Paru dans Echanges n°144 (été 2013), avec Bangladesh : après l’effondrement du Rana Plaza.
Comment vivent les deux tiers de la population dans les campagnes et aussi parfois dans les villes. Il ne s’agit pas de parler ici des conditions matérielles bien qu’elles puissent jouer un rôle dans la persistance de ce que l’on peut juger comme des coutumes barbares d’un pays resté largement à un stade tribal.
Ce qui suit est extrait d’un bulletin, Hotline Newsletter, publié par une ONG locale et que l’on peut trouver sur Internet à l’adresse http://hotlinetrust.org/.
On n’a pris, en les classant, que quelques extraits de trois de ces bulletins de 2012 et 2013. Ce ne sont pas des cas isolés : chacun de ces bulletins bimensuels exposent brièvement un ensemble de faits qui sont la répétition quasi quotidienne de ces quelques exemples :
- Exactions policières (hors de la police « courante », la formation militaire spéciale RAB (Rapid Action Battalion) dont le champ et l’autonomie d’actions sont larges) :
27 janvier 2013 : un étudiant qui regagne son dortoir le soir est arrêté, torturé, battu et inculpé de vol pour être finalement acquitté.
15 décembre 2012 : on trouve dans la campagne 7 cadavres pieds et poings liés tués d’une balle dans la tête. Le RAB est soupçonné de ces tueries secrètes parmi d’autres ; 30 cadavres non identifiés ont ainsi été découverts en 2010 ; 51 disparitions suspectes en 2011.
30 décembre 2011 : deux heures après son arrestation un homme est retrouvé pendu avec une chemise dans un commissariat alors que son frère déclare qu’il n’avait pas de chemise.
- Exactions politiques :
en 2011, dans les quinze mois qui ont suivi les élections qui virent le succès de la Ligue Awami, on a enregistré de la part de l’opposition du Bangladesh National Party (BNP) 18 000 crimes divers, assassinats, viols, incendies, pillages. Près de 200 femmes ont été violées par des gangs.
14 mai 2012 : avec la complicité de la police le neveu d’un ministre attaque un pleine rue de la capitale un journaliste qui avait publié un article sur la corruption des proches du ministre.
27 mai 2012 : trois journalistes sont attaqués en pleine rue par les policiers qui détruisent leur matériel.
- Le poids des coutumes dans les relations familiales :
5 janvier 2012 : des villageois battent un couple divorcé après deux mois de mariage, leur rasent la tête et les enduisent de goudron devant une centaine de spectateurs.
17 avril 2012 : une fille de 15 ans est violée et abandonnée loin de son domicile.
8 mai 2012 : une fillette de 11 ans est violée et assassinée. Le 18 mai une fillette de 7 ans subit le même sort.
18 mai 2012 : deux femmes torturées par leur mari pour un douaire qui n’a pas été payé sont attachées à un poteau dans une exhibition publique. Dans un autre endroit, le même jour une fille de 20 ans est torturée par son mari pour le même motif et le 20 mai pour cela aussi, une femme est brûlée vive. 1er décembre 2012 : une fille mariée de force veur continuer des études malgré l’opposition du mari ; celui-ci lui coupe les doigts qui seront quand même raccommodés.
7 décembre 2011 : une femme martyrisée par son mari retourne chez ses parents. Alors qu’elle sort la nuit pour satisfaire un besoin le mari et quelques proches la chopent, l’arrosent d’essence et la brûlent vive.
- La justice populaire :
18 décembre 2011 : un passant est renversé par un cycliste sans beaucoup de dommage. Le passant frappe le cycliste, puis revient avec une dizaine de ses proches qui le lynchent à mort.
29 décembre 2011 : pour une histoire d’impôt, deux villages s’affrontent : 50 blessés.
14 avril 2012 : un chauffeur de bus ayant heurté un garçon de 14 ans, les habitants du quartier le lynchent avant son arrestation et incendient le bus, d’autres véhicules et bloquent la route pendant sept heures.
- La criminalité ordinaire :
février 2011 : deux enseignants sont en compétition pour un poste de directeur d’école. L’un est tué par l’autre qui l’attaque avec une dizaine de ses proches.
18 janvier 2012 : une bande bloque une autoroute avec un barrage de troncs d’arbres et dévalisent 40 bus et camions.
22 janvier 2012 : un receveur des impôts et son fils sont assassinés par quatre voleurs qui leur dérobent l’argent collecté.
22 janvier 2012 : un gang armé kidnappe 105 pêcheurs, volent le poisson et les filets et exige une rançon, menaçant de les tuer.
- L’esclavage :
le RAB libère 14 esclaves, dont une femme et des enfants pratiquement prisonniers dans une briquetterie devant travailler de 10 à 12 heures par jour, presque sans salaire et sous garde armée ; dans un autre lieu, 19 prisonniers exploités dans les mêmes conditions.
Près de la frontière indienne, 16 prisonniers dont trois femmes et un enfant sont libérés ; ils avaient été kidnappés pour être vendus en Inde.