mondialisme.org
Accueil du site > Echanges et mouvements > Idéologies > "Prosper", tu rêves ? Sur le distributisme

"Prosper", tu rêves ? Sur le distributisme

jeudi 13 mai 2004

Note de lecture et la correspondance avec la revue distributiste Prosper que cette note a entraînée.

Textes parus dans Echanges nos 102, 103, 105.

« Prosper » et l’utopie distributiste

(Echanges n°102, automne 2002, p. 52.)

- Le problème du « distributisme », tel qu’il est abondamment et clairement exposé dans le bulletin Prosper (8 équinoxe 2002 et 9 thermidor 2002), « Pour la maîtrise de leurs usages par les usagers », c’est que s’il décrit en détail les règles de fonctionnement d’une « autre » société, il ne dit nullement comment celle-ci se mettra (ou sera mise ?) en place, donnant l’impression que le capital pourra se modifier « de l’intérieur » par la seule volonté concertée des quelque milliards d’êtres humains.

Prosper, Les Salles, 30570 Valleraugue.

Courriel : prosper.dis@wanadoo.fr

Site Internet : www.prosperdis.org

« Mettre en forme des procédés et procédures »

Lettre de Prosper (12 août 2002)

(...) Il me semble aujourd’hui plus que nécessaire : urgent, de dépasser le stade où on entretient la flamme créditiste ou distributiste, anarchiste, libertaire, etc. et piétine devant en raffinant sur les formulations ou disputant sur l’historique. Il se publie par ailleurs un grand nombre d’études sur des sujets économiques, politiques et sociaux, études dont nous nous faisons un devoir de rendre compte sans déboucher sur une utilisation de leur contenu...

D’où l’idée de mettre les principes à l’épreuve des projets techniques et de former un groupe de travail dont l’objet serait la mise en forme des procédés et procédures propres à faire advenir concrètement d’autres formes de société. Aussi longtemps que nous ne l’aurons pas fait, nous serons tenus en respect par tous ceux qui « savent » ce qu’il faut faire et le font si bien qu’ils nous mènent dans le mur des règles de l’art. Or l’exercice n’exige pas, comme on le croit généralement, d’avoir les mêmes ou autant de connaissances que ceux qui tiennent l’Université, les grandes écoles et les cabinets ministériels. Il exige avant tout d’avoir un projet différent et :

1° - de reconstruire autour de lui ce qui se fait déjà, qui ne sera pas totalement aboli du jour au lendemain,

2° - de proposer des formes d’action nouvelles, passant par des techniques différentes qu’il reste à inventer.

Dans les jours qui viennent, j’ai l’intention de rédiger une sorte d’appel d’offres allant dans ce sens et que je vous soumettrai, ainsi qu’à d’autres revues. Tous les jours ou presque je lis ou j’entends des personnes qui protestent contre le Marché, la réduction progressive des libertés, la disparition de l’investissement personnel, mais dont la protestation ne débouche sur rien. Leur enverrais-je Prosper ou Echanges, s’ils ne haussent pas les épaules devant tant de nouveauté ils demanderont COMMENT ? Les bribes d’expériences que nous pouvons citer ne suffisent pas. Il faut d’urgence les réactualiser par des techniques aujourd’hui forcément différentes (et parfois même faire l’effort d’oublier celles qui ont servi).

J’ai beaucoup apprécié la variété de vos articles et la richesse de vos informations réunies dans un aussi petit format. Je peine, pour ma part à reconstituer un réseau comme il y en eut un à l’époque des JEUNES (jeunes équipes unies pour une nouvelle économie sociale), une section des distributistes « historiques » qui vivait encore après 1945. Il faudrait créer une revue tonique, pas seulement critique, substantielle, et surtout faire en sorte que les générations 20 et 40 s’impliquent.

Dans l’attente de discuter plus longuement un jour prochain avec une personne de votre groupe ou un groupe de personnes appartenant à votre réseau... »

(note d’Echanges : les passages ou mots en italique ou en lettres capitales figuraient ainsi dans la lettre initiale.)

Pas de spécialistes de la révolution !

Réponse à ces propositions de Prosper. (3 novembre 2002)

(...) Bien d’accord pour un échanges de publications et l’utilisation éventuelle des articles publiés respectivement dans chacune de celles-ci.

Quant aux propositions que votre lettre contient :

- d’un groupe de travail qui prendrait l’initiative de « mettre les principes à l’épreuve des projets techniques ;

- et/ou de créer « une revue tonique, pas seulement critique, substantielle et surtout de faire en sorte que les générations 20 et 40 s’impliquent ».

Nous ne pouvons qu’être particulièrement à la fois dubitatifs et critiques.

Le principe...

Tout d’abord, et avant tout pour ce qui est pour nous une question de principe essentielle : l’avènement d’une autre société dépend uniquement de la lutte de classe et de ce que ceux qui luttent ainsi construiront alors eux-mêmes concrètement pour leur survie et leur émancipation (une société excluant l’exploitation et tout ce qui en découle sur le terrain économique). Cette lutte définit en même temps les buts et les moyens et ceux-ci ne se modèlent et ne prennent des formes évolutives que dans les situations au sein de la société dans laquelle elles se développent.

Ce processus (qui n’exclut nullement des actions violentes) est fait de pratiques concrètes et n’est nullement l’affaire de spécialistes « dont l’objet serait la mise en forme de procédés et procédures propres à faire advenir concrètement d’autres formes de sociétés ». Les cimetières de l’Histoire du mouvement ouvrier et des organisations politiques sont remplis de projets et de tactiques « révolutionnaires » autour de concepts d’une nouvelle société qui, tous sans exception, quel que soit le bord dont ils sont issus, furent édifiés sur les sables mouvants du passé ou des spéculations hasardeuses sur un futur dont on peut voir aujourd’hui la fumeuse utopie. Plus que la réflexion sur des théories et des projets rapidement obsolètes, c’est le capitalisme lui-même qui, par son dynamisme innovant relègue au rang des vieilles lunes toutes les constructions prospectives qui ont pu surgir, y compris les siennes propres : d’ailleurs, sans ce dynamisme exploitant l’innovation à la recherche d’un profit qui ne peut se concrétiser que dans son expansion, le capitalisme est voué à sa mort. C’est précisément de cette mort que surgira une société nouvelle ; de la seule action de ceux-là même dont l’exploitation est l’essence même de la présente société.

Vous semblez fustiger « ceux qui savent » comme incapables de répondre éventuellement à ce que vous proposez de cette recherche de « procédés et de procédures », sans souligner que ces « élites » sont précisément ou membres ou agents de la classe dominante. Vous voudriez substituer à cette élite servile du capital, une autre élite, celle de ce (ou ces) groupes de travail qui œuvreraient à une « mise en forme » de ce qui pourrait mieux s’intituler un programme et une stratégie. Alors que vous parlez « d’actions nouvelles », de « techniques différentes », etc. tout cela ne s’apparente-t-il pas, sous une autre terminologie, à ce que les différents courants politiques « révolutionnaires » pouvaient ou peuvent proposer ? Les plus habiles dans ce domaine, tentant de tenir compte de l’évolution des mentalités face aux modifications des méthodes d’exploitation du travail, tentent une approche similaire à la vôtre autour de notions de « conscience de classe » ou de formes d’organisations spécifiques.

... et la forme

Voilà pour le principe qui nous éloigne de ce que vous proposez. Quant à la forme de ce travail qui dépasserait le simple débat d’idées, outre que précisément nous ne voyons guère l’intérêt d’en discuter puisque nous serions en désaccord sur le fond, soulignons que nous avons toujours connu (de longue date pour certains d’entre nous) de telles propositions de discussions qui allaient du club du faubourg à un œcuménisme intéressé (par exemple plumer le groupe le plus faible qui se prêterait à l’exercice). Nous ne vous prêtons aucune de ces intentions pour souligner votre bonne volonté ; mais cela ne saurait cautionner une réussite quelconque.

Même si on laisse de côté les moult tentatives présentes de rassembler les morceaux épars du puzzle politique, particulièrement des groupes dits « révolutionnaires », on assiste présentement à des efforts similaires au vôtre qui semblent faire abstraction de ce que, si un tel émiettement existe, c’est d’abord en raison de la situation économique et sociale et que seule une modification radicale (temporaire ou permanente) de cette situation pourrait amener cette unification dont vous rêvez (nous laissons de côté ici les divisions ou impossibilités de rapprochements dues à des questions de personnes - les têtes - qui ne recoupent pas toujours les divergences politiques).

Pour ne citer que des tentatives récentes d’efforts de même nature que ceux que vous suggérez, le développement d’Internet a entraîné la création d’innombrables sites de discussion - nationaux et internationaux. Ils évitent même de se rencontrer autrement que virtuellement et permettent ces bavardages au coin du feu, confortablement assis dans un fauteuil, évoquant d’une manière assidue des recettes pour mettre fin à la misère du monde. Certains de ces sites, fort sérieux au demeurant, existent depuis des années pour des résultats (si tant est qu’ils visaient à un résultat) que l’on peut considérer, suivant l’optique de votre projet, comme quasiment nuls, hors le fait indéniable qu’ils permettent une plus large diffusion de l’information et peut-être un approfondissement de notre propre réflexion.

Nous ne nous dérobons nullement à un débat concernant les sujets que nous pouvons aborder dans Echanges c’est-à-dire, en bref, l’analyse des luttes et la recherche des formes et créations qui peuvent y apparaître, au-delà des cadres rigides et obsolètes que tentent d’imposer à la fois les structures légales du système et de persistantes idéologies prétendument de libération....

" Prosper, tu rêves ?"

sur le distributisme.

Après l’échange de correspondance que nous avons publié dans notre n¡ 103 (hiver 2002), pp. 42-43, la revue Prosper a elle-même publiée dans son n° 10 une réponse à la réponse, que nous reproduisons ci-dessous, avec le chapeau dont elle l’a fait précéder :

Le distributisme, c’est bien, c’est grand, c’est... mais on n’en sait rien et n’en saura rien, tant qu’il n’aura pas été mis à l’épreuve des faits... Mais on peut toujours s’y préparer ? Pourquoi pas en créant des groupes qui travailleraient sur des hypothèses distributistes à partir desquelles on pourrait montrer/chercher comment en finir avec des problèmes tels que le terrorisme, la guerre, la montée des intégrismes, les retraites, la désaffection scolaire, les sans-papiers, la double peine, etc. ? Nous avons donc écrit à quelques revues et fanzines... Ci-après la réponse d’Echanges et Mouvement et les remarques qu’elles nous a suggérées.

" ...Nous ne pouvons qu’être à la fois dubitatifs et critiques. " *

Rien là d’étonnant. Dubitatifs et critiques, nous le sommes, nous aussi, à l’endroit des ambitions réelles de beaucoup d’autres groupes comme Echanges et Mouvement. C’est justement dans le but de sortir du stade doute-et-critique (qui nous concerne tout les premiers) que nous proposons de tomber la veste et d’ouvrir des chantiers nouveaux.

" Tout d’abord et avant tout pour ce qui est pour nous une question de principe essentielle : l’avènement d’une autre société dépend uniquement de la lutte de classe et de ce que ceux qui luttent ainsi construiront alors eux-mêmes concrètement pour cette lutte, leur survie et leur émancipation (une société excluant l’exploitation et tout ce qui en découle sur le terrain économique). Cette lutte définit en même temps les buts et les moyens et ceux-ci ne se modèlent et ne prennent des formes évolutives que dans les situations au sein de la société dans laquelle elles se développent. "

Nous devrions donc nous entendre, car que proposons-nous, sinon de " lutter ", en construisant, au sein de la société dans laquelle elles se développeraient, c’est-à-dire la société actuelle, objectifs et stratégies différents ? L’incise " lutte de classe " n’est pas pour nous faire peur. Encore faudrait-il vérifier si la " classe " se définit de la même manière et lutte tout à fait pour les mêmes raisons qu’il y a cent ans. Et observer plus précisément comment l’élévation du niveau de vie et des revenus, dans le cadre du Marché, se conjugue avec une exploitation qui culmine, paradoxalement, dans l’exclusion du salariat.

" Ce processus (qui n’exclut nullement des actions violentes) est fait de pratiques concrètes et n’est nullement l’affaire de spécialistes [ici l’auteur de la réponse nous cite] "dont l’objet serait la mise en forme de procédés et procédures propres à faire advenir d’autres formes de sociétés" " Ce " nullement " pose quelques problèmes. Je suis tenté de traduire : touchez pas au grisbi. Qui en effet peut s’instituer juge du " nullement " ? Qui, sinon le spécialiste qui décide du sens des pratiques concrètes et terrorise d’avance ceux qui voudraient s’en mêler... ?

Soyons clairs. S’agissant d’une réunion pour réfléchir à une hypothèse nouvelle, les participants ne pourront guère qu’improviser, à partir de ce qu’ils savent, certes, mais au risque de remettre en ques-tion ce qu’ils croyaient savoir. C’est d’ailleurs ce que nos propositions font craindre aux " spécialistes " ordinaires : se voir doubler par le premier venu (1).

Premier noeud, qui revient quelques paragraphes plus bas :

" Vous semblez fustiger "ceux qui savent" comme incapables de répondre éventuellement à ce que vous proposez de cette recherche de "procédés et procédures", sans souligner que ces "élites" sont précisément ou membres ou agents de la classe dominante. Vous voudriez substituer à cette élite servile du capital une autre élite, celle de ce (ou ces) groupes de travail qui oeuvreraient à une "mise en forme" de ce qui pourrait mieux s’intituler un programme ou une stratégie. Alors que vous parlez d’"actions nouvelles", de "techniques différentes", etc., tout cela ne s’apparente-t-il pas, sous une autre terminologie, à ce que les différents courants politiques "révolutionnaires" pouvaient ou peuvent proposer ? Les plus habiles, dans ce domaine, tentant de tenir compte de l’évolution des mentalités face aux modifications des méthodes d’exploitation du travail, tentent une approche similaire à la vôtre autour de notions de "conscience de classe" ou de formes d’organisations spécifiques. "

Au risque de nous répéter : nous ne sommes guère disposés en faveur du spontanéisme intégral. Force nous est donc de chercher à nous joindre à des personnes qui s’attachent à de nouvelles hypothèses. Est-il encore " habile " ou devenu stérile de poursuivre sur la lancée de notions comme celle de " conscience de classe " ? La façon dont certains y recourent n’entrave-t-elle pas l’observation des faits et l’imagination de formes d’action nouvelles ? Ne pourrions-nous en discuter ?

En attendant Godot

Second noeud. Prélude :

" Les cimetières de l’Histoire du mouvement ouvrier et des organisations politiques sont remplis de projets et de tactiques "révolutionnaires" autour de concepts d’une nouvelle société qui, tous sans exception, quel que soit le bord dont ils sont issus, furent édifiés sur les sables mouvants du passé ou des spéculations hasardeuses sur un futur dont on peut voir aujourd’hui la fumeuse utopie. "

Dont acte... Mais que les anciens aient fait erreur ne nous terrorise nullement, au contraire.

" Plus que la réflexion sur des théories et des projets rapidement obsolètes, c’est le capitalisme lui-même qui, par son dynamisme innovant, relègue au rang des vieilles lunes toutes les constructions prospectives qui ont pu surgir, y compris les siennes propres : d’ailleurs, sans ce dynamisme exploitant l’innovation à la recherche d’un profit qui ne peut se concrétiser que dans son expansion, le capitalisme est voué à sa mort. C’est précisément de cette mort que surgira une société nouvelle de la seule action de ceux-là même dont l’exploitation est l’essence même de la présente société. "

Nous y voilà. Le capitalisme est malin... Mais il mourra un jour...

Supposons-le mort de sa belle mort. C’en sera donc fini de ce qui lui assurait la vie, ou la survie, à savoir la possibilité de faire des profits monétaires pour redistribuer aux actionnaires ce qu’il en reste après qu’on ait épongé les frais généraux (dont les salaires) et les prélèvements de l’Etat. C’en sera fini de devoir/pouvoir faire de la croissance et du crédit-dette. Les ci-devants exploités devront gérer la nouvelle situation, sauf, bien entendu, si "la mort du capitalisme" n’est pas précédée par celle du genre humain. Notre correspondant peut-il nous expliquer comment ils sauront ce qu’ils auront à faire s’ils n’y ont pas été préparés ? Le sauraient-ils... de naissance ?

Notre hypothèse de travail est très différente : elle consiste, comme ce fut le cas avant la révolution de 1789, à montrer, dans un premier temps :

1 - comment et pourquoi le régime marchand est incapable de tenir ses promesses, comment il multiplie les abus de pouvoir, ruine la planète et ses usagers ;

2 - que ce même régime ne survit qu’en anticipant sur les techniques et les valeurs du régime qui doit lui succéder ;

3 - que ces techniques et valeurs doivent être libérées de l’emprise d’un petit nombre de bénéficiaires et de décideurs qui se les approprient.

Et, dans un deuxième temps, à saisir n’importe quelle conjoncture favorable pour tourner la page. On sera d’autant mieux prévenu de ce qu’elle a de favorable qu’on disposera d’une méthode de lecture performante (voir Prosper n¡10, pp. 56-57) et d’une hypothèse de rechange.

Avons-nous quelque chance d’en convaincre notre correspondant ?

" Quant à la forme de ce travail qui dépasserait le simple débat d’idées, outre que précisément nous ne voyons guère l’intérêt d’en discuter puisque nous serions en désaccord sur le fond [inévitablement, à partir du moment où on adopte une attitude dogmatique et non hypothétique], soulignons que nous avons toujours connu (de longue date pour certains d’entre nous) de telles propositions de discussions qui allaient du club du faubourg à un oecuménisme intéressé (par exemple plumer le groupe le plus faible qui se prêterait à l’exercice). Nous ne vous prêtons aucune de ces intentions pour souligner votre bonne volonté ; mais cela ne saurait cautionner une réussite quelconque. "

S’écartant apparemment quelque peu du sujet, M. S. touche alors en fait au fond du problème :

" Même si on laisse de côté les moult tentatives présentes de rassembler les morceaux épars du puzzle politique, particulièrement des groupes dits "révolutionnaires", on assiste présentement à des efforts similaires au vôtre qui semblent faire abstraction [du fait que] si un tel émiettement existe, c’est d’abord un produit de la situation économique et sociale et que seule une modification radicale (temporaire ou permanente) de cette situation pourrait amener cette unification dont vous rêvez (nous laissons de côté ici les divisions ou impossibilités de rapprochement dues à des questions de personnes - les têtes - qui ne recoupent pas toujours les divergences politiques). "

Bien vu : en 1968, une " modification radicale ", hélas temporaire, remplit des salles entières et nous montra des syndicalistes débordés par " des gens " qui (leur) prenaient la parole... Ce remplissage fit croire au retour d’un " peuple " que ses conditions d’exploitation avait émietté. De ce rassemblement ne surgit hélas pas de pensée plus alternative que celle entretenue par les VIP politiques en se démar-quant les uns les autres, comme des joueurs de foot, pour pousser des bulletins favorables dans les urnes. Dans toutes les bouches fleurirent donc des stéréotypes tels que " lutte de classes ", " exploiteurs et exploités ", " capitalistes " et " profiteurs ", que les VIP ne prononçaient plus que distraitement. Après le coup de sifflet de l’arbitre, la " lutte " se finalisa (comme on dit aujourd’hui) par un retour à la délégation de pouvoir, c’est-à-dire par un regain du travail de démarquage entre VIP politiques... C’est le retour de ce " coup pour rien " qu’il s’agit pour nous d’éviter, et la raison pour laquelle il nous semble aussi nécessaire de proposer d’autres modèles et de les travailler de telle sorte que les " émiettés " se les approprient.

Mais continuons :

" Pour ne citer que des tentatives récentes d’efforts de même nature que ceux que vous suggérez, le développement d’Internet a entraîné la création d’innombrables sites de discussion - nationaux et internationaux. Ils évitent même de se rencontrer autrement que virtuellement et permettent ces bavardages au coin du feu confortablement assis dans un fauteuil évoquant d’une manière assidue des recettes pour mettre fin à la misère du monde. Certains de ces sites, fort sérieux au demeurant, existent depuis des années pour des résultats (si tant est qu’ils visaient à un résultat) que l’on peut considérer, suivant l’optique de votre projet, comme quasiment nuls, hors le fait indéniable qu’ils permettent une plus large diffusion de l’information et peut-être un approfondissement de notre propre réflexion. "

Bien vu là encore. Mais les moyens n’y sont pour rien. C’est l’usage qu’on en fait qui déçoit, car cette masse d’informations et fausses discussions finit par nous submerger et répandre un sentiment d’impuissance. Les pétitions par courriel sont de plus en plus souvent reçues comme des publicités. N’empêche que les moyens sont là et que nous aurions tort de ne pas les utiliser pour répandre de nouvelles perspectives et méthodes de travail.

Conclusion de la lettre ?

" Nous ne nous dérobons nullement à un débat concernant les sujets que nous pouvons aborder dans Echanges, c’est-à-dire, en bref, l’analyse des luttes et la recherche des formes et créations qui peuvent y apparaître au-delà des cadres rigides et obsolètes que tentent d’imposer à la fois les structures légales du système et de persistantes idéologies prétendument de libération. "

Quelle suite donnerons-nous à ce message ?

D’abord merci d’avoir répondu et autant discuté du fond et de la forme... Le ton est courtois et les objections argumentées sur des positions au final plus pratiques que théoriques.

Ensuite, que l’analyse même des luttes ne nous inspire guère et que nous sommes plutôt partants pour discuter de la mise en oeuvre de nouveaux modèles économiques et sociaux, pouvant déterminer du même coup de nouvelles luttes. La nouveauté générale de ces modèles nous semble toutefois conditionnée par l’abandon de l’hypothèse économique et sociale qui continue de courir de l’extrême gauche à l’extrême droite. Une hypothèse masquée par sa dénomination même. En dénonçant le " capital " et les " capitalistes ", le vocable de " capitalisme " passe complètement à côté du fonctionnement redistributif du système et de l’idéologie redistributiviste, laquelle, notamment à gauche, atteint des sommets de mauvaise foi ou de cécité sur le thème de " la redistribution plus juste " (qui revient donc à fonder la justice sur la concurrence et le " droit " du plus fort).

Le moment nous semble donc venu de préparer l’ouverture d’une Convention qui réunisse tous les partis et mouvements actuels, droitistes inclus (voir article suivant [de Prosper n¡ 10]) sur la base d’un dépassement du redistributisme. Reste à faciliter ce dépassement. C’est à quoi nous nous sommes exercés et qui a fini par donner lieu à trois projets d’ateliers décrits dans le dernier article du présent cahier.

Dans le vide actuel du penser moderne, notre correspondant d’Echanges et Mouvement - et d’autres à sa suite - ne courraient guère de risque en le publiant.

P.-S.

Prosper, Les Salles, 30570 Valleraugue.

Courriel : prosper.dis@wanadoo.fr

Site Internet : www:prosperdis.org

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0