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La crise financière, 4 : que faire ?

mercredi 18 novembre 2009

Ce texte de Paul Mattick Jr est paru dans la revue et sur le site The Brooklyn Rail. Critical perspectives on arts, politics and culture, d’octobre 2008. On peut en lire le texte original à l’adresse http://www.brooklynrail.org/2009/04.... Une traduction française en a paru dans Echanges n° 126 (automne 2008). C’est une version révisée de cette traduction que nous proposons ci-dessous.

Il a été précédé de « Up in smoke » (La crise financière, 1 : en plein brouillard, de « Risky business » (La crise financière, 2 : Entreprise hasardeuse) et de « Ups and down » (La crise financière, 3 : Des hauts et des bas).

LE NEW YORK TIMES DU 1er MARS 2009 consacrait une page de sa rubrique « Revue de la semaine » aux opinions d’éminents économistes sur les perspectives économiques, étant donné la crise en cours et les diverses tentatives mises en œuvre jusqu’à présent pour y faire face : TARP (1), renflouements, stimulations, plan budgétaire. La plupart d’entre eux partageaient, à des degrés divers, les prévisions du catastrophiste officiel du moment, le professeur Nouriel Rubini de l’Université de New York, à savoir que la récession ne cessera qu’en 2011. Les plus optimistes, (comme le président de la Fed, Ben Bernanke lui-même, quelques jours plus tôt), pensaient que tout se terminerait en un an, tandis que le financier George Cooper, auteur d’un livre sur les origines des crises (2), entrevoyait la possibilité de « deux décennies ou plus de réajustement ». La plupart prenaient soin de couvrir leurs paris en ajoutant la condition qu’on ne pourrait attendre un rétablissement à moyen terme que si (pour citer Rubini) « des politiques appropriées » étaient « mises en œuvre ». Bien entendu, ne pas préciser de quelles politiques il s’agit ne fait que renforcer le bien-fondé de la prédiction. Mais là encore, pas un seul ne basait sa prédiction sur une analyse sérieuse de la nature et des causes de la crise ou de l’efficacité des divers remèdes.

En fait, il est difficile d’imaginer une démonstration plus frappante de la ruine théorique de l’économie en tant que science prospective que la discussion en cours sur la situation économique actuelle. On n’a offert des événements catastrophiques de l’année qui vient de s’écouler aucune explication un peu plus approfondie que celle qui en fait le résultat d’une crise du crédit, provoquée par une dette excessive et excessivement risquée, dette revendue par et à des institutions financières dans le monde entier. En conséquence de quoi on n’a pas proposé d’autre cure, pour ce qu’on décrit couramment comme une maladie affectant l’économie, que l’alimentation par intraveineuse du système financier avec l’argent du gouvernement, ainsi que la subvention de l’industrie automobile américaine en faillite, quelques dépenses de travaux publics, l’extension des allocations de chômage et un accès plus ouvert à l’assurance santé de base.

Malgré l’écroulement des économies en Europe, comme dans le reste du monde, les gouvernements européens n’ont pas voulu jusqu’à présent ajouter d’importants plans de stimulation à ceux mis en œuvre aux Etats-Unis par l’administration précédente et par l’administration actuelle. « Particulièrement perplexe » à ce sujet, un éditorial du Times citait la déclaration de Christina Romer, conseillère économique de l’administration Obama, au sujet d’une importante leçon de la dépression des années 1930 : « La stimulation fiscale, ça marche. » Si la leçon de l’histoire est vraiment aussi claire, la réaction européenne est effectivement troublante, tout comme l’échelle inadéquate de la relance américaine, comme l’affirment à la fois le même éditorial, le professeur Krugman, et bien d’autres.

En réalité, si l’histoire démontre quelque chose, c’est l’échec du New Deal à mettre fin à la Grande Dépression. Il est exact que dès 1935, la panoplie de mesures mises en œuvre par l’administration Roosevelt – depuis les subventions et la régulation bancaire jusqu’aux contrôles des prix industriels en passant par les subventions à l’agro-industrie, l’assurance-chômage et l’assurance-vieillesse, les programmes fédéraux de remise au travail et le soutien à la syndicalisation – avait contribué à enrayer la dégringolade amorcée à la fin des années 1920. Et pourtant, deux ans plus tard, l’investissement et la production s’effondraient à nouveau, le chômage augmentait (il y avait dix millions de chômeurs en 1938 aux Etats-Unis), et au mieux la stagnation semblait à l’ordre du jour. Ce n’est qu’avec l’arrivée de la seconde guerre mondiale et les ressources dédiées aux préparatifs de guerre que la « stimulation fiscale » produisit enfin le plein emploi, fondé non sur l’accroissement de la consommation mais sur sa restriction en faveur d’une plus grande production d’armements. Alors, peut-on se permettre de demander, quelles sont les politiques appropriées ? Que faire exactement ?

En 1936, John Maynard Keynes publiait sa Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, livre dans lequel il faisait remarquer que l’obstination avec laquelle l’économie orthodoxe voulait que l’économie capitaliste soit naturellement autorégulée l’avait empêchée de reconnaître que ce système pouvait fort bien s’autoréguler en quittant l’état de plein emploi. Partageant avec la théorie orthodoxe l’hypothèse de base selon laquelle le but de l’économie est d’utiliser des ressources, naturelles et humaines, pour produire des biens de consommation, Keynes proposa que l’Etat intervienne à ce stade, empruntant de l’argent en contrepartie des rentrées fiscales futures pour embaucher des travailleurs, augmentant ainsi le nombre de consommateurs et donc faisant appel à de nouveaux investissements pour faire face à leurs besoins. Ainsi, il fournit une rationalité théorique à des politiques déjà mises en place par Hitler, Roosevelt et les dirigeants d’autres nations capitalistes. L’échec du New Deal à mettre fin à la dépression – de même que l’échec ultérieur de la promesse de « fin du cycle des affaires » après la guerre – pouvait alors s’expliquer par l’incapacité à pousser assez loin les prescriptions keynésiennes, puisque le programme de Roosevelt fut limité par la Cour suprême, qui jugea anticonstitutionnel le système national de fixation des prix, et par le monde des affaires, qui s’opposa à l’augmentation des impôts et aux déficits budgétaires. D’autres, cependant, rejetaient la responsabilité de la stagnation sur les dépenses du gouvernement lui-même : en fait, la résistance à la notion de stimulation de l’économie est aussi vieille que l’idée de stimulation elle-même.

Alors que ni les économistes, ni les hommes d’affaires n’ont une compréhension théorique satisfaisante du capitalisme, les seconds ont au moins une idée concrète de la manière dont il fonctionne. Les économistes, y compris Keynes, considèrent la réalisation de profit comme un mécanisme qui pousse les gens qui ont de l’argent à investir dans la production, mais les hommes d’affaires, eux, savent que c’est le profit et non la consommation qui est le but des activités commerciales. On ne produira pas les marchandises sur lesquelles on ne peut pas réaliser de bénéfices, ou on les détruira si elles ont déjà été produites, comme des tonnes de nourriture ont été brûlées et enterrées pendant la Grande Dépression alors que des millions de gens ne mangeaient pas à leur faim.

Et la production financée par l’Etat ne rapporte pas de profits. C’est difficile à comprendre, non seulement parce que cette idée bafoue un présupposé de base de la politique économique de ces soixante-quinze dernières années, mais parce qu’une entreprise qui vend des marchandises à l’Etat, telle que Boeing fournissant des bombardiers à l’armée de l’air, empoche vraiment un bénéfice, et en général un bon bénéfice, par rapport à son investissement. Mais l’argent payé à Boeing représente une ponction sur le bénéfice produit par l’économie dans son ensemble. Car le gouvernement ne possède pas d’argent en propre ; il règle ses factures avec l’argent des impôts ou avec des emprunts qu’il faudra rembourser avec les impôts.

En apparence, tout le monde paie des impôts. Mais en dépit des apparences qui veulent que les entreprises soient sous-taxées, elles seules en réalité paient des impôts. Pour comprendre ceci, il faut penser au revenu total produit en une année comme équivalant à l’argent disponible pour tous les usages sociaux. Une partie de cet argent doit remplacer les biens des producteurs utilisés pendant l’année écoulée, une partie doit être consacrée aux salaires pour acheter des biens de consommation afin que la force de travail puisse se reproduire, le reste est répertorié comme profit, intérêt et loyer – et impôts. L’argent que touchent en réalité les travailleurs est leur revenu « après impôt » ; vu sous cet angle, les augmentations d’impôts sur les salaires des employés ne sont rien d’autre qu’une diminution de salaire. L’argent déduit des salaires, des dividendes, des gains des capitaux et des autres formes de revenus commerciaux pourrait apparaître comme des bénéfices commerciaux – qui, rappelons-le, sont à la base l’argent généré par l’activité des travailleurs qu’ils ne perçoivent pas en salaires – s’il ne passait des salaires (ou d’autres revenus) directement dans les caisses du gouvernement. Donc, lorsque le gouvernement achète des biens ou des services à une entreprise (ou encore plus simplement distribue une subvention à l’agro-industrie ou renfloue une banque), il ne fait que rendre au monde des affaires une partie de ses bénéfices, en les prenant chez tout le monde et ne les donnant qu’à certains. L’argent versé à Boeing a simplement été redistribué par l’Etat, qui l’a pris à d’autres entreprises pour le verser à l’avionneur.

C’est la raison pour laquelle les dépenses du gouvernement ne peuvent pas résoudre le problème de la dépression, bien qu’il puisse alléger les souffrances qui en découlent, au moins à court terme, en donnant du travail ou de l’argent aux chômeurs, ou en créant des infrastructures utiles pour la rentabilité à venir de la production. Le problème de la dépression – l’insuffisance de profit pour le développement des affaires – ne peut être résolu que par la dépression elle-même (avec l’aide, peut-être, d’une guerre à grande échelle), qui accroît la rentabilité en diminuant le coût des capitaux et du travail, en augmentant la productivité grâce à des avancées technologiques, et en concentrant la propriété des capitaux dans des unités plus grandes et plus efficaces (pour une explication plus complète, voir La crise financière, 3 : Des hauts et des bas).

Ainsi aujourd’hui, les gouvernements se retrouvent devant deux options également indésirables.

Option un : une plongée continue dans la dépression menacera sérieusement la stabilité sociale, lorsque de nombreuses personnes découvriront que les institutions sociales actuelles sont incapables de faire face à leurs besoins les plus fondamentaux. Les émeutes de l’hiver 2008-2009 en Grèce ont déjà fait la preuve d’une forte opposition au statu quo politique et économique ; en France, il y a déjà eu deux grandes manifestations nationales de presque trois millions de travailleurs contre les pertes d’emplois et les réformes proposées de la législation sur les retraites, exigeant l’intervention du gouvernement. Des manifestations populaires ont chassé du pouvoir le gouvernement islandais en faillite, tandis qu’en Irlande et en Ukraine des ouvriers en colère occupaient des usines en voie de fermeture ; et même aux États-Unis, habituellement si tranquilles, des organisations locales ont empêché des saisies immobilières ou occupé des bâtiments vides dans certaines grandes villes. Il faut reconnaître que jusqu’à présent, l’expression de la colère populaire la plus médiatisée est celle qui concerne les cadres financiers récompensés par des bonus payés sur les fonds que le gouvernement a versé à leurs entreprises au bord de la faillite. Cette colère émane de personnes qui, à notre connaissance, n’étaient auparavant pas le moins du monde gênées par une redistribution des revenus incroyablement inégale en faveur des riches, grâce au gouvernement, pendant ce dernier quart de siècle. Mais elle a suffi à alarmer un journaliste de la rubrique « Style » du New York Times du 22 mars, qui a trouvé « quelque chose d’effrayant dans toute cette fureur » et a proposé de « trouver des manières constructives de canaliser la colère que ressentent les gens – des exutoires qui rempêchent de jeter instinctivement une pierre dans la fenêtre de la demeure d’autrui ». Si cette colère pouvait se détourner des cas individuels ou particuliers pour se diriger contre un système social fondé sur l’inégalité et l’oppression, ce pourrait être très constructif, en effet. D’où la nécessité, pour le gouvernement, de poursuivre son aide financière au monde des affaires.

Option deux : l’idée que des entreprises comme AIG, Bank of America ou Citicorp sont « trop grosses pour faire faillite » revient à déclarer la faillite de l’économie de marché – c’est-à-dire du capitalisme dans sa forme classique, ou idéale. La concurrence était censée éliminer les faibles, en permettant aux plus productifs (des profits) de prospérer, augmentant ainsi le bien-être social. Bloquer le fonctionnement de la concurrence signifie que l’on reconnaît l’obsolescence du capitalisme lui-même. Et, plus important encore, l’action du gouvernement, sous forme de plans de relance, de renflouements ou de nationalisations, menace le système de l’entreprise privée, non seulement en théorie mais aussi en pratique, puisque l’argent est sorti du circuit du marché capitaliste pour être utilisé par l’Etat à des fins définies politiquement et non selon le critère de la rentabilité.

De plus, la situation d’aujourd’hui est assez différente de celle du début de la dernière grande dépression. La dette publique des Etats-Unis s’élevait en 1930 à 16 milliards de dollars ; elle est aujourd’hui de 11 000 milliards et continue d’augmenter. Exprimée en pourcentage du PIB, la dette fédérale avait déjà atteint 37,9% en 1970 ; en 2004, c’était 63,9 %. Le gouvernement fédéral est déjà responsable d’environ 35 % de la production économique (selon les critères de mesure du PIB, la valeur de tous les biens et services produits en une année). Lorsque ce chiffre avait atteint 50 %, au plus fort de la seconde guerre mondiale, la croissance du capital privé avait pratiquement cessé. Tout ceci pour dire que les moyens keynésiens de lutter contre la dépression ont été largement épuisés, à moins que l’Etat n’élimine complètement l’entreprise privée pour créer une économie étatique comme celle de l’ancienne Union soviétique, ce qu’aucune force politique existante ne souhaite (en dépit de la « une » de Newsweek qui déclarait, début février : « Nous sommes tous devenus socialistes. ») Il n’y a que vingt ans que la Russie et ses satellites ont embrassé l’économie de marché, ou du moins une de ses versions les plus allégées, mais même ces gouvernements semblent n’avoir aucun désir de revenir au système de planification centralisée d’antan. L’Etat chinois a lui aussi clairement pris parti pour le marché, alors même que son économie est affaiblie par l’effondrement mondial. Et même la Suède, qui fut longtemps le porte-étendard du « socialisme » occidental aux yeux des conservateurs américains, laisse Saab faire faillite et son ministre de l’industrie Maud Olofsson déclarer que « l’Etat suédois n’a pas vocation à posséder des usines automobiles. »

Le résultat, c’est que les gouvernements continueront à être en grande partie paralysés, se contentant d’espérer – soutenus par les prédictions fantasmatiques des économistes – que tout sera terminé dans un an ou deux. De là provient la mauvaise volonté du Congrès des Etats-Unis d’affecter, jusqu’à présent, plus qu’une fraction de fonds publics au rachat des quelque deux mille milliards de dollars d’actifs toxiques détenus par les banques américaines ; de là l’opposition immédiate des politiciens démocrates et républicains à la proposition du gouvernement Obama de limiter les déductions fiscales des 1,2 % des contribuables les plus riches, de limiter les émissions de gaz à effet de serre ou de supprimer les subventions à l’agro-industrie ; de là le refus du Département du Trésor d’intervenir sérieusement dans les décisions des banques concernant les fonds qu’il leur a donnés à la pelle ; de là encore l’apparente schizophrénie d’Obama, déclarant à la presse le 14 mars, que « nous devons mener une action mondialement concertée pour être sûrs de traiter la contraction massive de la demande [en biens de consommation] » tout en « signalant au Congrès », comme, semble-t-il, il l’aurait fait dès le lendemain, qu’il « pourrait soutenir la taxation de certains avantages santé des salariés », diminuant ainsi les salaires et contractant la demande. Et de là toujours la réticence des gouvernements européens à s’engager dans cette voie que les Américains suivent à contrecœur, laissant aux Etats-Unis l’exercice de relance (et les avantages que les exportateurs européens espéraient en retirer), tout en se contentant de limiter leurs déficits budgétaires et en serrant la ceinture de leurs citoyens. Mais si, comme je le soutiens, nous sommes maintenant dans les premières phases d’une « Très Grande Dépression », il est difficile de s’attendre à autre chose qu’à une aggravation des conditions économiques dans les décennies à venir, entraînant des attaques de plus en plus fortes contre les salaires et les conditions de travail de ceux qui ont encore assez de chance pour être salariés partout dans le monde, des vagues de faillites et de fusions d’entreprises dans tous les secteurs de l’économie, et des conflits de plus en plus sérieux pour savoir qui va payer tout cela. Quelles entreprises automobiles, dans quels pays, survivront, alors que d’autres s’empareront de leurs actifs et de leurs marchés ? Quelles institutions financières seront écrasées par des créances irrécupérables et lesquelles s’empareront de plus grosses parts du marché mondial de l’argent ? Quelles luttes auront lieu pour le contrôle des matières premières, comme le pétrole ou l’eau pour l’irrigation et la consommation, ou les terres cultivables ? Tous les gouvernements s’en prennent au protectionnisme aujourd’hui (en tout cas, ils le faisaient hier) et réclament soutien mutuel et libre-échange, mais en pratique, même une union économique relativement intégrée comme l’Europe craque sous la contrainte d’intérêts divergents, tandis que les supporters de la globalisation d’hier entonnent aujourd’hui l’air de « Acheter américain ».

La plus grosse inconnue, cependant, est la tolérance dont fera preuve la population mondiale devant les ravages infligés à sa vie par les tentatives de résolution des difficultés du capitalisme. Quel que soit le mélange de stimulation et de respect de la liberté du marché adopté par les gouvernements, il sera payé par la majorité de la classe ouvrière, par plus de chômage ou par des salaires inférieurs et moins d’avantages sociaux – en fait, comme nous pouvons déjà le constater, ce sera les deux. Les gens voudront-ils repartir à la guerre, comme lors des dernières grandes crises, pour assurer de meilleures conditions à leurs entreprises nationales ? Les Européens, quels que soient les projets de leurs gouvernements, semblent avoir appris leur leçon à cet égard, tandis que l’acceptation de la guerre par la population américaine semble avoir faibli après la série de défaites et d’impasses en Corée, au Vietnam et en Irak et bientôt en Afghanistan. Les gens vont-ils au contraire s’occuper d’améliorer leurs propres conditions de vie de la façon concrète et immédiate qu’exigera une économie en déroute ? Les millions de nouveaux SDF vont-ils voir dans les maisons saisies vides, les marchandises invendables et les aliments stockés par le gouvernement, le moyen de se maintenir en vie ? Sans aucun doute, et, comme par le passé, les Américains exigeront que l’industrie ou le gouvernement leur procurent des emplois, mais comme ces exigences se heurtent aux limites économiques, il leur viendra peut-être aussi à l’esprit que les usines, les bureaux, les fermes et autres lieux de travail existeront encore même s’ils ne sont plus rentables, et qu’on peut les mettre en marche pour produire les marchandises dont les gens ont besoin. Même s’il n’y a pas assez de postes – d’emploi rémunéré par les entreprises ou l’Etat – il y a énormément de travail à faire si les gens organisent la production et la distribution pour eux-mêmes, en dehors des contraintes de l’économie marchande.

Quand nous nous sommes retrouvés dans la merde jusqu’au cou à l’automne 2008, tous ceux qui avaient accès aux médias, du Président aux commentateurs de gauche comme Doug Henwood du Left Business Observer, sont tombés d’accord sur la nécessité de sauver les banques en leur injectant des liquidités prises dans les caisses du gouvernement, de peur que l’économie toute entière ne s’écroule. Mais, sans parler du fait que l’économie est de toute façon en train de s’écrouler, c’est le contraire qui est plus proche de la vérité : si le système financier dans son ensemble s’affaissait et que l’argent cessait d’être la source d’énergie de la production, tout l’appareil productif de la société – les machines, les matières premières et surtout les travailleurs – serait toujours là, ainsi que les besoins humains qu’il pourrait servir. Moins il faudra aux gens d’années de souffrance et de confusion pour s’en rendre compte, mieux ce sera.

P. M. Jr

NOTES

(1) TARP : le Troubled Asset Relief Program est le nom initialement donné au Plan Paulson. Il s’agit d’un programme d’aide aux institutions financières qui possèdent des actifs toxiques.

(2) George Cooper, The Origins of Financial Crises, Harriman House, 2008.

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