CE QUE VEULENT CEUX DE LA PUERTA DEL SOL
Et ceux qui continuent de camper sur les places de plus de 50 villes d’Espagne
« Parmi nous, certain-e-s se considèrent plus progressistes, d’autres plus conservateurs. Quelques un-e-s croyants, d’autres pas du tout. Quelques unEs ont des idéologies très définies, d’autres se considèrent apolitiques. Mais nous sommes tous très préoccupé-e-s et indignés par la situation politique, économique et social autour de nous. Par la corruption des politiciens, entrepreneurs, banquiers,... Par le manque de défense des hommes et femmes de la rue.
» Cette situation nous fait du mal quotidiennement ; mais, tous ensemble, nous pouvons la renverser. Le moment est venu de nous mettre au travail, le moment de bâtir entre tous une societé meilleure. Dans ce but, nous soutenons fermement les affirmations suivantes :
l’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès a la culture, la développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée ;
des droits basiques doivent être garantis au sein de ces sociétés : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation, au libre développement personnel et le droit à la consommation des biens nécessaires pour une vie saine et heureuse ;
le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité ;
- la démocratie part du peuple, par conséquent le gouvernement doit appartenir au peuple. Cependant, dans ce pays la plupart de la classe politique ne nous écoute même pas. Ses fonctions devraient être de porter nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies directes de démocratie et aussi, procurant le plus de bienfait possible à la majorité de la société, et pas celle de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des pouvoirs économique et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature partitocratique menée par les sigles inamovibles du PPSOE [1] ;
la soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns crée inégalités, crispations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale, qui se consomme par elle-même, enrichissant une minorité et le reste tombant dans la pauvreté. Jusqu’au malaise ;
la volonté et le but du système est l’accumulation d’argent, tout en la plaçant au-dessus de l’efficience et le bien-être de la société ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs malheureux ;
nous, citoyens, faisons parti de l’engrenage d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui ne connaît même pas nos besoins. Nous sommes anonymes, mais, sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons bouger le monde ;
si, en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une abstraite rentabilité économique qui ne tourne jamais à notre avantage, nous pourrons effacer les abus et les manques que nous endurons tous. Nous avons besoin d’une révolution éthique. On a placé l’argent au-dessus de l’Etre Humain, alors qu’il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des produits du marché. Je ne suis pas que ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète A la vue de cela, je suis indigné.
Je crois que je peux le changer Je crois que je peux aider. Je sais que, tous ensemble,on le peut .Sors avec nous. C’est ton droit. »
Un témoin de Barcelone : « Je viens de la Place de Catalunya. »
Lire la suite : Lettres de Barcelone, place de Catalunya.
LE MONDE BOUGE, MAIS VERS QUOI ?
C’était le titre qui se développait en première page du bulletin précédent de mars 2011. Et la conclusion de tous les mouvements de révolte, qui ne couvraient pas seulement les pays du pourtour méditerranéen et du Moyen-Orient (pas seulement les « pays arabes », caractérisation facile recouvrant des situations et des intérêts divers), la conclusion était que « la révolution sociale n’est pas à l’ordre du jour ».
Tout en est encore là aujourd’hui — avec toutes les incertitudes d’une évolution de la crise économique que personne ne maîtrise — pour un monde capitaliste qui semble pour le moment confirmer ce propos : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change » (Le Guépard, film de Visconti d’après le roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa).
Passons en revue pays par pays où en sont aujourd’hui ces mouvements de foule qui se sont parfois transformés en émeutes à cause de leur répression sanglante. Là où le pouvoir en place a dû quitter les fauteuils dirigeants, d’autres s’y sont installés, le plus souvent ceux qui avaient auparavant servi fidèlement les « sortis », promouvant après quelques transformations cosmétiques la défense des mêmes intérêts capitalistes nationaux et internationaux. Partout, un scénario s’est développé : une fois le ménage assuré, avec l’appoint d’un combat prolétarien, les travailleurs sont priés de rentrer dans leurs usines et d’y être exploités comme avant pour que la nouvelle équipe puisse se glorifier d’avoir « redressé » le pays et bien servi l’ensemble des intérêts qui ont garanti leur légitimité. Cela ne va pourtant pas sans mal pour les nouveaux représentants du capital qui jouent leur destin au pouvoir. La concomitance de la crise économique nationale provoquée par les troubles sociaux (les capitalistes cherchant ailleurs des bases plus sûres d’exploitation de la force de travail) et de la crise mondiale fait que c’est le prolétariat qui tient les clés d’un futur incertain : d’où la répression des nouvelles équipes, pas si nouvelles, qui utilisent les mêmes forces — armée et police qui, elles aussi, sont restées bien en place. Un commentateur a pu écrire que « les révolutions ne sont en fait qu’une restructuration coordonnée et planifiée du paysage politique de la région ». Les manifestations et insurrections auraient été sinon déclenchées du moins inspirées et contrôlées pour changer la tête des régimes dictatoriaux, peu enclins à participer à la croisade occidentale contre l’Iran.
TUNISIE - 16/05/2011 – Voir aussi Tunisie, décembre 2010-janvier 2011. — Un article du quotidien tunisien Le Temps décrit comme suit la situation : « On assiste à des mouvements incontrôlés avec des revendications excessives, des occupations, des manifestations, des violences, des pillages, la désobéissance civile — mouvements qui attaquent l’autorité de l’État, qui font fuir les investisseurs, menacent la cohésion sociale, affaiblissent l’économie nationale en la mettant pratiquement à genoux. »
À la même époque, un comité électoral est mis en place par le gouvernement « provisoire » en vue des élections le 24 juillet d’une assemblée constituante qui devrait décider d’une nouvelle constitution. Cela ne satisfait pas plus les manifestants qui ont fait partir Ben Ali que les travailleurs qui espéraient dans le changement pour des jours meilleurs. Soi-disant pour prévenir la montée des islamistes (qui effectivement tentent de profiter de la situation), un couvre-feu a de nouveau été institué ; il vient d’être rapporté. Le syndicat UGTT (syndicat unique sous Ben Ali) déclare que « son but est d’aider ce gouvernement à accomplir sa difficile mission », ledit gouvernement qui poursuit des entretiens avec le gouvernement français pour accroître les investissements en garantissant avec la paix sociale les mêmes conditions d’exploitation du travail.
La France a des intérêts économiques particuliers dans le pays. Rien que dans le secteur de l’industrie textile, 2 100 entreprises exploitent 200 000 travailleurs ; la Tunisie est le second fournisseur en habillement de la France après la Chine ; récemment, le patronat tunisien de ce secteur s’est concerté, en France, avec les clients français pour garantir que « le miracle tunisien va continuer » bien que, comme ils disent, « le paysage social ait changé » (en janvier, les exportations ont chuté de 15 %) ; au lieu d’être imposés par l’autorité centrale, les salaires seront l’objet d’accords collectifs avec les syndicats (qui restent les mêmes affiliés à l’UGTT) ; ces salaires restent très « compétitifs » (0,75 euro de l’heure contre 0,93 en Algérie ou au Maroc et 2,01 en Turquie) et seraient maintenus au prix de quelques concessions secondaires autour du « dialogue social ».
Si les travailleurs espéraient que leur condition allait changer, il leur faudra se battre contre une répression qui s’affirme plus dure dans la défense des intérêts du capital en général. Les manifestations antigouvernementales se poursuivent : en mai, elles se sont prolongées 4 jours avant d’être durement réprimées (1 mort, 600 arrestations). Mais grèves et occupations se poursuivent pour avoir du travail et pour des hausses de salaires. Des exemples parmi tant d’autres : le 13 mai, les habitants bloquent les entrées du site de British Gaz Tunisia à Nakta (près de Sousse, il assure la moitié de la consommation de gaz) pour l’emploi et une répartition locale des profits ; depuis le 3 mai, grèves de catégories diverses des aéroports : agents au sol à Monastir (Sousse) contre une privatisation, bagagistes et taxis à Tunis-Carthage ; grève illimitée à Tunisie Télécoms, grève générale locale à Siliana (centre-nord) après une déclaration du Premier ministre, grèves des services financiers, des magistrats, des enseignants (écoles évacuées par la force), etc. Pour le « renforcement de la démocratie », les USA ont fait don à la Tunisie de 20 millions de dollars et l’Union européenne de 23 millions de dollars.
LIBYE. Les dessous d’une « révolte populaire ».
En réalité, l’affaire libyenne n’a pas commencé en février à Benghazi mais à Paris le 21 octobre 2010. Selon les révélations du journaliste italien Franco Bechis (Libero, 24 mars), c’est ce jour-là que les services secrets français ont préparé la révolte de Benghazi. Ils ont alors « retourné » (ou peut-être déjà avant) Nuri Mesmari, chef du protocole de Kadhafi, qui était quasiment son bras droit. Venu à Paris avec toute sa famille pour une opération chirurgicale, Mesmari n’y a rencontré aucun médecin, mais se serait par contre entretenu avec plusieurs fonctionnaires des services secrets français et de proches collaborateurs de Sarkozy, selon le bulletin Web Maghreb Confidential. Le 16 novembre, à l’hôtel Concorde Lafayette, il aurait préparé une imposante délégation qui allait se rendre deux jours plus tard à Benghazi. Officiellement, il s’agissait de responsables du ministère de l’Agriculture et de dirigeants des sociétés France Export Céréales, France Agrimer, Louis Dreyfus, Glencore, Cargill et Conagra. Mais, selon les services italiens, la délégation comportait aussi plusieurs militaires français camouflés en hommes d’affaires. À Benghazi, ils rencontreront Abdallah Gehani, un colonel libyen que Mesmari a indiqué comme étant prêt à déserter.
À la mi-décembre, Kadhafi, méfiant, envoie un émissaire à Paris pour essayer de contacter Mesmari. Mais la France l’arrête. D’autres Libyens se rendent visite à Paris le 23 décembre, et ce sont eux qui vont diriger la révolte de Benghazi avec les milices du colonel Gehani. D’autant que Mesmari a fourni aux Français de nombreux secrets de la défense libyenne. Il n’y a pas que les Français…
Qui dirige à présent les opérations militaires du « Conseil national libyen » anti-Kadhafi ? Un homme tout juste arrivé des Etats-Unis le 14 mars, selon Al Jazeera. Décrit comme une des deux « stars » de l’insurrection libyenne par le quotidien britannique de droite Daily Mail, Khalifa Hifter est un ancien colonel de l’armée libyenne, passé aux Etats-Unis.
Dans cette guerre contre la Libye, Washington poursuit plusieurs objectifs simultanément :
1. Contrôler le pétrole.
2. Sécuriser Israël.
3. Empêcher la libération du monde arabe.
4. Empêcher l’unité africaine.
5. Installer l’Otan comme gendarme de l’Afrique.
Dans ce contexte, il faut rappeler deux faits. 1. Kadhafi désirait porter la participation de l’Etat libyen dans le pétrole de 30 % à 51 %. 2. Le 2 mars dernier, Kadhafi s’était plaint que la production pétrolière de son pays était au plus bas. Il avait menacé de remplacer les firmes occidentales ayant quitté la Libye par des sociétés chinoises, russes et indiennes.
C’est le groupe allemand BASF qui était devenu le principal producteur de pétrole en Libye avec un investissement de 2 milliards d’euros. C’est la société allemande DEA, filiale du géant de l’énergie RWE, qui a obtenu plus de 40 000 kilomètres carrés de gisements de pétrole et de gaz. C’est la société allemande Siemens qui a joué le rôle majeur dans les énormes investissements du gigantesque projet « Great Man-Made River » : le plus grand projet d’irrigation au monde, un réseau de pipelines destiné à conduire l’eau depuis la nappe aquifère de la Nubie jusqu’au désert du Sahara. Plus de 1 300 puits, souvent à plus de 500 mètres de profondeur qui, une fés, fourniront chaque jour 6,5 millions de mètres cubes d’eau à Tripoli, Benghazi, Syrte et d’autres villes. 25 milliards de dollars qui ont attiré quelques convoitises ! De plus, avec ses pétrodollars, la Libye avait aussi engagé un très ambitieux programme pour renouveler ses infrastructures, construire des écoles et des hôpitaux, et pour industrialiser le pays.
Profitant de sa puissance économique, l’Allemagne a noué des partenariats économiques privilégiés avec la Libye, l’Arabie saoudite et les pays du Golfe arabique. Elle n’a donc aucune envie d’abîmer son image dans le monde arabe. Quant à l’Italie, il faut rappeler qu’elle colonisa la Libye avec une brutalité inouïe en s’appuyant sur les tribus de l’Ouest contre celles de l’Est. Aujourd’hui, à travers Berlusconi, les sociétés italiennes ont obtenu quelques beaux contrats. Elles ont donc beaucoup à perdre. Par contre, la France et l’Angleterre qui n’ont pas obtenu les plus beaux morceaux du gâteau sont à l’offensive pour obtenir le repartage de ce gâteau. Et la guerre en Libye est tout simplement le prolongement de la bataille économique par d’autres moyens. Sous le couvert du slogan « Sauver les Libyens du massacre », la révolte populaire s’est transformée en une guerre civile poussée par les intérêts pétroliers, et en une agression militaire servant ces mêmes intérêts. La reconnaissance précipitée par la France du Conseil national de transition (10 mars) et le sommet de Londres (30 mars) ont permis aux multinationales occidentales de modifier les termes de leurs contrats et de ne plus payer que des droits d’exploitation symboliques. De ce point de vue, il s’agit donc d’une guerre coloniale classique.
EGYPTE - Voir aussi : Egypte : une insurrection, pas une révolution. Comme en Tunisie, le verrouillage du pouvoir, ici dominé par l’armée (à la solde littéralement des Etats-Unis), ne satisfait ni les acteurs des manifestations ayant fait partir Moubarak, mais laissé en place tous ses supporteurs d’antan, ni les travailleurs dont les grèves ont fait précipiter la transmission du pouvoir.
Le 11 avril et les jours suivants, l’armée disperse violemment les protestataires qui veulent continuer à occuper la place symbolique Tahrir : 7 tués, de nombreuses arrestations. ; un blogueur est condamné à trois ans de prison pour avoir dénigré sur Internet le rôle de l’armée.
Le 25 mars, le gouvernement (en fait l’armée) promulgue un décret qui interdit « grèves, protestations, manifestations, occupations qui interrompent l’activité des entreprises privées ou d’État et de toutes fonctions concernant l’économie, infraction punie jusqu’à un an de prison et d’une amende allant jusqu’à 60 000 euros.
Cette épée de Damoclès pendue au-dessus de la tête des travailleurs n’a pourtant guère d’effet. Les actions de cette classe sont aussi nombreuses que diverses et il est impossible de tout citer. Cela touche tous les secteurs, depuis les médecins des hôpitaux, les ouvriers d’une centrale nucléaire, les rampants des aéroports, les banques, les enseignants. A Mahalla, le centre souvent agité de l’industrie textile, les tanks sont déployés début mai ; dans la zone du canal de Suez des milliers de travailleurs de six compagnies œuvrant dans le trafic maritime se voient pourvus d’un délégué spécial des militaires mandaté pour « mettre fin » aux grèves. A Torah, dans le delta, des centaines d’ouvriers occupent le site de leur usine démantelée par un repreneur pour avoir travail et/ou indemnités. La revendication principale, ce sont les salaires, mais on y trouve aussi la contestation de décisions touchant la gestion (souvent autour de privatisation), le départ des dirigeants, la constitution de sections syndicales. Un rapport récent de la Barclays Bank souligne à l’intention des investisseurs que la situation a entraîné un déclin de la productivité et une augmentation du coût du travail. Les Etats-Unis ont bien débloqué 150 millions de dollars « pour soutenir le régime », au-delà du maintien des 3 milliards de dollars versés chaque année pour l’armée égyptienne (une somme du même montant est versée aussi à Israël).
SYRIE - Lorsque Bush a rompu avec Damas en 2005, les Etats-Unis ont commencé à financer une opposition politique, Mouvement pour la justice et le développement, avec une chaîne TV à Londres. Ce sont pourtant des considérations géopolitiques qui font que le régime peut réprimer avec la dernière violence les manifestations qui se répètent depuis sept semaines dans différentes villes du pays ; jusqu’à aujourd’hui, près de 100 morts tués par balles, de nombreux blessés et 8 000 arrestations.
IRAK - De nombreuses grèves ont touché le pétrole, le textile, l’électricité et d’autres secteurs. À Kut, les troupes américaines ont même encerclé une usine textile en grève. On a manifesté dans 16 des 18 provinces, toutes communautés confondues, contre le gouvernement corrompu qui abandonne son peuple dans la misère.
BAHREIN - Le 4 mars, 2 000 militaires et policiers saoudiens envoyés par le régime saoudien avec la bénédiction des Etats-Unis répriment dans le sang les manifestations de la population chiite — essentiellement des prolétaires qui, bien que formant plus de la moitié de la population, sont traités comme des sous-citoyens et revendiquent l’équivalence des droits. La marine koweitienne s’est même mise de la partie le 22 mars. On compterait, en plus des tués et des blessés, des centaines d’arrestations. Tous agissent sous le parapluie d’un Conseil de coopération du Golfe patronné par les Etats-Unis et dirigé contre l’Iran sous le slogan « Bouclier de la péninsule ».
Le 11 mai, 300 travailleurs d’une compagnie pétrolière sont licenciés pour avoir participé à des grèves en soutien aux manifestants ; 50 d’entre eux dont 11 dirigeants syndicaux sont menacés de poursuites.
ARABIE SAOUDITE - Le roi saoudien Fahd a débloqué 36 milliards de dollars pour aider les familles à bas et moyens revenus.
OMAN - 17/03/2011 – Les travailleurs du pétrole sont en grève pour les salaires : ils réclament l’alignement sur les salaires des autres pétroliers du golfe. 400 manifestent devant le QG de la société pétrolière PDO à Muscat ; d’autres campent devant le Parlement. Le sultan Qaboos bin Said a remplacé la moitié de son gouvernement et augmenté le salaire minimum de 40 %, ordonnant de créer 50 000 emplois.
YÉMEN - Comme en Syrie, le gouvernement en place peut pratiquement massacrer en toute liberté ceux qui manifestent pour desserrer l’étreinte de la dictature plus ou moins moyenâgeuse. Le 18 mars, 52 manifestants sont tués à la mitrailleuse. Robert Gates, le secrétaire d’Etat à la Défense (ministre américain de la guerre), peut s’en laver les mains : « Je ne crois pas que ce soit mon rôle d’intervenir dans les affaires internes du Yémen. » Le 18 mai, la police tire sur les manifestants à Sanaa la capitale, 6 morts, alors qu’à Taez les manifestants occupent le siège d’une société pétrolière ; d’autres manifestations se poursuivent à Aden.
ISRAËL-PALESTINE - Inspirés par la Tunisie et l’Égypte, plusieurs centaines de Palestiniens tentent de forcer les frontières d’Israël avec le Liban, la Syrie, Gaza et la Cisjordanie, à l’occasion de la célébration de Nakba le 16 mai (jour de la catastrophe, date de la création de l’État d’Israël), de même à Ramallah et à Jérusalem Est. Accueillis par les tirs de l’armée, ils ont laissé 12 morts et de nombreux blessés
Fin de grèves
Corée du Sud – Mai 2011 – Ssangyong (voir dans précédents bulletins cette grève de 77 jours de mai à août 2009, et aussi La défaite de la grève de Ssangyong Motors ). Les militants arrêtés ont été condamnés à des années de prison, d’autres ont été licenciés et, comme les 462 autres mis à pied avec une promesse de réembauche qui n’est jamais venue, ont des difficultés pour retrouver une emploi, étant fichés sur une liste rouge. Mais beaucoup souffrent des séquelles psychologiques du conflit et de ses suites. Ceux qui ont la « chance » de travailler dans l’usine doivent le faire à de telles conditions que la moitié d’entre eux souffrent de PTSD (stress post-traumatique), et la baisse des salaires (jusqu’à 74 %) a entraîné un baisse générale du niveau de vie avec les conséquences sociales (désagrégation des familles).
France – 12/05/2011 – Continental Automotive France (équipementier automobile allemand, 3 usines dans la région de Toulouse exploitant 2 500 travailleurs). Des centaines de grévistes brûlent symboliquement un cercueil intitulé PP3, le 3e plan social qu’ils n’acceptent pas plus que les autres.
Grande-Bretagne – Mai 2011 – British Airways (voir précédents bulletins). Depuis un an et demi, des luttes, certaines sauvages, ont concerné les travailleurs navigants non-pilotes (hôtesses), les agents d’aéroport et les travailleurs de la restauration. Comme d’habitude, le conflit concernait les suppressions de postes, la charge de travail et les salaires. Un accord vient d’être conclu entre BA et le syndicat UNITE (accord qui doit être encore ratifié par les intéressés). Comme d’habitude il comporte un marchandage : l’acceptation de la suppression des postes contre des augmentations de 4,5 % en 2011 et de 3,5 % en 2012 et la suppression des sanctions prises contre certains agents.
Italie – 7/05/2011 – Fiat (voir bulletin de janvier 2011 et Le vote chez Fiat, une nouvelle rupture dans les relations sociales). Après l’usine de Pomigliano d’Arco près de Naples et celle de Mirafiori de Turin, les travailleurs de l’usine Bertone à Turin ont voté les 2 et 3 mai le même plan social qui réduit considérablement le champ des contrats collectifs et le rôle des syndicats, interdisant pratiquement la grève. Fiat pratiquait le même chantage à la fermeture et avait trouvé l’accord de l’ensemble des syndicats, à l’exception de la CGIL. Les « accords » Fiat sont en passe de servir de modèle pour toutes les relations sociales en Italie.
Algérie – Mai 2011 – Dans le complexe pétrochimique de Skikda, le ressentiment contre le syndicat UGTA est tel que les bureaucrates qui se pointaient pour assister à une assemblée des travailleurs de l’usine ont été bloqués à la porte par 500 d’entre eux. Ceux-ci ont élu directement 5 représentants pour discuter avec la direction.
8/05/2011 – Le siège du syndicat national autonome des fonctionnaires cambriolé, vandalisé ; les ordinateurs volés avec toutes les données enregistrées. Cette maison du syndicat servait de lieu de rassemblement des comités de chômeurs et de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie, à l’origine des manifestations hostiles au régime dans les mois écoulés.
Etats-Unis – 21/03/2011 – Pour célébrer les nouveaux investissements à l’usine Ford de Wayne (banlieue de Detroit, Michigan) — investissements qui, liés aux baisses de salaires, permettront une baisse des coûts de production et une augmentation de la plus-value —, une cérémonie est présidée par les dirigeants de Ford, du syndicat de l’automobile UAW, et par le gouverneur républicain de l’Etat du Michigan, entourés d’un panel de politiciens locaux. Les ouvriers conviés à célébrer leurs nouvelles conditions d’exploitation n’ont pas du tout apprécié : ils se sont présentés à la fiesta avec des tee-shirts rouges marqué du logo « Solidarity with the Wisconwin », ont longuement conspué le gouverneur et le responsable de l’UAW qui tentait de les calmer, pour finalement quitter bruyamment la salle.
IMMIGRANTS ET PRÉCAIRES
Etats-Unis – 16/05/2011 – La foire aux bestiaux. Des milliers de chômeurs font la queue pour quelque 200 emplois à Hamtramck (Michigan) dans une « Foire du retour à l’emploi » organisée par 40 employeurs, depuis MacDo, Wal-Mart… la police et les militaires.
France – La poudre aux yeux des contrats précaires. Dénommés Contrats d’avenir, les EVS (Emploi vie scolaire) faisaient miroiter une formation. Le Conseil de prud’hommes vient de condamner l’État, en la personne de l’Education nationale, à verser 4 000 euros à 28 EVS pour non-respect des obligations de formation.
INDE - Au cours du second semestre 2010, la combinaison d’une inflation générale, causant une baisse du pouvoir d’achat des salariés, et la poursuite d’une production maximale de la plupart des compagnies locales a créé une tension palpable dans la force de travail industrielle concentrée localement. Les faibles salaires et des horaires extensibles concernant les heures supplémentaires ont poussé la force de travail à l’extrême limite de ses capacités physiques (l’augmentation de la masse des salaires de 13 % compense à peine les hausses de prix, et elle s’applique de manière très différenciée suivant les catégories de travailleurs). La plupart des travailleurs sont exclus du système de régulation du travail et des salaires comme de toute médiation, ils ne peuvent notamment pas faire appliquer les minima de salaires. Des grèves sauvages éclatent parfois, victorieuses, mais elles restent sporadiques, localisées. Le retard dans le développement de l’éducation fait que l’essor économique est freiné par le manque de travailleurs qualifiés, ce qui joue également sur l’inflation des rémunérations.
Ces lignes sont traduites d’un bulletin régulier, publié en anglais sur Internet, donnant des informations détaillées sur la condition ouvrière et les luttes en Inde www.gurgaonworkersnews.wordpress.com.
Quelques-unes de ces grèves indiennes :
16/03/2011 – 900 travailleurs de l’usine General Motors Halol à Vadodara dans l’État de Gujarat (ouest de l’Inde, près de la frontière avec le Pakistan) sont en grève illimitée contre une accélération des cadences et leurs conditions de travail. La durée quotidienne du travail est de 9 heures sur 6 jours. La moitié des 1 600 travailleurs sont des « réguliers » payés 0,92 $ (0,70 euros) de l’heure, les autres sont des « temporaires » payés, pour le même travail, 0,47 $ (0,37 euros) de l’heure. Après 51 jours de grève, reprise du travail avec la seule réintégration de ceux qui ont été licenciés et la désignation d’une commission supposée examiner les revendications.
7/05/2011 – Depuis le 27 avril, les 600 pilotes (sur 800) de l’ex-compagnie Indian Airlines, fusionnée en 2008 avec Air India, étaient en grève pour obtenir la parité de leurs salaires avec ceux des pilotes d’Air India. Leur grève bloquait la totalité des lignes intérieures indiennes ; la direction d’Air India avait obtenu un jugement annulant la représentativité du syndicat de ces pilotes en grève (ICPA), fait fermer ses bureaux et licencié certains d’entre eux. La grève prend fin le 7/05 avec la désignation d’une commission chargée d’examiner la question des salaires, la réintégration de 15 pilotes licenciés, la reconnaissance du syndicat ICPA.
LES AUTRES FORMES DE LA VIOLENCE DE CLASSE DANS LE MONDE
La grève et rien d’autre
France – 11/05/2011 – Grève illimitée de 300 postiers du centre de tri de Bondoufle (Essone, banlieue sud-est de Paris) contre la fermeture du centre et le transfert des travailleurs vers d’autres centres.
5/05/2011 – Bayonne ( Pyrénées-Atlantiques) – Un cas d’école. L’entreprise familiale Plastitube (moulages plastiques) ayant été rachetée par un fonds d’investissement, ce prédateur veut un transfert de production avec, pour commencer, la suppression de 47 emplois sur 127. La grève entamée le 30 avril aboutira-t-elle ?
5/05/2011 – Eternit (produits en ciment utilisant autrefois l’amiante, 800 travailleurs dans toute la France). L’usine de Vitry-en-Charollais (Saône-et-Loire) est en grève depuis la mi-février, pas totale mais d’environ 4 heures chaque jour pour les salaires et contre la pollution d’une décharge par l’amiante.
13/05/2011 – Grève syndicale du réseau ferré de transports de la région parisienne pour salaires et conditions de travail.
Mai 2011 – 5 à 6 000 sages-femmes (24 000 en France) et des élèves infirmières manifestent pour être payées au même tarif que les médecins accoucheurs.
17/05/2011 – Grèves et manifestations d’enseignants du primaire contre les suppressions de postes à la rentrée prochaine.
Courriers d’Ile-de-France (CIF, filiale de Keolis, groupe filiale de Veolia), une grève syndicale commencée le 2/05 se termine le 12 avec un accord sur une augmentation de salaires de 2 à 3 %, une prime de transport, la participation à une mutuelle et une prime de non-accident, le retrait des mesures disciplinaires et l’abandon des poursuites ; en échange, le syndicat s’engage à ne pas soutenir les grèves sauvages.
9/04/2011 – Que peut changer une journée de grève, même un samedi, dans les magasins du trust Carrefour (65 000 travailleurs), alors qu’elle ne touche que partiellement 150 sur les 200 hypermarchés et autres supers (Carrefour Market), même si 85 % des exploités auraient été en grève ? Il s’agissait de se battre sur 10 000 suppressions d’emplois sur 5 ans, avec une modulation différente du temps de travail (par exemple, la question de l’embauche pour certains à 2 heures du matin). Les propositions patronales restent sur une augmentation de 2 %, une prime de 200 euros et 10 % de réduction sur les achats en magasin au lieu de 7 % et, bien sûr, l’acceptation de la restructuration. La grève va-t-elle se renouveler, plus efficace ?
11/05/2011 – Journée nationale de grève syndicale dans les postes contre 11 500 suppressions d’emploi et la pression sur le travail, notamment des facteurs et des guichetiers.
28/04/2011 – Grève d’un jour des hôtesses et stewards d’Eurostar, exploités par le sous-traitant Momentum, le jour du mariage des guignols princiers, concernant les conditions de travail et la pression constante ; plus de 100 plaintes sur ces questions sont pendantes devant les prud’hommes.
6/04/2011 – Usine Toyota à Somain (Nord), 1 000 sur les 3 000 travailleurs étaient en grève avec une comité de grève élu en dehors des syndicats, mais ils doivent reprendre le travail le 18 avril sans aucun résultat.
Nouvelle-Calédonie – 17/05/2011 – Près de 10 000 manifestants à Nouméa et dans d’autres villes au cours de 3 jours de grève, à l’appel des syndicats, contre la misère sociale causée par le marasme économique de l’île.
Grèce – 11/05/2011 – Grève générale et manifestations lancées par les syndicats, les centièmes depuis le début de la crise en 2008 qui paralyse le pays, mais seulement 20 000 manifestent à Athènes : lassitude de ces actions ponctuelles limitées sans lendemain. Certains jeunes s’en distinguent en tentant le siège de ministères mais, attaqués par la police, des douzaines d’entre eux sont blessés. La Grèce compte entre 15 et 30 % de chômeurs, les salaires ont diminué de 15 % et la consommation aurait chuté de 25 à 30 % ; en 2010, 56 000 entreprises ont fait faillite et 10 000 dans les deux premiers mois de 2011.
Botswana – 10/05/2011– 3 semaines d’une grève illimitée de 93 000 fonctionnaires contre le blocage des salaires. Revendication de 16 % d’augmentation alors qu’on ne leur en offre que la moitié.
Mauritanie – 10/05/2011 – Grève des enseignants du secondaire pour les salaires et la prise en charge des garanties maladie.
Allemagne – 6/05/2011 – Le syndicat des agents de conduite GDL (indépendant de la fédération DGB, voir précédents bulletins) est toujours engagé dans un bras de fer avec la direction de Deutsche Bahn et des autres firmes concessionnaires dans la privatisation des lignes (dont Veolia) qui paie à ces 2 000 agents de conduite des salaires inférieurs de 30 % à ceux de leurs collègues de DB (DB a rompu le front patronal en acceptant l’égalisation des salaires). Plutôt qu’une grève générale, GDL lance des actions ponctuelles, par exemple dans la zone d’une grande ville avec une grève de 4 heures du matin à 14 heures, ou la grève d’un week-end ou de plusieurs jours du fret approvisionnant une aciérie, ne prévenant que 12 heures avant son déclenchement.
Vietnam – 21/03/2011 – Au cours des deux premiers mois de 2010, le pays a été secoué par plus de 200 grèves pour les salaires en réponse à une inflation touchant durement le pouvoir d’achat. Ces grèves ont touché les secteurs de la sous-traitance pour l’exportation dans le textile, la chaussure et l’électronique. Pour tenir le coup, beaucoup doivent avoir recours à un second travail. Quelques conflits récents :
23/02/2011 – 3 500 travailleurs de l’usine de chaussures Sao Viet Joint Stock Company dans la zone industrielle de Dong sont en grève pour les salaires et contre la mauvaise qualité de la nourriture servie à la cantine.
Toujours en février, 20 000 travailleurs d’une autre usine de chaussures, Tae kwang Vina Industrial Company dans la province de Dong Nai, mènent une journée de grève pour les salaires.
8/03/2011 – 3 000 ouvriers de l’usine Yamaha de Hanoi sont en grève pour les salaires.
Corée du Sud – 9/04/2011 – Pour faire face à des difficultés, la firme Kumho Tire Company avait imaginé de faire signer à chaque travailleur des 2 usines de Gwangju et Gokaesung une lettre par laquelle il s’engagerait à ne pas faire grève, en plus d’un blocage des salaires. Le 25/03, les travailleurs se sont mis en grève mais immédiatement la direction a mis en place la fermeture temporaire (lock-out) des usines. Celle-ci a cessé le 1er avril avec juste le retrait de la requête épistolaire, ce que le syndicat KMWU a accepté.
L’occupation des espaces publics,
des usines et de tous bâtiments
Etats-Unis – 12/03/2011 – Wisconsin (voir précédent bulletin). L’ensemble de la réforme ayant été finalement voté par le Parlement de l’Etat, impliquant d’une part des réductions de salaires et avantages pour les employés du secteur public, et d’autre part une réforme des relations de travail avec la quasi exclusion des médiations syndicales, une dernière manifestation réunit plus de 100 000 participants dans la capitale du Wisconsin.
Madison – Dans l’autre ville industrielle de l’État, Milwaukee (1 300 000 habitants), la manifestation du 1er mai réunit une participation inhabituelle de 100 000 travailleurs ; elle a été lancée par les organisations d’immigrés, notamment des latinos de « La voix de la frontière », rejointes par la fédération syndicale AFL-CIO. La manifestation était axée davantage sur les droits des immigrés que sur les droits syndicaux, mis en cause par le gouverneur de l’Etat du Wisconsin.
Bolivie – 15/04/2011 – Des milliers de travailleurs (enseignants, mineurs, etc.) mènent grèves et manifestations depuis une semaine contre les projets de limiter les hausses de salaires (le pays compte 60 % de pauvres dont 25% sont dans une pauvreté extrême). Ils font le siège de La Paz, la capitale, balancent des bâtons de dynamite sur les flics, bloquent les routes et notamment celles qui conduisent à l’aéroport. Tout cela au milieu d’un conflit entre la base et la fédération des syndicats COB.
Croatie – 22/03/2011 – Depuis la fin février, des protestations continues de milliers de manifestants et de grévistes secouent différentes villes du pays pour des revendications de salaires et contre la précarité (le chômage atteint 20 % et près de 70 000 travailleurs ne sont pas payés. Le 6 mars, une manifestation de 8 000 travailleurs à Zagreb est conduite par les femmes de l’usine textile de Kamensko qui sont sans salaire depuis des mois et mises au chômage suite à la faillite pour corruption de l’entreprise. Le 10/03, des milliers manifestent à Zagreb devant le siège des banques et les demeures des politiciens ; la police intervient : 33 blessés, 50 arrestations. Tout continue en avril mais est quelque peu récupéré par l’extrême droite en vue d’élections proches.
Monténégro et Serbie – Une situation similaire se retrouve dans ces 2 pays avec le même mélange de crise, de déclin et de corruption. 10 000 fonctionnaires manifestent à Belgrade contre le blocage des salaires et/ou des salaires impayés en temps voulu.
France – 26/03/2011 – Depuis cinq mois, les travailleurs de l’entretien et de la cuisine de l’École normale supérieure à Paris sont en grève (commencée dans la foulée des mouvements contre la réforme des retraites). Ils sont soutenus par les élèves de l’école et campent dans les salons de la direction où une cantine autogérée a été organisée. Leur longue liste de griefs concerne d’abord la précarité de leur statut, ils revendiquent leur titularisation dans la cadre de la fonction publique. La résistance obstinée à cette revendication s’explique par le fait qu’une titularisation créerait un précédent et ouvrirait la porte à des revendications similaires dans les universités et les grandes écoles (voir à ce sujet dans le précédent bulletin la grève du personnel de nettoyage de la faculté de Jussieu à Paris).
Cambodge – 29/04/2011 – L’usine textile Jun Textile Factory à Phnom Penh ayant été détruite par un incendie, les 4 000 travailleurs sont licenciés sans indemnité et manifestent devant les décombres pour obtenir compensation. Le 8 mai, ils sont encore 1 000 mais sont attaqués par la police : 15 blessés, 2 arrestations.
Thaïlande – 27/04/2011 – 10 % de la population active du pays sont des immigrés birmans. 1 000 Birmans exploités dans une usine à poulets Sara Farm à Phetchabum se mettent en grève et occupent l’usine pour protester contre leurs conditions de travail et la violence quotidienne de la part des gardes. La police et les gardes tentent de les virer mais ils se défendent, en désarment 3 et les séquestrent avec un dirigeant. D’autres travailleurs interviennent pour calmer le jeu. On ne sait pas comment cela s’est terminé.
Bangladesh – Même série de conflits (voir précédents bulletins).
30/03/2011 – Usine de MicroFibre Group à Fatullah près de Dhaka. Affrontement classique autour des salaires alors que les travailleurs bloquent les axes routiers : 25 blessés.
3/04/2011 – Softex Sweater à Savar, toujours près de Dhaka. Après une grève, le patron décide d’une fermeture temporaire. Les travailleurs manifestent devant l’usine mais avant qu’ils aient pu aller plus loin, la police les disperse
Chine – 25/04/2011 – Les routiers sont un élément charnière du trafic portuaire dans l’approvisionnement ou le dégagement des conteneurs, et la circulation strictement minutée est une des conditions essentielles concernant le coût du transport maritime et de l’approvisionnement de l’industrie mondiale travaillant à flux tendu. C’est la raison pour laquelle la grève des camionneurs assurant les transports routiers autour du port de Shanghai a pris une dimension particulière, menaçant de bloquer la fraction de l’économie mondiale desservie par ce port (le premier du monde par le trafic). On connaît mal le statut de ces camionneurs qui sont en partie salariés, en partie travailleurs indépendants. Toujours est-il qu’ils doivent, sur un forfait payé pour une tâche définie, payer le carburant et les taxes portuaires (sans compter les à côtés touchant à la corruption). L’augmentation du prix du carburant et des taxes portuaires a rendu leur activité peu rémunératrice et ils se sont mis en grève dans la semaine du 18 avril. Ils ont bloqué les entrées du port qui furent dégagées par les flics. La grève fut organisée indépendamment de tout syndicat en utilisant les communications par portables. La menace d’extension aux autres ports tout comme la pression économique par les perturbations dans le trafic maritime conduisirent les autorités à des réductions tant du prix des carburants que des droits portuaires à la charge des camionneurs.
La manifestation et l’émeute
Burkina-Faso – Février 2011 – Une bagarre sans importance entre 2 élèves — garçon et fille — d’un lycée de Koudougou (2e ville du pays) entraîne une intervention policière et le garçon tabassé meurt au commissariat. Les lycéens manifestent et, de répression en répression, ce sont tous les jeunes du pays qui se révoltent, dans la capitale Ouagadougou et d’autres villes. À Koudougou, le siège de la province est attaqué et incendié, la police tire, des tués (5 ?), des centaines de blessés.
Bangladesh – 28/03/20011 – La police entendant limiter la présence des pousse-pousse dans le centre de certaines villes, des milliers de conducteurs propriétaires de ces engins ont déferlé dans le centre des villes principales armés de barres de fer, saccageant sur leur passage tous les autres moyens de transports, bus ou voitures, et faisant en même temps plus de 50 blessés.
Ouganda – 19/04/2011 – Série de protestation et d’émeutes contre la hausse du prix des denrées de base et des carburants. Dure répression dans la capitale Kampala : 2 tués, 100 blessés. Le malheur de l’Ouganda est qu’on vient d’y découvrir de fabuleuses réserves de pétrole.
Nigéria – 19/04/2011 – Emeutes postélectorales dans le nord du pays à Kaduna : 6 tués et des centaines de blessés.
LES CRIMES DU CAPITAL
Mexique – Une guerre qui ne dit pas son nom .Alors qu’on passe communiqué sur communiqué sur les pertes dans les guerres d’Irak ou d’Afghanistan ( presque à l’unité quand il s’agit de militaires mais par dizaines quand il s’agit d’attentats) ou bien sur les répressions qui s’abattent sur les manifestants des pays arabes, bien peu transpire sur les massacres qui entourent la guerre de la drogue aux portes mêmes des Etats-Unis. Depuis 2007, cette guerre a fait au bas mot 37 000 morts, dont 3 100 dans la seule ville de Ciudad Juarez en 2010. La corruption, les menaces et le chantage sont à un tel niveau que 93% des délits et des crimes ne sont pas poursuivis. Qu’y peut faire la dernière manifestation de 85 000 excédés par cette dérive mortelle le 10 mai dernier à Mexico ?
France – 8/5/2011 - L’art et la manière de sauver le capital en donnant un vernis social. ; Acrobaties autour de la force de travail aux dépens d’un financement public. L’usine Ford de Bordeaux fabriquait des boîtes de vitesse depuis 40 ans, saluée comme un sauvetage d’une région. E n 2009 dans le cadre de la restructuration mondiale de la firme, Ford brade l’usine à des capitalistes hollandais qui ne savent trop qu’en faire. Ford la rachète finalement fin 2010 et relance la fabrication de nouvelles boîtes de vitesse ce qui ne sera opérationnel qu’en 2013 . Sur les 1450 travailleurs encore en activité (un certain nombre ont déjà été largués à la faveur de moult plans sociaux), il n’en restera plus alors que 955 après 336 « départs volontaires » des plus de 55 ans qui percevront 65% de leur salaire actuel jusqu’à la retraite. Les survivants vont, d’ici 2013 subir des périodes d’activité réduite, de formation, de chômage technique financées par l’Etat ( 8 millions d’euros). L’investissement total à terme sera de 130 millions d’euros dont 40 millions assumés par l’Etat qui sera en outre charge de « l’inginiérie public et technique de l’accompagnement ». Tout ça , c’est le prix à payer pour que Ford ne transfère pas toute l’activité de l’usine en Chine.
Grande-Bretagne – mai 2011 – Toute une réforme des relations de travail serait dans les cartons du gouvernement conservateur-libéral, la législation présente déjà bien rigidifiée par Thatcher au début des années 80 est encore jugée trop laxiste. Disons seule, pour reprendre les propos d’un ministre qu’il s’agit de « faciliter la vie des entreprises ». Alors que ce gouvernement envisage de supprimer 300 000 emplois dans le secteur public ( 6 millions de travailleurs), il est de bon ton de fustiger le « pouvoir des syndicats ». Le ministre des transports a critiqué les 84 000 cheminots qui outre leur « inefficacité » revendiqueraient des hausses de salaries « excessives ».
Monde – 29/4/2011 - On parle beaucoup du stress au travail et des conséquences sur la santé et le comportement suicidaire des plus fragiles parmi les travailleurs. Mais on insiste beaucoup moins sur les risque de ce stress et la fatigue dont il est l’expression peuvent avoir sur le fonctionnement même du système et la sécurité des usagers. Une série d’incidents impliquant les contrôleurs aériens ont témoigné de ces conséquences. En mars dernier, à l’aéroport de Washington, deux vols ont dû atterrir sans être guidés par la tour de contrôle car le seul contrôleur présent s’était endormi alors qu’il travaillait pour la quatrième nuit consécutive. Dans la période récente, aux USA , neuf contrôleur aériens ont été suspendus pour des faits similaires. Qu’en est-il pour bien d’autres activités dans lesquelles les travailleurs responsables de la sécurité des usagers sont pris entre le durcissement des conditions d’exploitation et leur résistance physique ou mentale à cette pression du boulot ?
ACTIVITES SYNDICALES
Italie – 7/5/2011- Fiat (voir bulletin de janvier 2011) Après l’usine de Pomigliano d’Arco près de Naples et celle de Mirafiori de Turin, les travailleurs de l’usine Bertone à Turin ont voté les 2 et 3 mai (voir ci-dessus, « Fins de grèves », et Le vote chez Fiat, une nouvelle rupture dans les relations sociales.
Algérie – mai 2011 – Dans le complexe pétrochimique de Skikda, le ressentiment contre le syndicat UGTA est tel que les bureaucrates qui se pointaient pour assister à une assemblée des travailleurs de l’usine ont été bloqués à la porte par 500 travailleurs de l’usine. Ceux-ci ont élu directement cinq représentants pour discuter avec la direction.
8/5/2011 – Le siège du syndicat national autonome des fonctionnaires cambriolé, vandalisé ; les ordinateurs volés avec toutes les données enregistrées. Cette maison du syndicat servait de lieu de rassemblement des comités de chômeurs et de la Coordination Nationale pour le changement et la démocratie à l’origine des manifestations hostiles au régime dans les mois écoulés.
Etats-Unis – 21/3/2011 – Pour célébrer les nouveaux investissements à l’usine Ford à Wayne ( banlieue de Detroit, Michigan) ( investissements qui liés aux baisses de salaries permettront une baisse des coûts de production et une augmentation de la plus value), une cérémonie présidée par les dirigeants de Ford , du syndicat de l’automobile UAW, le gouverneur républicain de l’Etat du Michigan entourés d’un panel de politiciens locaux. Les ouvriers conviés à célébrer leurs nouvelles conditions d’exploitation n’ont pas du tout apprécié : ils se sont présentés à la fiesta avec des tee-shirts rouges marqué d’un logo « Solidarity with the Wisconwin », ont longuement conspué le gouverneur et le responsable de l’UAW qui tentait de les calmer pour finalement quitter bruyamment la salle.
ON N’ARRÊTE PAS LE PROGRÈS
Etats-Unis – 1/3/2011 - Un sénateur de l’Etat de Missouri propose d’y abolir la loi interdisant le travail des enfants de moins de 14 ans. La loi actuelle restreint les conditions de travail des enfants de 14 à 16 ans et donne liberté totale d’exploitation des adolescents au dessus de 16 ans.
14/1/2011 – Obama et Sarkozy ont conclu un accord de principe pour créer une force militaire Etats-Unis–Union Européenne chargée d’intervenir dans des soulèvements causés par les hausses des prix des denrées de base et le manque d’approvisionnement en nourriture.