Une assemblée populaire de la population a pris le pouvoir dans la ville et le contrôle de la télévision et de la radio locales.
Les médias ont abondamment parlé des rivalités entre deux politiciens et deux partis, tous aussi corrompus les uns que les autres et tentant d’exploiter les tensions causées par la situation économique déplorable du Mexique dont ils ont été parmi les agents. L’alliance économique avec les Etats-Unis (ALENA) a d’une part ruiné les paysans et, après une période de développement industriel exploitant la main-d’œuvre mexicaine bon marché, a tout également liquidé ces entreprises à capitaux américains transférés dans des contrées à taux d’exploitation meilleur pour le capital.
Ces mêmes médias ont quasiment passé sous silence ce qui se déroule depuis mai dernier à Oaxaca (140 000 habitants), ville touristique située à 550 km de Mexico, dans la province du même nom (deux millions et demi d’habitants). Il est vrai que ces événements, contrairement aux jeux politiciens ou au déferlement populiste d’autres pays d’Amérique latine, ne doivent pas être propagés car ils sont un exemple d’une prise de pouvoir par les habitants et l’établissement d’une forme de gouvernement local direct rejetant l’autorité centrale.
Le mouvement a commencé le 22 mai par une grève de 70 000 enseignants pour les salaires et autres avantages, suite à des pourparlers et manifestations sans résultats. Ceux-ci campaient sur la place centrale de la ville. Manifestations et occupations (dont celles des locaux de la société pétrolière nationale Pemex et de l’aéroport). Le 14 juin, les occupants ont été chassés par la police mais, aidés par la population locale, ont reconquis leur campement. Comme une manifestation parcourait la ville, 3 000 policiers et les hommes de main du gouverneur ouvrirent le feu sur les manifestants, tuant l’un d’entre eux, faisant 92 blessés et opérant une centaine d’arrestations. Une assemblée populaire de la population d’Oaxaca (APPO) fut formée, qui a pris le pouvoir dans la ville et évincé tous les représentants du pouvoir central. Une « brigade mobile » est chargée de maintenir l’ordre et notamment de veiller à ce que l’administration officielle ne puisse jouer un rôle quelconque. L’assemblée a pris de contrôle de la station de télévision et des stations de radio locales.
Depuis, alternent des situations de calme et d’affrontements. Des pourparlers ont débuté fin août entre des représentants de l’APPO et le gouverneur toujours en place. Nous reparlerons de la situation à Oaxaca de manière plus détaillée car, par-delà le déroulement de la lutte, peu de choses sont encore connues sur la manière dont, pendant ces mois, se sont organisées la lutte et la survie. Egalement, dans la mesure où cette lutte restera circonscrite à une ville ou à une région, les règles du système finiront par s’imposer, même si des concessions sont faites pour éteindre le feu.
A lire aussi sur Oaxaca :
La commune de Oaxaca a vécu, publié dans Echanges 119 (hiver 2006-2007).
Revue de presse :
« La cuisine électorale fait long feu - Le Sud Mexicain se met en commune » : sur l’insurrection de Oaxaca dans CQFD n° 37 (septembre 2006).
Sur une lutte paysanne contre la construction d’un aéroport : « Au pied du volcan : Atenco ( des machettes contre un aéroport) » dans Cette semaine n° 90 (automne 2006), qui contient aussi un article sur la « Commune de Oaxaca »
« La répression continue à Oaxaca - Mexique », 21 août 2006, www.ainfos.ca/fr/ainfos06127.html
Remarquons que le témoignage de Georges Lapierre, un Français présent dans la ville tout au long des événements et qui a envoyé régulièrement des lettres de Oaxaca, est largement repris par nombre de publications, ainsi que sur les sites Internet www.ainfos.ca/fr et http://cspcl.ouvaton.org. Nous-mêmes l’avons utilisé.
CQFD n° 39 (novembre 2006) : « Malgré l’envoi de la troupe, la Commune n’est pas morte » et n°40 (15 décembre 2006) : « Oaxaca sous la botte ».
CQFD et l’Insomniaque publient une brochure hors série, La Libre Commune de Oaxaca. Avec les lettres de Georges Lapierre, une chronologie, un témoignage sur la répression d’un habitant de Oaxaca, un appel de Raoul Vaneigem.
« Oaxaca, une région en révolte », dans Alternative libertaire n° 155 (octobre 2006).
« On se bat à Oaxaca », dans Courant alternatif n° 163 (novembre 2006).
Cette semaine n° 9 (hiver 2006) complète ses articles du précédent numéro avec « Qu’est-ce-que l’APPO ? » et « Chronique de Oaxaca ».
En anglais : « Political Crisis in Mexico : Defend the Oaxaca Popular Assembly ! », dans Proletarian Revolution n° 78 (automne 2006), qu’on peut lire aussi sur www.lrp-cofi.org/PR/ mexico78.html
Les Amérindiens sont souvent le fer de lance des conflits qui secouent, ou ont secoué, plusieurs pays d’Amérique du Sud ces dernières années. La tentation est de trouver des racines uniquement communautaires à ces luttes. Elles ont pourtant souvent moins à voir avec le statut de minorité ethnique des Amérindiens qu’avec leur position sociale.
On trouvera plusieurs textes sur la situation mexicaine dans le n° 41 (décembre 2006) de la revue espagnole Etcétera : des « Notes sur un voyage imprévu et quelques questions » d’un camarade du groupe Etcétera ayant visité le Chiapas et Oaxaca cet été ; la traduction en espagnol d’une partie des lettres de Georges Lapierre.
Enfin, le témoignage d’une femme Tsotsil sur son expérience de l’humiliation dans le travail salarié et sur la participation des indigènes au « bon gouvernement » dans le caracol IV de la zone sous contrôle zapatiste, « Dans la cuisine collective de la junte du bon gouvernement ».