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Memorial 98 : Houellebecq, Celine et les parasites.

mercredi 26 août 2015

http://www.memorial98.org/2015/08/h...

Houellebecq, Celine et les parasites.

"La notoriété sécrète ses parasites ; mépriser les parasites sous prétexte qu’on se sent supérieur à eux, ça ne marche simplement pas... Louis-Ferdinand Céline était médecin, et là-dessus il avait la même position que mon dermatologue".

Ces déclarations ont été faites par Michel Houellebecq , dans le cadre d’une attaque de l’écrivain contre le journal Le Monde, et spécifiquement, l’une de ses journalistes Ariane Chemin, coupable de lui avoir consacré une série d’articles sans son accord.

Bien évidemment, l’appel à l’élimination des journalistes est transparente, et le fait qu’elle se fasse sous couvert d’une métaphore relevant de l’imagerie médicale est déjà en soi connoté politiquement. Y ajouter la référence à Céline, c’est s’assurer que les choses soient encore plus claires et indiquer qu’on se réfère bien aux thèses d’extrême-droite les plus violentes.

D’autres que Houellebecq, moins célèbres, moins adulés, auraient sans doute fait l’objet d’une médiatisation un peu plus grande de leurs propos et de leur signification précise ; nul doute que le caractère antisémite de cette déclaration eût au moins été questionné. Mais même dans sa réponse, Le Monde ne prononce pas ce mot là et n’évoque d’ailleurs même pas la référence célinienne.

Or, il n’est pas très compliqué de trouver quelques exemples de la prose de Céline et du contexte dans lequel celui-ci emploie le terme parasite.

Dans "Bagatelles pour un massacre", par exemple, son pamphlet antisémite le plus célèbre, publié en 1937 : :« Les Juifs hybrides afro-asiatiques, quart, demi-nègres et proche-orientaux, fornicateurs déchaînés, n’ont rien à faire dans ce pays. Ils doivent foutre le camp. Ce sont nos parasites inassimilables, ruineux, désastreux, à tous égards, biologiquement, moralement, socialement, suçons pourrisseurs. Les Juifs sont ici pour notre malheur. Ils ne nous apporteront que du malheur […] Nous nous débarrasserons des Juifs, ou bien nous crèverons des Juifs, par guerres, hybridations burlesques, négrifications mortelles. Le problème racial domine, efface, oblitère tous les autres. ».

Il est vrai que le mot, dans le racisme biologique délirant de Céline désigne plus globalement ce dont le Juif est pour lui l’émanation la plus dangereuse, le métis : ainsi , dans un autre extrait, où il développe l’idée que le cinéma est totalement contrôlé par les Juifs, on trouve ce paragraphe, encore une fois typique de son obsession biologique, qui est aussi celle des nazis

« Zone Sud, zone peuplée de bâtards méditerranéens, dégénérés, de nervis, félibres gâteux, parasites arabiques que la France aurait eu tout intérêt à jeter par-dessus bord. Au-dessous de la Loire, rien que pourriture, fainéantise infects métissages négrifiés. ».

Les défenseurs de Houellebecq répondront sans doute que celui-ci ne peut-être accusé de faire référence à ces textes précis, et qu’apprécier Céline ne signifie pas que l’on cautionne sa prose antisémite. Mais même s’il n’a jamais été mis en cause pour cela, Michel Houellebecq a bien explicitement cautionné la prose antisémite de Céline C’était en 2011, dans un entretien aux Inrockuptibles : interrogé sur Bagatelles pour un massacre , Houellebecq répond " Ca m’avait bien plu. Sans plus".

L’écrivain en profitait au passage pour mettre en doute l’antisémitisme réel de Céline, l’attribuant à un "opportunisme" destiné à s’arroger les bonnes grâces des autorités d’Occupation. Ce faisant, il déforme la réalité historique, puisque le pamphlet antisémite Bagatelles pour un massacre, pour ne citer que celui-ci, est publié en 1937, date à laquelle il n’y avait aucune autorité d’occupation à flatter.

Cette appréciation positive sur les affirmations antisémites et pro-nazies de Céline n’a pas à l’époque embarrassé les journalistes des Inrockuptibles. Il est vrai que Houellebecq est coutumier de ce flirt littéraire avec des écrivains violemment racistes et antisémites.

L’un de ses premiers opus est ainsi consacré à H-P Lovecraft et intitulé " Contre le monde, contre la vie". Certes, dans cet essai, il ne fait pas l’impasse sur le racisme et l’antisémitisme de l’auteur fantastique, bien au contraire, il le condamne, assez formellement cependant. Car pour lui, Lovecraft est au fond un personnage tout à fait dans la lignée de ceux qu’il créera dans ses propres romans. Déjà il développe les "bonnes" raisons que Lovecraft aurait d’être raciste : une misanthropie globale accentuée par le monde moderne et son ultra-libéralisme. En affirmant dans cet essai que Lovecraft a écrit ses plus belles pages après être devenu raciste (citation ???) , Houellebecq annonçait au fond la couleur de ses ouvrages postérieurs et l’orientation qu’il leur donnerait.

Plus récemment, la plupart des critiques littéraires ont salué la "remise au gôut du jour " par Houellebecq de l’écrivain Joris Karl Huysmans. Dans "Soumission", le héros est en effet un universitaire spécialiste de l’auteur d’"A Rebours". Certes ce n’est pas en lisant ces critiques qu’on reliera cet hommage à un quelconque antisémitisme ; la dépêche AFP consacrée à Houellebecq et Huysmans en janvier, dépêche reprise par les rubriques littéraires du Point, de l’Obs ou du Huffington Post évoque un "dandy sulfureux et provocateur" "décadent et desespéré", "converti au catholicisme".

"Sulfureux" dans le langage de certains commentateurs est décidément devenu l’euphémisme le plus répandu pour "antisémite violent". Huysmans (1) en effet, fut un contributeur régulier de la "Libre Parole", le journal de Drumont voué à la dénonciation des Juifs ; Il y pourfend Zola comme un dreyfusard qui se serait incliné devant la puissance juive suite à la publication de "J’accuse" en janvier 1898. Il donnera ensuite de nombreux articles au même journal. Il y développe un racisme biologique marqué accompagné de thèses très classiques sur les complots juifs et franc-maçons, qui dirigent la terrible marche du monde vers l’horrible modernité, celle des villes industrielles et des socialistes apatrides, en détruisant la tradition européenne catholique.

Anecdote significative de la parenté effective de Huysmans et de Houellebcq, l’antisémitisme du premier, avant d’être exposé publiquement se retrouve d’abord dans sa correspondance privée, notamment .... contre des directeurs de journaux ou des collègues, qu’il a tôt fait de traiter de "youtres" ou de "youpins ", dès lors qu’ils lui refusent un article ou émettent un jugement qui ne lui plait pas sur ses oeuvres.

La cohérence des références littéraires de Houellebecq est donc sans ambiguïté et seporte vers des auteurs racistes, antisémites, réactionnaires et/ou fascistes et pro-nazis. Que ces références correspondent à une vague culturelle plus large actuellement en France, et donc beaucoup mieux tolérée, ne change rien aux faits. Bien au contraire, c’est cette tolérance et cet engouement qui expliquent aussi le succès de l’écrivain : la trame et les héros de ses romans n’ont en effet rien de très original au regard de ses prédécesseurs. Ses héros cyniques, décadents, misogynes, revenus de tout, détestant la modernité font écho à la fois à celui d’"A Rebours", ou où à ceux de Drieu La Rochelle. Quant au nihilisme prétendu de Houellebecq, il aboutit, en réalité, comme chez Huysmans à une réhabilitation nostalgique de la réaction catholique et de la "vieille" Europe. En effet, l’homme sans Dieu et sans tradition est décrit comme faible en comparaison aux hommes du passé, et donc à la merci de n’importe quel "conquérant idéologique", ce qui constitue la trame de "Soumission". D’ailleurs Houellebecq lève définitivement les ambiguités sur ce sujet, en déclarant en janvier 2015 non seulement qu’il n’est plus athée, mais également en vantant les bienfaits d’une religion forte, avec un clergé fort, ce qui selon lui, manque à l’islam.

Houellebecq se situe pleinement dans la tradition réactionnaire et fasciste française, dans la veine littéraire des prédécesseurs dont il se réclame, une veine littéraire où l’antisémitisme est une composante majeure. Le Juif y est tout à la fois l’apatride, l’envahisseur, le financier sans scrupules, le socialiste ou le libéral destructeur des valeurs sacrées des sociétés traditionnelles. Notons qu’il y est aussi, notamment chez Huysmans, un Oriental de part sa race et de par sa culture, et l’incarnation de l’ennemi de l’intérieur, le germe corrupteur et invasif plus dangereux que les hordes de barbares des temps passés, parce qu’il est présent d’emblée au sein des nations chrétiennes.

Dans l’oeuvre de Houellebecq, on retrouve également cet archétype : mais désormais il s’incarne tout simplement dans le musulman né en France, .

Et comme on l’a vu, ceci n’exclut pas la référence décomplexée à l’antisémitisme dès lors qu’il s’agit d’exprimer les frustrations d’un ego démesuré contre des journalistes qui ont eu le tort de ne pas s’incliner devant le maître.

D’ailleurs si la référence est aussi décomplexée, c’est que Houellebecq sait vivre avec son temps : un temps où une manière de distiller tranquillement le poison de l’antisémitisme européen peut consister à se prétendre "ami des Juifs", cette "amitié" se résumant uniquement au fait de les utiliser pour dénoncer le "nouvel antisémitisme", qui ne serait plus que celui des arabo-musulmans.

Ainsi dans Soumission, le personnage principal a une liaison avec Myriam, une femme juive qui le quitte pour partir en Israël à cause de la montée de l’antisémitisme, déclenchée par l’arrivée au pouvoir d’un parti musulman. Comme le dit Houellebecq lui même "si Myriam est juive, c’est d’abord pour des raisons dramatiques : j’avais besoin de la faire partir, et dans le roman, c’était une bonne raison pour Myriam de quitter la France, d’être juive".

Les "raisons dramatiques" lui permettent ainsi de laisser libre cours à bon compte à ses fantasmes mysogines et racistes ; Myriam est en effet réduite à "sa chatte qui s’étire à volonté", exactement comme les jeunes femmes maghrébines avec qui le narrateur décrit ses rapports sexuels en glosant sur leur "caractère soumis". Là encore, on est d’ailleurs dans un classique du racisme et de l’antisémitisme ; la fascination dominatrice pour la femme de la "race " qu’on honnit par ailleurs se trouve au centre de nombreuses pages du "Gilles" de Drieu La Rochelle.

Comme Eric Zemmour, mais en mode littéraire, Houellebecq est un bon exemple d’une des fonctions de l’islamophobie la plus décomplexée. La hargne vengeresse et très populaire contre le musulman constitue le moyen le plus sûr de jouir soi-même des turpitudes sociales dont on accuse les autres. AInsi l’islamophobe Houellebecq peut-il, tout comme Zemmour qui réhabilite Pétain, se permettre la pire des mysoginies, comme les références sans ambiguité à l’antisémitisme le plus décomplexé, tout en jouissant de la plus totale impunité critique, et en connaissant un succès immense

(1) A lire Huysmans un antisémite fin de siècle (http://www.persee.fr/web/revues/hom...), de Jean Marie Seillan, étude dont sont tirées les informations de notre articles, sourcées par de nombreuses citations

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