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À propos de la guerre d’Indonésie, du colonialisme néerlandais et de ses séquelles actuelles

mercredi 31 juillet 2013

En 1999, un monument commémoratif a été érigé en l’honneur des 40 soldats originaires de Leyden morts durant la guerre coloniale de 1945-1949 contre l’indépendance indonésienne. Entre 1999 et le printemps 2001, ce monument a été attaqué au moins quatre fois, durant la nuit, par des groupes inconnus. Les 4 articles qui suivent décrivent les raisons de ces actions de protestation.

- I -

De Fabel van de illegaal n° 37, janvier 2000

Le 23 octobre 1999, des anciens combattants d’Indonésie ont dévoilé ce monument commémoratif. Au cours d’une action nocturne, deux jours auparavant, le groupe Merdeka (Liberté, en indonésien) avait renversé ces trois statues dans la boue. « Nous pensons qu’au lieu de se souvenir des soldats néerlandais, c’est des centaines de milliers d’Indonésiens et des millions d’autres victimes du colonialisme néerlandais qu’il faudrait se souvenir », écrivit le groupe dans une déclaration dont voici le texte complet.

Les gouvernements dirigés par les Premiers ministres Beel et Drees ont mené une guerre coloniale contre l’Indonésie entre 1946 et 1949, au nom du slogan « Si nous perdons les Indes, un désastre s’ensuivra. » Une guerre horrible a été menée contre un peuple longtemps dominé par la puissance coloniale néerlandaise, peuple qui a fondé la République indonésienne en 1945 au début de la lutte anticoloniale pour la liberté.

« Pendant 300 ans, nous avons régné ici avec le klewang et le gourdin », a déclaré le gouverneur général des Indes néerlandaises B.J. De Jonge, en 1936. De Jonge fut l’un des derniers administrateurs envoyés par l’Etat néerlandais pour régenter la colonie de la façon habituelle utilisée depuis l’arrivée des premiers exploiteurs coloniaux, la Compagnie des Indes néerlandaises qui fut aussi la première entreprise coloniale néerlandaise : « Les colonies sont là pour la mère patrie, mais celle-ci n’est pas là pour les colonies. »

« Opération Produits »

À l’époque, le gouvernement néerlandais refusait d’appeler ses actions militaires une guerre, il préférait les décrire comme des « opérations de police », au caractère strictement limité. Cet euphémisme fut employé par Van Kleffens, à l’époque ambassadeur des Pays-Bas aux Etats-Unis. Il utilisa cette expression pour « éviter les réactions désagréables de l’étranger ». Le gouvernement néerlandais comprenait parfaitement que cette guerre allait provoquer de nombreuses protestations à la fois dans le pays et à l’extérieur. Entre 100 et 150 000 Indonésiens allaient être tués, contre 6 200 soldats néerlandais, dont les quarante de Leyden. Aucun monument n’a été érigé pour commémorer la mort des dizaines de milliers de soldats indonésiens tués pendant cette guere.

En menant cette guerre, les dirigeants néerlandais voulaient conserver leurs usines, leurs plantations, leurs champs de riz et leurs puits de pétrole. La première « opération de police » fut donc baptisée « Opération Produits ». En revenant en Hollande, un soldat confia : « Nous devions nous battre pour le thé, le sucre et le pétrole. » Les partisans de la guerre affirmaient que les Pays-Bas perdraient leur rang [à l’échelle internationale] si elles perdaient les Indes néerlandaises ; ils disaient et que le pays ne serait plus qu’une grande ferme oubliée le long de la Mer du Nord. Ils pensaient aussi que la qualité du tabac indonésien diminuerait quand les plantations ne bénéficieraient plus de la « direction compétente » des Néerlandais.

Année après année, les sociétés néerlandaises ont extrait d’énormes profits des Indonésie. Shell, par exemple, s’est considérablement développé grâce à l’exploitation impitoyable des travailleurs indonésiens. Chaque année, entre 400 et 600 millions de guilders néerlandaises revenaient aux Pays-Bas, ce qui représentait entre 8 et 10% du revenu national à l’époque. Au XIXe siècle, on se servit de l’argent des Antilles néerlandaises pour financer la construction du réseau de chemin de fers néerlandais et la campagne militaire contre les Belges qui voulaient avoir leur propre Etat. « Un Etat de pillards se dresse le long de la mer entre la Frise et la rivière Schelde », écrivit Multatuli dans son fameux livre : Max Havelaar.

Les travailleurs indonésiens ont été systématiquement réprimés par le régime néerlandais, non seulement durant les siècles passés, mais aussi pendant le XXe siècle. Les travailleurs des plantations devaient obéir à l’« ordonnance des coolies ». Cet ensemble de règles concernant le travail stipulait, par exemple, que tous les travailleurs non occidentaux devaient être disponibles à toutes les heures de la journée. Ceux qui, pour n’importe quelle raison, s’absentaient 24 heures sans permission étaient jetés en prison pendant un mois. L’« ordonnance des coolies » était tellement répressive que des associations de consommateurs américains menacèrent de boycotter les produits provenant des Indonésie, si les Hollandais ne se débarrassaient pas de cette ordonnance. Sous la pression des plaintes exprimées par les grands acteurs du marché mondial, l’ordonnance fut abolie en 1936. Les arguments éthiques n’avaient aucune valeur pour les entreprises et l’Etat néerlandais, mais la menace de perdre une partie de leurs marchés et de leurs profits, par contre, les poussa à agir.

Le camp de concentration de Boven-Digoel

Dans les années 1920 et 1930, la lutte des Indonésiens pour leur indépendance et leur liberté prit de l’importance. « Nous préférerions que l’Indonésie coule jusqu’au fond de la mer, plutôt qu’elle reste esclave d’une autre nation », écrivirent les étudiants indonésiens qui jouèrent un rôle important dans la libération de leur pays. L’Etat néerlandais réprimait durement la moindre résistance des coloniséss, comme cela se produisit, par exemple en 1926, lors d’un soulèvement lancé par le Parti communiste indonésien. Le gouvernement néerlandais se vengea et déporta près de 800 personnes au camp de Boven-Digoel. Ce camp visait à éliminer l’influence des combattants indonésiens en les enfermant entre quatre murs. Soetan Sjarir, un militant de l’indépendance indonésienne, écrivit : « Ce fascisme coloniale naquit bien avant le fascisme de Hitler et de Mussolini ; Boven-Digoel existait bien avant que Hitler crée les camps de concentration de Buchenwald ou de Bergen-Belsen. »

En 1946, quand la guerre commença contre l’Indonésie, des dizaines de milliers d’appelés refusèrent de se battre. En raison des mesures d’intimidation prises à l’intérieur comme à l’extérieur de l’armée, le nombre des opposants à la guerre diminua rapidement. Cependant, le nombre d’objecteurs de conscience fut extrêmement élevé dans la période 1946-1949. Des milliers de Néerlandais refusèrent d’être mobilisés ; ils furent, au total, condamnés à 1 500 années de prison.

Certains des opposants à la guerre contre l’Indonésie s’étaient déjà cachés durant la Seconde Guerre mondiale puisqu’ils participaient à la résistance antifasciste. Après 1945, ils durent de nouveau se planquer. Après avoir échappé aux nazis, ils durent éviter d’être arrêtés par l’Etat néerlandais. Celui-ci traita ces objecteurs de conscience bien plus durement qu’il n’avait traité les SS néerlandais ayant collaboré avec les nazis. Refuser de se battre en Indonésie signifiait être mis au ban de la société. Pendant des années les objecteurs de conscience furent persécutés, pourchassés, privés de leurs droits et criminalisés comme des « traîtres ». Tandis que les anciens collaborateurs du NSB, un parti d’extrême droite pro-nazi, et les SS néerlandais étaient rapidement libérés, les objecteurs durent rester en prison jusqu’au dernier jour de leur peine. La plupart des fascistes néerlandais furent libérés bien avant ceux qui s’étaient opposés à la guerre coloniale.

Opération « Action finale »

L’exemple de Poncke Princen montre comment l’Etat traita ceux qui refusaient de participer aux massacres de masse commis contre les Indonésiens. En septembre 1948, Princen déserta pour l’armée républicaine indonésienne, la TNI. Le « déserteur » néerlandais devint un guérillero indonésien et un héros populaire. Le commandant des troupes territoriales néerlandaises de l’ouest de Java, le general major A. Engles ordonna l’opération « Action finale » : il fallait capturer Princen mort ou vif et on promit une récompense de 50 000 guilders pour sa capture. Cette action, lancée peu avant la trêve d’août 1949, échoua et Princen ne fut jamais attrapé. Mais douze des soldats de Princen et sa femme indonésienne furent massacrés de sang-froid. Dans une lettre à ses parents, Prince décrivit « le moment terrible où vous découvrez que vos propres amis ne sont pas différents des nazis allemands ».

Les vétérans d’Indonésie ont récemment exprimé leur « étonnement » devant la demande de Princen, qui est maintenant un militant des droits de l’homme, et veut revenir aux Pays-Bas. Etant très malade, il souhaite passer ses dernières années dans son pays natal, car c’est son seul espoir d’être soigné correctement. Mais le nom de Poncke Princen fait encore bouillir le sang de nombreux vétérans. Sa présence rappelle aux anciens combattants que certains Néerlandais ont combattu aux côtés des Indonésiens. Ils veulent que personne ne le sache. (Note de 2008 : finalement Princen put revenir aux Pays-bas où il mourut en 2002. Il fut ensuite enterré en Indonésie.)

Une grève de masse

Ceux qui veulent justifier la guerre contre l’Indonésie racontent encore aujourd’hui qu’en 1946, et dans les années suivantes, la société néerlandaise soutenait unanimement ces « opérations de police ». Mais ce n’est pas vrai : en juillet 1946, après que Beel eut formé son administration, un sondage demanda aux Néerlandais s’ils approuvaient l’envoi des troupes en Indonésie. Près de la moitié des sondés répondirent « non ».

Durant toute la guerre coloniale, pendant 4 ans, il y eut une résistance quotidienne. Le 22 septembre 1946, par exemple, une grande manifestation se déroula à Amsterdam, et elle fut durement réprimée par la police. Une personne fut tuée (Petrus Dobbelaar) et plusieurs sévèrement blessées. Le 24 septembre, jour où la 7e division quitta le pays, une grève de masse éclata à Amsterdam, suivie par des dizaines de milliers de travailleurs qui protestaient contre l’envoi de troupes en Indonésie. Sur les trains qui emmenaient les soldats on peignit des slogans comme « Transport de viande Amsterdam-Batavia » (Batavia était, à l’époque, la capitale de l’Indonésie).

En novembre 1946, l’Association Pays-Bas/Indonésie remit une pétition au gouvernement et au Parlement, document qui plaidait pour une solution pacifique du conflit. Elle était signée par 230 000 personnes. Le Comité national contre l’envoi de troupes de Schoonhoven diffusa 500 000 exemplaires d’un tract demandant l’amnistie pour les objecteurs de conscience qui refusaient de se battre en Indonésie.

« Opération Corbeau »

La première « opération de police » commença le 21 juilet 1947. Le 24 juillet, plus de 20 000 personnes manifestèrent à Amsterdam contre cette guerre coloniale. Le gouvernement considéra « l’opération de police » comme un succès. Sa joie se dissipa rapidement car d’autres gouvernements réagirent de façon négative face à ces actions militaires. Le Conseil de sécurité des Nations unions faisait déjà pression sur le gouvernement depuis quelque temps pour qu’il abandonne sa domination coloniale en Asie. Cependant le gouvernement lança une deuxième « opération de police » : l’ Opération Corbeau, qui se déroula du 19 décembre 1948 au début du mois de janvier 1949. Elle visait à occuper l’île de Java et une partie de celle de Sumatra, mais se termina par un fiasco politique et militaire.

Le gouvernement envoya aussi des centaines d’anciens SS néerlandais (qui n’avaient pas été « dénazifiés »/terminé leur peine) sur le front indonésien. En 1984, C. van Esterik écrivit à ce sujet : « Un des traits particulièrement macabres de notre histoire est que l’armée néerlandaise en Indonésie abritait en son sein des soldats qui, peu de temps auparavant, avaient risqué leur vie pour défendre l’empire d’Adolf Hitler. »

Macabre est aussi le fait que les autorités néerlandaises demandèrent aux fascistes japonais qui venaient d’être battus de maintenir « l’ordre et la tranquillité » en Indonésie. Des troupes japonaises furent envoyées pour veiller sur les puits de pétrole et les mines de charbon au nord et au sud de l’île de Sumatra. L’ambassadeur néerlandais à Londres, Michiels van Verduynen, écrivit le 16 mars 1946 au ministre des Affaires étrangères Van Royen : « Dans ce contexte, nous devons nous demander s’il est sage de continuer à exiger le désarmement des Japonais. Nous savons que, dans certaines régions de notre archipel, ils nous rendent des services irremplaçables. »

Après la guerre coloniale, l’Indonésie devint formellement indépendante, mais le pays resta une sorte de néo-colonie pour de nombreuses entreprises, y compris des sociétés néerlandaises. Président du Groupe inter-gouvernemental pour l’Indonésie, l’Etat néerlandais joua un rôle important en créant un climat positif pour les investisseurs. La dictature corrompue de Suharto ne fut jamais un problème pour les gouvernementsdes Pays-Bas. Bien au contraire, ils aidèrent les marchands d’armes à vendre autant d’engins de mort que possible à la dictature indonésienne. La situation déplorable des droits de l’homme et la répression en Indonésie ne posaient aucun obstacle moral aux entreprises et à l’Etat néerlandais. Ils continuèrent à soutenir le régime de Suharto sans la moindre honte. En sachant parfaitement, par exemple, que ces armes produites aux Pays-Bas pourraient tuer des opposants, par exemple au Timor oriental. Dans ce système, le gagne-pain de l’un est parfois la mort de l’autre.

Les yeux s’ouvrent

Les politiciens actifs pendant la période 1946-1949 ont plus tard reconnu qu’ils avaient eu tort de mener une guerre coloniale. L’un d’entre eux, le chrétien-démocrate Bruins Slot, se demanda en 1972 : « Pourquoi mes yeux se sont-ils ouverts si tard ? » Schermehorn et Mansholt ont eux aussi exprimé des regrets. Mansholt, ministre de l’Agriculture pendant les cinq premières années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, déclara dans une émission de télévision en 1994 qu’il aurait dû quitter le gouvernement, s’il avait su ce qu’il savait aujourd’hui. Le ministre Jan Pronk a pour sa part plaidé pour une réhabilitation complète de tous ceux qui avaient refusé de se battre en Indonésie.

La « Fondation pour l’érection d’un monument en hommage aux soldats de Leyden morts dans les Indes néerlandaises », une organisation de vétérans, a eu du mal à convaincre le maire de Leyden, Alexander Pechtold, de « l’utilité » et de la « nécessité » de ce monument guerrier. Pechtold refusa une première maquette parce qu’il la considérait « trop militariste ». Plus il accepta une seconde version. « Il est positif qu’un monument rappelle que des soldats sont morts en Indonésie », a déclaré Pechtold récemment. Maintenant que le monument ne rappelle que les pertes néerlandaises, Pechtold choisit le camp des morts hollandais. Il se moque des 100 000 Indonésiens qui ont perdu la vie dans cette guerre.

Le président de la Fondation pour le monument de Leyden, Brouwer, considère, lui, que la guerre coloniale était une bonne chose. « Nous étions des civils qui devaient préserver la paix et l’ordre. » Brouwer devait cesser de répandre de grossiers mensonges. Il n’y avait ni paix ni ordre dans les Indonésie, seulement un pouvoir colonial qui a régné pendant 300 ans en répandant le sang.

Beaucoup de soldats néerlandais ont participé à des meurtres et des tortures, ils l’ont fait avec enthousiasme car ils croyaient en la cause coloniale, ou parce qu’ils pensaient qu’il fallait obéir aux ordres sans discuter. C’était pour eux un devoir et un honneur de contribuer à l’oppression coloniale. Une part importante de ces soldats avaient des comportements explicitement racistes. Leurs idées d’extrême droite apparaissent clairement quand on voit la façon dont ils traitent Poncke Princen encore aujourd’hui. Ils choisissent de prendre le parti des oppresseurs, du pouvoir colonial néerlandais. Nous choisissons, tout comme Prince, le camp des opprimés, des victimes de l’impérialisme néerlandais.

Des soldats en colère

À Utrecht on va aussi ériger un monument aux morts de la guerre en Indonésie. Mais, contrairement à Leyden, le conseil municipal envisage de faire aussi allusio aux Indonésiens tués. Cela a mis en colère la Fondation des anciens combattants des Indes néerlandaises : « Nous sommes extrêmement blessés et en colère. » Dijkema, le président de cette association, a déclaré : « On peut penser ce que l’on veut de ces opérations de police. Aucune guerre n’évite les crimes et cela nous suffit de nous souvenir de nos 11 000 morts et de regretter leur disparition. Mais se souvenir de son ennemi sur un monument est banal et mesquin. Inscrire “Aime tes ennemis” à côté du monument de Grebbeberg en hommage aux victimes des nazis n’est pas une chose à faire. »

Voilà exactement le type de réflexions qui nous mettent en colère. Ces anciens combattants devraient commmencer à comprendre que nous ne parlons pas des combats contre les nazis à Grebbeberg. En Indonésie, les soldats néerlandais ont pris le parti des puissances coloniales, des dirigeants, des oppresseurs. Nous pensons que nous devrions tous prendre parti en s’inspirant de principes politiques comme la liberté, la justice et l’égalité, et non sur la base d’un amour aveugle pour la patrie. Notre loyauté et notre solidarité ne vont pas à un pays, mais à la résistance contre l’exploitation et l’oppression.

Heureusement, tous les vétérans ne se livrent pas à une propagande post-coloniale en faveur de la guerre comme Brouwer, Dijkeme et beaucoup d’autres le font depuis des années.

Dans une série d’émissions de télévision en 1969, Joop Hueting a raconté les crimes de guerre auxquels il avait participé. Ces émissions avaient choqué beaucoup de gens. Hueting fut le premier conscrit – 20 ans après ! – à parler ouvertement de l’incroyable cruauté des troupes néerlandaises en Indonésie. Elles utilisaient le kampong avec un nombre de balles incroyable, pratiquaient quotidiennement la torture, abattaient les prisonniers de guerre, et pillaient tout ce qu’elles trouvaient. Hunting évoqua en ces termes la torture des prisonniers de guerre indonésiens : « Tout d’abord on les frappait, puis on leur donnait des coups de pied, mais ils restaient silencieux. Alors on tapait encore plus fort, jusqu’à ce qu’ils commencent à saigner. On utilisait aussi d’autres méthodes. On attachait une corde autour des chevilles du prisonnier et on la passait ensuite autour d’une poutre située en hauteur. Celui qui menait l’interrogatoire tenait la corde et soulevait le prisonnier qui se retrouvait la tête en bas. Au commencement, le soldat néerlandais laissait redescendre la corde lentement, ce qui fait que la tête du prisonnier cognait sur le sol en ciment. Puis il laissait tomber le prisonnier plus vite, ce qui fait que sa tête saignait et que l’on entendait un son ressemblant à un craquement. »

Des assassins en shorts

Un autre vétéran raconta qu’il avait vu les soldats néerlandais forcer des paysans de Java à creuser leurs tombes et les tuer de sang-froid ensuite. « Je me suis rendu compte que cela se passait dans une ambiance de vacances, les gars étaient en short, en plein air. Un truc du genre, Allez on va s’amuser un peu. » Ce type de méthodes fascistes a été utilisé alors que la Seconde Guerre mondiale venait à peine de se terminer.

Après la divulgation de ces témoignages, le gouvernement ordonna une enquête qui aboutit à la rédaction d’un « Rapport sur les excès » commis aux Indes néerlandaises, un document rédigé à la hâte. Après cela, plus rien ne se passa et les affaires courantes reprirent. Aucun des soldats mentionnés dans le rapport ne fut amené devant un tribunal. Aucun ne fut inculpé, même pas Raymond Westerling, un capitaine qui avait commis des crimes de guerre. Il pratiquait une « justice immédiate », c’est-à-dire que, après avoir encerclé un village, il tuait tous les habitants présents. Les actes de Westerling et de beaucoup d’autres soldats peuvent être comparés aux crimes des militaires américains durant la guerre du Vietnam.

Nous exigeons que les gens prennent leurs distances, en paroles et en actes, avec le colonialisme inhumain que les entreprises et l’Etat néerlandais ont imposé aux Indonésiens pendant 300 ans. Les Pays-Bas devraient finalement comprendre que la guerre coloniale de 1946-1949 a été horrible et injuste. Mieux vaut tard que jamais. Au lieu d’un monument aux 40 soldats de Leyden, il aurait fallu ériger un monument aux centaines de milliers de victimes (indonésiennes et autres) de l’impérialisme néerlandais.

En 1949 (1) Wim Wertheim a écrit un livre intitulé Le problème racial : la chute d’un mythe, à propos des sentiments de supériorité des Blancs : « Aux Pays-Bas, on rencontre encore ce fantôme sous la forme de la mentalité coloniale, du regard involontairement méprisant envers les peuples indonésiens à la peau foncée. Tout jugement paternaliste sur ces “aborigènes”, qui ne peuvent rien faire correctement, qui ne peuvent se passer de “nous”, contient une partie du racisme que nous pensions devoir combattre dans l’hitlérisme. »

Groupe Merdeka (Liberté)

- II -

De Fabel van de illegaal n° 38/39, avril 2000)

Le jeudi 2 mars 2000, le monument aux morts de la guerre d’Indonésie a été repeint en rouge. Voici la lettre d’explications qu’a reçue à De Fabel van de illegaal :

Que vont penser les Indonésiens qui ont connu la guerre d’indépendance et leurs proches quand ils apprendront que les Néerlandais viennent de construire encore un nouveau monument (il y en a déjà 175 aux Pays-Bas !) érigé en l’honneur des assassins de leurs familles et de leurs amis ?

« Nous ne faisons pas de politique » , prétend Brouwer. Sa Fondation des anciens combattants d’Indonésie ne se préoccupe, selon lui, que d’honorer les soldats défunts. Admettons : chacun a le droit de pleurer ses morts, et de se souvenirs de ses parents et amis décédés. La disparition de chaque être humain est une perte regrettable. Mais en nous obligeant à accepter l’érection d’un monument en l’honneur des crimes coloniaux, Brouwer et le conseil municipal de Leyden sortent ce souvenir de la sphère privée pour le transformer en un acte politique. Ils veulent obliger les habitants de Leyden à prendre parti pour les assassins colonialistes et pas pour leurs victimes.

La Fondation des vétérans a même choisi sans vergogne de mettre une inscription sur le monument qui proclame « L’Ordre et la Paix ». Qui était justement le slogan utilisé pour justifier à l’époque les prétendues « opérations de police ». Ce mensonge colonial a été gravé dans la pierre par les artistes qui ont réalisé le monument sans que personne n’exprime la moindre critique. C’est incroyable ! Brouwen et ses amis répandent exactement les mêmes mensonges colonialistes depuis 50 ans !

Mais nous refusons de nous souvenir des assassins au service du colonialisme et nous ne nous arrêterons de protester que lorsque ce monument disparaîtra de notre ville !

Comité pour arrêter d’honorer le colonialisme

-  III –
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-  De Fabel van de illegaal n° 43, janvier-février 2001

Le 6 décembre 2000, des inconnus ont commencé à démonter le monument de Leyden. Selon J.W. Werter, ces militants ne savent pas ce que signifiaient les « opérations de police ». « Nous n’avons jamais voulu restaurer là-bas le colonialisme. Bien au contraire, je pense que tous les peuples ont droit à l’indépendance. Empêcher un peuple d’accéder à la liberté est mal, mais accorder la liberté à un peuple qui ne peut pas encore la gérer est criminel », a précisé Weter. Voici le communiqué revendiquant la troisième action :

Aux premières heures du 6 décembre 2000, des militants ont commencé à démonter le monument colonialiste, controversé, de Leyden, situé près du moulin De Put. Nous avons enlevé la première des trois statues. Le tour des autres suivra. Elles seront remplacées par trois autres, celles de Present, Mentor et Kodyo, trois esclaves du Surinam qui ont échappé à leurs maîtres néerlandais en 1832. Après leur fuite ils ont découvert qu’ils ne pouvaient se réfugier nulle part dans cette colonie néerlandaise régie par l’esclavage. C’est pourquoi ils mirent le feu à une grande partie de Paramaribo, la capitale du Surinam. Les trois hommes furent pris par le régime colonial barbare et furent brûlés vifs ! Pour l’exemple.

L’esclavage était presque terminé dans les pays limitrophes à cette époque-là. La traite avait déjà été interdite depuis 25 ans, et c’est seulement deux ans après la mort des trois héros du Surinam que l’Angleterre abolit à son tour l’esclavage. Les esclaves néerlandais durent attendre la liberté pendant encore 31 ans ! En transformant le monument aux morts de la guerre d’Indonésie en un monument contre l’esclavage, notre comité veut honorer la résistance contre le colonialisme et l’esclavage, et cesser d’honorer les colonialistes.

Des « types pas très sympathiques » ?

Malheureusement tous les Néerlandais ne sont pas convaincus que le colonialisme est néfaste. Cela est devenu très clair ce printemps. Le Premier ministre Kok a suggéré de présenter officiellement des excuses pour les guerres coloniales, la prochaine fois qu’il se rendra en Indonésie. Les vétérans ont bruyamment protesté. Selon eux, les Pays-Bas étaient « responsables » de l’Indonésie à l’époque, et l’armée avait donc le devoir d’agir militairement contre les indépendantistes, afin de restaurer l’Ordre et la Paix parce que ces guérilleros n’étaient « pas vraiment des types sympathiques », a déclaré Mme Spoor-Dijkema, la veuve du général Spoor. De plus, selon cette dame, la violence guerrière des Néerlandais était démocratique, puisque le Parlement l’approuvait. À notre avis, madame Spoor-Diksma, le « type pas vraiment sympathique », c’était plutôt votre mari, qui a tué des dizaines de milliers d’Indonésiens avec ses troupes d’occupation.

Ce genre de propos révèle que les anciens combattants pensent encore dans un cadre de références colonialiste.

Une guerre « démocratique » ?

Les Indonésiens avaient-ils le droit de voter au Parlement néerlandais qui soutint (à l’exception du Parti communiste néerlandais) le massacre de près de 100 000 Indonésiens ?

De plus, toute la population néerlandaise n’approuvait pas la guerre. Les dirigeants politiques et militaires de l’époque ont certainement remarqué que des milliers de citoyens protestèrent contre les « opérations de police » ! Quant à la ridicule excuse selon laquelles les Néerlandais étaient « responsables » de l’Indonésie, il est temps que les anciens combattants retirent la merde qu’ils ont dans les yeux. Les Pays-Bas ont occupé l’Indonésie pendant plusieurs siècles – à part entre 1942 et 1945, où ils furent remplacés par les Japonais. Ces gens-là ont le culot d’affirmer que les Néerlandais ne doivent présenter aucune excuse, mais que ce ne serait pas le cas des Japonais !

Un prince corrompu

Pour les calmer, le Premier ministre Kolk a assuré aux vétérans que les crimes japonais étaient effectivement bien pires que nos « excès ». Les anciens combattants n’ont pas à se faire de bile : des dizaines de monuments commémoratifs montrent que leur horrible passé ne sera pas remis en cause et discuté. En 1988, le prince Bernard, un ex-nazi et un individu corrompu, a inauguré un monument aux morts à Roermond, qui est devenu un lieu de pélerinage pour ceux qui croient encore au mythe du bon colonialisme néerlandais. Et chaque année on construit de nouveaux monuments, comme ceux de Leiden et d’Utrecht. De plus, des vétérans sont régulièrement félicités pour leurs exploits, comme cela a été le cas récemment quand Postma , le maire de Leyden a donné une médaille à un vétéran blessé de la guerre d’Indonésie.

Il faut analyser le projet de Koj de présenter des excuses à l’Indonésie à la lumière des relations commerciales internationales. Ce n’est certainement pas un hasard si le Premier ministre a suggéré cette démarche quand le ministre Jorritsma était en train de visiter l’Indonésie en compagnie d’une délégation de patrons néerlandais. Et, sur ce plan-là, les excuses ne signifient pas grand-chose. Quand la reine Beatrix s’est rendue en Indonésie il y a cinq ans, elle s’est contentée de déclarer qu’elle était très triste du passé. Et elle a pris grand soin d’arriver dans l’ex-colonie après le 17 août, date de la commémoration du 50e anniversaire de l’indépendance. Selon certains commentateurs, Kok aurait été plus loin que Beatrix, quand il a regretté la façon dont les choses s’étaient passées à l’époque. Tout cela est du baratin ! Les politiciens sont seulement en train de discuter s’ils vont présenter 0,0001 pour cent d’excuses. Cela ne signifie rien.

Une atmosphère joyeuse

Le fait de présenter de vagues excuses, sans vraiment traiter sérieusement le problème du colonialisme, fait aujourd’hui partie de l’arsenal de tout politicien moderne. Des dirigeants politiques comme le Premier ministre Kok ont mis au point une stratégie pour prendre soigneusement leurs distances avec les modes d’exploitation et d’oppression les plus dépassés. Cette stratégie a le grand advantage de justifier implicitement les modes d’exploitation et d’oppression actuels. Ainsi les dirigeants au pouvoir applaudissent l’ordre mondial actuel – et leurs propres actions. Comme si, aujourd’hui, il n’y avait plus de guerres, plus de pauvreté, de persécutions ou de néocolonialisme.

Notons aussi – et Kok en est parfaitement conscient – que le fait de présenter des excuses permet aux politiciens de se donner une stature morale. Autrefois, les dirigeants calmaient leurs peuples en leur promettant qu’à l’avenir tout irait mieux. Mais la plupart des gens ne croient plus à ce type de discours. De plus, les libéraux ont décidé que nous sommes arrivés à la fin des idéologies et à la fin de l’histoire. La société est censée être presque parfaite, et chacun être prospère et heureux. Mais cela ne marche pas ! Les visages réjouis des dirigeants contrastent fortement avec la réalité quotidienne de millions d’individus sur cette planète, y compris aux Pays-Bas. Les dirigeants le savent et la présentation d’excuses est un excellent outil dans les relations publiques.

Les méthodes d’oppression et d’exploitation ont toujours changé, afin de réagir à la résistance des opprimés, et aussi, il ne faut pas l’oublier, de faire face à la concurrence des autres Etats coloniaux. À travers les siècles, l’Etat pilleur néerlandais a réduit en esclavage, ligoté et frappé ses colonies de différentes façons.

Cela a commencé, il y a plusieurs siècles, quand les marchands et les colons néerlandais ont commencé à se servir des gens comme du bétail. Au XIXe siècle le système des cultures fut introduit aux Indonésie, et cela revint à imposer une camisole de force à des millions d’Indonésiens. Les Néerlandais ont souvent eu recours à la répression militaire extrême, comme durant la guerre d’Atjeh. Et après que les Indonésiens eurent acquis leur souveraineté en 1949, les grandes sociétés néerlandaises continuèrent à exploiter les Indonésiens à travers des institutions comme l’IGGIU et des livraisons continuelles d’armes au régime fasciste de Suharto. En 1949, le gouvernement néerlandais demanda aux Indonésiens de rembourser la dette de l’administration des Indes néerlandaises, soit 3 milliards d’euros. Le patriarche social-démocrate Drees leur présenta même une facture pour les « opérations de police » des Pays-Bas. Imaginez que les Néerlandais aient dû payer les Allemands pour avoir occupé leur pays pendant la Seconde Guerre mondiale. Cela aurait été, à juste titre, considéré comme une revendication ridicule. Mais quand il s’agit d’une ancienne colonie que l’on a dévalisé et pillé pendant des siècles, le gouvernement néerlandais n’a pas hésité à faire payer à la population indonésienne les coûts de la l’occupation et de la guerre menée contre elle. Incroyable mais vrai !

Travail forcé

Les Hollandais étaient connus pour organiser leur exploitation et leur domination coloniales avec une extrême violence, tout comme leur système de culture en Indonésie. Et ils sont encore très habiles dans la modernisation et l’exploitation des relations d’exploitation néocoloniales, par exemple dans le cadre de l’Union européenne et de l’OMC néocoloniale.

Pendant la période de l’esclavage, les Hollandais firent preuve d’une dureté exemplaire. Aux Pays-bas, il n’y eut pratiquement pas de protestation contre l’esclavage et la fin de la traite et de l’esclavage organisés par les Néerlandais fut imposée par les autres puissances. L’Etat néerlandais ne mit un terme à l’esclavage qu’une génération après les pays voisins. Il ne voulai*- t tout simplement pas dépenser de l’argent pour cela. Le mouvement pour l’abolition n’allait s’organiser que lorsque l’exploitation de l’Indonésie, grâce au Système de culture, eut produit suffisamment d’argent pour indemniser financièrement les propriétaires d’esclaves (pas les esclaves !). Et après leur « libération » les 45 000 anciens esclaves durent faire des travaux forcés pendant dix ans sur les plantations où ils travaillaient auparavant et avaient été réduits en esclavage. Après cela, les Néerlandais déplacèrent par la force des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants originaires des Indes, de Java et du Surinam, pour remplacer les esclaves et subir le travail forcé. Cette forme d’esclavage a perduré jusqu’au début du XXe siècle.

La situation politique en Indonésie a varié suivant les époques, mais l’oppression et l’exploitation dirigées par les Néerlandais n’ont pas changé. L’essence des relations de pouvoir et la réalité cruelle de la pauvreté et de l’impuissance de la grande majorité des Indonésiens continue. Et c’est pourquoi tous les ministres, les présidents et les papes qui aujourd’hui présentent des excuses n’évoquent jamais les méthodes qui organisent l’oppression et l’exploitation actuelles. C’est logique, parce que la relation d’oppression et d’exploitation fondamentale ne changera jamais, si cela dépend d’eux.

Keti koti

Les dirigeants politiques actuels adorent présenter des excuses. Mais cela ne signifie pas que ceux qui incarnent les anciennes méthodes d’exploitation et d’oppression, et qui ont autrefois fait le sale boulot, comme les anciens combattants, courent le moindre danger. Seul un changement de régime pourrait les traîner en justice, comme cela s’est passé avec les anciens fonctionnaires de la Satai. Mais aucun changement de régime n’est intervenu aux Pays-Bas. Les excuses publiques du Premier ministre Kok peuvent provoquer des tensions chez les vétérans, mais ils ne risquent rien. Les libéraux et les sociaux démocrates qui ont stabililisé les relations néo-coloniales actuelles ont pris soin des générations précédentes. Mais bien sûr Spoor Dijkema et ses courtisans/ clones ne peuvent plus jouer de rôle politique significatif, et malheureusement ils ne semblent pas l’avoir compris. Les anciens combattants ne sont plus une force qui compte, leur place a été prise par des dirigeants politiques qui pensent qu’ils peuvent effacer de l’histoire les injustices actuelles en présentant des excuses hypocrites au sujet des injustices passées. Eh bien, sachez que cela ne va se passer comme cela, du moins si cela tient à nous.

Le fait de présenter des excuses publiques n’est pas totalement dénué de sens. C’est bien sûr une forme de réponse à la lutte actuelle des anciens colonisés de l’Indonésie, du Suriname et des Antilles. La lutte aux Pays-Bas et dans les anciennes colonies pour la reconnaissance des injustices coloniales. Et ici nous ne parlons pas bien sûr d’un mouvement mené par des historiens ennuyeux : la lutte pour l’interprétation du passé est aussi une lutte pour élever leur position sociale actuelle, qui est loin d’être égale à celle des autres Neéerlandais. La lutte pour des musées anticoloniaux, pour des monuments contre l’esclavage, pour une éducation antiraciste et anticoloniale, et pour la reconnaissance de commémorations comme celle de Keto Koti (Le jour des chaînes brisées, la commémoration de l’abolition de l’esclavage, qui s’est produite il y a 137, le 1 er juillet 1863) sont un moyen de lutter contre le néocolonialisme, un moyen que choisissent certaines victimes aujourd’hui. C’est seulement dans ce sens que des excuses et un monument pourraient ne pas être des gadgets politiques. C’est pourquoi il est important que tous les progressistes soutiennent la lutte des organisations des migrants du Surinam et des Antilles pour la construction d’un monument contre l’esclavage. Et nous exigeons aussi la construction d’un beau monument en l’honneur du militant de l’indépendance du Surinam Anton de Kom, qui a écrit un remarquable livre pour dénoncer l’esclavage : Nous, les esclaves de Surinam. Un monument qui montrera clairement sa lutte contre l’exploitation le racisme et le fascisme. Alors que les Pays-Bas sont couverst de dizaines de monuments pro-colonialistes, il n’y a aucun monument contre l’esclavage ou pour Anton de Kom (Note : de 2008 : plusieurs ont été érigés depuis la publication de ce texte.)

Il faut que les monuments qui ne prennent pas des positions anticolonialistes ou antiracistes soient détruits. C’est le cas du monument en l’honneur de Van Heutsz, à Amsterdam, qui a ordonné des massacres de masse durant la guerre d’Atjeh et qui ne devrait plus etre honoré. Des gens protestent contre cette statue depuis son installation en 1928. Ce monument a souvent été la cible de militants anticolonialistes. Nous devrions nous en débarrasser définitivement § (…)

Comité pour que le monument aux morts d’Indonésie célèbre la lutte contre l’esclavage

-  IV –
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-  De Fabel van de illegaal n° 46/47, été 2001

Pour la quatrième fois, des militants ont attaqué le monuments des anciens combattants de Leyden. De Fabel a reçu le communiqué suivant.

Le 24 avril 2001, des membres du Groupe en faveur des objecteurs de conscience on transformé le monument des vétérans en un monument des objecteurs de conscience. Nous lui avons donné une nouvelle inscription : « Beaucoup ne sont pas pas parti. ». Depuis un certain temps, l’un dess trois soldats du monumenyts manque à l’appel (il a été enlevé lors d’une action précédente). Son absence symbolise ceux qui ont refué de partir, parce qu’ils ne voulaient pas participer au massacre de plus de 100 000 Indonésiens. Les deux soldats restants, symboles de ceux qui sont partis faire la guerre, ont été peints en rouge.

Nous allons donner la parole aux objecteurs de conscience eux-mêmes. Les citations qui suivent sont extraites du livre de Henry Zwart publié en 1995. Lisons d’abord le témoignage de Fred Bergfeld : « Quand, en 1946, nous avons refusé d’aller nous battre en Indonésie, des menaces ont été proférées à notre endroit. Lisez les discours du général Kruis. Nous devions être socialement détruits. Pour certains d’entre nous cette menace est devenue réalité. Jusqu’à aujourd’hui. En tant qu’objecteur, tu es confronté à l’autre côté de la médaille, à savoir qu’il est toujours permis d’insulter et de menacer les déserteurs de la guerre contre l’Indonésie. Des milliers de appelés ont refusé de partir à l’époque. Beaucoup de ces jeunes ont été arrêtés et punis, mais certains d’entre eux sont passés entre les mailles du filet. Ils sont partis à l’étranger pour y vivre. Quand vous lisez des articles ou des études sur le sujet, les auteurs affirment qu’il s’agissait seulement d’une poignée d’objecteurs. Certains disent qu’ils ont été des centaines, d’autres des milliers. Mais je sais que, dans le Nord, des dortoirs entiers se sont vidés parce que les appelés ne revenaient pas de leurs permissions. La police militaire a eu beaucoup de mal à aller rechercher les premiers déserteurs chez eux et à les forcer à rejoindre leurs unités. Et ensuite, ils sont partis en Indonésie aux côtés des anciens SS néerlandais qui bénéficiaient d’une remise de peine s’ils s’engagaient pour se battre en Indonésie. Ils étaient bien sûr chouchoutés par les officiers, parce que ces salauds avaient appris à se battre sur le Front de l’Est. Quand tu lis ou tu entends les excuses publiques de membres du gouvernement tu te dis:en fait, on a eu raison d’aller se battre là-bas. Tu peux être fier de cette guerre. Mais nous avons vécu en enfer pendant des années pour avoir accepté de partir. Beaucoup des déserteurs qui ont été pris ou qui se sont rendus ont subi des condamnations très séveères. Des peines allant de 2 à 5 années de prisons. Il y a eu des procès contre eux jusqu’en 1958. Mais même une fois que tu sortais de prison, le calvaire n’était pas fini. Comme je l’ai dit une fois « J’ai porté mon refus de me battre sur le dos, comme une bosse. » Et c’est pourquoi la période de la décolonisation est encore taboue. »

Mais ce ne sont pas seulement les déserteurs ou les objecteurs de conscience qui ont été criminalisés, leurs familles ont aussi souffert, comme l’explique Ida Oerlemans, la femme de Fred Bergfield : « En 1952, la plupart des gens avaient oublié cette guerre pourrie. Nous avons pu commencer à vivre une vie normale à partir de ce moment-là. Fred s’était caché jusqu’en 1952. C’est seulement cette année là qu’il s’est rendu, a fait son temps en prison et ensuite dans l’armée. Nous avons ensuite pu penser à mener une vie de famille. En 1953 la situation est devenue plus normale pour nous. C’est malheureux parce que presque tous les autres ont pu construire quelque chose pendant les 7 années précédentes, une maison, un boulot, et que nous nous sommes restés les mains vides. »

Beaucoup d’objecteurs de conscience ont été obligés de se cacher. Ils étaient parfois hébergés par les mêmes pzersonnes qui avaient cachés des Juifs chez eux durant la Seconde Guerre mondiale. Le déserteur Jan van Luyn explique : « Le lendemain matin je suis allé à Amsterdam. J’avais l’adresse du Syndicats des soldats néerlandais dont j’étais déjà membre, parce que je savais qu’ils étaient contre la guerre en Indonésie et aidait les déserteurs. Le bureau se trouvait Linnaeustraat à Amsterdam et il y avait beaucoup de monde. Tous des objecteurs de conscience. Si la police militaire y avait fait une descente elle aurait fait une belle prise. Un gars m’a indiqué un endroit où je pouvais dormir et un autre où je pouvais manger. C’étaient des gens qui avaient déjà abrité des Juifs pendant après 1940. Durant toute la guerre ils avaient caché des Juifs hollandais. Et moi ensuite j’ai été caché par eux. Après mon arrestation par la police militaire en 1950, ces gens, qui entretemps étaient devenus mes beaux-parents, ont été condamnés pour m’avoir acueilli. Durant la dernière période de mon emprisonnement je me trouvais à la prison de Vught. Tout comme à la prison de Veenhuizen j’étais enfermé avec des criminels, des traîtres et des assassins. Ils se considéraient comme les maîtres du camp. Certains portaient encore leurs uniformes nazis mais les insignes. Ils étaient extrêmement privilégiés. Ils avaient souvent le droit d’aller à l’infirmerie ù ils recevaient leurs femmes. Et nous savons que la plupart d’entre eux ont été relâchés en 1950. »

L’objecteur de conscience Dick Kopjes Nieman s’est lui aussi retrouvé dans le même camp que des nazis. « SDans la prison de Casuariestraat, j’étais enfermé dans une cellule individuelle avec deux criminels. Plus tard ils m’ont mis avec un SS. C’est dire à quel point ils nous surveillaient. À un moment j’ai du cogner mon compagnon de cellule, parce qu’il n’arrêtait pas de m’insulter. Il n’avait rien appris et continuait à répandre ses idées fascistes. À la prison de Veenhuizen on nous a proposé d’aller travailler dans les mines de charbon. Je suis allés au camp de Julia, qui faisait partie de la prison. Il y avait 20 anciens SS là-bas. Quand j’étais là-bas, plusieurs d’entre eux été libérés, l’un après après l’autre. Et quand mon avocat a demandé une remise de peine cela m’a été refusé. Et j’ai dû travailler avec des ex-SS et des militants du parti nazi néerlandais, le NSB. »

Souvent les anciens résistants ont aidé les opposants à la guerre contre l’Indonésie. Et certains résistants ont du se cachjer une seconde fois pour échapper à l’Etat néerlandais. C’est ce qui est arrivé à « Herman Overdiek » qui, étant donné l’essor actuel du néo-nazisme aux Pays-Bas, veut conserver le nom de guerre qu’il utilisait lorsqu’il se cachait durant la Seconde Guerre mondiale, il y a 50 ans. « Etant un jeune Juif d’Amsterdam, j’ai assisté à la répression dans toute sa laideur. En juin 1942, j’ai éte arrêté parce que je ne portais pas une étoile jaune. Après la déportation de mes parents, j’ai réussi à survivre dans notre maison pendant quelque temps. J’avais peu, je me sentais seul et pourchassé, je devais me cacher. Mes voisins ne voulaient rien avoir à faire avec moi, ils avaient peur d’être arrêtés pour avoir aidé un Juif. En 1948, j’avais 23 ans et j’ai été appelé pour le service militaire. Je devais partir en Indonésie. Alors je me suis caché à nouveau. Je n’avais aucune intention de participer à une sale guerre coloniale. Car je savais comment les Indonésiens devaient se sentir par rapport à notre occupation militaire. L’histoire se répétait ? Trois ans après avoir été libéré, je devais fuir à nouveau. Ma femme et moi avons donc décidé de partir illégalement en Israël. Nous, les déserteurs de la guerre d’Indonésie, nous avons tous des histoires pénibles à raconter. Nous un gouvernement sans pitié vis-à-vis des objecteurs de conscience et des déserteurs. Il n’essayait pas de comprendre ce que nous avions subi pendant la guerre. Mais malgré les difficultés que nous avons connues, ma femme et moi sommes fiers qu’ils n’aient pas réussi à nous mettre à genoux. Nous étions en avance sur notre époque. J’ai toujours pensé, même dans les pires moments, qu’un jour on considérerait que nous avons eu raison, et que la guerre contre l’Indonésie avait été une erreur. »

Groupe en faveur des objecteurs de conscience

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