Tout d’abord j’aimerais remercier les organisateurs de cette conférence pour m’avoir invité à parler des droits des femmes et aussi de l’islam politique en Irak sous l’occupation américano-britannique. Nous sommes tous d’accord pour condamner les gouvernements britannique et américain qui ont déclenché une guerre et une occupation brutales en Irak. Cette intervention a déjà coûté la vie à d’innombrables Irakiens. Nous sommes tous opposés à cette guerre, nous l’avons combattue, et la combattons de toutes nos forces.
Mais il nous faut également dénoncer et combattre l’islam politique et ses atrocités contre le peuple, en particulier contre les femmes en Irak, ainsi que ses atrocités dans d’autres pays du monde. Dès que la dictature baasiste a été renversée par les forces dirigées par les Etats-Unis, les islamistes ont trouvé des appuis dans les marges de la société irakienne et chez des exilés réfugiés dans des pays limitrophes comme l’Iran et l’Arabie saoudite. Les islamistes ont reçu le renfort de volontaires islamistes originaires de différents pays pour terroriser la société irakienne et imposer leur programme inhumain par les armes et la terreur.
Les femmes ont, comme d’habitude, été les premières victimes de la guerre, mais aussi dans ce cas de l’islam politique dont les pratiques sont toujours violentes. En effet, l’islam comme religion et comme système politique ne correspond absolument pas aux désirs et aux aspirations des femmes et des hommes d’aujourd’hui. Les islamistes doivent donc utiliser les méthodes de violence les plus extrêmes comme la décapitation, la lapidation publique, la prise d’otages, l’ablation des mains, les attentats suicides et le meurtre sous différentes formes afin d’obliger la population à leur obéir et à vivre sous leur joug.
En Irak, aujourd’hui sous l’occupation américano-britannique, ces actes de violence se produisent tous les jours. Les différents groupes se réclamant de l’islam politique ont commencé à faire sauter des cinémas, des salons de coiffure pour femmes, des boutiques qui vendent de l’alcool, des cafés, des bars et des boîtes de nui. Ils ont tué des femmes en les accusant d’être des « prostituées ». Ils se sont mobilisés pour nier le droit des femmes à devenir juges comme à Najaf, l’année dernière, où vingt-cinq juristes n’ont pas pu occuper ce poste. En effet, les islamistes ont rappelé que, selon le Coran, les femmes sont moitié moins intelligentes que les hommes et incapables de prendre des décisions. De plus en plus, ils imposent le voile à des femmes et à des jeunes filles en les menaçant de leur interdire de sortir sans hijab.
Récemment un groupe de miliciens armés, le Conseil des moujahiddine (Majlis Shora al Mojahdeen), a édicté une fatwa selon laquelle toutes les femmes doivent être voilées, y compris les chrétiennes, sinon elles seront assassinées en public. Et même les membres de leur famille seront tués dans les lieux publics et à leur domicile. Une autre fatwa a été édictée par un groupe islamiste-terroriste qui s’appelle les « Groupes chargés du nettoyage des agents et espions chrétiens ». Cette organisation prend surtout pour cible la population chrétienne dans les villes du Nord, comme Mossoul. Ces islamistes menacent de tuer les chrétiens qui travaillent pour des compagnies étrangères.
L’essor de l’islam politique en Irak est sans précédent, à la fois au sein des milices islamiques qui ne soutiennent pas le gouvernement, et à l’intérieur du gouvernement intérimaire imposé par la coalition américano-britannique. Ce gouvernement fantoche à la botte des Etats-Unis rassemble des maffieux religieux, des dirigeants tribaux, des nationalistes arabes et kurdes, et d’anciens baasistes et il tente lui-même d’islamiser la société irakienne. La première mesure de ces gangsters réactionnaires a été de déplacer la date de la journée internationale des femmes du 8 mars au 18 août, date de naissance de Fatima Zahra, la fille du prophète Mahomet.
Nous ne les avons pas laissé faire. L’Organisation pour la liberté des femmes en Irak a appelé à une manifestation au cours de laquelle un millier de femmes et d’hommes sont descendus dans la rue, le 8 mars 2004, pour que cette journée reste la journée des femmes et pour que le Conseil provisoire de gouvernement célèbre sa journée islamique de son côté, s’il le voulait. En même temps, les manifestantes et manifestants ont exigé l’égalité totale entre les femmes et les hommes en Irak et le vote d’une Constitution laïque pour garantir les droits des femmes en Irak.
A nouveau, lorsque le Conseil provisoire de gouvernement a essayé de faire passer la résolution 137 pour imposer la charia (la loi islamique) en Irak, nous avons réussi à les faire reculer et obtenu qu’ils retirent cette résolution grâce à notre campagne résolue en Irak et à l’étranger.
Les islamistes veulent imposer leur programme religieux et l’institutionnaliser , y compris à travers des cérémonies privées comme le mariage du président du Conseil de gouvernement provisoire, Ghazi Yawar, imposé par les Etats-Unis, avec Nasreen Barwary, une des ministres du gouvernement. Nasreen, qui était jusqu’ici célibataire, est devenue la troisième épouse du président. Ce mariage d’un haut responsable politique légitime la polygamie : en effet, selon le Coran, un homme a le droit d’avoir jusqu’à quatre épouses, s’il a les moyens de les entretenir - en clair, s’il a les moyens de les acheter. Avec ce genre de dirigeants imposés par les Etats-Unis au peuple irakien, les forces les plus arriérées et les plus réactionnaires de la société essaient de légitimer et d’institutionnaliser les « valeurs » les plus misogynes et hostiles aux femmes, telles que la polygamie.
D’un autre côté, il existe une pléiade de groupes islamiques de différentes tendances, mais qui se réclament tous de l’islam politique. Leur objectif : transformer l’Irak en un cimetière, une société où l’art, la musique, les films, la danse et l’alcool seraient interdits. Ils veulent obliger les femmes à porter le voile, la burkha, etc., et non des vêtements normaux. Ils désirent que les femmes restent ignorantes et ne fassent pas d’études. Ils ont déjà commencé à assassiner certaines salariées. Uniquement dans la ville de Mosel, au cours des trois derniers mois, huit femmes ont été tuées parce qu’elles travaillaient à la fac de droit de l’université locale.
Les islamistes défendent et mettent en pratique ce qu’ils osent appeler les « crimes d’honneur » commis contre des femmes victimes de viols. Depuis un an, de nombreuses femmes violées ont été ensuite assassinées par les membres de leur propre famille, en raison de la honte qu’un viol représente pour la famille, surtout si ces femmes ont été violées par des soldats américains. Ceux-ci sont en effet considérés comme des « infidèles » et des occupants et s’ils violent des femmes irakiennes, alors ce n’est pas seulement l’honneur des familles concernées qui est terni mais aussi celui de la nation irakienne.
Dans l’un des refuges pour femmes battues gérés par notre organisation, nous nous occupons d’une jeune fille, Liqaa, qui a été violée par un soldat américain. Liqaa ne peut pas rentrer chez elle, sinon elle sera assassinée par ses proches. Le meurtre des femmes tuées par les Américains ou par des Irakiens est donc censé « laver l’honneur » de la famille et de la nation. Dans un tel climat, des femmes violées vont parfois jusqu’à commettre des « suicides d’honneur ». A Faludja et dans d’autres villes, les milices armées du Conseil des moujahiddine contactent les familles qui ont des filles de dix ans et plus. Ces islamistes veulent obliger les parents à marier leurs filles à des combattants « afin qu’elles ne soient pas violées par des soldats américains ». De nombreuses familles quittent ces villes pour que leurs filles ne soient pas mariées de force à des combattants terroristes. Selon moi, ces mariages forcés sont des viols, commis cette fois par des islamistes irakiens au lieu d’être commis par des soldats américains.
Les islamistes veulent que nous devenions leurs esclaves, mais nous ne les laissons pas faire. Nous résistons mais notre résistance est une résistance laïque et progressiste : il ne s’agit pas pour nous de décapiter les gens, de prendre des otages, ou de forcer les femmes à porter le voile. Nous voulons avoir une véritable société civile. Nous voulons que l’Irak soit un pays où l’on puisse jouir du bonheur, de la liberté, de l’égalité, de la dignité humaine et de la laïcité.
Notre mouvement pour la liberté et l’égalité a surgi en réaction directe à l’occupation de l’Irak par les troupes de la coalition. Nous avons commencé à organiser les femmes sur un programme laïc et progressiste. Nous avons fondé une organisation progressiste comme l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak afin que les femmes et les hommes combattent pour la séparation entre la mosquée d’un côté, l’Etat et l’éducation de l’autre, et pour une égalité totale entre les hommes et les femmes. En Irak, il existe aussi d’autres mouvements progressistes, éclairés, de travailleurs qui luttent pour leurs droits et pour que la liberté, le bien-être, l’égalité et la sécurité soient reconnus à tous.
Avec ces organisations, nous travaillons tous ensemble pour combattre l’islam politique et les Etats-Unis qui veulent transformer l’Irak en un champ de bataille pour leurs luttes de pouvoir et leurs objectifs réactionnaires. Des milliers de travailleurs et des femmes ont manifesté pour leurs droits et leurs libertés dans les rues de Bagdad et d’autres villes d’Irak.
Nous faisons partie d’un mouvement universel progressiste des travailleurs et des femmes pour la liberté et l’égalité. Tout au long de l’histoire, des hommes et des femmes ont lutté pour un monde meilleur, pour que tous les êtres humains puissent vivre sans crainte d’être persécutés ou discriminés sur la base de leur appartenance raciale, religieuse, ethnique ou nationale. Pour pouvoir continuer notre lutte en Irak, nous avons besoin du soutien et de la solidarité de tous les peuples du monde. Nous souhaitons tous et toutes vivre dans une société libérée du joug de la religion !
Houzan Mahmoud (Organisation pour la liberté des femmes en Irak)
Née à Souleymanie, au nord de l’Irak, en 1973, Houzan Mahmoud est une militante irakienne. Réfugiée politique au Royaume uni depuis 1997, elle travaille comme conseillère au sein d’une association d’aide aux femmes battues, à Londres, et étudie la politique et la sociologie à l’Université de Londres. Confondatrice de l’Iraki Women’s Rights Coalition à Londres, en mars 2003, groupe qui défend les droits des femmes en Irak, elle est aussi une militante antiguerre. A ce titre, elle a pris la parole lors de plusieurs manifestations à Londres (dont celle du 20 mars 2003) et dans d’autres villes du Royaume uni. Rédactrice en chef d’Equal Rights Now, publication de l’Organisation pour la liberté des femmes en Irak, Houzan Mahmoud défend activement les droits des femmes et des travailleurs et a noué de nombreux contacts internationaux pour soutenir les mouvements laïcs et progressistes en Irak. Houzan Mahmoud a pris part à de nombreux meetings, congrès et séminaires en Europe et été interviewée par plusieurs médias britanniques et internationaux pour évoquer la situation des femmes en Irak. Ses articles sur la situation des femmes et des travailleurs en Irak ont été publiés dans différentes langues. Elle est aussi l’une des fondatrices de l’Organisation pour l’émancipation des femmes en Iran, femmes qui vivent sous le terrible joug de l’islam politique.