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Minorités agissantes et blocage de l’économie : retour sur le mouvement contre la réforme des retraites

jeudi 12 juillet 2012

Ce texte – paru dans le n° 139 (hiver 2011-2012) d’Echanges – a été écrit à la demande des camarades du journal Article XI, qui l’ont finalement publié sur Internet et non dans la version papier. Nous reproduisons ensuite une discussion engagée par courriel par un camarade de Paris, pour tenter d’éclaircir les positions exprimées dans cet article.

Texte rédigé pour « Article XI »

J’ai constaté que toute une marginalité essayait de surfer sur le mouvement de protestation contre la réforme des retraites ; je pense notamment aux initiatives conduites autour du slogan « Bloquons l’économie ». C’était évidemment positif, mais j’ai eu l’impression que ces camarades, s’ils ne se polarisaient plus autour de la notion de parti, lui substituaient une notion proche. Je pense à cette idée qu’en agissant, on peut pousser un mouvement dans une direction précise.

On retrouve ici une situation et un ­problème qui ont été débattus depuis une éternité, qui restent fondamentalement les mêmes, alors que formes et modalités ont évolué avec l’évolution des productions, des techniques de production et de toute l’organisation de l’appareil d’exploitation.

Ce problème est celui des « minorités agissantes », de celles que l’on appelait il y a un demi-siècle encore les « avant-gardes ». Je ne veux pas entamer ici une critique de cette notion, ce qui conduirait également à traiter de la question de la « conscience de classe ».

A mon avis, ce fut une erreur de penser que, dans un mouvement basé pour l’essentiel sur des manifestations où les participants (plutôt hétérogènes) ne souhaitaient pas aller au-delà d’une pression politique, on pouvait imposer une orientation plus radicale par des slogans plus durs (et pensait-on plus adaptés), voire par des actions violentes ponctuelles très minoritaires et marginales.

Je ne dis pas que la situation actuelle ne recèle pas un fort potentiel de rejet basé sur des réactions individuelles mais aussi sur une perception globale souvent confuse des méfaits du système : il est évident que ce rejet existe. Sauf que ce n’est pas quelques volontés individuelles ou de petits groupes (fussent-ils parfaitement motivés et justifiés) qui peuvent impulser des orientations et des formes d’action, mais une conscience collective. Il ne s’agit pas de rêver une révolte, mais de la vivre à plein, dans une situation de lutte partagée par une grande masse des exploités. Quand ça prend, on s’en aperçoit tout de suite : c’est une force globale qui emporte tout et, dans de tels moments, ce ne sont pas forcément les « avant-gardes » auto-proclamées qui sont les agents spontanés et méconnus des actions radicales. On en était loin à l’automne 2010.

***

Pour la plus grande partie de ceux – nombreux et constamment nombreux dans pratiquement toute la France – qui manifestèrent, si pour un certain nombre la question des retraites était primordiale, la protestation politique n’était pas tant dirigée contre le gouvernement actuel que surtout, sans que cela soit clairement exprimé, contre les conséquences présentes d’un système économique en crise – conséquences davantage ressenties comme une menace individuelle que dans une mobilisation autour d’un projet quelconque d’un autre système économique et social. Parmi les « forces agissantes » autour de l’implication de cette masse confuse de manifestants, d’un côté l’ensemble des « corps constitués » politiques et syndicaux, de l’autre les « marginalités politiques et syndicales ».

Au sein de ces « forces agissantes », les unes visant à réprimer le mouvement (ou à l’intégrer, ce qui est la même chose), les autres cherchant à l’« élargir » et à l’« orienter », se tissèrent des tactiques de récupération autour d’intérêts spécifiques qui ont pu conduire à des affrontements. De ce point de vue, les relations entre le mouvement en lui-même et ces « forces agissantes » ont évolué au cours des cinquante dernières années. On peut faire par exemple un parallèle avec les grèves de mai-juin 1968. Au début du mouvement, il n’y avait pas de revendications précises. ­Chacun débrayait tout simplement avec l’impression assez vague que quelque chose était possible : il fallait y aller, sans savoir nécessairement vers quoi. Bien entendu, les organisations syndicales ont très vite canalisé cet espoir diffus, ont posé des revendications sur cet élan. Et ont tout aussi vite fait voter sur des accords d’entreprise la reprise du travail quand le cadre en a été fixé par les accords de Grenelle. L’époque était à l’organisation, il y avait très peu de gens pour affirmer qu’on pouvait s’en passer. D’un côté, les syndicats pouvaient assez aisément encadrer le mouvement (par exemple, en interdisant toutes liaison travailleurs-étudiants ou en consignant les comités d’action hors des entreprises et en pesant d’un poids indéniable pour la fin du conflit) ; de l’autre, ces « exclus » du courant organisationnel central (essentiellement des comités de grèves aux mains des syndicats) se lancèrent dans une floraisons d’organisations « d’avant-garde » trotskystes, maoïstes, et tutti quanti.

Cela renvoie à une autre réalité historique : à cette époque il n’y a pas eu réellement de mouvement autonome en France. A la différence de l’Italie, où il y avait une base, où tout un courant politique est parti d’une réalité – la jonction d’étudiants et d’ouvriers –, où l’autonomie était vraiment puissante, cela s’est limité chez nous à des gens plaquant un idéal sur une réalité n’y correspondant pas et essayant d’impulser – en pure perte – un ­courant. Les choses ont depuis évolué dans le bon sens : il y a aujourd’hui beaucoup moins de tenants de l’organisation et des structures préexistantes, mais ils sont encore présents et capables de perturbations. Beaucoup de ceux qui entrent en lutte savent désormais à quoi s’en tenir ; même si cela n’apparaît pas toujours dans des aspects formels, les faits de la lutte eux-mêmes le révèlent. C’est une avancée importante : c’est ainsi que les choses doivent se faire, en fuyant l’organisation, même si cela peut parfois donner lieu à quelques dérives. L’apparition de coordinations dans les années 1980, la large ouverture des lieux de grève vers l’extérieur lors des grèves de 1995, les grèves ponctuelles radicales plus ou moins sauvages pour des indemnités de licenciement de 2009 sont autant de marques de cette évolution dans la période récente.

Cette tendance se confirme aussi si on se réfère aux années 2008 et 2009, avec ces mouvements très durs et isolés, boîte par boîte, ces dites « séquestrations » ou « mises à sac » de sous-préfecture ou destruction de matériel. Il y a un contraste très frappant entre cette dureté de « petits mouvements », souvent dans l’illégalité, et la mobilisation finalement très pacifique de l’automne 2010, qui n’a à peu près jamais débordé le cadre légal de la manifestation. On était finalement très loin de la détermination perceptible lors du mouvement social de 1995, alors partagée par une bonne partie de l’ensemble des travailleurs.

***

L’existence de ce courant constant « autonome » dans ses différentes formes amène une réflexion autour de ce mouvement de l’automne : je crois que les syndicats avaient très bien compris, au début du mouvement, qu’ils devraient faire face à cette poussée marginale mais plus radicale. S’ils avaient su tirer la leçon des tendances que nous venons d’évoquer (l’apparition de syndicats « différents » comme SUD fait partie d’une telle intégration), le développement de « marginalités radicales » restait pour eux une inconnue. Ils ont pourtant habilement manœuvré pour l’encadrer. C’est toute la fonction des quelques blocages symboliques qui ont tenu un moment, à commencer par les raffineries : ces poches plus dures ont polarisé ce courant des « marginalités ». Et quand ces poches ont repris le travail, tout s’est effondré : il n’y avait plus rien.

Pour revenir à « Bloquons l’économie », ce slogan aussi me pose problème. Il n’y a pas cent mille façons de bloquer l’économie. Si EDF coupe le courant, d’accord : l’économie est bloquée. Si les routiers et les cheminots stoppent tous les flux, d’accord : l’économie est bloquée. Mais quelques centaines de personnes tenant temporairement un carrefour routier ou une gare, ça ne bloque rien du tout. Tu te fais plaisir – je respecte tout à fait ça – mais c’est tout. Surtout que très radicales, ces actions ne l’étaient guère qu’en apparence : face aux flics, ces camarades lâchaient tout de suite l’affaire, évacuaient. C’est un problème : si tu ­essayes de bloquer quelque chose d’important, la première chose à faire est de tenir et de s’opposer aux flics. C’est essentiel. Mais, pour ce faire, il faut être nombreux et être porteurs d’un certain rapport de forces. Ce qui ne fut nulle part le cas et faute de combattants, à moins d’être suicidaire, le mieux est effectivement de plier bagages.

Le slogan « Bloquons l’économie », à supposer qu’il soit totalement effectif (ce qui n’était même pas le cas pour le blocage des raffineries), peut de toutes façons ne pas être efficace du tout parce que le capital dispose d’autres armes pour contourner les effets du blocage, soit nationalement soit par la solidarité internationale au sein de l’organisation capitaliste. Il faut rappeler que même en 1968, les fournitures d’électricité et de gaz n’ont jamais été réduites (ce qui supposait un accord – tacite ou pas – avec le pouvoir et un contrôle syndical) et que dans toute la période de pleine grève générale, il n’y a pas eu de pénurie alimentaire. Il y eut bien une temporaire pénurie d’essence, soit ; mais les pouvoirs publics ont réussi à réapprovisionner toutes les pompes pour la Pentecôte 1968, et beaucoup de gens sont partis en week-end, ce qui a largement contribué à la fin du mouvement.

Le « blocage des raffineries » de l’automne 2010, qui polarisera les « marginalités » et sous-tendra le slogan et les tentatives sporadiques de « blocage de l’économie », s’avéra finalement presque totalement inefficace parce que le gouvernement et les compagnies pétrolières purent relativement facilement assurer les approvisionnement par des circuits parallèles. Chose que les syndicats connaissaient dès leur mise en œuvre et qu’ils se gardèrent bien de révéler, encore moins pour lancer des « piquets de blocage » vers les points faibles de ces circuits. Ce qui révèle en même temps la faiblesse « logistique » (et peut-être la méconnaissance des réalités économiques) des initiateurs de « Bloquons l’économie », réduits finalement, à l’insu de toute leur bonne volonté et de tout leur activisme, à n’être que les petits soldats des manœuvres syndicales et politiques.

***

Sur le mouvement en général, il faut rappeler que tout est parti d’une revendication politique qui s’inscrivait aussi, à la marge, dans le champ syndical – notamment en ce qu’il était discuté au même moment de la représentativité des organisations. Le mouvement est resté à peu près exclusivement politique. En cela, il m’a fait songer au mouvement de 2006 contre le CPE, avec ces manifestations qui s’enchaînaient aussi sans relâche ; les manifs qui se succèdent, c’est normalement fait pour épuiser les gens, mais là ça n’a pas marché. Et ça n’a pas marché parce que cela recoupait un ras-le-bol général, parce que la crise fait ressortir les injustices et que les présentes « classes moyennes » encaissent une bonne part du choc économique. C’est cette partie de la population, ne vivant pas trop mal jusqu’à maintenant, qui ressent le plus la dégradation de ses conditions d’existence. Ce sont elles qui ont été le moteur du mouvement, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu réellement de grève, hormis en quelques points très localisés. L’ensemble de ceux qui vivent de leur salaire ne se sont pas sentis concernés par ce mouvement, d’où l’absence même d’amorce d’une généralisation des grèves.

Dans ce mouvement contre la réforme des retraites, le fait que la plupart des travailleurs ont toujours défilé sous une bannière syndicale, et non par regroupement de tous les travailleurs d’une même entreprise sous une même bannière éventuellement intersyndicale, signifie beaucoup de choses. A commencer par l’absence d’unité à la base : dans tout profond mouvement social, les travailleurs défilent derrière la bannière de leur entreprise, pas sous celle d’un syndicat, d’un comité de grève ou d’une intersyndicale des sections de l’entreprise. Là, c’était symptomatique d’une réalité : il n’y avait pas de grande masse des prolétaires pour appuyer ce mouvement. Les travailleurs ne se sont pas mobilisés en tant que tels. Il y avait bien une unité au sommet pour l’organisation et le contrôle du mouvement, mais rien d’autre.

***

J’ai évoqué l’utilisation du mouvement par les « forces agissantes » pour tenter de régler les problèmes spécifiques en leur sein. Du côté des forces de répression, le dialogue actuel entre le Medef, le gouvernement et les syndicats autour de la représentativité syndicale et de l’ensemble des garanties sociales (le salaire différé) a permis de surmonter, en quelque sorte, l’épreuve que constituait un mouvement que les méthodes habituelles endiguèrent sans trop de difficultés. Finalement le contrôle social que les syndicats ont pu exercer, notamment sur les « marginalités » syndicales et/ou politiques et/ou avant-gardistes, a permis de faire passer la réforme des retraites (sur laquelle ils n’exprimaient que des désaccords de détail) et a renforcé leur rôle de médiation.

Quant à ces « marginalités », outre leur présence évidente sur l’ensemble du territoire et leur possibilité de mener des actions à l’importance toute relative, leur faiblesse – indépendamment de ce que nous avons pu dire ci-dessus sur la réalité de leur action – vint d’une séparation entre ce qui fut pompeusement baptisé, le plus souvent, « assemblées interpro ». Cette nouvelle mouture des « comités d’action » du passé œuvrait pour une part dans la périphérie syndicale, pour une autre dans ces nombreux groupes informels de résistance. Ceux qui étaient plus ouverts vers la périphérie syndicale pour tenter de s’élargir se trouvèrent englués dans les débats aussi passionnés qu’académiques des organisations patentées de l’ultra-gauche en mal de recrutement. Les autres, qui souvent ne regroupaient guère de travailleurs, se trouvèrent pris dans un cycle « action-répression » lors de leurs actions ponctuelles pour tenter d’entraîner le mouvement vers des développements ­radicaux.

On peut se poser maintes autres questions à propos de ce mouvement de l’automne 2010, révélateur de tendances dans la contestation d’un système, tendances qui ne réussissent pas à vraiment s’affirmer mais qui, en raison de leur importance relative, entraînent quand même une grande confusion. D’une certaine façon, on peut s’en féliciter car cela provoque pas mal de débats et un foisonnement de ­publications.

Parmi ces questions l’une est récurrente : celle de la fin et des moyens. Pour en souligner l’importance dans les faits : le slogan « Bloquons l’économie » peut apparaître comme un moyen mais, sans autre précision quant aux fins, il est aussi une fin en lui-même ; je crois d’ailleurs que l’imprécision quant à cette question reflétait l’imprécision de l’ensemble du mouvement quant à la distinction entre revendications et intentions.

A l’opposé, dans les conflits ponctuels plus radicaux de 2009, fins et moyens étaient nettement distincts et la précision de la revendication entraînait une quasi-unanimité pour une radicalité dans l’action.

Une autre question, récurrente elle aussi, pose également débat : pourquoi tous ces courants sont-ils restés séparés les uns des autres sans vraiment influencer le mouvement d’ensemble ? La seule réponse est que, malgré sa force apparente permettant de croire possible un dépassement, la confusion évoquée n’imposait pas d’autre orientation que celle d’un conflit politique, et que le débat qui en découlait prenait forcément la forme de débats idéologiques.

H. S.

D’un camarade de Paris (26 septembre 2011)

Il est bien ton article sur le mouvement des retraites sur Article XI.

J’aime beaucoup cette idée :

« La précision de la revendication entraînait une quasi-unanimité pour une radicalité dans l’action. »

Et qu’est-ce que tu veux dire par la phrase suivante, exactement ? : « La confusion évoquée n’imposait pas d’autre orientation que celle d’un conflit politique, et le débat qui en découlait prenait forcément la forme de débats idéologiques. »

N. L.

Réponse de l’auteur de l’article (19 octobre 2011)

C’est le dernier paragraphe de ce texte que tu questionnes :

« Une autre question, récurrente elle aussi, pose également débat. Pourquoi tous ces courants sont-ils restés séparés les uns des autres sans vraiment influencer le mouvement d’ensemble ? La seule réponse est que, malgré sa force apparente permettant de croire possible un dépassement, la confusion évoquée n’imposait pas d’autre orientation que celle d’un conflit politique, et que le débat qui en découlait prenait forcément la forme de débats idéologiques. »

Ce que je dis là est à la fois la constatation de ce que j’ai vécu dans différents comités et le produit d’une réflexion plus générale Le mouvement contre la réforme des retraites était d’abord (et dans la mesure où il est resté contrôlé par les syndicats), un mouvement strictement politique puisqu’il s’adressait à une mesure politique (et même plus car dans la coulisse se jouait la question de la représentativité syndicale qui était aussi une question politique).Ce terrain politique ne pouvait être dépassé pour devenir une contestation sociale que si toute forme d’extension (grèves, affrontements, etc.) d’une grande ampleur avait posé d’autres problèmes plus généraux que la seule réforme des retraites. On put croire qu’il y avait une tendance à ce dépassement car l’importance des manifestations (notamment leur répartition dans toute la France), leur persistance (l’effet démobilisateur de leur répétition ne jouant pas), l’éclatement de quelques grèves limitées (qui auraient pu être une amorce d’un conflit social généralisé) pouvaient laisser croire que le mouvement dans son ensemble portait une autre signification que celle d’obtenir le retrait d’une mesure politique.

Dans tout conflit, quelle que soit sa dimension et/ou sa localisation, une telle dimension peut exister, mais elle ne se traduit dans les faits que si à un moment ou à un autre, se produit une rupture avec toutes les forces – toujours présentes – dont la fonction est précisément d’éviter ce « dérapage ». Il n’appartient à personne, si militant qu’il soit et si porteur qu’il soit d’une « vérité » adéquate à cette lutte, de faire que le conflit s’engage dans cette voie. Mais la « spontanéité » et « l’autonomie », sont des choses complexes dans lesquelles effectivement un militant sur place au moment crucial peut jouer un rôle polarisateur de ce qui existe en puissance dans la masse des participants concernés, mais cela ne tient pas à son appartenance politique, seulement à ce qu’il dit à ce moment en conformité avec ce que ces participants sentent peut être obscurément mais fortement : ce rôle peut d’ailleurs être tout autant joué par un des participants sans passé politique simplement parce qu’il ressent plus fortement ce qui se passe et ose l’exprimer.

Dans le mouvement de l’automne 2010, il n’y eut guère de « dépassements » de ce genre sauf peut être sur des plans locaux très limités.et même si effectivement ce courant sous-jacent de « protestation sociale » s’exprimait à l’intérieur des actions contrôlées par les syndicats.On peut épiloguer sur les raisons pour lesquelles les choses en sont restées ainsi. Mais c’était un fait perceptible, de ne pas aller au-delà d’une certaine manifestation forte de cette « protestation sociale ».

Il y eut bien sûr des tentatives diverses de la part de « militants » divers d’intervenir d’une manière ou d’une autre pour être les « acteurs » ou l’« avant-garde » d’un tel dépassement.Ce n’est pas tant leur faible nombre et leurs divisions politiques (certains étaient pro-syndicalistes cherchant à « radicaliser » les syndicats, d’autres voulaient déclencher des « mouvements autonomes », par exemple des occupations, d’autres tentaient de propager des slogans du genre « bloquons l’économie » et de prendre des initiatives en ce sens). Le fait qu’ils œuvraient séparément (presque en concurrence) peut se rattacher à ce non-dépassement de certaines limites du mouvement qui ne leur imposaient pas de se retrouver noyés dans un courant plus vaste émanant de la base (je signale un fait identique : la participation aux manifestations sous les étiquettes syndicales et non unitaire par ­entreprise).

Indépendamment de ces différentes initiatives coexistantes et non unifiées et du caractère politique de leur intervention, leur marginalisation faisait de plus qu’ils se trouvaient en fait épouser le ­caractère politique imposé par les syndicats dans la mesure où leur intervention ne correspondait pas à une tendance au dépassement du mouvement de résistance. Bien plus, comme je l’ai écrit ailleurs, les syndicats conscients de l’existence depuis des années de tendances autonomes dans les luttes ouvrières veillaient au grain et ont pu, parce que ces tentatives restaient très minoritaires, les canaliser vers leurs propres objectifs, renforçant ainsi le caractère politique.

Dans l’après-décembre, je suis frappé par le nombre de publications distinctes qui essaient de « prolonger » le mouvement. C’est positif par certains côtés mais les débats sont en fait purement idéologiques même si certains tentent de coller à une certaine réalité.

Réponse du camarade de Paris (26 octobre 2011)

Merci beaucoup pour ta réponse. je trouve tes descriptions très justes et très éclairantes. Comme tu le veux bien, je me permets de continuer la discussion.

D’abord : qu’entends-tu exactement par les mots « politiques » et « idéologiques » ? peut-être ça te semble évident et ma question naïve, mais je ne suis pas toujours sûr de ce que tu désignes par ces mots, et je ne suis pas sûr de savoir moi-même le sens que je leur donnerais. Ensuite : que penses-tu du mouvement des Indignés/Occupy Wall Street, etc ? J’avoue que je suis allé à Bruxelles le 15 octobre (et à la manif Occupy Berlin samedi 22) et que j’étais à la fois enthousiasmé et déçu, mais que ces jeunes me plaisent. Ils sont complètement nouveaux en politique et ont l’impression de faire un truc incroyable en faisant pas grand-chose, mais justement ce qui me semble intéressant est que ce mouvement s’est construit en dehors de tout syndicat etc., donc c’est une forme de « dérapage » comme tu les décris.

Pourquoi ces dérapages sont-ils des moments critiques, à ton avis ? parce qu’ils expriment un renversement du rapport de forces social, c’est-à-dire que soudain les dominés prennent l’avantage, c’est-à-dire se rendent compte de leur force supérieure ? c’est-à-dire encore quand leur intérêt objectif à renverser l’ordre existant en soi devient aussi pour soi ? ces derniers termes (« en soi » et « pour soi ») te semblent-ils justes, utiles ? En admettant que « en soi » et « pour soi » décrivent à peu près ce dont on parle, ma question est alors : pourquoi y aurait-il une forme de « conscientisation », de « prise de conscience de sa véritable force » (bref d’existence « pour soi »), privilégiée ? A savoir, plus ou moins, la situation insurrectionnelle ? Ne peut-on pas dire que tout acte de résistance, à tous les niveaux, est une forme de « dérapage » (ou de « sabotage »), même lorsque l’acteur de cette résistance est une institution et non un ou plusieurs individus ? et même quand ce dérapage s’effectue sur une durée moyenne ou longue ?

Pour une institution, par exemple un syndicat, un parti, un Etat même, la durée peut être de deux mois comme de mille ans, contre quelques semaines (par exemple) pour une insurrection.

Pour poser la question autrement et peut-être plus clairement : les syndicats, etc., ne peuvent-ils être des outils de lutte, et non simplement des obstacles ? autrement dit, par exemple, dans la mesure où un Etat s’oppose (expulse, nationalise, réglemente...) aux multinationales minières, par exemple la Bolivie d’Evo ­Morales, faut-il considérer cette forme de résistance comme un « dérapage » révolutionnaire (par opposition à réformiste) car c’est une résistance qui touche bel et bien à une structure de domination (et non simplement à ses effets), même si ce n’est pas la structure « ultime » ? Ne s’agit-il pas d’un acte de résistance qui modifie réellement, pratiquement, le monde (= construit plus de liberté humaine), donc mérite le soutien de révolutionnaires ?

Il me semble que le moment « pour soi » de l’action révolutionnaire (= réellement modificatrice de la réalité) peut prendre la forme d’une institution, dans la mesure où celle-ci exprime, incarne, « plus fortement ce qui se passe et ose l’exprimer » comme tu le dis.

Certes les institutions ont des intérêts propres à sauvegarder, et donc pour se sauvegarder elles tendent aussi a sauvegarder le système, mais cela est certainement vrai des individus aussi. Pour beaucoup de gens par exemple, peut-être la majorité, un changement trop radical de société mettrait un stress tel sur leur psychisme qu’ils sombreraient dans la psychose, ou feraient une dépression, etc. Inversement, la continuation de la société signifie la continuation de gratifications narcissiques dont leur équilibre psychique ­dépend.

Bref, les structures et les institutions et les garde-fous sont aussi bien en chacun de nous que dans les syndicats et les partis et les Etats en tant que structures sociales. Ce que je veux dire, c’est que le fait que cela soit des structures sociales ne préjuge pas de leur caractère réactionnaire ou non, car il n’y a partout que des structures. Ce qui compte c’est de pouvoir faire déjouer les structures, ce qui à mon sens n’est possible qu’en faisant jouer certaines structures contre d’autres, et non en luttant contre toute structure à partir d’un point imaginaire (inexistant ? je ne sais pas, mais ça me semble mystique) qui serait en dehors de toute structure (les prolétaires qui n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes, typiquement, qui sont donc une force révolutionnaire « pure », à même d’abolir la « totalité » du réel, de la domination réelle).

Réponse de l’auteur de l’article (18 janvier 2012)

D’abord le vocabulaire.

Lorsque j’emploie ces mots, « politique » et « idéologique », ce n’est pas pour leur donner un sens personnel nouveau mais en choisissant effectivement parmi les différents sens que le dictionnaire leur donne. J’admets que ce choix comporte de ma part un certain poids péjoratif car sans mépriser les faiseurs de systèmes et de stratégies j’aurais tendance à considérer avec quelque défiance leurs constructions car elles sont souvent bien loin des réalités sociales. Les références que je donne sont celles du dictionnaire Petit Robert, je ne vais pas au-delà mais tu peux en trouver des développements dans toute encyclopédie ou dans Wikipedia.

« Idéologie » : je laisse le sens philosophique pour prendre le sens marxiste de « l’ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque, à une société ou à une classe », en insistant sur un autre sens de « dépourvu de réalisme » chez l’idéologue, celui « qui croit à la puissance des idées ». Je puis développer mais, pour donner des références, des constructions comme la « communisation » de Théorie communiste (bien que se référant au marxisme) ou l’« imaginaire social » de Castoriadis ou son (bien antérieur) « contenu du socialisme » relèvent pour moi de l’idéologie, car même si elles se réfèrent parfois à une réalité sociale, ce qu’elles en retiennent sont de pures constructions de l’esprit.

« Politique », je le prends dans un des sens du dictionnaire comme « relatif aux rapports du gouvernement et de son opposition, au pouvoir et à la lutte autour du pouvoir ». Je l’oppose alors à « social » (dans le sens de rapports entre les classes sociales). « Politique » se réfère à toute mesure d’administration du système, ce qui tend à l’adapter à l’inévitable évolution de tout système. Tout conflit de classe, c’est-à-dire touchant la domination capitaliste notamment dans l’exploitation du travail, élément central de cette domination, comporte un élément de radicalité impliquant le refus – souvent tout temporaire – de cette domination ; cet élément de radicalité est utilisé, soit pour modifier quelque peu les conditions directes d’exploitation (cela relève du « social » et non du politique), soit pour modifier les règles globales fixant le cadre national des conditions d’exploitation (qui sont des décisions politiques et sociales à la fois). Lorsque les revendications, soutenues par des actions de quelque ampleur qu’elles soient, ne remettent pas en cause le système lui-même, la politique devient essentielle car il s’agit seulement d’influer sur le gouvernement en place ; et toute action, y compris la grève, devient aussi essentiellement politique. Rien ne peut (sauf une rupture totale avec les structures d’encadrement dans une mouvement d’ensemble, mais c’est un autre problème) lui faire perdre ce caractère. Il est d’autres mesures gouvernementales qui sont purement politiques, soit celles qui touchent toute l’administration d’un Etat c’est-à-dire l’appareil de domination, son financement et son organisation, soit celles qui concernent des « problèmes de société », qui peuvent paraître « sociales », mais qui n’ont pas de rapport direct avec l’exploitation du travail. Ces mesures se rattachent en fait à une adaptation des règles fixant les relations sociales à l’intérieur d’un Etat (par exemple comme l’abolition de la peine de mort, le vote des étrangers ou le mariage homosexuel).

Tu peux continuer le débat sur cette réponse à une de tes questions.

Le mouvement des « indignés » maintenant.

D’abord, sans préjuger de ce que peut devenir ce mouvement (extension ou mourant de sa belle mort) je soulignerai plusieurs aspects majeurs :

1 - Son caractère international. C’est la première fois depuis la révolution russe qu’un mouvement de contestation sur une même base franchit les frontières (pas dans tous les Etats d’ailleurs, mais pour le moment dans ceux où une fraction de la population est la plus durement touchée par la crise – en fait ceux qui n’ont pas les amortisseurs sociaux pouvant exister ailleurs). Historiquement, même en remontant à la nuit des temps, de tels courants de pensée (les religions par exemple), de structures politiques et/ou sociales, de modes, de coutumes ont toujours existé. Ils ont parfois été combattus, été parfois favorisés, parfois exploités financièrement. Deux exemples récents de telles expansions mondiales : les graffitis, nés aux Etats-Unis, qui sévissent dans le monde entier bien que nullement cautionnés et souvent combattus ; les modes vestimentaires ou musicales qui par contre sont souvent propagées par des voies médiatiques et/ou financières (bien que cette expansion ne soit pas due fondamentalement aux techniques quelconques de propagation). Si j’évoque ce développement de mouvements divers ayant pris une ampleur internationale dans un mélange de spontanéité , d’utilisation de techniques et de manipulations diverses, c’est que le mouvement des indignés présente aussi de tels caractères et ambiguïtés.

L’occupation « illégale » et illimitée (se voulant comme telle) d’un lieu privé ou public pour faire pression sur le pouvoir en place et tenter d’obtenir une concession, une réforme , voire un changement politique plus profond, n’est pas du tout une chose nouvelle dans l’histoire des luttes. L’action classique est l’occupation du lieu de travail qui, dans certaines circonstances, peut s’étendre à différentes usines voire à l’ensemble des lieux d’exploitation. La manifestation, même répétée est un autre classique mais elle n’est qu’occupation temporaire d’un lieu public. Ces deux formes de lutte, distinctes ou combinées, ont donné corps à des théories sur le renversement du système capitaliste, la prise de possession de l’appareil productif et/ou un assaut armé contre les centres vitaux du système. Des tentatives dans un sens ou dans l’autre, réussies ou avortées, ont accrédité ces théories jusqu’à une date récente, lesquelles ont quelque peu obscurci les analyses sur les mouvement des indignés tout comme elles avaient relégué des manifestations isolées antérieures de même nature. On n’a peut-être pas accordé assez d’importance aux mouvements d’occupation permanente de lieux publics dont certains eurent pourtant un grand écho et/ou des conséquences : Tiananmen à Pékin en 1989, les marches des mères de la place de Mai à Buenos Aires sous la dictature militaire puis celle ayant précipité la chute de cette dictature en 1983, plus récemment les « révolutions de couleur » dans certains Etats de l’ex-bloc soviétique… La raison principale de cette inatention à la forme même commune de ces « occupations » était l’intérêt porté au caractère politique, visant seulement un changement de gouvernement souvent inspiré par une opposition politique, clandestine ou pas, voire par une intervention indirecte étrangère. Pourquoi les « révolutions des pays arabes » (essentiellement la Tunisie et l’Egypte) qui, en fait présentaient des caractères similaires aux « occupations » sus-mentionnées (y compris certaines manipulations extérieures), ont elle suscité un tel intérêt et ont pu servir de référence à des mouvements aussi éloignés que celui du Wisconsin aux Etats-Unis ou celui des « indignés » d’Espagne ?

Je pense qu’au-delà de tout ce qu’on peut – justement – leur reprocher de leur naïveté, ambiguïtés, manque de perspective, etc., les acteurs exprimaient fondamentalement un rejet de tout le système dominant dont l’agent est d’abord le système politique existant dans chaque pays avec sa diversité. C’est la base de cet internationalisme balbutiant.

2 – L’hétérogénéité des participants qui peut varier selon les pays concernés mais que certains ont, à mon avis, classé un peu hâtivement comme « classes moyennes ». S’il est sûr que le mouvement n’a guère touché le monde des travailleurs, nombre d’entre eux ont pu s’y associer individuellement ; d’une certaine façon ce qui était exprimé visait plus les injustices ressenties dans la vie quotidienne que dans l’exploitation du travail, souvent aggravées par la crise. Pour une bonne part, les acteurs n’avaient pratiquement aucune expérience politique mais cherchaient « autre chose » sans trop savoir quoi tout en sachant ce dont ils ne voulaient plus. On peut trouver la trace de cette préoccupation orientée vers le quotidien, le pratique, dans certains pays dans la conversion des assemblées en groupes locaux essayant de parer aux drames du quotidien, par exemple les expulsions de logement (voir dans ce numéro les notes sur l’Espagne, p. 11-12).

3 – Cette hétérogénéité peut expliquer le fait que dans la plupart des pays où de tels mouvements se sont développés ils ont paru être un feu de paille, les acteurs tournant un peu en rond et ne cherchant pas (méfiance ou inexpérience) à se donner quelque but plus général ou des structures plus larges pour le promouvoir. Les liaisons, aux niveaux national et international, sont restées sur un plan horizontal, essentiellement via Internet, comme si les participants escomptaient que l’extension se poursuivrait, comme le mouvement s’était propagé au départ sans aucune liaison préétablie, simplement par l’écho rencontré par les premières manifestations.

4 – Répression et déclin. Il est maintenant clair que faute de s’être étendu (je ne discuterai pas ici les raisons que l’on peut donner à cette stagnation), soit nationalement, soit internationalement après un certain essor, ce mouvement (comme tout mouvement de lutte petit ou grand qui plafonne) des « indignés » se trouve aux prises avec la répression, une répression qui accentue son déclin. Ce mouvement qui au départ se voulait pacifique, s’est trouvé confronté le plus souvent à une ­répression meurtrière et a dû ou se disperser ou tenter d’y répondre (on doit souligner ici que, selon le degré de développement, cette répression est plus ou moins violente, ce qui se relie au rapport de forces, mais il ne faut pas se faire d’illusions à ce sujet : si le capital s’estimait en danger dans un pays industrialisé , il n’hésiterait pas à recourir à la répression la plus violente). Pourtant, partout, cette répression est double : elle peut venir du système en place dont les fondements n’ont guère été ébranlés, elle peut venir du sein même du mouvement. Je ne m’étendrai pas sur la répression du pouvoir politique, soulignant seulement qu’elle n’est pas seulement violente mais peut venir par l’absorption des acteurs par des oppositionnels politiques (voir ce qui se passe dans les pays arabes). Quant à ce qui se passe au sein même du mouvement, ce qui se joue aux Etats-Unis, est le parfait exemple d’une répression qui consiste à tenter d’intégrer un mouvement, qui leur échappait totalement et dans lequel ils n’avaient joué aucun rôle, dans les ornières des avant-gardes traditionnelles de tous bords. La tentation était en effet grande de faire jouer au mouvement des « indignés » le rôle d’une avant-garde notamment à l’égard du mouvement ouvrier. Cela demanderait de plus amples développements.

5 – Un futur. Quel que soit le sort de ce mouvement, on ne peut pas dire qu’il sombrera dans les poubelles de l’Histoire. Pas tant par la mémoire qu’en garderont les participants et par leur réflexion éventuelle sur ce qu’ils auront vécu, mais parce que ce mouvement avait des causes objectives et que ces causes demeurent, même aggravées universellement par la crise. L’aspiration à une autre société ressentie d’abord comme un refus de ce que cette société fait de chacun de nous, n’a sans aucun doute pas défini ni ce que cette autre société pourrait être, ni les moyens d’y parvenir, mais elle a quand même esquissé une aspiration commune dans tous les pays du monde et un moyen d’action dans lequel beaucoup se sont reconnus. Personne ne peut dire comment cela peut se développer dans le futur, mais il y aura un futur.

***

J’en arrive à la seconde partie de ta lettre qui mériterait des développements dépassant le cadre d’un simple débat épistolaire. Elle touche deux points, d’un côté ce qui peut se résumer sous le terme « conscience de classe », de l’autre celle de l’utilisation par ceux qui luttent des organisations existantes reconnues légalement.

Sur la conscience de classe, je dois dire que je n’ai jamais vraiment apprécié la distinction de « l’en soi » et du « pour soi ». Pour moi la lutte de classe commence dès que l’on franchit la porte d’un lieu où l’on va être exploité : le conflit de classe se situe dès ce moment car le capital voudrait traiter la marchandise force de travail comme une marchandise quelconque, purement matérielle, mais que le support de cette force est un être vivant avec ses spécificités, besoins, etc. Sans développer plus avant, je soulignerai seulement que globalement le capital dépense infiniment plus d’argent et de recherches de toutes sortes pour réduire la force de travail à l’état de pure marchandise que dans la répression des grèves.

Il est normal que les « révolutionnaires » cherchant une martingale pour faire tomber le système capitaliste aient toujours privilégié les conflits directs et accordé peu d’intérêt et même carrément méprisé le quotidien de l’exploitation, qui est pourtant le plus souvent à la genèse des conflits jugés seuls porteurs de la conscience de classe.

Quant à l’utilisation des organisations, par ceux qui luttent (quels qu’ils soient d’après leur position de classe), la première idée lorsqu’un conflit surgit c’est d’utiliser ce qui est à la portée de la main, c’est-à-dire les structures existantes se présentant comme leurs défenseurs, partis, syndicats, comités divers, etc.

Ce n’est que si ces structures ne parviennent pas à obtenir ce qu’ils voudraient ou ne répondent nullement à leur attente que ceux qui luttent cherchent ou à les réformer, ou à les contraindre d’être plus radicales, ou à en créer d’autres similaires. Il y a ainsi un rapport dialectique à tous les niveaux entre ces structures rigides (dont l’intérêt majeur est leur maintien dans le système qui les reconnaît) et la volonté de ceux qui luttent sur les buts et les méthodes de lutte.

Pour la période récente, toute l’histoire du mouvement de lutte est jalonnée par des tentatives – éphémères car limitées et objet d’une répression multiforme – de constituer des structures distinctes de lutte. Le mouvement des « indignés »est un des derniers phénomènes basés sur la conscience diffuse mais réelle de l’impuissance totale des structures politiques, y compris celles qui se prétendent radicales.

Tout cela, c’est un débat à continuer.

H. S.

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