Texte paru dans Echanges n° 137 (été 2011).
« Libye : les victimes invisibles » : sous ce titre, Courant alternatif n° 212 (été 2011) consacre un intéressant article aux immigrés, et pas seulement en Libye. Pour CA, « les travailleurs immigrés, en Europe, dans les pays arabes riches et aux Etats-Unis, cristallisent d’une manière éclatante la lutte de classe. Ils représentent 3,1 % de la population mondiale, ce qui est peu statistiquement, mais ce chiffre est en constante augmentation en raison de la paupérisation de nombreuses populations : ils étaient 214 millions en 2010 contre 150 millions en 2000. Dans quelques pays le nombre d’immigrés dépasse le chiffre de la population locale : le Qatar (87 % d’immigrés), les Emirats arabes unis (70 %), ou est très important : Singapour (41 %), l’Arabie saoudite (28 %). Les chiffres de l’immigration en Europe sont insignifiants : on estime à 30 000 le nombre de travailleurs immigrés ayant tenté d’arriver en Europe début juin. Depuis la « révolution » tunisienne, l’île italienne de Lampedusa a reçu entre 20 000 et 25 000 Tunisiens, dont la plupart veulent travailler en France. Depuis mai, les nouveaux arrivants viennent de plus en plus d’autres pays – Africains ou Asiatiques du Sud.
Le capitalisme, souligne CA, a besoin de ces travailleurs démunis, sans droits, et qui servent à la fois de main-d’œuvre bon marché non revendicative et de bouc émissaire auprès des opinions publiques. « Le cynisme, écrit le mensuel de l’OCL, c’est que les gouvernements considèrent l’immigration comme un problème pour l’Europe mais jamais pour les immigrés eux-mêmes. Or pour celui ou celle qui, pour gagner sa vie, a besoin de traverser les continents sans rien dans les poches et souvent endetté(e), pour mourir dans le désert ou se noyer en mer et qui une fois arrivé risque de sa faire expulser aussitôt, c’est bien un problème. »
Le rôle de la Libye est bien évidemment analysé dans cet article, : Kadhafi a maintes fois utilisé les immigrants comme argument dans les négociations avec les pays européens. Ainsi, en 2008, a-t-il signé un traité avec l’Italie, à la suite duquel les débarquements d’immigrés sur les côtes itailiennes auraient diminué de 90 %.
Avant le 15 février 2011, on estimait à 2,5 millions le nombre de travailleurs étrangers, dont plus de 1 million d’Egyptiens, 50 000 Tunisiens, 30 000 Chinois, 25 000 Turcs, 20 000 Indiens...
Après quatre mois de guerre, c’est au moins un million de personnes qui ont fui vers la Tunisie ou l’Egypte.
Quant au Conseil national de transition (CNT), il n’évoque pas la question, mais négocierait avec l’Italie le renforcement des accords signés par Kadhafi.