« Rêve
générale »
Tracts
Analyses des mouvements
de février-avril 2006
Paroles de grévistes
N° 16 /17– Septembre 2006 – 10 euros
Présentation
Tout d’abord nous voudrions présenter nos excuses à nos abonnés et lecteurs réguliers. L’édition des écrits de notre ami Karim Landais (Passions militantes et rigueur historienne), disparu en juin dernier, nous a empêchés de publier la revue depuis décembre 2005.
Mais deux numéros doubles sont d’ores et déjà prêts : le premier consacré aux mouvements contre le CPE et la LEC (loi pour l’égalité des chances), que vous avez entre les mains, et le second (le n° 18-19) consacré aux « idéologies rances » (nationalisme, populisme, racisme, antisémitisme, recours aux religions) dont le sommaire provisoire figure à la fin de cette introduction.
Ce numéro tente de rendre compte du bouillonnement social des mois de février, mars et avril 2006 chez les étudiants, lycéens, chômeurs et salariés. Nous avons cherché à donner la parole à des individus et des courants différents afin de rendre compte de la diversité et de la richesse de ce mouvement de la jeunesse, très certainement le plus important depuis le mouvement contre le CIP de Balladur en 1994. Malgré leurs faiblesses politiques, les courants apartidaires – qu’ils soient spontanéistes (« prositus » et « autonomes »), anarchistes ou « ultragauches » – nous ont semblé plus intéressants que les courants partidaires (trotskystes).
Nous avons donc reproduit surtout des tracts ou des textes qui posent des questions sur le mouvement, qui en critiquent les limites et les défauts, plutôt que des analyses qui donnent dans l’autosatisfaction (du genre « C’est nous qui tenions la Coord » ou « On a poussé les syndicats à… ») et qui se concentrent sur la proximité des échéances électorales de 2007, les chances d’un candidat de la « gauche de la gauche », les conséquences de l’imaginaire « victoire du non » et autres préoccupations politiciennes.
Parmi les courants apartidaires ci-dessus mentionnés, ce sont certainement les plus spontanéistes qui ont la part belle dans ce numéro. Nous avons tenté de souligner quelques-unes de leurs limites dans les introductions et dans les notes de bas de page (signés NPNF). En effet, dans ces milieux prédomine une idéologie, certes hétérogène, mais qui repose sur quelques constantes communes :
la primauté de la satisfaction des « désirs » individuels ;
l’illusion que l’on pourrait construire des îlots alternatifs au sein de la société capitaliste (squats, communautés, etc.) qui permettraient de transformer les rapports interindividuels ;
la dénonciation lancinante et caricaturale des dirigeants des groupes d’extrême gauche et le mépris pour tous les militants de base, considérés comme des bureaucrates en herbe ;
une apologie des actions exemplaires, de l’affrontement de rue, du vol et du pillage sans aucune considération du rapport de force et de leurs conséquences pénales pour les individus concernés ;
une sous-estimation du rôle de la classe ouvrière (dont la composition a certes considérablement changé dans les métropoles impérialistes) qui va de pair soit avec l’apologie de la révolte brute des masses indifférenciées, soit avec un rôle d’avant-garde accordé au précariat ;
un refus de réfléchir à des stratégies de construction d’organisations politiques permettant de regrouper tous ceux qui veulent la révolution ;
l’illusion que l’on pourrait en quelque sorte construire un autre monde tout de suite, sans passer par la moindre étape de transition (dont les modalités restent bien sûr à définir, contre toute vision étatiste y compris celles qui se cachent sous le masque de l’autogestion ou de la démocratie participative),
un mépris fréquent des « revendications », vues comme l’expression d’une volonté d’étouffer un mouvement social.
Mais ces courants ont aussi l’énorme force d’exprimer la révolte de la jeunesse et des exploités, de ne pas lui fixer des limites préétablies, de ne pas avoir d’illusions sur la nature et le rôle des syndicats et partis de gauche, et surtout de ne pas souhaiter canaliser la révolte sur le terrain électoral ou dans des moules organisationnels bureaucratiques, où l’on sait d’expérience que la flamme révolutionnaire des individus ne trouvera pas un oxygène suffisant pour brûler longtemps.
Nous publions aussi dans ce numéro trois témoignages et onze interviews sur le mouvement dans huit villes de « province » (Caen, Grenoble, Tours, Aix-en-Provence, Avignon, Reims, Marseille et… Forcalquier), et deux facs de la région parisienne (Jussieu et Evry). Ces interviews sont fondées sur un questionnaire très général conçu par le groupe allemand Kolinko et adapté par nos soins à la situation française de février-avril 2006. « Brutes de décoffrage », ces réponses donnent quelques outils pour comprendre à la fois les limites du mouvement et sa richesse, d’autant plus qu’elles ne proviennent pas de militants « encartés » qui tenteraient de démontrer à tout prix la justesse de leurs positions et de leurs actions. Bonne lecture !
Ni patrie ni frontières
Remerciements : la réalisation de ce numéro n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs lecteurs et lectrices qui nous ont fait parvenir des textes et sans l’existence de revues et de sites Internet qui se sont fait l’écho du mouvement et nous ont autorisés à reproduire leurs articles. Merci donc à tous et à toutes… y compris à ceux que nous n’avons pas sollicités !
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Sommaire
De Mai 68 à Février-Avril 2006 : Tordons le cou à quelques mythes pour mieux comprendre le présent (Y.C., Ni patrie ni frontières) 7
Les mouvements étudiants en France depuis 1945, suivi d’une Chronologie des mouvements étudiants (extrait de Wikipedia) 20
« Autonomes », « castoriadiens », spontanéistes, « pro-situs » et « post-situs »
Précarité, salariat, travail, jusqu’où le mouvement social (Société autonome) 27
Fronde antiCPE et révolte sociale 31
Pousser le monde qui s’écroule (Un occupant de l’EHESS) 32
Appel de Raspail (Les occupants de l’EHESS) 34
Communiqués du Comité d’occupation de la Sorbonne (COSE) 36
Mise au point du Comité d’occupation de la Sorbonne (COSE) 38
Le CPE, une goutte d’eau dans un lac de rage
(Grenoble, Les enragé-e-s ouvrent le bal) 41
Réflexions sur le soulèvement en France (Bureau des secrets publics) 46
Ultime communiqué du Comité d’occupation de la Sorbonne 55
Notes sur le mouvement anti-CPE en Avignon 62
Anarchistes
Lutter contre le CPE et le CNE, oui, mais pas seulement (GARAS, Tours) 78
En lutte contre la misère sociale (GARAS, Tours) 79
La lutte n’est pas terminée (GARAS, Tours) 80
Et pendant-ce temps-là que font les anarchistes ? (L’En dehors) 81
Un récit de la lutte anti-CPE à Caen, mars avril 2006 (SIA Caen) 83
« Ultragauches »
Prenons la parole (Des internationalistes) 96
Le CPE, un instrument de plus pour accroître flexibilité et discipline au travail (Mouvement communiste, 6 mars) 98
Pour obtenir le retrait du CPE-CNE, il est nécessaire que tous les travailleurs rejoignent la lutte (Mouvement communiste, 27 mars) 100
La lutte contre le CPE-CNE est à un tournant (Mouvement communiste, 2 avril) 102
Un joli printemps (Mouvement communiste, lettre n° 21) 104
La solidarité du mouvement des étudiants : un exemple pour toute la classe ouvrière (Courant communiste international) 119
Inclassables
Blocages et embauchages, mise en perspective du CPE (Temps critiques) 124
Hard Blocking (Temps critiques) 129
La lutte anti-CPE (Roland Simon, Théorie communiste) 133
Annexe réformarde : Ni CPE, ni CDI. Revenu garanti ! (AC Limoges) 142
Débat : Les « lascars » : casseurs de manif ou révoltés ?
Indi…gènes, indi…génat, indi…génisés ? des concepts indi… gents ! 146
Les casseurs de banlieue et le mouvement étudiant 147
Quelques éléments d’analyse sur les « lascars » (anonyme, CNT) 149
Claude Guillon : Sur quelques récents publicitaires de la démocratie parlementaire 153
Ne pas abandonner la rue (Laurent) 156
Lettre au journal Le Monde (F. Lonchampt) 157
Pour que les banlieues prennent leur place dans la ville
(Deux de l’Assemblée de Montreuil) 159
Réflexions sur ceux que l’on appelle les « casseurs de manifestants » (Janos et Siryne Z. Indigènes de la République) 161
Interviews et témoignages
Interview d’un collégien de Forcalquier 173
Interview de Jean (Marseille et Aix) 177
Interview de Pierre (Jussieu) 181
Chronologie très subjective, incomplète et comportant très probablement des erreurs, du mouvement contre le CPE, vu depuis l’université de Jussieu 187
Interview de Felix (Reims) 189
Interview de Julie (Reims) 190
Interview de Simon (Reims) 192
Interview de Marc (Reims) 194
Interview de Sacha (Reims) 197
Interview d’un lycéen (Reims) 198
Réponse d’une étudiante (Avignon) 202
Interview de Maximilien (Evry) 207
Le mouvement à Tours (Nicolas) 210
Coordinations : analyses contradictoires de leur rôle
Mais où est passé le mouvement réel ? (Kamo) 218
Les Coordinations nationales étudiantes (Nina Pradier et Ludovic Wolfgang, CRI) 222
Les Coordinations et la tâche difficile mais indispensable de mettre sur pied une direction démocratique (Convergences révolutionnaires, Fraction de LO) 232
La fin du CPE : une victoire importante pour les jeunes et travailleurs de France (La Riposte, Greg Oxley, trotskyste…membre du PCF !) 235
CPE : L’épreuve de force continue. Il faut la gagner ! (Lutte ouvrière) 237
Jeunes et travailleurs sociaux (Myriam)
Hommage à Prévert 246
Quartiers libres 248
Les partenaires éducateurs de rue 255
Au centre de toutes les attentions : les jeunes 257
Quelques infos sur les mouvements étudiants grec et britannique
A propos du mouvement étudiant britannique (Daniel Randall, AWL) 266
Lettre de Grèce (TPTG) 269