Cet article est paru sur le blog http://spartacus1918.canalblog.com en juin 2009.
11 juin 2009 - Alors que le Comité national des conseillers du commerce extérieur de la France (CNCCEF ) constate une amélioration rapide de la situation économique, allant jusqu’à dire que la reprise prévue pour 2010 sera au rendez vous dès cet été 2009, Jacques Attali, lui, prédit une hyperinflation et un Weimar planétaire.
S’il a le mérite, chiffres à l’appui, de nous avertir qu’une météorite type Weimar va frapper la planète, sa conclusion consistant à dire que l’Union européenne (UE) doit encore s’endetter pour sortir de la dette nous laisse perplexe. Résumons ses informations : la dette totale des Etats-Unis représentait en janvier 2009 500 % du PIB, alors qu’en janvier 2008 elle s’élevait à 350 % du PIB. Ce qui, traduit en dollars, nous amène à la somme démentielle de 54 000 milliards de dollars (une centrale nucléaire coûte 4 milliards d’euros.)
Ensuite, Jacques Attali met l’accent sur la dichotomie des encours des banques par rapport à leur fonds propres, mettant ainsi en exergue l’importance du capital fictif. Aussi, quand les encours se montent à 84 000 milliards de dollars, les fonds propres n’en représentent que 4 000 milliards, soit un ratio de 20 % alors que celui-ci ne doit jamais dépasser 15 %.
Les Etats-Unis ont injecté 12000 milliards de dollars pour juguler la catastrophe, dont 1800 milliards ont servi à renflouer les banques dont les fonds propres ne dépassent pas les 1300 milliards. Il en résulte, selon Jacques Attali, « qu’elles sont, à ce point, techniquement en faillite ».
Jacques Attali indique que pour lui le facteur aggravant de la crise provient du fait que les banques centrales financent directement des entreprises en difficultés, ce qui revient à créer les conditions du pire. Ceci pourrait expliquer en partie « l’effet Viagra » d’une reprise imminente pronostiquée par le CNCCEF.
Ensuite, Attali aborde la question du financement de l’économie mondiale. Celle-ci se débat dans une crise de surproduction dont nous ne voyons pour l’instant que la pointe de l’iceberg, mais déjà des colosses comme GM sont nationalisés. Attali semble vouloir relancer le système en injectant des milliards et des milliards de dollars dans l’économie-monde.
100 000 milliards de dollars, c’est le chiffre qu’il avance pour sauver la planète, mais il s’interroge : qui aujourd ’hui peut prêter ce fric ? Les marchés de capitaux ? il ne faut pas y compter – il ne reste plus que les Etats, mais ceux-ci deviennent aussi suspects. L’économiste américain Nouriel Roubini vient de pronostiquer sur son blog la faillite prochaine de l’Angleterre.
L’économiste Attali en arrive finalement à dire que personne ne viendra cracher au bassinet. Les pétromonarchies du Golfe, victimes de la chute des cours du pétrole, se tâtent pour acheter les Rafales de Sarko, quant aux Chinois ils ne disposent que de 2 000 milliards de dollars. Jacques Attali ne nous propose même plus la micro-finance comme facteur de relance. Seule subsiste pour lui la perspective d’une hyperinflation.
L’histoire économique du capitalisme montre que celui-ci est dual et qu’il est contradiction en actes. Voilà pourquoi il peut passer du keynésianisme au monétarisme et en revenir à un néo-keynésianisme... son pragmatisme n’est plus à démontrer. La boussole qui le dirige, encore plus actuellement qu’hier, c’est que l’argent rapporte de l’argent comme le poirier des poires (l’expression est de Karl Marx). Comme le capital financier est parvenu, au travers de l’argent (de la monnaie marchandise), à « s’autonomiser » jusqu’à devenir capital fictif, il ne faut pas s’étonner qu’il se débatte toujours dans sa propre sphère, celle de la circulation du capital, pour se sortir du marasme.
C’est là qu’intervient la politique monétaire, qui va du resserrement du crédit à la planche à billet, de l’inflation à la déflation, de la déflation à la reflation... La sphère de production, celle où la richesse se crée, par le travail salarié et l’extorsion de la plus-value, apparaît à cette classe capitaliste comme une entrave à la réalisation de ses profits. Apparaissent ainsi des prédateurs, non seulement cde la classe prolétaire, mais aussi du capitalisme lui-même, au sens où Marx le faisait remarquer « La véritable barrière de la production capitaliste, c’est le capital lui-même » (1).
La question de savoir si nous nous dirigeons vers une hyperinflation généralisée nous semble mal posée. D’une part parce que cette hyperinflation existe déjà dans nombre de pays, et d’autre part parce que cette dernière est une entrave au taux de profit. Plus le système de crédit est développé, et plus la maîtrise de l’inflation devient nécessaire. Le monétarisme des années 1980, pour cette raison, a tout fait pour juguler l’inflation, mais elle a pris un autre chemin : celui de l’endettement généralisé.
Bien entendu l’utilisation de la planche à billet est un facteur qui dévalorise la monnaie. Tant que cette création de monnaie jugule la déflation (chute des prix) les capitalistes la trouve acceptable. Mais avec les chiffres que nous livre Jacques Attali, le système va se trouver dans l’impossibilité d’emprunter sur les marché internationaux, il ne lui restera plus que la planche à billet.
Un signe précurseur : le 18 mars 2009, la Federal Reserve Bank (Fed), la banque centrale américaine, a annoncé sa décision de racheter les bons du trésor américain (dette à long terme des Etats-Unis). Autant dire que les Etats-Unis veulent réduire leur dette en se transformant en faux-monnayeurs. La banque centrale américaine, celle de la monnaie mondiale, la gardienne de l’équivalent universel, a décidé depuis le 18 mars 2009 que la garantie sur cette monnaie repose sur un fond de réserve de créances pourries. De plus la Fed se propose même de racheter les dettes privées de grandes sociétés nationales en quasi-faillite, par exemple Général Motors.
On ne réanime pas un noyé en lui faisant boire de l’eau.
C ’est pourtant ce que le monde financier essaye de faire en se transformant en usine à papier-monnaie reposant de plus en plus sur rien, sur aucune valeur ni aucune richesse. Ce qui fait régulièrement réagir les pays détenteurs de dollars, comme la Chine et la Russie, qui proposent de remplacer le dollar par une unité de compte internationale du type des droits à tirages spéciaux. D’autres proposent le retour à l’étalon-or...
Notre propos ici n’est évidemment pas de donner des recettes pour sauver le capitalisme mais de démontrer les conséquences et affres de son maintien. Il ne fait aucun doute que le transfert de la faillite du système financier sur les Etats (la fiscalité et les impôts), la « monétisation des déficits » comme ils disent, aura des répercutions catastrophiques pour les peuples dont certains subissent déjà l’hyperinflation. Cette hyperinflation va-t-elle, telle la gangrène, remonter toute l’économie mondiale ? Si tel était le cas, les salaires réels perdraient du pouvoir d’achat du jour au lendemain, les retraites seraient laminées, comme lors de la crise de l’Argentine, les fonctionnaires attendraient, comme les fonctionnaires africains, d’être payés. Le chômage augmenterait et serait de moins en moins indemnisé, rendant la crise sociale insupportable .
G. Bad
(1) Le Capital, III, Editions sociales, I, p.263 ; P.II, p.1032.