tourner vers l’exploitation de nouvelles mines dans des pays sous-développés. Là, ils peuvent investir dans des installations ultra-modernes et exploiter une main-d’œuvre bon marché, jouant ainsi sur différents niveaux de plus-value.