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Et pourtant… elle tourne. Les voix qui tentent de porter la bonne parole communiste ne rencontrent guère d’échos

lundi 1er février 2010

Ce texte est paru dans Echanges n° 131 (hiver 2008-2009).

Le monde capitaliste, notre monde, celui dans lequel nous survivons, quoi qu’on en dise ou quoi qu’on en pense, se débat dans des problèmes d’une nature qu’il avait ignorée jusqu’à récemment. Aux problèmes récurrents que l’on pouvait attribuer, presque mécaniquement, à la nature intrinsèque de ses bases sociales, économiques et financières se sont superposés des problèmes qui, pour certains, passent sur le devant de la scène. Qualifiés d’environnementaux, ils masquent souvent les véritables raisons de leur développement, qui ne sont autres que les différents aspects de l’exploitation sauvage par le capital des ressources terrestres matérielles et humaines : l’utilisation récente de vocables comme « globalisation » et « mondialisation » pour définir les caractères de l’expansion du capital montre que cette exploitation a atteint des limites qui ne sont pas seulement géographiques. Les agents divers du capital peuvent être inquiets : tout capital qui, individuellement ou globalement, atteint des limites et ne peut continuer à s’étendre, est condamné à secréter en son sein les éléments mêmes de sa destruction.

Cela fait près d’un siècle (et même plus si l’on considère que le Congrès de Vienne en 1815 fut déjà une tentative de créer une certaine unité idéologique dans un espace géographique étendu), que des tentatives se sont fait jour pour « réguler » ou « organiser » tant soit peu le monde capitaliste. Elles cherchaient à la fois à donner une réponse idéologique aux catastrophes engendrées par le capital et à tenter de fixer un cadre géographique, politique et économique visant à assurer la pérennité du système autour d’Etats dominants. Après la seconde guerre mondiale, en 1920, la Société des Nations (SDN) semblait répondre à un tel objectif mais fit rapidement la preuve de son impuissance, d’autant plus que le nouveau capitalisme dominant, les Etats-Unis, entendait faire sa loi et que l’URSS lançait sa propre internationale sur des objectifs qui n’étaient pas sensiblement différents de ceux du capitalisme libéral. Même la tentative de l’Allemagne nazie de créer un axe mondial peut être assimilée à une telle tentative unitaire de domination d’un monde capitaliste unifié.

Il faut croire que ce courant d’unification – quels que soient ses formes et son contenu – est assez puissant pour qu’il ressurgisse lors de chaque catastrophe du capital, pas tant pour apporter une solution aux problèmes ainsi posés, que pour tenter au moins de sauver les apparences en faisant croire que la fin des souffrances de l’immense majorité des exploités passe par la survie des protagonistes et profiteurs du système lui-même. Il est quand même symptomatique que, malgré les échecs patents dans les divers conflits intercapitalistes, des tentatives d’approches collectives de l’entre-deux-guerres mondiales, la seconde guerre à peine terminée on a vu surgir une nouvelle panoplie d’organismes internationaux supposés non plus seulement agir politiquement autour d’un credo idéologique, mais aussi se doter de moyens économiques et financiers supposés, eux, agir concrètement sur les mécanismes économiques et financiers mondiaux. C’est ainsi qu’à côté d’un organisme politique international, l’Organisation des nations unies (ONU, en fait la SDN reconstituée), d’autres organismes à buts plus concrets surgirent dès 1944 des accords de Bretton Woods : Banque mondiale, Fonds monétaire international et, par la suite, toute une série d’organismes internationaux sur les sujets les plus divers, ou avec d’autres regroupements plus limités à visées politiques ou militaires, le tout dans le contexte d’un développement capitaliste à l’échelle mondiale dans une compétition acharnée et de polarisations temporaires comme ce qui fut baptisé « guerre froide ». Accessoirement, ces organisations devaient aussi empêcher le retour d’une grande crise comme celle de 1929, du moins est-ce l’idéologie qui était propagée dans les quelques décennies de l’après-dernière guerre mondiale

Aujourd’hui, il apparaît à tout un chacun qu’aucune de ces nombreuses organisations supposées « moraliser » ou « réguler » le système capitaliste n’ont pu prévenir, non seulement guerres, massacres et destructions engendrées par ce système, mais non plus une crise de même ampleur que celle des années 1930. Tous les systèmes de régulation, notamment financiers, et les garanties qui étaient prévues pour garder un minimum de paix sociale, furent progressivement éliminés ou éludés par le rouleau compresseur du capital. Comme nous l’avons souligné, cette crise systémique du capitalisme s’est accompagnée d’un ensemble d’autres facteurs inconnus ou méconnus en 1930 mais qui ont pris assez d’importance, quant au destin du capital lui-même, pour devenir des problèmes immédiats masquant mal les développements de la crise elle-même.

Ces problèmes, en particulier les problèmes environnementaux, non seulement sont devenus une donnée essentielle dans le développement des bases matérielles du capitalisme lui-même, mais leur évidente réalité pour l’ensemble de la population mondiale a aussi contraint les dirigeants à paraître au moins les prendre en considération. La pollution sous toutes ses formes ne connaissant pas de frontières et les nuisances en résultant se répartissant (bien qu’inégalement) sur l’ensemble du globe, cette nature même du problème rend dérisoires et inutiles les mesures prises dans les cadres nationaux. C’est sous cette double contrainte que parallèlement à des conférences diverses destinées à parer aux conséquences de la crise économique et financière, une conférence internationale, celle de Copenhague, a tenté de trouver une solution collective à ce qui semble associer dans un même destin le capital et l’espèce humaine.

Il s’est passé lors de la conférence de Copenhague ce qui s’est passé depuis plus d’un siècle pour toutes les tentatives du capital de parer à ses calamités les plus importantes, dangereuses pour le système lui-même. Les conflits d’intérêts (capitalistes, nationaux) sont tels qu’ils rendent impossible toute solution rationnelle de ce qui pourrait détruire le système. Car ce même système n’existe, ne vit, que dans une dynamique basée sur ces conflits d’intérêts, sur la concurrence. Tout en voyant bien que son fonctionnement même est générateur de problèmes de plus en plus importants et de plus en plus menaçants, le système est dans l’impossibilité d’y changer quoi que ce soit, car ce serait sa mort ; tout ce qu’il peut tenter pour assurer sa survie, ce n’est pas de réguler quoi que ce soit, mais de tenter d’utiliser la situation catastrophique qu’il a lui-même créée comme base d’une nouvelle source de profit, ceci dans une compétition renouvelée. Il ne manque pas, dans de telles périodes où tout dans le fonctionnement du système se trouve ainsi remis en question, de voix, de théories, qui se lèvent de tous côtés. Pas seulement pour analyser, mais aussi, et surtout, pour proposer des solutions. Elles sont si nombreuses qu’il n’est même pas question de les énumérer ici. Tout au plus peut-on les classer entre celles qui touchent les fondements mêmes du système capitaliste et celles qui tentent d’en réformer les conséquences les plus dramatiques pour le présent ou pour le futur. Il est évident que ces dernières, comme tout ce qui a été proposé ou tenté dans le passé, finiront, si jamais elles sont mises en pratiques, par être au bout d’un temps plus ou moins long rattrapées par la logique même du système capitaliste ; cela transparaît déjà dans les replâtrages effectués depuis deux ans. Par exemple les mesures relatives aux flux financiers, pourtant si peu coercitives, sont aisément tournées par le mouvement du capital lui-même, ridiculisant les prétentions politiques de trouver une issue à la crise.

Les théories ou projections vers un monde débarrassé du capital et de l’exploitation du travail offrent, elles aussi, tout un éventail de « solutions » dont beaucoup essaient de reprendre tout ou partie de ce qui a pu être produit dans le passé. Elles ne se préoccupent nullement du fait que chaque période d’évolution du capital a secrété des concepts d’une autre société et des méthodes de libération du monde dominant qui, même s’ils paraissaient alors utopiques, étaient en fait profondément marqués par le milieu même dans lequel ils avaient été conçus. D’autres utopies plus récentes tentent de surmonter ce problème, bien qu’elles ne puissent échapper à cette marque de fabrique (sauf à se poser dans des termes si généraux à la fois quant au contenu d’une société communiste et quant à son avènement), qu’elles prennent une énorme distance d’incompréhension avec les problèmes concrets que peut se poser tout exploité aux prises avec les drames de son quotidien, soit individuellement, soit collectivement avec tous ceux qui se trouvent au même moment engagés dans une même lutte.

A quelques années-lumière de ces discussions savantes dans le microcosme de cette avant-garde pensante (de laquelle nous reconnaissons humblement être partie), des milliards d’êtres humains se débattent dans les problèmes matériels les plus élémentaires de leur survie purement physique, tissant peut-être, sans le savoir, les relations sociales qui peuvent porter les prémisses de ce monde nouveau que cette minorité appelle de ses vœux tout en tentant d’en définir les linéaments.

Si, d’un côté, on peut constater que les médiations politiques, syndicales ou autres n’ont plus aucun crédit face à une arrogante prééminence d’un système qui impose ses lois propres, de l’autre, on doit aussi constater que les voix qui tentent de porter la bonne parole communiste ne rencontrent guère d’écho.

Quelles que soient aujourd’hui les vicissitudes du système capitaliste, quelle que soit l’ampleur des révoltes des exploités depuis le quotidien jusqu’aux émeutes nationales, quelle que soit l’inanité des mesures prises pour tenter de renouveler la dynamique vitale du capital, une constatation simple s’impose : le capital continue de tourner (sans doute en boitant sérieusement) dans le monde entier et d’imposer sa domination (parfois très fragile).

De quoi demain sera-t-il fait et quelles seront les conséquences tant des mesures qu’il peut prendre comme de celles qu’il ne peut pas prendre, personne ne le sait et ne peut le prédire. Cela ne doit pas nous décourager, mais nous impose une grande modestie quant à nos propos, et nous impose de considérer la relativité de nos propres réflexions. Après tout, un autre monde existera demain ,mais il sera ce que tous les acteurs, y compris nous-mêmes, en feront. Au-delà de cette banalité, que pouvons-nous dire et faire, sinon déceler dans ce monde, dans le monde entier, les tendances les plus terre à terre vers une émancipation telles que les pratiquent les opprimés, en être partie là où nous sommes, pas tant nous y associer, mais y œuvrer à part entière.

H. S.

Voir aussi : Questions sans réponses. Un refus des formes politiques, mais pour aller où ?

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