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« Main basse sur le riz »

mercredi 7 mars 2012

Cette note de lecture de Main basse sur le riz, de Jean-Pierre Boris, est parue dans Echanges n° 134.

Main basse sur le riz

Jean-Pierre Boris

Fayard-Arte Edition

Une bonne partie de cet ouvrage tient du verbiage journalistique, notamment ces entretiens avec des personnages hauts en couleur qui jouent un rôle clé et tirent profit de la production et la commercialisation mondiale du riz. Mais, bien qu’il ne concerne qu’une seule céréale, Main basse sur le riz contient des chiffres et des précisions qui permettent de mieux comprendre ce qui s’est passé à partir de 2008 sur le marché de l’ensemble des produits alimentaires (voir La ceinture explosive. Prolétariat jetable, prix des matières premières et de l’alimentation : la crise de 2008, Echanges n° 124 , p. 3, et La hausse du prix des matières premières et la crise générale de l’accumulation, n° 125, p. 3).

Contrairement à ce qui nous a été communément présenté, tout au moins pour le riz, la pénurie ne tient pas à des causes naturelles. Mais il y eut une hausse de prix spéculative qui, en quelques semaines, multiplia par cinq le prix du kilo de riz, hausse d’autant plus insupportable pour les consommateurs qu’il s’agit de la nourriture de base de la moitié de la population mondiale, notamment de la fraction la plus pauvre.

Les pays africains dépendent, pour l’essentiel de leurs besoins, de fournisseurs étrangers. Quand l’offre se fait rare, ils sont les derniers servis. Les pays asiatiques producteurs prélèvent ce dont ils ont besoin pour leur consommation et s’il y a un surplus, les voisins sont servis en priorité. L’offre mondiale de riz n’arrive pas à suivre la hausse de la demande. Dans un pays comme les Philippines, l’extension urbaine et industrielle accapare les terres à riz en même temps que l’accroissement de la population augmente la demande (la Chine ou l’Inde connaissent des problèmes semblables).

Cette situation a déclenché une panique dont les conséquences politiques ont à leur tour perturbé l’approvisionnement du marché : les pays producteurs se sont fermés aux exportations (comme l’Inde) et les pays consommateurs ont cherché à s’assurer des sources directes d’approvisionnement (comme la Libye qui s’est fait concéder par le Tchad 100 000 ha de terres pour produire du riz, expropriant les paysans locaux et tarissant les ressources en eau). Ces mesures ont eu de sérieuses conséquences sur les marchés nationaux et sur les structures agraires, dans des pays où sévissent plus qu’ailleurs corruption et incompétence.

Aux Philippines, grand producteur et consommateur de riz, a été installé au moment de la guerre du Vietnam, pour des raisons de stratégie politique, un Institut international de recherche sur le riz (Irri), censé promouvoir la production mondiale de riz mais que les Philippins considèrent comme la dernière base américaine du pays, une « base civile chargée de faire la guerre aux intérêts philippins au nom d’un libéralisme et d’un libre-échangisme outrageusement dominant qui contribuent à mettre le pays en coupe réglée » – pas seulement pour le riz mais pour l’ensemble des ressources minières. L’Irri cherche à introduire des semences hybrides (éventuellement des OGM) contrôlées par les multinationales avec tout l’accompagnement en engrais et pesticides vendus par ces mêmes multinationales, le tout au détriment des cultures locales et le pillage de milliers de semences locales conservées dans des banques de gènes. Ainsi l’accaparement des terres par les Etats et/ou les trusts fonciers s’accompagne d’un contrôle quasi-total sur tout le procès de production agricole, avec à la clé une élimination des pratiques culturales traditionnelles et des paysans transformés en ouvriers agricoles ou en sous-prolétariat de la banlieue des métropoles ou migrants mondiaux.

H. S.

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