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Etats-Unis : la grève des « janitors » de Houston

mercredi 14 février 2007

Les « janitors » sont les travailleurs des entreprises de nettoyage de bureaux. Dans la capitale du Texas, ces prolétaires, majoritairement des femmes originaires d’Amérique centrale, ont mené leur lutte pendant près d’un mois.

Ce texte est paru dans Echanges n° 119 (hiver 2006-2007).

Sous le titre « Le géant s’éveille », nous avons décrit, dans le n° 117 d’Echanges (été 2006), le mouvement des immigrés qui, par des manifestations sans précédent, avaient contraint le gouvernement au retrait de lois répressives sur l’immigration. Nous avions situé ce mouvement dans le prolongement de la lutte des travailleurs de l’entretien des immeubles (« janitors »). Bien que limité, le dernier mouvement que nous évoquons ci-après, n’en est pas moins la continuation de ce réveil des immigrés et certainement une étape dans les nouveaux termes de la lutte de classe aux Etats-Unis.

De 1999 à 2001, à Los Angeles, les travailleurs du nettoyage d’immeubles de bureaux et autres gratte-ciel de collectivités, les « janitors », avaient déjà montré leur force dans une lutte contre les capitalistes du nettoyage, lutte victorieuse qui s’était étendue à d’autres villes des Etats-Unis (1). Ces luttes avaient donné essor à un syndicat, Service Employees International Union (SEIU), qui a pris beaucoup de poids dans la fédération syndicale AFL-CIO, à la mesure du déclin des syndicats traditionnels suite à la crise des industries de base et de l’automobile.

« Justice for Janitors » est de nouveau le slogan de la grève des janitors de Houston, capitale du Texas, un Etat particulièrement réactionnaire et peu enclin à satisfaire des revendications ouvrières. La grève s’est déclenchée à propos des salaires et des conditions de travail. Un exemple des conditions d’exploitation est donné par une femme mexicaine qui, après cinq ans de présence, travaille en équipes de quatre heures et demie, et doit nettoyer quatre étages de bureaux dont huit toilettes pour un salaire de 4 euros de l’heure.

Piquets et manifestations

La plupart sont des femmes, d’origine mexicaine ou d’autres pays d’Amérique centrale. Leur revendication : 6,80 euros de l’heure et des garanties santé. Sur les 5 300 janitors de Houston, 1 700 sont en grève, travaillant pour les cinq plus grosses sociétés de nettoyage qui traitent 58 immeubles de trusts pétroliers ou autres collectivités.

La grève commence le 23 octobre 2006 après rupture des pourparlers. Les grévistes ne se contentent pas de mettre des piquets devant les immeubles concernés, mais aussi devant les bâtiments publics, et organisent des manifestations ; des sit-in bloquent la circulation (12 arrestations). Comme les piquets sont respectés par les employés, certains parlent même d’un soutien équivalent à une désobéissance civile. Les entreprises de nettoyage tentent bien de contourner la grève en employant des jaunes, mais elles doivent finalement céder devant la détermination des grévistes et la pression de sociétés clientes.

Un accord est accepté le 21 novembre, après presque un mois de grève. Il comporte une augmentation des salaires, portés progressivement,d’ici au 1er janvier 2009, à 6,20 euros de l’heure ; le temps de travail est porté à 6 heures et une prime mensuelle sera versée pour la couverture santé.

Si la grève ressemblait à une grève traditionnelle pour les salaires, de l’aveu général, elle allait bien au-delà en ce qui concerne les conditions de travail. Beaucoup la voyaient comme une sorte de référendum dans la ville de Houston, comme une partie de l’action menée dans tout le pays pour la reconnaissance des droits des immigrants. Comme le déclarait une des janitors : « On veut travailler plus, gagner plus, mais aussi on veut plus de respect et plus de dignité » ; exactement « Bread and Roses », du pain et des roses, comme des ouvrières du textile en grève il y a plus d’un siècle dans ce même pays avaient résumé alors leur lutte (2).

Et en Europe ?

Un tel mouvement pourrait-il se produire pour celles et ceux qui œuvrent en Europe dans le nettoyage des bureaux et autres lieux publics ou domestiques ? Une campagne a lieu actuellement en Grande-Bretagne contre la première société mondiale de nettoyage, ISS Cleaning Services, qui dans 42 pays exploite ces travailleurs de l’ombre : ils travaillent cinq nuits par semaine, de 21 heures à 6 heures, pour 7 euros de l’heure avec seulement douze jours de congés payés. Des piquets de grève tentent de bloquer les halls d’entrée des gratte-ciel de la City de Londres. En décembre, le personnel chargé du nettoyage du Parlement de Westminster a organisé deux journées de grève dans le cadre de cette campagne pour réclamer des salaires décents et le droit à l’assurance-santé.

En France, les mouvements contre la chaîne d’hôtels Accor pour les conditions de travail et les salaires de femmes de ménage, dans le passé et actuellement au Novotel de Bagnolet (banlieue est de Paris) restent très limités et n’aboutissent le plus souvent qu’à des échecs. Un succès de cette dernière grève à Bagnolet pourait-il être l’amorce d’un mouvement plus large ?

A lire aussi

- « As jobs leave America’s shores,the new face of class warfare » (Alors que les emplois délaissent les rivages américains, le nouveau visage de la guerre de classe), article de P.C. Roberts dans Counter Punch (juillet 2006), contestable mais contenant des statistiques utiles (copie à Echanges).

(1) Voir Echanges n° 96 (printemps 2001) : « Une autre fenêtre sur les Etats-Unis, aperçus sur les luttes récentes : La lutte des janitors » (p. 25).

(2) Voir Echanges n° 97, à propos du film de Ken Loach Bread and Roses : « Pourquoi des roses ? »

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