mondialisme.org
Accueil du site > Ni patrie ni frontières > Documents utiles > "Le hareng de Bismarck" ou le poison nationaliste (Initiative communiste (...)

"Le hareng de Bismarck" ou le poison nationaliste (Initiative communiste ouvrière)

jeudi 4 juin 2015

https://communismeouvrier.wordpress...

Publié le 03/06/2015 par l’Initiative Communiste-Ouvrière :

« Le Hareng de Bismarck (le poison allemand) » est le titre du dernier livre de Jean-Luc Mélenchon. Si dans quelques interview, il tempère à peine son propos pour dire qu’il n’a rien contre les Allemands, dans le fond, ce n’est pas seulement contre Angela Merkel ou la bourgeoisie allemande que se dirige sa plume, mais bien contre tous les Allemands, riches ou pauvres, bourgeois ou prolétaires. Comment comprendre autrement la phrase « L’Allemagne marche en tête pour la malbouffe : l’épidémie d’obésité frappe en Allemagne davantage que partout en Europe », qui non seulement est fausse concernant l’obésité, mais semble oublier que c’est en Allemagne que date la plus vieille loi du monde sur la qualité de la nourriture avec le Reinheitsgebot de 1516 ? Bien des déclarations de ce pamphlet sont du même tonneau, affirmées sur un ton péremptoire mais fausses (ainsi contrairement à ce qu’affirme Mélenchon, le volume de déchet par habitant est plus élevé en France qu’en Allemagne). Mais qu’importe, Mélenchon fait fi de toute réalité chiffrée dans son pamphlet pour charger l’acte d’accusation de l’Allemagne, responsable du chômage, de la crise, des problèmes écologiques, et du rhume des foins.

Un tel pamphlet serait risible s’il s’agissait d’une rédaction bâclée d’un lycéen ayant dû subir l’intégrale de Derrick en VO pendant ses cours d’Allemand ; de la plume d’un politicien ayant malheureusement une certaine influence dans les cercles de ceux qui veulent changer ce monde, elle instille le poison du nationalisme.

A l’entendre ou à le lire, l’Allemagne serait en train d’imposer un modèle et de dominer l’Europe et en particulier la France. Ainsi dans une interview au Point, Mélenchon explique que l’Allemagne « impose un modèle économique, l’ordo-libéralisme ». Ordo-libéralisme ! Voilà un mot qui fait peur ! En fait, il s’agit simplement des théories économiques de la revue « Ordo », publiée après guerre, et qui, pour reconstruire l’économie capitaliste après la crise de 1929 et près d’une décennie de guerre, cherchent à trouver un compromis entre intervention étatique dans l’économie et libéralisme débridé, bref une sorte de version germanique du keynésianisme. Rien à voir avec le mouvement ouvrier et le socialisme, certes, mais rien de pire que le modèle gaulliste ou autres qui ont inspiré les différents Etats bourgeois après la deuxième guerre mondiale. Mais surtout, s’il est vrai que l’Union Européenne est tout sauf égalitaire, la France est, avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne, une des principales puissances impérialistes dans cette union. La France qui dispose d’un des plus puissants complexe militaro-industriel, qui envoie ses troupes au Mali et ailleurs, dont les multinationales comme Bolloré, Total ou Areva contrôlent des pays entiers, serait donc « un pays dominé » ?

Toute une partie de la thèse de Mélenchon revient à opposer non pas les prolétaires et les bourgeois, les ouvriers et les patrons, mais les « Français » aux retraités allemands. C’est ainsi qu’il écrit qu’il faudrait «  assumer la divergence d’intérêts et de projet entre un peuple vieillissant comme l’Allemagne et un peuple en explosion démographique comme la France qui formera bientôt la première population du continent   ». Sans parler des projections démographiques discutables du leader du Parti de Gauche, faut-il rappeler qu’en Allemagne comme en France ou ailleurs, la grande majorité des retraités sont des ouvriers et employés en retraite ? L’ouvrier en retraite de Volkswagen est-il l’ennemi de l’ouvrier de PSA ?

Dans une interview publiée dans Politis, Mélenchon va même plus loin et comme tous les nationalistes ne rejette l’impérialisme allemand que pour glorifier l’impérialisme français. Ainsi, à la question « Votre projet n’est-il pas de substituer à l’Europe allemande une Europe française ? », il répond « Oui, pourquoi pas ? ». Puis, à « Que serait une « Europe française » comme vous dites ? », il répond : « Ce serait une Europe qui emprunterait aux Français un certain nombre de réponses trouvées dans leur histoire. » C’est là un des vieux thèmes des nationalistes selon lequel la France aurait une histoire exceptionnelle. De gauche, Mélenchon citera peut-être La Révolution Française ou même La Commune de Paris. Mais le point de vue ouvrier, le point de vue communiste, ajouterait les Communes de Berlin et de Munich à celle de Paris, les mutins de Kiel à ceux du Chemin des Dames, la grève générale contre le putsch de Kapp à celle de juin 1936, ou le soulèvement des ouvriers de Berlin-Est de 1953 à la grève générale de mai 1968, tout comme on pourrait ajouter mille autres exemples, de Petrograd à Tunis en passant par Budapest, Sanandaj et Seattle, où, partout dans le monde, les prolétaires sont montés à l’assaut du ciel.

Aujourd’hui, en France, nous subissons depuis des décennies les attaques anti-ouvrières du patronat et des gouvernements à son service. Ce ne sont pas les actionnaires de BMW mais la famille Peugeot, bien tricolore, qui gèle les salaires et licencie à PSA. Ce n’est pas Merkel mais Hollande qui après l’ANI, le CICE et la loi Macron se prépare à remettre en cause les instances représentatives du personnel. Ce n’est pas à Berlin mais à Paris que la décision a été prise de remettre en cause les RTT des hospitaliers de l’AP-HP. Comme le disait Karl Liebknecht depuis le Reichstag en 1914 : « l’ennemi principal est dans notre propre pays ! ». C’est ici, dans nos ateliers, nos bureaux, nos hôpitaux, sur nos chantiers et devant les agences Pôle Emploi que nous devons nous mobiliser contre le chômage, les licenciements, les bas salaires et la dégradation de nos conditions de travail. Cette lutte, elle ne peut qu’être menée contre nos propres patrons et notre propre gouvernement, en solidarité avec les mêmes luttes que mènent nos sœurs et frères de classe d’Outre-Rhin. Ainsi, les salariés d’Amazon en France ont déjà eu le soutien de leurs camarades allemands, tout comme des ouvriers d’Opel sont venus manifester aux côtés des travailleurs de PSA Aulnay.

Face aux attaques de la bourgeoisie, en France, en Allemagne comme partout dans le monde, nous n’avons rien à gagner à nous laisser diviser par les discours chauvins et nationalistes, fussent-ils de gauche. Au contraire, nous avons tout à gagner à rejeter le poison nationaliste, et à tendre, au delà du Rhin, de la Méditerranée ou de l’Atlantique, une main fraternelle à tous les damnés de la terre et forçats de la faim, à toutes celles et à tous ceux qui souffrent du régime capitaliste, à toutes celles et à tous ceux, qui se mettent en grève, luttent et résistent.

« Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! ».

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0