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La patate chaude des CDS

lundi 12 octobre 2009

Cet article de Gérard Bad est paru sur le blog Spartacus1918 le 15 octobre 2008

Crise sociale, économique et financière.

Quand il commence à en prendre conscience, le capitalisme parle d’Armaguédon financier ou, comme Warren Buffett, d’« arme de destruction massive » à l’égard des CDS (produits dérivés sur événement de crédit).

Effectivement les CDS (Credit-Default Swap), comme nous allons essayer de le montrer, commencent à se manifester comme une arme redoutable, du type bombe à fragmentation. Les CDS sont des contrats de gré à gré (spéculatifs), n’ayant aucune règle de fonctionnement, mais qui sont censés intervenir en cas de défaillance de l’emprunteur moyennant le paiement d’une prime pouvant varier en fonction du marché ou de la qualité de l’emprunteur. Sa particularité consiste à s’ assurer pour un risque couru par un tiers, et d’ en démultiplier les conséquences.

« Le marché américain des CDS (Credit-Default Swap) se monte à 62 000 milliards de dollars, chiffre proche du total des dépôts bancaires à l’échelle de la planète. L’instrument fut mis au point dans les années 1990 par la firme qui deviendra JP Morgan Chase et qui, avec un chiffre de 7 000 milliards de dollars, demeure aujourd’hui encore le principal acteur de ce marché. Citigroup vient ensuite, avec 3 200 milliards et Bank of America avec 1 600 milliards. Les fonds d’investissement spéculatifs représentent 31 % de ce marché, et les réhausseurs de crédit 8 %. »

(Le Monde Economie, 30 septembre 2008 )

Quand Lehman Brothers entra en faillite, ce fut l’affolement à Wall Street. On alla jusqu’à chercher dans leur lit les grands spécialistes des CDS, pour savoir si l’Etat devait intervenir pour honorer ces lignes de crédit. Nous connaissons la suite : face au risque systémique que représentaient les CDS de Lehman Brothers, l’ administration américaine a été contrainte non seulement de « sauver » la banque, mais de se jeter dans le vide avec le plan Paulson.

Dans un premier temps, la banque Lehman va être dépouillée : actifs vendus au rabais. Tous ceux ayant des créances ou ayant confié des portefeuilles seront aspirés dans les abîmes. Suivra ensuite le plus gros de l’affaire, que les grands artificiers de la planète essaye de désamorcer à coût d’argent public. Il s’ agit des engagements de Lehman sur les dérivés et notamment les CDS (assurance anti-faillite). Ici on ne rigole plus, car ce sont les grandes banques, voire les compagnies d’assurances (1), qui vont se trouver aspirées par le goufre financier des CDS.

Visiblement, le sauvetage de Bear Stearns avait pour toile de fond les milliards de dollars que Golman Sachs aurait dû débourser pour honorer les CDS si la banque n’ avait pas été reprise par l’Etat.

« Le 2 avril, Ben Bernanke, le président de la Fed [la banque fédérale des Etats-Unis], déclarait dans une allocution devant le Congrès : "La faillite soudaine de Bear Stearns aurait débouché sur un débouclage chaotique de positions sur ces marchés. Elle aurait aussi jeté la suspicion sur les positions financières de certaines parmi les milliers de contreparties de Bear Stearns." La faillite de Bear Stearns aurait forcé au débouclage de l’ensemble des CDS dont elle faisait l’objet, c’est-à-dire à la réconciliation des positions de l’ensemble des établissements qui s’étaient engagés dans de tels contrats, l’insolvabilité de l’un des vendeurs pouvant alors se répercuter sur toute la longueur de la chaîne. » (Source : CDS, le monstrueux contraire d’ une assurance, de Paul Jorion (2).)

Dès lors, d’autres clients vont sonner le tocsin. AIG est elle aussi truffée de CDS et la voilà elle aussi incapable de faire face à la situation. Alors l’Etat américain est venu renflouer la plus grande entreprise d’assurance du monde en mettant 85 milliards de dollars sur la table. Il fallait tout faire pour circonscrire l’Apocalypse financière en puissance.

Mais la manne financière de la FED, de la BCE... et des Etats allait s’ avérer insuffisante pour relancer la machine , alors que nous étions à la veille d’une nouvelle révélation : celle de la faiblesse du secteur de l’ assurance. Il aura fallu l’ intervention de sept banques centrales, qui en baissant de 50 points leurs taux directeurs, parviendront à maquiller les moins-values des sociétés d’ assurances.

Mais l’ ombre mortelle des CDS a déployé ses ailes au-dessus de la planète. Depuis le début du mois d’ octobre, le marché des CDS entre dans sa phase cruciale. Un grand nombre de contrats arrivent à échéance, la période des enchères vient de démarrer, et les premiers communiqués de presse sont des alertes. « Une vente aux enchères de contrats permettant de se couvrir contre le défaut de paiement de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers a trouvé vendredi très peu d’acheteurs, selon les résultats préliminaires. Cette opération géante réglant la valeur finale de CDS ("credit default swaps"). » (AFP, dépêche du 10 octobre 2008.)

Il s’agit de la liquidation sous forme d’enchères des CDS de Lehmann Brothers. Selon le directeur général de l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association), les paiements nets résultant de ces enchères devraient avoisiner 2% du montant global des contrats (400 milliards de dollars), soit 8 milliards de dollars.

Le couperet vient de tomber, et ce ne sont même pas les 8 milliards attendus qui vont déboucler les CDS (contrats d’échange de défaut) de Lehman Brothers, mais approximativement 6 milliards (Agefi du 15 octobre 2008). Les pertes, de 394 milliards de dollars, devront être partagées par les tenants actuels de ces CDS (l’équivalent du chiffre d’affaires d’Exxon Mobil). Et qui apparaîtront dans les bilans du troisième trimestre 2008, qui seront bientôt publiés. Pour le moment, le plan Paulson et l’ intervention des Etats de l’Union européenne, à hauteur de 1 700 milliards d’euros, agissent comme un écran de fumée dissimulant la situation réelle.

G. Bad

le 15 octobre 2008.

NOTES

1- Le vendredi 10 octobre 2008, les assureurs ont vu leurs titres céder plus de 10 %. Par exemple, Axa doit verser 50 000 euros de plus pour assurer 10 millions d’ euros de dette.

2- Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ », qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et des contributions de ses lecteurs.

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