La SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière) dont est issu l’actuel Parti socialiste fut fondée en avril 1905 par Jean Jaurès et Jules Guesde. Après avoir mené une campagne pacifiste contre les menaces de guerre et même annoncé en commun avec les partis qui composaient la Seconde Internationale et en particulier avec le Parti social-démocrate allemand que la classe ouvrière répondrait par la grève générale à une guerre déclenchée par les capitalistes, la SFIO renia complètement ses engagements pendant la guerre de 1914-18. La SFIO soutint de toutes ses forces l’impérialisme français en participant à l’Union sacrée avec la bourgeoisie.
La SFIO donna même plusieurs ministres au gouvernement de guerre dont Jules Guesde (qui avait sombré dans le patriotisme à la fin de sa vie), Albert Thomas qui fut ministre des armements, Marcel Sembat (avec Blum comme chef de cabinet). Président de la Commission nationale du travail à laquelle participaient également Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT. De son côté le Parti social-démocrate allemand soutenait l’impérialisme allemand.
Du soutien à la guerre de 1914-18…
Ce soutien à la guerre impérialiste ne s’explique pas par une brusque « trahison » des chefs socialistes mais par une intégration progressive des partis socialistes de la Seconde Internationale au système capitaliste qui finit par en faire des agents de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière. A la fin de la guerre de 1914-18, face à la menace d’une révolution ouvrière en Allemagne, le Parti social-démocrate participa même à des gouvernements qui réprimèrent violemment les travailleurs et firent assassiner de nombreux militants et dirigeants révolutionnaires dont Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg.
En France, la SFIO ne fut pas confrontée aux mêmes problèmes dans la mesure où les luttes ouvrières qui suivirent la guerre furent beaucoup moins fortes qu’en Allemagne. Le Parti socialiste devait scissionner au congrès de Tours de 1921 où sa majorité se rallia à l’Internationale communiste. Après cette scission, la minorité (qui continua à s’appeler SFIO) demeura fidèle à sa politique de soutien sans faille à l’impérialisme français : Blum et Faure soutinrent la guerre du Rif en 1923-24 après l’insurrection nationaliste d’Abd-el-Krim au Maroc.
En 1936 le gouvernement de Front populaire de Léon Blum permit à la bourgeoisie de sauver les meubles en faisant reprendre le travail aux ouvriers lors des grandes grèves avec occupation en échange des accords Matignon. Après la retombée des grèves, une fois la menace ouvrière écartée, Blum et la SFIO participèrent à des gouvernements d’alliance avec la droite qui menèrent une politique anti-ouvrière et reprirent aux travailleurs l’essentiel des acquis des luttes de juin 1936. Blum refusa d’intervenir en Espagne pendant la guerre civile et fit même interner en camps de concentration les réfugiés de l’armée républicaine espagnole après la victoire de Franco.
…au ralliement à Pétain
En 1940, une partie importante des politiciens de la SFIO devaient se rallier à Pétain, tel Belin (ancien dirigeant de la CGT) qui devint ministre du Travail de Pétain, et Paul Boncour. Le 10 juillet, 1940, 139 députés SFIO sur 175 votaient d’ailleurs l’investiture au Maréchal…
Une petite fraction de dirigeants de la SFIO devaient cependant lui permettre de ne pas sortir complètement déconsidéré de la Seconde Guerre mondiale en choisissant d’apporter son soutien à l’aile gaulliste de la bourgeoisie et en s’engageant dans la « Résistance », tels Defferre, Jules Moch, Daniel Mayer et Brossolette**. La déportation de Blum lui-même contribuera également à rehausser le prestige de la SFIO. Après la guerre, celle-ci put ainsi participer à tous les gouvernements (aux côtés du PC jusqu’en 1947) et porter la responsabilité de leur politique anti-ouvrière et de répression contre les peuples coloniaux. A partir de 1947, la SFIO s’allia à la droite contre le PCF et participa à toutes les combinaisons ministérielles de la Quatrième République, envoya notamment l’armée et les CRS contre les mineurs du Nord en grève. En 1956, c’est le gouvernement socialiste dirigé par Guy Mollet (avec la participation de Mitterrand) qui envoya le contingent en Algérie.
Cette politique entraîna un discrédit progressif de la SFIO qui se vida peu à peu de ses adhérents et surtout fut rpesque totalement abandonnée par ses militants ouvrierzs. De 335 000 adhérents en 1945, elle tomba à une cinquantaine de milliers en 1956.
Du soutien à de Gaulle…
En 1958, la SFIO commença par dénoncer violemment le coup d’État de de Gaulle du 13 mai ; puis elle retourna sa veste pour se rallier au Général. La SFIO vota ainsi l’investiture de de Gaulle à l’Assemblée et Guy Mollet fut ministre du premier gouvernement formé par de Gaulle. La victoire électorale des gaullistes et leur majorité absolue au Parlement devait cependant très rapidement aboutir à l’éviction de la SFIO d etous les gouvernements jusqu’à aujourd’hui. Pendant cette période, la SFIO tenta d’abord diverses alliances avec la droite et en particulier avec Lecanuet. Sa dégringolade se poursuivit et la candidature de Defferre aux présidentielles de 1969 en devait recueillir que 5 % des voix.
…à l’Union de la Gauche
C’est en définitive grâce à son alliance avec le PCF dans le cadre de l’Union de la gauche que la vieille SFIO - nouvellement baptisée Parti socialiste après le congrès d’Épinay de 1971 et l’adhésion de Mitterrand - devait à nouveau réussir à se donner l’image de marque d’un parti de « gauche ». C’est le PCF qui, dans cette alliance, servit de tremplin à Mitterrand et au PS en apportant sa caution. Le PS s’attacha également - au moins sur le plan des discours - à se présenter comme un parti « nouveau » et à récupérer un certain nombre de thèmes apparus en mai 1968 comme l’« autogestion » ou le féminisme. En dépit de ce ravalement et de l’arrivée à sa direction d’un certain noimbre de jeunes loups comme Rocard qui ont remplacé une partie des vieux ténors de la SFIO (bien que certains comme Defferre soient toujours en place), le PS est bien le digne héritier de la SFIO.
QUELQUES RECTIFICATIONS DE L’ARTICLE DE COMBAT COMMUNISTE (CC)
CC : "En France, la SFIO ne fut pas confrontée aux mêmes problèmes dans la mesure où les luttes ouvrières qui suivirent la guerre furent beaucoup moins fortes qu’en Allemagne."
C’est peu dire, en Allemagne, il y a eu une révolution, pas en France.
CC : "Blum refusa d’intervenir en Espagne pendant la guerre civile et fit même interner en camps de concentration les réfugiés de l’armée républicaine espagnole après la victoire de Franco."
Léon Blum n’était plus à la tête du gouvernement lors de la victoire de Franco.
CC : "A partir de 1947, la SFIO s’allia à la droite contre le PCF et participa à toutes les combinaisons ministérielles de la Quatrième République, envoya notamment l’armée et les CRS contre les mineurs du Nord en grève."
Non, pas toutes. La SFIO est absente des gouvernements successifs de janvier 1952 jusqu’à la formation du gouvernement Guy Mollet en janvier 1956.
CC : "En 1956, c’est le gouvernement socialiste dirigé par Guy Mollet (avec la participation de Mitterrand) qui envoya le contingent en Algérie."
Sauf erreur de ma part, il y avait déjà été envoyé avant. En tout cas il y avait eu des mobilisations de réservistes qui avaient provoqué des manifestations dures à l’automne de 1955.
CC : "C’est en définitive grâce à son alliance avec le PCF dans le cadre de l’Union de la gauche que la vieille SFIO - nouvellement baptisée Parti socialiste après le congrès d’Épinay de 1971 et l’adhésion de Mitterrand - devait à nouveau réussir à se donner l’image de marque d’un parti de « gauche »."
Il ne s’agit pas d’une simple adhésion de Mitterrand, il s’agit bien d’un nouveau parti formé des restes de la SFIO et de l’apport de politiciens à la fois plus à droite dans leurs positions affichées et plus prêts à faire alliance avec le PC.
Martin Zerner