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La crise asiatique ,acte II

CRISE FINANCIERE INTERNATIONALE : CRISE DU MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE

ECHANGES N°98-automne 1998

dimanche 4 novembre 2007

La "crise asiatique" n’est pas une simple crise, un équivalent de la crise mexicaine, qui elle-même n’était que les prémisses d’une crise majeure des marchés émergents. Après la dévalorisation financière brutale du capitalisme asiatique, c’est maintenant l’économie réelle qui va s’enfoncer un peu plus dans la crise, (voir Echange N° 86 mars 1998).Alors que des pays comme la Russie, la Chine, l’Amérique Latine sont sur le fil du rasoir, le Japon plonge une nouvelle fois dans la récession, les Etats Unis qui naviguait sur une bulle financière de plus en plus importante viennent d’être frappé de plein fouet par la dégringolade de Wall Street. Quant à l’Europe, elle semble pour l’instant résister avec un rythme de croissance de 3% et bénéficier pour un court laps de temps de la crise des autres. L’euro va bientôt émerger comme monnaie mondiale et entrer en concurrence avec le dollar. Tous les ingrédients d’une crise majeure de l’économie mondiale sont maintenant réunis, et Michel Camdessus, directeur du FMI, déclarait : « Je vais sonner le tocsin : il faut se préparer, sans attendre, la prochaine crise » ( Les Echos du 14 septembre 1998.)

La crise asiatique, acte II

« La crise asiatique est tout autant une crise du capitalisme occidental que du capitalisme asiatique » .( Jeffrey Sachs, directeur du Havard Institute International Development.)

Après le choc boursier qui avait sa source au sein même de l’économie, le choc économique réel va s’étendre bien au delà des économies asiatiques. En effet le surinvestissement en capital de la région menaçait purement et simplement le capital avancé par les investisseurs. En surcapacité productives, les industries ferment les unes derrières les autres le chômage prend le relais et encore une fois c’est aux masses que l’on demande de faire des sacrifices. La « crise asiatique » qui n’est que le haut de l’iceberg de la crise générale du MPC vient de toucher l’économie globale par ricochet. Le cours des matières premières est en chute libre (Pétrole, plomb, nickel, Semi-conducteur...).

Pour enrayer cette chute il faudra réduire la production de ces matières et donc encore une fois licencier, licencier aussi dans les transports, dans les ports et docks...En effet l’évolution du commerce extérieur des pays asiatiques est en très forte baisse depuis le début 1998. La baisse des importations est spectaculaires en Thaïlande, Indonésie et Corée (-35%), et plus encore en Malaisie, à Singapour et au Japon,où elles chutent de 19% en février.

En ce qui concerne les exportations, la Thaïlande est en stagnation, l’Indonésie enregistre une baisse de 2% en Janvier 98, la Malaisie une chute de 22% par rapport à janvier 1997.En Corée le solde reste encore positif, en Chine, aux Philippines les exportations progressent. Contrairement au Mexique qui, dés 1995, voyait ses exportations progressées de 35% en volume et 30% en dollar, les pays asiatiques ne sortiront pas de la crise car ils sont eux mêmes un des facteurs important du déclenchement d’une crise à l’échelle mondiale. La restriction des importations est aussi une limite aux exportations de cette zone, par exemple en Thaïlande l’utilisation d’inputs importés dans les produits manufacturés destinés à l’ exportation est d’ environ 70%. Il est à craindre pour l’ensemble de ces pays un recul vers la production agro-alimentaire. Seule la Corée pourrait tenir, mais là c’est l’émigration des cerveaux qui risque de concurrencer les salaires occidentaux. A cette situation, qui vient d’ouvrir une crise sociale majeure (importantes manifestations en Indonésie avec plus de 500 morts) il faut ajouter les effets amplificateurs du commerce intra-asiatique,-baisse de croissance de 1% prévue pour 10 pays de la zone qui devrait se traduire dans le meilleur des cas par un recul des PIB de 0,1% pour le Japon, 0,9% en Malaisie, 1,1% à Singapour pour les autres pays il faut envisager des baisses de PIB de 1,2% à 1,4%.

Ces effets amplificateurs vont accentuer la récession du monde asiatique, et ce d’autant plus que le Japon plonge une nouvelle fois dans la récession. Seule la Chine résiste pour le moment. La récession pour des pays comme la Thaïlande, l’Indonésie, la Corée du Sud, et la Malaisie risque d’être très forte. Une spirale baissières entraînant yen ,yuan et dollar de Hongkong, si elle se réalisait entraînerait la région dans une nouvelle crise et ainsi de suite.

L’impact global de la crise asiatique n’en est qu’à ses débuts, baisse du prix des matières premières, recul des échanges internationaux, qui croissaient plus vite que les PIB durant la dernière décennie, décélération du prix des biens et services, tendance à la déflation ( baisse des prix et de la production).

Siemens annonce déjà la fermeture de son usine britannique ouverte il y a deux ans (1100 salariés). La dévaluation monétaire de la Corée du Sud a fait chuter le prix d’une mémoire Dram de 16 mégabits de 9 dollars en 97 à 1 dollar actuellement. En revanche, le N°1 mondial des microprocesseurs (Intel) pousse le coréen Hyundai à monter une usine en écosse, qui produirait des mémoires Dram de 256 mégabits. le principal producteur de gaz industriels (BOC) , doit supprimer 3000 à 4000 emplois dont 1000 en GB , soit 10% de l’effectif du fait de la crise asiatique. En Indonésie, les pillages de magasins et de plantations se multiplient, ainsi que les attaques de moulins à riz ( le prix du riz atteint 4000 roupies le kilo, contre 600 il y a un an).En Corée du sud : le 3 septembre 1998, un raid policier de grande ampleur pour briser la grève de six usines de chez Mando ( la plus grande entreprise de pièces automobiles du pays) a eu lieu pour mater les grévistes. Une véritable armée de 1200 policiers, soutenus par un hélicoptère, a arrêté une centaine de travailleurs. Cette grève qui durait depuis le 17 août s’opposait à la suppression de 1090 emplois.

La chute du prix des matières premières et ses conséquences.

La dévalorisation financière de la zone asiatique a entraîné, comme nous venons de le montrer une importante restriction des im¬portations de matières premières et, de ce fait, une chute tout aussi importante du prix des matières premières. Les consé¬quences se profilent déjà à l’horizon, la fameuse dette du tiers monde va resurgir, avec cette caractéristique qu’elle va s’étendre à des pays dits industrialisés. Le Canada, l’Australie, la Norvège, l’Afrique du Sud, grands producteurs de matières premières, entrent en crise, et les inves¬tisseurs déménagent. Résultat : ces pays doivent jeter l’éponge et dévaluer. En Amérique latine, même programme : en moins d’un mois, la Bourse de Sâo Paulo a chuté de 40 %, celle de Buenos Aires de 35 %, celle de Mexico de 36 %, celle de Ca¬racas de 41 %.

Japon : retour de la récession.

Alors que les experts prévoyaient un redressement rapide du Japon suite à l’éclatement de la bulle financière asiatique : le Japon glissait inexorablement vers la récession et ainsi déclenchait une crise dans la crise. Le mardi 11 août 1998, le cours du Yen est au plus bas de son histoire (147 yens pour 1 dollar). Par contre-coup, la Bourse de Tokyo entraîne dans sa chute les principales Bourses mondiales. La situation est d’autant plus critique que le poids du Japon est encore considérable en Asie : il représente 55% (61% en 1990) du PIB nominal en dollar de la région et 40% ( 64% en 1990 ) des exportations asiatiques. L’archipel concentre 71% (91% en 1990) de la capitalisation boursière, 44% des réserves de change de la zone et 40% des prêts accordés à la région (chiffres 1997). Si entre 1985 et 1997, le Japon voyait ses exportations vers les états-Unis chuter de 37% à 28%, celles vers l’Europe se stabilisées entre 14 et 16% alors qu’ en direction de l’Asie elles croissaient de 26% à 41%. L’excédent commercial avec l’Asie dépasse largement celui enregistré avec l’Europe et les Etats Unis :

Excédent commercial en 1996 Asie.....................51,1 milliards de $ Europe :..............12,0 milliards de $ USA :...................32,6 milliards de $

La Russie jette l’éponge.

« Le problème de la Russie pourrait bien devenir celui de l’Europe centrale et même du monde entier » Le sous secrétaire d’état américain au Trésor

L’échec en Mai 1998 de la privatisation de la dernière grande compagnie russe pétrolière ( Rosneft), avait déjà révéler la fragilité de l’état russe, qui ne parvenait plus à brader aux financiers internationaux les entreprises publiques. La privatisation avortée (sans doute à cause de la chute des produits pétroliers) de Rosneft, provoqua une plongée de la Bourse de 40% en une semaine. Le 1er juin 1998 les actions chutaient de 10%, (c’est environ 55% que la Bourse perdait depuis janvier). Le Krach, de ce coté de la planète fut provisoirement colmaté avec l’annonce d’un prêt de 700 millions de dollars par le FMI.

Aide du FMI ( en milliards de dollars)Corée du sud..... 21 Mds Thaïlande... 4 Mds Indonésie...10 Mds Mexique.....17,8 Mds Russie......22,6 Mds

Ce n’était que partie remise, le 18 août 1998, la Russie est contrainte de remettre en cause sa politique du rouble fort et annonce sa décision de dévaluer le rouble et de suspendre les remboursements de la dette extérieure bancaire. Le FMI va devoir intervenir cette fois, non plus avec 700 millions de dollars mais avec un pactole de 22,6 Milliards de dollars. La dévaluation du rouble favorise le lobby pétrolier russe, qui est le principal exportateur de la Russie, sur 88 milliards de dollars de recette, 40 milliards proviennent des produits pétroliers.

Comme 95% des coûts d’exploitation de ces compagnies sont libellés en roubles, et que la vente des produits pétroliers se fait en dollars, le lobby pense pouvoir se refaire une santé et rendre plus attractif la privatisation tout en faisant rentrer des dollars pour rembourser la dette d’état. (1). Malgré cela les investisseurs étrangers « retirent leurs billes » Elf qui devait passer un accord 50/50 avec le 7éme groupe pétrolier russe (Sibneft) se retire (les Echos du 26/8/98).

La baisse des cours des matières premières et maintenant la chute du dollar vont acculer la Russie à une rupture du remboursement de ses dettes. Il faut savoir que les Russes ne font plus confiance au rouble depuis longtemps, ils ont accumulé 40 milliards de dollars, pendant que leur avoir en roubles représentent environ 8 milliards de dollars. Il n’est donc pas étonnant de voir l’économiste américain Steve Hanke préconiser de faire du dollar une monnaie officielle en Russie, évoluant parallèlement au rouble.

Comme pour la crise asiatique, les médias se veulent rassurants, et indiquent que c’est la chute du prix du pétrole qui à fait chuter le rouble. La baisse des cours des matières premières il faut le rappeler est elle même la conséquence de la crise asiatique qui elle même est la conséquence de ...c’est à dire en finale des contradictions du MPC ( Mode de Production Capitaliste). Ce que nous constatons actuellement c’est une généralisation des crises financières avec comme perspective la déflation ( baisse des prix et de la production.). La restructuration de la dette russe, 7 milliards détenus par des étrangers devra porter des intérêts de 30% puis 25% pour finir à 20%.

Aux Etats-Unis

L’économie américaine se trouve au carrefour de ses contradictions, le déficit courant se creuse inexorablement.L’impact négatif de la crise asiatique aux États-Unis est pour le moment voilé par une consommation interne exubérante. Si on peut prévoir que la croissance sera encore forte cette année, du fait de cette consommation Interne, les contre coups ne vont pas tarder a se manifester. La production manufacturière accuse déjà un ralenti, le secteur de la sidérurgie américaine est confronté à celle du Japon qui vient de doubler ses ventes d’ acier aux Etats-Unis par rapport à 1997,c’ est la dévaluation des monnaies japonaises et coréennes qui favorise l’ achat d’ acier par les industriel américains ( l’ acier importé est à moins de 200 dollars la tonne contre 300 dollars pour la sidérurgie locale).Les salaires progressent, les prix des services domestiques sont en hausse.

Quant au Japon, il sera de moins en moins disposé à financer un déficit US croissant,alimenté par une bulle magistrale sur le marché des actions qui vient d’éclater (Le 31 août 1998 la Bourse de New York recule de 6,36%. ). Comme on pouvait s’y attendre, les banques centrales des pays émergents, viennent de vendre leurs bons du trésor américains pour enrayer la baisse de leur monnaie. « La baisse de Wall Street a éliminé 2000 milliards de dollars de richesse » note Frank Prissert de Nations Bank Montgomery. Cela devra forcément avoir un impact sur une économie de 7000 milliards de dollars, surtout sur la consommation qui progressait de 150 milliards de dollars par an. » (La Tribune du 4/09/98).

L’EUROPE :

Les années 90 ne seront pas des années de reprise économique, seul le pic bien court de 1994 atteindra les performances de l’année 1989 pour les grands pays industrialisés. En effet dés 1990 le taux de croissance des pays de l’OCDE chute de 3,6% en 1989 à 2,9% en 1990 ( dans le même temps celui de la France passe de 4,3% à 2,5%).En 1991, les pays de l’OCDE parviennent péniblement à une croissance de 1,0% ( la France 0,8%), en 1992 la croissance se fait toujours attendre, en 1993 la croissance mondiale est désespérément faible et l’Europe entre en récession. En 1994, nous constatons une reprise de la croissance mondiale, disons plutôt un sursaut ( + 3%) en 1995 des signes d’essoufflement se manifestent de nouveau (+ 2,2% pour l’OCDE), et en 1996 c’est le fléchissement de la croissance de l’Europe( sauf la G B) .

La dépréciation des devises européennes contre dollar US et Livre Sterling durant ces trois dernières années a favorisé la compétitivité du vieux continent. L’Europe apparaît, pour le moment comme presque immunisée de la conjoncture internationale, le creusement du déficit courant américain au moment ou l’Euro fait son apparition comme devise rivale du dollar et la chute du prix des matières premières fait son affaire mais ne dépasse pas la devise « le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Les marchés d’actions sont en expansion dangereuse et une bulle financière commence à se former, même si les pronostiques sont pour l’instant en hausse relative. Tirée par une demande étrangère soutenue, la production industrielle a progressé de 4,2% l’an passé après avoir stagné en 1996.C’est surtout la France et l’Italie qui en étaient les locomotives. L’Allemagne va se moderniser en machines et équipement en hausse de 10,7%.actuellement, c’est à dire au second trimestre 1998 on constate un essoufflement au sein de l’Euroland. En Août la Grande Bretagne est touchée par un ralentissement industriel (baisse de la production manufacturière et des services).

En conclusion : Dans le N°86 d’ECHANGE du mois de mars 98, je terminais l’article « Les pays asiatiques entrent dans la mouvance » par « en attendant la prochaine dévalorisation financière au cœur même du G7. » Les événements ont été extrêmement rapides, en quelques mois le monde entier C’est trouvé confronté à une généralisation de dévaluation, les marchés émergents dont le capital espérait tant sont en débandade, la déflation menace, les USA ( le cœur du G7) entre dans la mouvance de la dévalorisation avec la Russie, les pays producteurs de matières premières ont le couteau sous la gorge pour ne pas dire plus. Chaque jour les événements catastrophiques se multiplient et la conscience qu’une crise généralisée du Mode de Production Capitaliste fait son chemin. Il ne reste plus que les médias, pour nous faire rêver au paradis de l’Euro et de l’Euroland.

G.B. Août /Septembre 1998.


notes : (1) Une écrasante majorité des crédits bancaires fait à la Russie- notamment ceux des banques allemandes- sont gagés sur les produits exportés

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