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Etats-Unis. Une période de transition, mais vers quoi ?

mardi 27 décembre 2011

ÉTATS-UNIS

Le vieux mouvement ouvrier représenté par l’AFL-CIO décline sérieusement. L’éthique du travail en prend aussi un coup, au moment même où sa vertu idéologique est bruyamment proclamée. Dans ce contexte, après vingt ans de désindustrialisation, la Marche d’un million de noirs doit être interprétée avec précaution. Des tactiques de lutte autrefois rejetées, comme les occupations d’usine, réapparaissent.

Ce texte est paru dans Echanges n°81 (janvier-juin 1996).

A aucun moment peut-être au cours des dernières décennies, la société américaine n’a été aussi clairement divisée et mûre pour des explosions sociales. Sans aucun doute, le conflit social n’a pas encore éclaté à quelque échelle significative, mais les préconditions s’en développent et ne montrent à aucun moment quelque signe qu’elle puissent disparaître prochainement. Jusqu’à présent, une bonne part de la pression des tensions et frustrations a pu paraître désamorcée, récupérée ou fragmentée. Soit qu’elle fusse déviée vers des canaux bien contrôlés (au moins pour le moment présent), soit qu’elle fusse dirigée, sans que cela soit vraiment nécessaire, vers des stratégies de survie individuelles privées.

Comme exemple de la première tendance, la classe dominante a largement réussi (mais pas complètement) à rendre les bénéficiaires du « Welfare », et les émigrés en particulier, « responsables » du déclin du niveau de vie en les présentant comme des parasites et des cossards. La « réforme » actuelle du « Welfare » va effectivement faire glisser la présente situation vers une organisation d’après-prospérité, une militarisation capitaliste de la politique du travail visant à imposer les normes de la discipline, et à contraindre les secteurs les plus pauvres à entrer dans le marché du travail à n’importe quel prix et les placer en situation de concurrence directe avec les travailleurs syndiqués, particulièrement ceux du secteur public.

Par exemple, déjà dans plusieurs Etats importants, les bénéficiaires du « Welfare », ont été contraints d’entrer dans des programmes dénommés « workfare », où ils sont employés par les administrations locales comme source de main-d’œuvre de remplacement bon marché, dans le but de réduire le coût de l’emploi des travailleurs en place et qui touchent, eux, une paie décente. Parallèlement à l’utilisation de cette main-d’œuvre de « chômeurs salariés », les autorités municipales et des Etats ont de plus en plus embauchés des travailleurs contractuels et temporaires pour briser les grèves et toute autre forme de lutte. L’été dernier par exemple, le gouverneur de l’état de New Jersey (proche de New York) a brisé une grève des employés de péages routiers, lors d’un week-end particulièrement chargé, en affectant immédiatement à chaque poste des travailleurs de remplacement contractuels, forçant ainsi le syndicat à capituler.

Loin d’être l’exception, cette manière de traiter les conflits est de plus en plus utilisée avant toute autre par les patrons du secteur privé. Les pratiques « fair play » d’une grève rituelle suivie par des négociations, bien établies par des décennies de paix sociale, sont balayées par les employeurs de secteurs autrefois sans problèmes qui optent maintenant pour la manière forte.

Même le Wall Street Journal observait, au début de 1996, que « provoquer des grèves » est de plus en plus dans la période actuelle l’arme des patrons pour imposer des changements dans les règles de travail, pour se débarrasser des travailleurs « inflexibles », etc.

Le vieux mouvement ouvrier

Le vieux mouvement ouvrier représenté par l’AFL-CIO décline sérieusement, un déclin et un désarroi que ne changera en aucune façon l’élection de Sweeney à la tête de l’AFL-CIO. Même ce qui est célébré comme une renaissance du militantisme est limité à quelque faits illégaux, ponctuels et souvent symboliques, comme par exemple bloquer le trafic ou des actions de façade au nom d’une politique de pression soigneusement orchestrée… Mais de telles tactiques ne vont pas, très significativement jusqu’à mobiliser les travailleurs vers des formes plus larges, plus généralisées, visant à désorganiser la production, ce que, de toute façon, la bureaucratie syndicale existante serait dans l’incapacité absolue d’organiser.

Mais peut-être doit-on accorder une signification plus importante à une accélération de l’érosion (jusqu’à la rupture) avec ce qui constituait la culture et la communauté ouvrière aux Etats-Unis. Avec quelques importantes exceptions, les grèves les plus sérieuses des quinze dernières années ont éclaté dans des zones éloignées, relativement à l’écart des grandes concentrations urbaines. Nous nous référons ici à Phelps-Dodge, à Austin, à la grève des mineurs de Pittston, aux chantiers navals Beah dans le Maine, etc. et, aujourd’hui, aux grèves en cours à Decatur. Ces grèves dures et menées jusqu’à une fin amère, se sont terminées pour la plupart par des défaites ; elle se sont déroulées dans des villes qui n’avaient que cette seule industrie.

La période où l’on voyait des communautés ouvrières solidement organisées autour d’une industrie dans lesquelles les gens vivaient et travaillaient dans des collectivités soudées autour de l’usine où ils travaillaient, circonstance qui permettait l’émergence de la perception d’une identité ouvrière spécifique à cette phase de longue prospérité du développement capitaliste, tout cela a entièrement disparu, probablement pour toujours. Particulièrement dans les grandes cités.

Des institutions traditionnelles de la classe ouvrière, comme le bistrot du coin, disparaissent lentement mais sûrement, à mettre aux profits et pertes de la privatisation croissante des loisirs, qui représente à la fois une conséquence des développements technologiques (par exemple les vidéo-cassettes largement accessibles et relativement bon marché, au moins si l’on travaille) et des changements dans les standards du divertissement. Vous n’allez plus au bistrot du coin pour discuter de vos problèmes autour d’un pot - mais vous restez à la maison et lorgnez sur une vidéo dans l’isolement privé de votre living-room. Tout en espérant qu’un coup de feu tiré à travers la fenêtre ne viendra pas vous y cueillir.

Tout cela a créé une espérance nostalgique d’une « communauté » idyllique qui remplacerait la marche inlassable du Capital dans la colonisation envahissante de la vie quotidienne. Cette nostalgie est exploitée cyniquement par l’Etat qui, comme nous l’avons noté dans les numéros précédents, aimerait transférer bien des fonctions sociales du « Welfare » vers la « communauté chérie ».

Cette situation n’a peut-être pas atteint des extrêmes aussi absurdes que dans le quartier Fairfield de Baltimore (lire page 6). Pour revenir à notre point de départ, c’est bien plus que les loisirs et la « communauté » qui sont affectés. A dire vrai, c’est une curieuse contradiction de voir qu’au même moment l’éthique du travail en prend aussi un coup — à cause du capitalisme lui-même (nous parlons ici de l’orgueil d’être récompensé dans son travail par une échelle décente de salaires avec des augmentations périodiques et par une garantie d’emploi, pour toute la vie éventuellement), alors que sa vertu idéologique ne cesse d’être bruyamment clamée à tous vents, le plus souvent de la même façon pathologique que la fièvre s’élève juste avant qu’on soit proche de la mort. Et cela sera la source de contradictions futures.

Comme la conscience des gens est souvent à la traîne derrière une réalité changeante, cela peut prendre quelque temps avant que tout cela soit bien évident pour tous. Mais le ciment traditionnel s’est évanoui même chez des employeurs qui garantissaient un emploi stable à vie comme IBM ou ITT, qui jettent aujourd’hui les travailleurs à la rue comme autant de pièces inutiles. Et l’éthique du travail qui se délite est comme une rue à deux voies avec d’importantes ramifications qui disparaîtrait dans une restructuration professionnelle à sens unique.

Il est impossible de voir exactement d’après les indicateurs sociaux quelle est l’étendue de ce nouveau refus du travailleur. L’absentéisme, le vol, le sabotage au sens large, l’usage de la drogue sur le lieu de travail, toutes actions qui sont habituellement déqualifiées sommairement comme individualistes et hors de toute conscience de classe et habituellement ignorées à la fois par les gauchistes traditionnels et l’aile droite des sociologues industriels.

Il est caractéristique que les quelques articles qui sont parus sur ce sujet dans la presse consacrée au management et aux « ressources humaines » se concentrent généralement sur les échelons supérieurs des cols blancs, et pas du tout sur les cols bleus ou sur les secteurs où l’on trouve un prolétariat particulièrement exploité de cols blancs ou de travailleurs des services. Mais les statistiques montrent que ces comportements sont de plus en plus fréquents.

Une des rares exceptions à cette ignorance générale traitant ouvertement de cette désaffection des travailleurs se trouve dans une étude menée par Kepner-Tregoe, une firme de consultants en management qui a interviewé plus de 1 500 travailleurs et managers. Le résultat fut si surprenant que la firme fit une seconde enquête pour vérifier les premières constations. Selon le président de Kepner-Tregoe, « la réponse, décapante, est surprenante... Les travailleurs n’aiment pas leurs entreprises et un changement social fon­damental se développe dans ce pays en matière de relations de travail... Les travailleurs entendent tout le verbiage sur “comment nos gens sont le capital le plus important que nous possédions” et cela les fait vomir ». Dans presque toutes les catégories de l’enquête — de la « satisfaction globale » pour le travail à des opinions sur les nouvelles équipes de travail, une majorité écrasante des travailleurs interviewés rejetaient clairement les vues des managers sur le nouveau « pouvoir délégué de décision », par exemple le langage bien châtié dissimulant une brutale déqualification et une exploitation accrue dans une surexploitation.

Si, actuellement, de telles opinions deviennent largement répandues, elle restent encore au niveau du mécontentement individuel et sont encore à prendre le cours d’une expression collective. Mais, comme nous l’avons déjà noté, la frontière entre le désespoir individuel et l’action collective de masse est en vérité bien ténue. La classe ouvrière américaine en particulier a une constante de réactions soudaines après des périodes de calme apparent. Certainement, l’aliénation grandissante sur le lieu de travail est une précondition pour un affrontement futur.

Le rôle du travail des immigrés

En nombre croissant, les travailleurs descendants d’étrangers, principalement latinos et asiatiques, qui occupent les échelons les plus bas de la force de travail et qui ont importé avec eux leurs propres méthodes traditionnelles de lutte, sont essentiellement concentrés dans les plus grandes villes des Etats-Unis.

D’une certaine façon, ils sont beaucoup plus militants que les travailleurs américains de souche. Par exemple, nous avons entendu parler d’une grève en 1991 à Los Angeles à American Racing Equipment, où tous les travailleurs en grève étaient d’anciens enseignants d’une région particulièrement pauvre du Mexique qui avaient émigré aux Etats-Unis. Leur grève victorieuse de cinq jours, de toute évidence, découlait des traditions militantes qu’ils avaient acquises au Mexique.

En même temps, il est important de ne pas donner trop d’importance à de tels développements ou bien de caractériser tel ou tel secteur ouvrier comme une « avant-garde ». Comme le notait un lecteur de Los Angeles : « ...avec les militants de “Janitor for Justice” (et ils sont des centaines), leurs leaders utilisent des actions de masse — qui peuvent effectivement être très perturbatrices pour négocier des accords avec les patrons qui paient les travailleurs avec un lance-pierre. Par exemple, leur dernier accord précisait que la plupart des employés d’immeubles (depuis les gardiens aux préposés à l’entretien) verraient leurs salaires passer de 5,25 dollars à 6,80 dollars de l’heure (de 26,25 francs à 34 francs) au cours des prochaines années. Mais les autres employés d’immeubles, qui gagnent déjà 6,80 dollars de l’heure ou plus, verraient leurs salaires virtuellement gelés.

La direction “progressiste » du Local 399 du syndicat SEIU et leurs apologistes “gauchistes” célébrèrent cette situation comme démontrant que “les travailleurs savaient faire des sacrifices en solidarité avec leurs camarades travailleurs”. Que dire alors des “sacrifices” consentis par des capitalistes pleins de morgue ? L’extension des remboursements maladie fut aussi négociée dans cet accord mais il faudrait travailler des heures supplémentaires pour y avoir droit ».

La marche d’un million de Noirs

Pour comprendre quelques-unes des contradictions de cette marche, on doit d’abord comprendre l’océan de souffrances qui dévaste la communauté noire. Pendant près de vingt ans, conséquence de la désindustrialisation, il règne dans le ghetto une atmosphère de guerre fratricide et nihiliste, une implosion de colère et de frustration combinée à la réussite sociale visible de la minorité grandissante d’une classe moyenne présentée habituellement comme la preuve que l’Amérique a réellement dépassé le racisme : si vous n’en faites pas partie, c’est votre faute et pas celle du système. Il est impossible de faire comprendre la froide violence effarante qui surgit en conséquence de ce désespoir qui tourne en rond. La seule comparaison qui vienne à l’esprit est celle d’une zone de guerre, bien que l’ennemi ne se trouve pas à l’extérieur en face de vous, mais soit la personne qui vit à côté de vous. Par exemple, le nombre de meurtres, à Baltimore seulement, depuis 1970 surpasse celui des victimes de la guerre civile en Irlande du Nord dans la même période Pour cela, l’appel bien vague à une « réparation » frappa la corde sensible de la plupart des noirs ordinaires.

Mais il est vrai aussi que la plupart des villes américaines, avec d’importantes populations de noirs et de latinos, sont de vraies poudrières potentielles, chacune d’entre elles pouvant exploser séparément, comme à Los Angeles ou comme lors des mini-émeutes qui ont éclaté en 1995 à Paterson dans le New Jersey, à Indianapolis, à Miami et à Lexington (Kentucky) entre autres, sans compter d’autres explosions plus petites et plus localisées.

Cela dit, c’est intéressant de voir comment les médias ont contribué à fabriquer la « Marche du million de noirs ». Six bonnes semaines avant la marche, on pouvait observer que nulle part la moindre infrastructure de base n’existait. Contrairement aux autres manifestations nationales sur un sujet quelconque, qui sont toujours ignorées ou minimisées avant et après leur déroulement, la « Marche du million » reçut une couverture médiatique positive surprenante. Ceci pouvait être dû à deux facteurs. L’un d’eux était que la marche fut considérée comme « non-menaçante » donc promue sans grand risque. L’autre que les médias aiment à exagérer et à faire du sensationnel avec la division raciale grandissante (qui naturellement fut combinée au cirque Simpson) de sorte que la marche pouvait être vue comme un symptôme de l’abîme entre l’Amérique noire et blanche et, dès lors, mis en lumière sous cet angle. Quelles qu’en aient été les intentions, la promotion médiatique eut l’effet — probablement pas intentionnel — de transformer l’événement en un référendum spontané d’orgueil des Noirs, ce qui accrut la participation dans une proportion sans commune mesure avec les efforts réels des organisateurs.

Il est indéniable que les participants pouvaient apparaître appartenir d’une manière disproportionnée à un milieu aisé. Le seul coût du voyage à Washington aurait dû exclure les secteurs les plus pauvres de la population noire. Nous avons vu personnellement un sans-logis de Baltimore appeler les organisateurs locaux de la marche pour demander s’il y aurait des bus gratuits. Il lui fut répondu que s’il avait voulu réellement participer à la marche, il aurait pu mettre de côté l’argent pour ça, puisque la publicité pour la marche avait circulé pendant deux mois. Pas besoin de dire qu’il ne put y aller et certainement bon nombre d’autres pour les mêmes raisons. Le rôle de Louis Farrakhan doit être considéré dans le contexte. Il est vu pour la plupart comme un docteur qui aurait fait le bon diagnostic, mais personne n’est disposé à suivre la ligne qu’il propose comme remède. En d’autres termes, des milliers de gens vont l’écouter lorsqu’il dénonce le racisme : il est le seul parmi les figures nationales noires à le faire clairement, d’une manière violente et sans ambages. Pourtant bien peu sont disposés à rejoindre la « Nation de l’Islam » ou même à en devenir les sympathisants. La « Nation » reste un groupe minuscule, qui compterait seulement 10 000 à 15 000 membres, selon des esti­mations. Pour l’instant, son audience est hors de proportion avec les effectifs réellement enrôlés.

Dans les années passées, Farrakhan s’est subtilement déplacé d’une politique de recrutement parmi le lumpen prolétariat noir, qui avait précédemment constitué la base essentielle du NOI (ex prisonniers, etc.) pour se concentrer sur les noirs de la classe moyenne (étudiants et professionnels aux diplômes universitaires). Son rôle prééminent dans la marche est encore un autre exemple de sa façon de s’introduire dans cette couche et de se situer comme un défenseur des intérêts de la petite bourgeoisie noire.

Cela dit, on ne peut dénier que Farrakhan soit un très sinistre personnage réactionnaire dont le rôle, à long terme, peut être celui d’une version américaine de Buthelezi en Afrique du Sud.

Il est surprenant que bien peu d’observateurs, pour ou contre, ne soulignent que Farrakhan reçoive de l’argent du gouvernement. Le NOI obtint des millions de dollars sous forme de contrats pour fournir des services de sécurité dans les projets de construction dans les villes. Etonnant contraste de ce généreux prétendu « soutien neutre » avec le sort que connurent les Panthers, Malcolm X et même Martin Luther King. Ainsi, quelle que soit la position annoncée publiquement, les dirigeants voient clairement ce démagogue comme quelqu’un digne d’être soutenu financièrement. Pas besoin de dire que ce cordon ombilical de dollars sera très utile, dans l’avenir, pour faire jouer à Farrakhan un rôle bien intéressant en retour à un moment ou à un autre, tout autant qu’à l’aider à se transformer en un diviseur de la masse des noirs. Il n’est pas impossible de voir un jour Farrakhan fournissant les troupes de choc pour briser des émeutes futures dans les villes par exemple.

Quant aux effets à long terme de la Marche du million, il est encore trop tôt pour en parler, même pour dire s’il y en aura. Parce qu’elle a transmis un message plutôt flou, dont n’importe qui peu se prévaloir dans sa propre perspective politique, tout cela reste assez imprécis. Le fait que les orateurs sur le podium comprenaient des noirs occupant des fonctions officielles électives, responsables de coupes claires dans les budgets locaux, de licenciements et de restrictions dans les avantages locaux dans quelques-unes des villes les plus importantes — toutes choses ayant frappé sans commune mesure la classe ouvrière noire et les pauvres — laisse à penser que le conflits de intérêts de classe peut avoir été bien enveloppé pour une journée, celle de la Marche, mais pas spécialement pour une coalition à longue échéance.

Et quel que soit le contenu plein de contrition du message officiel de la Marche du million, il est clair aussi que celle-ci, malgré tout cela, fut peut-être la première protestation implicite et la plus large contre le « Contrat pour l’Amérique » ; ce que les Républicains ont été contraints de reconnaître même alors qu’ils ramaient mal à l’aise en essayant d’y trouver des éléments réconfortants autour de leur propre vision généralisante.

Conclusions

Ce que suggèrent ces observations partielles, généralement admises, c’est que le vieux cadre institutionnel de l’après-guerre mondiale (la dernière) qui gouvernait le conflit de classe aux Etats-Unis est régulièrement battu en brèche et émasculé — un processus qui a conduit à ébranler les vieilles allégeances et ne peut que continuer à s’accélérer dans un futur prévisible. Aucune nouvelle réforme, dans le style de la vieille tradition américaine d’acheter le mécontentement des masses avec des concessions partielles, n’est en vue. Ce qui se profile, c’est la seule possibilité de choisir où doivent se situer les réductions du niveau de vie. Comme les émeutes de Los Angeles l’ont largement démontré, dans leur brutal contraste avec les rébellions urbaines des années soixante, aucun programme contre la pauvreté déversant de l’argent pour éteindre le feu ou autres mesures similaires n’est apparu dans les rues.

Ironiquement, ce qui fut autrefois considéré comme des tactiques « ultra gauche » pendant la longue période de prospérité, et confiné alors dans les espérances de groupes minuscules et insignifiants, des tactiques telles que les occupations d’usine, apparaissent maintenant objectivement des mesures très pratiques et très réalistes. De la même façon que, dans la Grande Dépression des années trente, les occupations d’usines surgirent d’un sens commun, comme une réponse au nombre grandissant de chômeurs que le désespoir aurait poussé à accepter de jouer les jaunes pour briser les grèves traditionnelles.

Pour la première fois depuis des décennies, toutes les vieilles solutions réformistes (confiance dans les leaders, les Démocrates, revendications limitées, etc.) apparaissent des utopies sans espoir. Naturellement, ces solutions réformistes n’étaient pas l’expression d’une « fausse conscience », mais le résultat de périodes de relative prospérité au cours desquelles il était possible de contraindre les capitalistes à recracher quelque avantage, au moins dans l’immédiat. Mais quels que soient les intentions et les buts, ces tactiques sont aujourd’hui bien mortes. Il n’y a plus de miettes nouvelles à distribuer pour personne, car les conditions objectives existant précédemment pour des réformes, même les plus limitées, ont été balayées. Quand les luttes surgiront, elles pourront être contraintes d’affronter ce fait.

Les débâcles récentes des grèves des ouvriers du pneumatique de Bridgestone/Firestone, puis de Caterpillar, ont pu démontrer, dans l’amertume, l’épuisement de toutes les différentes factions du mouvement ouvrier traditionnel. Et dans cette période de transition de ce qui — nous l’espérons — pourrait signifier les balbutiements d’un nouveau mouvement ouvrier, les leçons devront être apprises et les conclusions tirées dans le cours de la lutte elle-même.

C.P.

5 décembre 1995

« The Million Man March », par Michael Albert, Z Magazine, décembre 1995.

« Black America : The Promise of the Million Man March », par Ron Daniels, Z Magazine ,janvier 1996

« Million Man March ignored Capitalist Cause of Racism » ; The People 28/10/95

« African-American History and Politics », Against The Current, n° 60 jan.-fev. 1996, série d’articles sur le mouvement noir aux Etats-Unis dont « Perspzctives de la marche du million d’hommes » et « Le marxisme créatif de C.L.R.James »

Dans Independent Politics, n° 12, nov.dec. 1995, plusieurs articles sur la « Million Man March » :« Un énorme rassemblement soulignant le racisme et la suprématie blanche », « Impressions de la rue » et « Un vision de la gauche »

Dans Street Voice n° 58, nov ; 95 : « Réflexions sur la “Million Man March” » Sur le massacre des protections sociales : « L’assaut sur la Sécurité Sociale » dans Z Magazine , nov 1995

Sur les grèves aux Etats-Unis : voir page 11 la lettre sur la grève des journaux de Détroit - « Staley’s Legacy of struggle, Lessons of Defeat » (sur la grève de Staley) et « Detroit Newspaper strike : a bitter winter » (dans Against The Current, n° 61mars avril 1996). Dans Independent Politics n° 12, nov. dec.1995, une interview avec un respondable de « Staley Road Warriors » (les combattants de la rue à Staley) : « Une escarmouche dans la guerre des travailleurs »

« Les travailleurs ont-ils gagné la grève de Boeing ? », The People, 23/3/96

« Lutte dans les champs de tomate » « Le syndicat UNited Farm Workers dans les années 90 », sur une lutte des ouvriers agricoles en Californie, Independent Politics, n° 10 juillet-août 1995

Un zine pour les amateurs du travail temporaire Temp slave , impossible à décrire tant il collectionne des articles aussi brefs que percutants : Keffo, POB 8284, Madison, WI 53708 -8284. c MEXIQUE

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