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Dollarium tremens : la dé-dollarisation en marche

mercredi 1er décembre 2010

« Il est préférable que la plupart des citoyens de notre nation ne comprennent pas le fonctionnement de notre système bancaire et monétaire parce que, si c’était le cas, je pense qu’ils commenceraient une révolution dès demain matin. » Henri Ford

La danse du scalp contre le dollar roi est de nouveau active et de nouvelles tribus tournent autour du feu pour liquider le roi dollar et adorer de nouveau le veau d’ or.

Cet article est paru sur le blog http://spartacus1918.canalblog.com en août 2009. Il a été publié par Echanges n° 130 sous le titre Or et dollar, les reliques de la barbarie capitaliste.

07 août 2009 – Ce n’est certes pas nouveau : depuis l’abandon de l’étalon or en 1914 (1), jusqu’aux accords de Bretton Woods (2) après la seconde guerre mondiale, la gestion financière de la planète fut l’objet de nombreuses remises en question. Le Bancor (3) proposé comme monnaie internationale fut rapidement mis au rancart par les Etats-Unis qui imposèrent alors le dollar. Tant que les Etats-Unis disposaient dans les coffres de Fort-Knox d’importante réserves en or, il n’y avait pas de problème. C’est seulement quand la croissance économique se déplaça des Etats-Unis vers l’Europe que les réserves d’or des Américains s’amenuisèrent et se traduisirent par un déficit de plus en plus important de leur balance des paiements. C’est à ce moment que les premières remises en cause du dollar comme monnaie universelle commencèrent. En dépit de diverses mesures de « replâtrage » le dollar se maintiendra. C’est en mars 1968 qu’une nouvelle crise monétaire éclate, qui se soldera par la mise en place d’un double marché de l’or (4).

Depuis que le dollar est devenu l’étalon monétaire de la planète, aucun de ceux qui ont essayé de le détrôner n’y est parvenu. En France De Gaulle (1965), puis Giscard ont essayé, ils ont été évincés. Quand Saddam Hussein voulut payer le pétrole en euro, il avait mis en place une arme de « destruction massive » qui lui vaudra la vie.

Depuis, la crise financière a considérablement réduit la puissance de la City et de Wall Street. Le dollar n ’est même plus une monnaie suspecte, il n’est plus une monnaie ou si l’on préfère une monnaie hélico (5) alimentée par la planche à billet.

Alors les détenteurs de dollars s’énervent un peu plus et prennent des initiatives. Les monarchies du Golfe (Arabie saoudite, Bahrein, Emirats arabes unis, Koweit, Oman, Qatar), envisageaient pour 2010 une monnaie unique, sur le modèle de l’euro. Au moment de signer l’accord elles n’étaient plus que quatre. Puis ce fut le tour des détenteurs de matières énergétiques, qui ne veulent pas être les dindons de la farce, de passer à l’offensive. Le cartel de l’OPEP et la Russie veulent marcher sur les traces de Saddam Hussein ; ils comptent mettre en place une monnaie unique pour honorer les contrats pétroliers. Le Kazakhstan et l’Iran veulent une monnaie régionale, la Chine propose la mise en place d’une monnaie universelle par la mise en place d’un instrument de paiement dont la valeur serait déterminée à partir d’un panier de monnaies, et non plus fixée sur celle du dollar américain. Or cet instrument existe déjà, mais pas pour cet usage : ce sont les DTS. Fin mars, Dominique Strauss-Kahn déclarait « légitimes » les discussion sur une nouvelle monnaie de réserve.

Michael Hudson (6), dans son article : « Dé-dollarisation : le démantèlement de l’empire militaire et financier américain » (17 juin 2009) va jusqu’à dire :

« La ville Russe de Iekaterinbourg, la plus importante à l’est de l’Oural, pourrait désormais être connue comme le lieu où sont morts non seulement les tsars mais aussi l’hégémonie américaine. Non seulement l’endroit où le pilote américain Gary Powers a été abattu en 1960, mais aussi celui où l’ordre financier international dominé par les Etats-Unis a été mis à bas. »

La remise en cause des Etats-Unis sera le thème principal des réunions élargies qui rassembleront à Iekaterinbourg (ex-Sverdlovsk) en Russie les 15 et 16 Juin le président chinois Hu Jintao, le président russe Dmitri Medvedev et les représentant des six pays de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS). Cette alliance regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan. L’Iran, l’Inde, le Pakistan et la Mongolie y ont le statut d’observateurs. Le 16 juin, le Brésil s’y joindra pour les discussions commerciales entre les pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine).

Suite à cette réunion, le président français Nicolas Sarkozy s’est dit en accord avec l’esprit de Iekaterinbourg, ceci dans la logique du gaullisme. Et, lors du G8 qui s’est tenue à L’Aquila (Italie), plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement ou leurs représentants ont clairement remis en cause l’ordre monétaire existant depuis les accords de Bretton Woods, ainsi que la prédominance du dollar dans les échanges mondiaux. Nicolas Sarkozy a appelé à un débat sur la monnaie de réserve. Le représentant chinois a évoqué, pour sa part, « un régime monétaire international de réserve diversifié et rationnel » sur la base des droits de tirage spéciaux (DTS), le panier de monnaies utilisé par le Fonds monétaire international (FMI).

Le ministre allemand des finances Peer Steinbrück (SPD) a tenu à prendre ses distances en informant la presse que l’Allemagne restait farouchement favorable au dollar comme monnaie de réserve. Selon lui, « le rôle dominant des marchés financiers anglo-saxons » demeure, mais il s’est « relativisé » avec la crise financière. Le ministre indique dans l’hebdomadaire Manager Magazin que « le dollar va certainement garder son rôle particulier », mais selon lui « dans une proportion moins importante ».

La réponse américaine ne s’est pas fait attendre

Le président Obama a défendu le dollar : « En ce qui concerne la confiance dans l’économie américaine ou dans le dollar, je ferai remarquer que le dollar est extraordinairement fort en ce moment. Et la raison pour laquelle le dollar est fort en ce moment, c’est parce que les investisseurs considèrent que les États-Unis ont l’économie la plus forte du monde, avec le système politique le plus stable du monde. Je ne crois pas à la nécessité d’une monnaie mondiale. »

Il apparaît donc que la question du dollar comme monnaie universelle est au centre des contradictions du monde capitaliste, au centre de leurs rivalités. Comme l’histoire de l’argent nous l’enseigne, il arrive toujours un moment ou il faut passer sous les fourches caudines du « paiement au comptant ». Ce moment semble arrivé..

En ce qui nous concerne, nous ne pensons pas que le retour à l’étalon or , change les paramètres de la crise du capital, ni un système basé sur les DST et autres monnaies. Il nous faudra revenir sur cette question dans un prochain article. Pour rappel l’article ci-dessous de Loren Goldner qui anticipait déjà la crise.

Gérard Bad

continuité et discontinuité dans le déclin de l’accumulation mondiale centrée sur le dollar

notes

1- Le système de l’étalon-or a fonctionné de 1879 à 1914. Issu de l’échec du système bimétallique, il ne survivra pas à la crise économique et financière créée par la première guerre mondiale.

2-Les accords de Bretton Woods, furent conclus à la suite d’une conférence tenue du 1er au 22 juillet 1944, entre quarante quatre pays membres, afin d’instituer un nouvel « ordre monétaire » suite à la deuxiéme guerre mondiale. Ces accords sont à l’origine de la création du fond monétaire international (FMI) et de la Banque internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD)

3-Etalon monétaire international dont la création fut proposée par John Maynard Keynes lors de la conférence de Bretton Woods (1944) et qui aurait servi de référence pour déclarer les taux de change.

4-L’or monétaire ne représentait plus, en 1968, que la moitié des réserves mondiales, contre les deux tiers en 1958. l’économie mondiale manquait de liquidités, ce qui favorisera le passage de l’étalon de change-or à l’étalon dollar

5- En novembre 2002, Bernanke (qui n’était alors qu’un des gouverneurs de la Réserve fédérale) a prononcé un discours célèbre dans lequel il a déclaré qu’au cas où déflation aux Etats-Unis serait semblable à celle du Japon, le gouvernement américain devait imprimer de l’argent à l’infini (faire marcher la planche à billets) et le déverser par hélicoptère. Depuis on le surnomme « helicopter Ben ». Les marchés le soupçonnent d’être un inflationniste.

6- Michael Hudson, brillant économiste jusqu’à récemment tout à fait marginal (pas marxiste, plutôt hudsonien). Son livre Super imperialism (1972) décrivit si bien la stratégie américaine de l’« Imperial Management Through Bankrupcy » (gestion impériale par la faillite) que le gouvernement Nixon s’en servit pour affiner sa stratégie. Il démontra que « l’aide » américaine subventionnait les exportations américaines et rien de plus, ce qui obligea le ministère du Commerce à réviser et même à supprimer les statistiques sur lesquelles Hudson s’appuyait. Super Imperialism a été réédité en 2002 par Pluto Press (Londres) avec une nouvelle préface et un nouveau chapitre final qui remettent l’analyse à jour.

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