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« Indi...gènes » ? « Indi...génat » ? « Indi...génisé » ?

mercredi 14 décembre 2005

Des « concepts » indi...gents !

Dans le communiqué du Mouvement des Indigènes de la République reproduit à la page précédente on retrouve leur mot fétiche décliné sous toutes les formes. Nous reviendrons en détail dans le prochain numéro de Ni patrie ni frontières sur la problématique qui sous-tend ce mouvement hétéroclite en analysant les écrits confus de ses partisans dont l’influence idéologique imprègne aussi bien l’extrême gauche que certaines tendances libertaires ou altermondialistes, mais nous avons tenu à préciser dès ce numéro quelques points.

Indigènes est à l’origine un terme utilisé par les colons ou les autorités coloniales pour désigner les peuples présents avant eux sur les territoires exploités et opprimés par les puissances occidentales. Le mot « indigènes » est utilisé par l’Appel des Indigènes comme un stigmate retourné contre l’Etat et les institutions racistes français (un peu comme les Afro-Américains utilisent entre eux le mot « nigger », nègre). Mais il a aussi pour les Indigènes d’autres sens :

1) un « indigène » serait un membre des classes les plus exploitées , ce que les marxistes appellent un prolétaire. Dans ce cas pourquoi donc avoir introduit un nouveau concept ?

2) ce terme est généreusement attribué à ceux qu’ils appellent des « Blancs » à condition qu’ils soutiennent la cause des... Indigènes.

Cette définition à plusieurs étages (« ethnique », national, social et politique) est surtout fondée sur de bons sentiments. Elle rappelle une définition qu’un jour Edgar Morin avait donnée de la judéité : pour lui, était Juif tout individu qui se sentait en empathie et en solidarité totale avec les souffrances du peuple juif. Cette définition très généreuse, universaliste, faisait également écho au fameux slogan de Mai 68 « Nous sommes tous des Juifs allemands » qui avait une résonance à la fois internationaliste et anationaliste, mais était riche en ambiguités de toute sorte, comme on a pu le voir par la suite avec l’apparition de nouvelles formes d’antisémitisme au nom de l’antisionisme mal compris. Si la démarche de Morin avait un côté sympathique, les références obsessionnelles à la couleur de la peau qui parsèment la prose des Indigènes nous incitent à douter que leurs intentions soient aussi claires. Mais surtout leur démarche repose sur une exigence absurde Tout comme, dans un autre registre, des profs humanistes mais très maladroits tentent de convaincre des élèves d’origine maghrébine ou africaine que l’extermination des Juifs d’Europe serait le seul étalon de mesure et de compréhension de l’horreur des autres génocides, nos « Indigènes » déclarent d’abord que les « premières victimes de l’exclusion sociale » seraient les « personnes issues des colonies (...) et de « l’immigration post-coloniale » puis que « indépendamment de leurs origines effectives, les populations des “quartiers” sont “indigénisées” ».

Ces deux affirmations sont contradictoires :

- la première met l’accent sur la couleur de la peau ou l’ « ethnie » (sans le dire, ce que beaucoup traduisent par la « race », voir les insultes courantes du type « Nique ta race », « sale race », etc.), comme étalon de toutes les exclusions sociales,

- la seconde met l’accent sur les discriminations sociales qui touchent tous les prolétaires, qu’elle que soit leur couleur de peau, leur passeport et leur lieu de naissance.

Comme les Indigènes n’ont pas réussi à résoudre cette contradiction (et il faut reconnaître que la question de l’imbrication entre les facteurs de classe, les facteurs nationaux et les facteurs dits « ethniques » est loin d’être simple), ils ont élargi le pseudo-concept d’Indigènes à tous les habitants des quartiers populaires mais à une condition : tout « Blanc » doit s’identifier à un indigène, un ex-colonisé, un post-colonisé ou un ancien esclave africain. Les « Indigènes » voudraient que tout prolétaire s’identifie immédiatement, à la cause anticolonialiste la plus radicale et retourne l’image négative qu’il risque d’avoir dans la tête en s’identifiant aux colonisés d’antan, aux immigrés d’aujourd’hui.

Il est difficile d’imaginer une démarche plus acrobatique, d’autant plus que cette démarche est à sens unique : c’est le prolétaire « blanc » qui doit se sentir coupable des crimes de « sa » classe dominante et se débarrasser de son fardeau de complice du racisme, du colonialisme et du « post-colonialisme ». Le « non Blanc » et ses compagnons de route tiersmondistes n’ont rien d’autre à faire qu’à se complaire dans leur posture de supériorité morale.

Y.C. (Ni patrie ni frontières)

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