Nous avons reçu cette lettre du 8 août 2003 avec quelques compléments (à la requête de ce correspondant, G. S., il n’est mentionné dans ces documents que des initiales). La lettre porte en exergue : « Si on ne daigne pas publier ma lettre comme “droit de réponse”, je me chargerai de la faire circuler par d’autres moyens... » ! Ce n’est évidemment pas ce « chantage » qui nous fait publier cette lettre, mais le souci de poursuivre un débat et aussi l’opportunité de faire quelques mises au point.
Le texte dont la publications est demandée est ainsi introduit : « Suite à la correspondance intitulée “Histoire : les groupes PIC et Volonté Communiste” publié dans le n° 105 d’Echanges (été 2003), je demande instamment – comme droit de réponse – que ma lettre ci-après paraisse dans le prochain numéro de votre bulletin »
CALOMNIEZ, CALOMNIEZ, IL EN RESTERA TOUJOURS QUELQUE CHOSE....
(Bazile dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais)
(A Echanges et en particulier à l’auteur – courageux mais pas téméraire – de la réponse du 15 octobre 2002 puisqu’il a préféré rester anonyme) [Note d’Echanges : pas mal d’articles d’Echanges restent non signés.)
Je croyais que la période estivale était réservée aux gouvernements capitalistes de droite ou de gauche pour perpétrer leurs mauvais coups. Or, erreur, puisque après les curetons de Golias il y a quelques années, voici que les saints « conseillistes » d’Echanges cherchent des noises à la mémoire du groupe « Pour une Intervention Communiste » à propos de son prétendu « révisionnisme » et par ricochet à ma petite personne comme ancien militant de ce groupe.
Je ne serai pas long car dans les mois qui viennent, sera publié un texte analytique sur la crise du milieu révolutionnaire qui reviendra en détail sur diverses péripéties de ces trente-cinq dernières années.
Je me contente pour l’instant de signaler l’existence d’un article de 12 pages intitulé « Trop c’est trop » et daté de novembre 1987 qui a circulé dans les milieux révolutionnaires. Il était signé par quatre membres du groupe « Volonté Communiste » qui avaient participé au tract « Notre royaume est une prison » (1), à propos des déclarations du fasciste au petit pied Jean-Marie Le Pen sur le « point de détail » ; il expliquait que si le PIC avait pu faire des erreurs d’analyse en 1979-1980, sa position s’était résumée à celle de Noam Chomsky : soutenir la liberté d’expression de certains « révisionnistes ». Les anges d’Echanges ignorent-ils l’existence de cet article ? Dans ce cas nous sommes prêts à le leur communiquer de façon à ce qu’ils puissent l’envoyer en priorité à la « camarade de Paris » qui avait tenté de s’informer auprès d’eux (2).
Voilà. La réponse du n° 105 (p. 25-30) est farcie d’allégations mensongères et de grosses bêtises historiques sur le milieu révolutionnaire depuis 1968. Nous y reviendrons dans le texte prévu de « mise au point » par la suite. Relevons simplement la calomnie qui consiste à faire croire que : « … les discussions “concrètes” et très fumeuses sur les détails des méthodes d’extermination des camps nazis finissaient par introduire des doutes sur l’existence même de ces camps d’extermination... ». N’importe quoi ! En outre, cette réponse passe évidemment sous silence la publication du texte de H. C. « Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il responsable ? » (cf. Jeune Taupe n° 25) ou, entre autres, le commentaire critique du livre Le Mensonge d’Ulysse, de Paul Rassinier et de son éditeur La Vieille Taupe (cf. Jeune Taupe n° 28). Mais bref… (3).
Pour terminer provisoirement, je signalerai que le génocide juif perpétré par les nazis a toujours été affirmé sous ma plume dans divers articles militants, historiques et culturels.
G.S.
(août 2003)
Compléments de l’auteur :
En guise de réflexion, je me permets de vous soumettre cette citation extraite du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire (Présence africaine, 1955) :
"Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches de Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du xxe siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, que Hitler l’habite, que Hitler est un démon, que s’il le vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc, et d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique." (p. 12.)
Il faut savoir que suite à une intervention du député UDF, projunte chilienne en son temps, Alain Griotteray, à l’Assemblée nationale, le 12 septembre 1994, ce Discours sur le nationalisme osant comparer nazisme et colonialisme... idée choquante et inacceptable, a été retiré par le ministre de l’Education nationale de l’époque, François Bayrou, du programme des épreuves de français des sections littéraires de terminale.
Notes d’Echanges :
(1) Dans un historique des groupes PIC et Volonté Communiste, il était difficile de ne pas aborder cette question du « révisionnisme » ; ce n’était nullement une attaque contre cette organisation et encore moins contre un de ses membres. Un débat sur ce point ne doit pas chercher des « mises en accusation » pour lesquelles nous estimons n’avoir aucun droit, mais à comprendre le pourquoi de tels engagements à ce moment-là. C’est ce que nous avons tenté de faire et nous comprenons d’autant moins la réaction de G. S. qui déplace les questions de principe que nous posions sur un problème personnel.
Le tract d’octobre 1980 dont il est question, « Notre royaume est une prison » avait été largement diffusé et annexé au n° 34 (novembre- décembre 1980) de Jeune taupe. Il était signé par : "Les amis de Potlach, Le Frondeur, Groupe Communiste de Cronstadt, Groupe des travailleurs pour l’autonomie ouvrière, la Guerre sociale, le PIC et Des révolutionnaires sans sigle" » et mentionnait qu’il était un supplément à La Guerre sociale. Il avait été rédigé et diffusé bien avant l’attentat à la bombe devant la synagogue de la rue Copernic et fut diffusé tout autant après cet attentat. Il fut pourtant facile à ses détracteurs, intentionnellement et en toute mauvaise foi, de tenter de faire un amalgame à ce sujet.
(2) Tout lecteur intéressé par les documents offerts par G. S. ou par tout autre document ou explications concernant cette discussion peut écrire à Echanges qui transmettra à G. S. pour que celui-ci puisse leur répondre directement. Quant à nous, nous n’entrerons pas plus avant dans une telle discussion, ne reproduisant sélectivement que les matériaux qui permettraient à chacun de voir ce qu’était alors (et qui reste toujours) le problème du « militantisme révolutionnaire » dont cet épisode n’est d’ailleurs qu’un épiphénomène.
(3) Il est bien exact que le n° 24 de Jeune taupe (janvier-février 1979) reproduit un texte d’Henri Chazé (H. C.) sur la « responsabilité du “peuple allemand” à propos des crimes nazis, texte écrit juste après son retour des camps et publié dans un journal local de l’Est. Ce texte figurera en annexe de l’autobiographie de Chazé publiée en brochure par Echanges en avril 2004 sous son titre Militantisme et responsabilité. Il ne traite d’ailleurs pas du problème soulevé ici par G. S. et ne saurait servir de justificatif dans le débat qui s’ouvrira dans les numéros suivants de Jeune taupe.
On peut donner ici la liste exhaustive des textes traitant de ces premiers pas du négationnisme :
– n° 26 (mai-juin 1979) première partie d’un texte « Intellectuels et Révolution » : « Foucault et l’Iran, Debord et la crise » ;
– n° 27 (juillet-août-septembre 1979) deuxième partie d’« Intellectuels et Révolution » : « Rassinier et le mythe antifasciste » ;
– n° 29 (décembre 1979-janvier 1980), suite et fin d’« Intellectuels et Révolution » ;
– n° 31, avril-mai 1980, un article « Qui est le Juif ? », traitant de « la légende des chambres à gaz », était précédé d’un « avertissement » tentant d’expliquer le pourquoi d’une telle publication :
Les lecteurs de Jeune taupe connaissent la question de l’« affaire Faurisson », ainsi que les thèses de Paul Rassinier, par les articles que nous avons publiés dans les numéros 27 et 29 (« Intellectuels et Révolution », 2-3). Nous ne reviendrons pas sur l’exposé et la critique de ces thèmes auxquelles le texte-appel, diffusé sous forme d’un tract et que nous publions ci-dessous, fait référence. Nous rappellerons la publication (cf. n° 24) du témoignage de H. C. : « Le crime des bagnes nazis : le peuple allemand est-il co–responsable ? » qui, sans se placer sous le même angle (il n’aborde pas la question de l’existence ou non des chambres à gaz), met l’accent sur le caractère capitaliste de la deuxième guerre mondiale et de ses conséquences (produits de la crise du mode de production capitaliste), donc se situe dans une même perspective de démystification révolutionnaire. En effet, faire du peuple allemand le « bouc émissaire » et l’accuser d’être responsable de la seconde guerre mondiale, mais aussi attribuer toutes les atrocités à ce qui serait la volonté démoniaque des horribles bourreaux nazis, c’est occulter les causes réelles de la guerre et la responsabilité du camp vainqueur : démocraties occidentales, capitalisme d’Etat russe.
Le texte qui suit se veut avant tout la défense d’un individu, comme d’ailleurs l’indique son titre : « Qui est le juif ? » Ce qui guide notre solidarité avec le contenu de cet appel n’est pas la défense d’un individu en soi, ni même l’apologie de la vérité pure (la vérité repose sur des faits réels qu’on peut cacher ou révéler, interpréter etc. selon certains buts qui n’ont rien à voir avec la perspective révolutionnaire). Notre solidarité s’exprime vis-à-vis des préoccupations révolutionnaires qui en émanent à un moment où l’offensive idéologique du capital se nourrit à nouveau de la vieille rengaine de l’antifascisme et de la recherche des modernes “fauteurs de guerre” (les fameux “peuples” ou “communautés responsables”).
– le n° 34 (novembre-décembre 1980) reproduit une correspondance de R. Faurisson et J. Daniel et une autre entre Terry L. et Michel du PIC.
Puisque G. S. cite H. C. comme une sorte d’alibi, il devrait évoquer aussi la correspondance échangée avec lui et qui devait dire sa position sur ce sujet dans les mêmes termes que H. C. utilisait dans sa correspondance avec H. S. (d’Echanges).
Lettre de H. C. du 19 janvier 1981 :
L’affaire Faurisson – Avant même le fameux tract, j’avais écrit plusieurs fois à G. S… Tous se sont eux-mêmes accrochés une drôle de casserole au cul... C’est tellement con cette histoire de chambres à gaz !... Et j’avais rappelé à G. S. mon témoignage (non du camp de Sachsenhausen)… comme je l’ai écrit à G. S., cette affaire leur aura fait perdre toute crédibilité... et c’est dommage car ils publient des choses intéressantes... dont un article sur la question de l’organisation qui montre que tous les maîtres à penser ont merdé comme tout un chacun après...
Nous pourrions reproduire d’autres passages tout aussi éloquents et touchant des faits vécus précis de lettres de H. C sur cette question (à la disposition de tout intéressé). Pour nous, le débat sur cette question précise est clos. Nous reconnaissons qu’il ait pu contenir de notre part des erreurs ou omissions. Comme nous l’avons précisé dans la note (2) ci-dessus, toute autre demande ou lettre sera transmise à G. S. pour qu’il puisse y faire la réponse qu’il jugera nécessaire. Le prochain numéro contiendra seulement un texte d’un autre membre du PIC de cette époque qui tente d’aller plus profondément dans les questions de fond que nous avions posées. Et ce sera tout : nous renverrons tout autre élément de discussion aux ex-membres du PIC en mentionnant seulement leur existence et où se les procurer.