De décembre à janvier
Pour les syndicats, CGIL en tête, il s’agit maintenant de tenter de reprendre en main leurs troupes en essayant de faire avaliser l’accord national. C’est pour cela que, dès le 22 décembre, la CGIL propose la convocation d’assemblées, ville par ville, dépôt par dépôt, à partir du 7 janvier . Entre temps, des agitations sporadiques, assorties de manifestations ont lieu les 29 décembre et 4 janvier à Venise , Padoue, Gênes ou encore Cagliari pour protester contre les premières mesures répressives patronales.
Quant aux syndicats de base (Sult, Sin-Cobas, Flt-Cub, SLAI-COBAS et Rdb-Cub), ils espèrent bénéficier des grèves illégales pour développer leur influence. Ils organisent ainsi une journée de grève légale de 24 heures pour le 9 janvier. Le 3 janvier, se tient à Florence une conférence nationale où participent une centaine de travailleurs des transports urbains de plusieurs villes d’Italie, membres des syndicats de base promoteurs mais aussi adhérents aux confédérations officielles et des non-syndiqués. L’opération débouche sur la constitution d’une coordination nationale de lutte, ouverte aux salariés non encartés dans les syndicats de base. Minoritaires un peu partout (sauf à Venise et Florence notamment), ces derniers tentent de s’inviter au moyen d’une journée d’action à la table des négociations nationales. Leur objectif est de renouer les pourparlers officiels avec les entreprises de transport urbain et l’Etat afin d’obtenir les objectifs fixés par les travailleurs : 106 euros d’augmentation par mois et 2 900 euros de rattrapage sur le contrat signé en 2000. Par-là même, les syndicats de base comptent élargir leur audience et concurrencer avantageusement les trois syndicats d’Etat du pays (CGIL, CISL et UIL).
Pour eux, en ce début d’année, la partie est loin d’être gagnée. A Venise, par exemple, un travailleur sur trois n’est pas revenu travailler pour cause d’arrêt maladie. L’insatisfaction persiste mais il est à ce stade difficile de savoir si elle va se traduire en action collective. Alors que la CGIL appelle à des assemblées le 7 et le 8 janvier, les syndicats de base fixent comme seule échéance la grève du vendredi 9 janvier. Cette journée de lutte devrait être ponctuée par des manifestations aux préfectures qui ont décidé de réquisitionner les salariés en grève. L’issue positive de la journée du 9 n’est pas garantie. C’est pourquoi, la Coordination décide de faire respecter les tranches horaires de travail obligatoire « afin de favoriser la plus large participation à la grève y compris des travailleurs qui n’adhèrent pas au syndicalisme de base et pour empêcher l’utilisation malveillante des difficultés provoquées par l’agitation à l’encontre des usagers » (communiqué de la Coordination du 7 janvier 2004). Cet aveu de faiblesse en contrarie plus d’un.
À Milan, dans certains dépôts, des conducteurs ne cachent pas leur déception. « Mieux vaut taper par surprise », déclare le 8 janvier à Paolo Foschini, journaliste au Corriere della Sera, un conducteur de bus du dépôt ATM de Via Giambellino, à Milan. « Nos représentants syndicaux, y compris les Cobas, ont foutu en l’air l’opportunité qui s’était créé en décembre. Quand on a eu ce fameux lundi noir du 1er décembre, il fallait poursuivre la lutte sans se soucier de personne. L’ensemble de la catégorie était prête à y aller et nous aurions gagné ce que nous voulons. En fait, nous nous sommes fait mener en bateau », ajoute-t-il. On s’est alors acheminé vers une nouvelle journée de lutte syndicale « normale », même si elle contestait un accord national signé par les trois syndicats officiels. Tout semblait alors en place pour une grève « sans histoire ».
Mais la situation milanaise a, une fois de plus, modifié la donne. Forte de son bilan financier positif, la direction de l’ATM avait annoncé être prête à lâcher de l’argent supplémentaire en échange d’une augmentation de la productivité se traduisant par l’extension des plages horaires de travail et la diminution de 20 à 15 minutes des pauses en fin de tournée. Le 7 janvier, elle propose une prime non récurrente de 250 euros au titre de l’année 2003 payable immédiatement plus 300 euros pour 2004 payables dès le 1er février 2004. L’ATM s’engageait aussi à rendre permanente cette prime de 300 euros annuels dès 2005. Après 20 heures de négociations, le 8 janvier à 5h30 du matin, les trois syndicats officiels quittent la table des négociations en dépit des dernières tentatives de conciliation du préfet, Bruno Ferrante.
Nino Cortorillo, secrétaire général de la FILT-CGIL de Milan, en repoussant l’échange d’argent contre un accroissement de l’intensité et de la durée du travail, déclare que « c’est la direction de l’ATM qui portera toute la responsabilité en cas de succès de la grève du 9 janvier ». Connaissant bien l’ambiance incandescente dans les dépôts, les syndicats officiels ont ainsi fait le choix de ne pas se couper davantage de leur propre base. De plus, au plan national, la signature d’un accord séparé à Milan aurait déclenché des agitations en cascade dans les autres villes mettant définitivement à mal le cadre de l’accord national du 20 décembre. Rappelons que la principale raison d’être de ces syndicats est de garder des prérogatives exclusives de tractation avec les entreprises et les institutions. Le rideau peut donc se lever sur le 9 janvier.
Le 9 janvier, la grève est légale Une vue d’ensemble
Exception faite d’une tentative avortée dans trois dépôts de Gênes, il n’y a guère eu de grève illégale. Deuxième trait important de la journée du 9, l’établissement d’une césure importante entre la plupart des villes du Nord, où la grève légale a recueilli une adhésion massive, et le Sud de la Péninsule où les grévistes ont été peu nombreux. Même à Naples, où on a décompté quelque 60 % de grévistes, aucune action décidée n’a été produite. A Rome, il y a eu 75 % environ de grévistes. Les lignes A et B du métro ont été fermées dès 9 heures du matin. A Florence, on a compté entre 80 et 90 % de grévistes. Ici, on a assisté à une tentative de solidarisation de la part d’« usagers » au moyen d’une grève du paiement du ticket de transport.
Traditionnelle place forte des syndicats de base, Venise a frôlé les 100 % de grévistes. On notera également 95 % de grévistes à Trieste, 80 % à Udine, 70 % à Gorizia et 80 % en moyenne dans l’ensemble de la région de Vénétie. Toutefois, à Turin, il n’y a eu que 40 % de grévistes, aucun des dépôts n’a été bloqué, ni aucune manifestation n’a été signalée. Les conducteurs y avaient été massivement réquisitionnés par le Préfet, Achille Catalani.
A Bologne, la quasi-totalité des salariés de l’entreprise de transports urbains a participé à la grève légale. Aucun dépôt n’a été bloqué. Une manifestation d’environ 250 personnes a eu lieu devant la préfecture exigeant, entre autre, la levée des sanctions suite à la grève illégale du 22 décembre. Le défilé s’est poursuivi jusqu’à la gare centrale pour apporter son soutien à quatre cheminots licenciés pour avoir dénoncé les conditions de travail.
A Gênes, on tente la grève illégale
Cette fois-ci encore, les travailleurs génois se sont montrés en pointe du mouvement. Alors que la grève légale a atteint les 80 à 90 % de participation, dès 4 heures du matin, le dépôt de Mangini della Foce était en grève totale avec bus barrant la sortie du dépôt. Un peu plus tard, la situation était la même aux dépôts de Sampierdarena et de Boccadasse. Mais même cette belle tentative initiale de grève illégale a fait long feu. Paradoxalement, le dépôt de Staglieno qui avait été le fer de lance du mouvement de décembre, enregistrait un très faible nombre de grévistes. La ligne de métro et les funiculaires ne circulaient pas. La partie ouest de la ville n’était pas desservie par les bus, tandis qu’à l’Est, certains d’entre eux roulaient.
A Milan, le feu couve toujours sous les cendres de la mobilisation syndicale La grève légale a réussi à paralyser les lignes de métro. Seule la ligne 1 a fonctionné de façon réduite en fréquence et en parcours. La circulation des bus a été erratique. Au total, on a compté environ 60 à 70 % de grévistes. Le représentant du SLAI COBAS, Giacomo Capettini, a précisé que « les travailleurs n’avaient pas voulu pénaliser les usagers ». Cette grève a eu lieu sur fonds de querelles de représentativité entre le SLAI-COBAS et les trois grands syndicats nationaux . Après l’échec des négociations locales avec l’ATM, les organisations milanaises de catégorie de CGIL, CISL et UIL avaient cessé de s’opposer frontalement à la grève en faisant porter la responsabilité de la réussite de la mobilisation à l’entreprise. La CGIL, de son côté, a réitéré sa demande de referendum sur l’accord national du 20 décembre. Proposition finalement reprise par l’ensemble des forces en présence, Coordination comprise. Au total, si, le 9 janvier, à Milan, il n’y a pas eu une lame de fond comparable à celle du 1er décembre, il est fort probable que la vieille taupe continue de creuser. Plusieurs voix de travailleurs se sont levées pour appeler à une nouvelle vague de grèves surprise dès le lundi 12 janvier.
A Brescia, les manœuvres de recomposition du paysage syndical vont bon train Bien que parfaitement légale, la grève a été une franche réussite : 80 à 90 % des salariés de Brescia Trasporti y ont participé. Pourtant, à 4 h 15 du matin, au dépôt de bus de la ville, à peine 20 travailleurs (dont certains extérieurs à l’entreprise) tentaient d’organiser un piquet devant la porte. Sans succès. Les plages horaires de service public ont été respectées hormis un service incomplet de 5 à 6 heures du matin où seuls 3 bus sur 25 ont circulé. Les deux compagnies de bus suburbains, SIA et SAIA, n’ont pas été touchées par la grève. Une manifestation à la Préfecture organisée par les COBAS a été escortée par 20 autobus en grève. Le 9 janvier, une forte polarisation s’est produite entre une petite minorité de salariés disposés à aller plus loin et une autre minorité de travailleurs alignés sur les consignes légales des syndicats officiels. Ces derniers n’ont cependant pas ménagé leurs efforts pour tenter de résorber à leur avantage le hiatus. Dans ce sens, le secrétaire de la Bourse du travail de la CGIL, Dino Greco, a rappelé que « les syndicats n’étaient pas contre la grève qui exprimait la colère légitime des ouvriers ». Il ajoutait qu’il « ne fallait pas avoir d’interprétation manichéenne sur cette journée » et qu’il « n’était pas question d’échanger augmentations de salaire contre augmentation de la productivité ». En signe d’apaisement, Maurizio Murari, animateur de la Coordination des chauffeurs du 15 décembre adhérente à la Coordination nationale, lui répondait « que la grève n’était pas dirigée contre les trois confédérations » mais seulement « contre l’accord du 20 décembre ». Les grandes manœuvres pour la recomposition du paysage syndical ont repris…. Même la très réactionnaire Ligue du Nord s’est exprimée en faveur de l’ouverture de « négociations régionales », trop heureuse de pouvoir démanteler un pan de convention collective nationale. En revanche, sourde à toute tentative d’apaisement, la direction de Brescia Trasporti, au travers de son administrateur, Giorgio Schiffer, a contesté l’accord national car jugé trop généreux pour les travailleurs.
Toujours en Lombardie, à Varèse, le nombre des grévistes a atteint les 90 % du total des travailleurs et les 77 % à Lecco.
Le gouvernement joue la montre et veut tourner la page
L’exécutif est resté très discret face à la journée de grève du 9 janvier. Manifestement, il préfère laisser le champ libre aux syndicats officiels pour tenter de résorber la colère des autoferrotramvieri. Pour lui, la partie s’est terminée le 20 décembre avec la signature de l’accord national. Néanmoins, l’ineffable sous-secrétaire d’État au Travail et aux Politiques sociales, Maurizio Sacconi, ancien dirigeant de la CGIL aujourd’hui membre éminent de Forza Italia, ne s’est pas privé de faire ses habituels commentaires provocateurs. En déclarant « ratée la grève des Cobas à l’exception près de quelques grandes villes », il n’a pas manqué l’occasion de remettre sur le tapis la question des sanctions contre les « grévistes minoritaires ». « Surtout dans le métro, il suffit de petites minorités pour gêner le plus grand nombre. Ceci n’est pas juste », a-t-il déclaré. Il a donc incité les grandes confédérations syndicales à « assumer leurs responsabilités afin de participer à la réussite de la modernisation d’un secteur en crise profonde ». En indiquant aux partenaires sociaux la marche à suivre pour les deux prochaines années, Maurizio Sacconi a fini en affirmant que, « compte tenu que la convention collective nationale est désormais derrière nous, l’objectif prioritaire est de remonter la situation financière des entreprises du secteur frappées presque partout par des graves déficits de bilan et des dettes au travers de négociations entre institutions centrales, locales et syndicats ».
Aux prolétaires conscients de tirer les leçons de cet épisode de vie de la classe La bataille du 22 décembre - globalement perdue par les autoferrotramvieri - aura été celle du tournant de cette première vague de lutte de la catégorie. La « trêve des confiseurs » de la longue période festive de la fin d’année a été respectée. Pendant cette période, après vingt-deux jours d’agitation ponctués par trois moments forts, les travailleurs ont pansé leurs blessures et reconstitué leurs forces (et une partie de leurs réserves en fric). La convocation, le 9 janvier, d’une nouvelle journée nationale d’action n’a pas modifié sur le fond cette donne. Si cette journée a été comparable à celles de décembre pour sa participation dans des nombreuses villes du Centre Nord de la Péninsule, sur le plan de son intensité elle marque un pas en arrière. La grève illégale n’a été tentée que dans trois dépôts génois, sans grand résultat. Une grande partie de son succès numérique est due à l’avortement des négociations milanaises du 8 décembre. Les syndicats de base ont pleinement joué leur rôle d’exutoire de la colère des salariés. Ils ont renforcé leurs positions vis-à-vis des syndicats légalement habilités à négocier en gagnant ce supplément de représentativité en donnant en gage un contrôle absolu des éventuels débordements des travailleurs. Après cette grève, l’issue proposée par le gouvernement de négociations locales basées sur le principe d’argent supplémentaire contre efforts de productivité n’est pas fermée. Elle reste de pleine actualité. Dans plusieurs villes, on parle d’anticiper l’ouverture des pourparlers pour le renouvellement des conventions d’entreprise. Il n’est toujours pas à exclure que dans les grandes villes du Nord, où le mouvement s’est enraciné le plus solidement, les collectivités locales et les sociétés de transport urbain concèdent des rallonges pour recréer « un climat de confiance » avec leurs salariés. Contrairement à la très grande majorité des villes du Sud de l’Italie, l’état des finances locales permettrait de tels arrangements. Si une éventualité de cette nature prévalait, le cadre même de la convention collective nationale volerait en éclats, donnant, par-là même, raison aux oiseaux de mauvais augure syndicaux qui avaient justifié leur signature en bas de l’accord par la défense de la négociation centralisée.
Les syndicats signataires de la convention romaine vont poursuivre leur œuvre de démoralisation et de récupération. La proposition de la CGIL, désormais acceptée par la totalité des syndicats de catégorie (y compris la Coordination), d’organiser un referendum à l’échelle du pays des travailleurs du secteur pour valider l’accord national du 20 décembre va dans ce sens. En effet, la grève contre cet accord du 9 janvier n’a reçu l’adhésion que de 25% (selon l’association patronale) à 40/45% (d’après des pointage plus complets) de la totalité des travailleurs des transports urbains du pays.
Enfin, l’exécutif va manier le bâton des sanctions pécuniaires pouvant aller jusqu’à près de 1 000 euros contre les travailleurs coupables de grève illégale. Des mises à pied sont également envisagées par les autorités. Compte tenu des temps longs des procédures judiciaires, la menace va planer sur les grévistes suffisamment longtemps pour les dissuader de prendre des risques supplémentaires.
Ce cocktail anti-ouvrier pourrait bien réussir à canaliser définitivement la lutte dans les limites établies par les partenaires sociaux parrainés par le gouvernement et l’opposition de gauche. Et ce en dépit de l’opposition massive des travailleurs. Il faut toutefois envisager l’hypothèse contraire. Certaines réactions de grévistes milanais et d’ailleurs, lors de la journée de lutte du 9 janvier, semblent l’indiquer. Dans les dépôts milanais de Palmanova et Viale Sarca nombreux étaient les salariés à constater les graves limites de la grève légale. « On a fait grève légale et qu’a-t-on obtenu ? On a été considérés comme bons, courageux, respectueux, mais on n’a rien obtenu ». « C’était une grève bidon de plus ; le seul moyen de réussir c’est de faire la grève illégale ». « Rien n’est joué, on verra bien la semaine prochaine », répétaient-ils. « Les dépôts sont des poudrières ; rien ne change du côté des patrons, cela va exploser », constataient les plus modérés. « Le problème n’est pas d’obtenir un nouvel accord mais d’appliquer le précédent », résumaient-ils tous.
Un épilogue milanais sous le signe de la division des travailleurs en lutte Les ouvriers de l’ATM avaient ouvert le bal le 1er décembre, ils l’ont clos ce 14 janvier. Comme nous l’avions signalé, la tension était grande dans les dépôts, après la grève du 9 janvier. Dès le lundi 12 au matin, tous les dépôts de l’ATM votaient la grève illégale : aucun moyen de transport ne circule replongeant la ville dans le chaos. Mais l’action milanaise ne trouve que peu d’écho ce jour-là. Néanmoins, le mouvement est reconduit pour le mardi 13. Du côté entreprise/municipalité/syndicats, c’est l’urgence. Il faut négocier. Le mardi matin, la grève se poursuit mais, seul point faible, la ligne 3 du métro reprend partiellement son activité. La préfecture annonce des sanctions judiciaires de 250 à 516 euros par jour de grève illégale. A Gènes, le coup de matraque est déjà tombé : 1.000 conducteurs reçoivent une amende de 250 euros.
L’espoir renaît avec les autoferrotramvieri de Bergame, Monza et Brescia, qui s’associent à la grève des Milanais. Mais la tentative de généralisation tourne court. A Brescia, le front des travailleurs se fissure. Après la réquisition du préfet, la moitié des salariés reprennent le travail, puis la grève s’arrête. Même chose à Bergame et Monza. A Brescia, pourtant, jusqu’à l’ordre de réquisition tombé à 9h30, aucun bus ne circulait. Les prolétaires les plus déterminés ont d’abord emporté l’adhésion des collègues lors d’une assemblée. Mais la tendance non avouée était à la reprise. En l’absence de perspectives concrètes d’élargissement du front de la lutte, c’est le repli qui l’a emporté.
Ailleurs, on regarde le combat des Milanais avec sympathie mais rien ne se passe. Les négociations vont bon train et tout semble conjurer pour un arrêt de la grève. Pourtant, à 23h40, les tramvieri du dépôt de Via Messina votent à 60 % la poursuite du mouvement. Seulement 300 salariés participent au vote. La faiblesse des conclusions de l’assemblée de la nuit ne tarde pas à se manifester. Mercredi matin, la grève s’arrête et l’accord, comme par enchantement, est annoncé à 9h15. Une avance de 250 euros sur les gains de productivité réalisés en 2003 sera versée avec le salaire de janvier. Une autre prime de 300 euros bruts suivra en février pour les salariés en CDI. Cette prime, étalée sur douze mois, sera pérennisée dès le 1er janvier 2005. Les syndicats appellent à la reprise du travail dès l’après-midi. Le métro fonctionne à nouveau et les bus sortent des dépôts. Le COBAS appelle, sans succès, à poursuivre l’agitation pour rouvrir les négociations nationales avec leur participation. Sa voix reste isolée.
A Bologne, les salariés de l’ATC reprennent à leur compte l’indication des Milanais. Les transports urbains de la ville sont paralysés. Mais comme à Brescia, l’ordre de réquisition du préfet, Vincenzo Grimaldi, assorti d’amendes tombe vite. Après cela, seul le dépôt des Due Madonne résiste jusqu’en début d’après-midi. Indéniablement, le baroud d’honneur des travailleurs de l’ATM a partiellement payé quant à l’objectif d’un supplément local de salaire s’ajoutant aux concessions nationales faites le 20 décembre. En revanche, la perspective d’une généralisation du mouvement autonome s’est sérieusement éloignée. De même, la défense des conditions de travail et de rémunération de l’ensemble de la catégorie a fait un pas en arrière avec l’accord milanais.
La totalité des acteurs institutionnels se sont activés pour éteindre le nouveau feu allumé par des milliers de travailleurs lombards et bolognais. Les débordements ont finalement été endigués. Désormais, s’ouvre la phase difficile des règlements des comptes : dans les dépôts, entre travailleurs pour ou contre la continuation de la lutte, et de la part du patronat et de l’Etat déterminés à infliger une sévère leçon à ceux qui se sont distingués dans les grèves illégales. Par conséquent, la partie est certes suspendue. Mais il y a au moins une bonne raison d’espérer : les tramvieri n’ont pas été défaits en rase campagne. A suivre….
Bruxelles-Paris, le 14 janvier 2004.
Pour toute correspondance écrire, sans autre mention, à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique.
1. Avec ajustement tous les deux ans pour tenir compte de la différence entre l’inflation programmée (au contrat) et l’inflation réelle. Le non respect par les patrons de cette clause est une des causes des grèves.
2. CGIL : Confederazione Generale Italiana del Lavoro, proche des staliniens anciens ou nouveaux (PRS et PDS), est numériquement la plus importante avec environ 5 millions d’adhérents (mais dont 55 % sont des retraités) ; CISL : Confederazione Italiana dei Sindacati Liberi, proche de la Démocratie chrétienne, avec environ 3,8 millions d’adhérents (mais dont 48 % sont des retraités) ; UIL : Unione Italiana del Lavoro, proche des socialistes et des républicains, avec environ 1,5 million d’adhérents (mais dont 20 % sont des retraités). Il existe aussi la CISNAL, Confederazione Italiana dei Sindacati Nazionali del Lavoro, syndicat fasciste et d’autres comme la CISAL et la CONFSAL, syndicats de droite.
3. Les grèves ont lieu au niveau régional mais celle du 24/10/2003 entrait dans le cadre national inter-catégoriel et celle du 7/11/2003 était contre la réforme de la sécurité sociale. Avant le 1er décembre, il y a eu 32 heures de grève dans les transports.
4. Comme les SLAI-Cobas (Sindacato Lavoratori Autorganizzati Intercategoriale -Comitati di Base), CUB (Comitati Unitari di Base) et autres RDB (Rappresentanze Sindacali Di Base).
5. Naples possède deux lignes de métro : la première établit une liaison entre les différents réseaux de banlieue des chemins de fer nationaux et est exploitée par ceux-ci ; la deuxième, en voie d’achèvement, en boucle, relie le centre aux quartiers Nord, dite « métro des collines » est exploitée par l’ANM.
6. La situation financière de l’AMT n’est pas bonne. L’entreprise génoise affiche un bilan en déficit de 45 millions d’euros et ses recettes ne couvrent ses dépenses qu’à hauteur de 35 %.
7. En Italie, le paiement des jours de grève n’a jamais fait partie des négociations lors de la reprise du travail.
8. Voici un tableau non exhaustif, obtenu en croisant différentes données, mais qui donne une idée du rapport de forces dans les principales villes pendant les grèves de décembre. Ville Compagnie Effectifs 01/12/03 15/12/03 19/12/03 20/12/03 21/12/03 22/12/03 Grève légale Grève Illégale Grève légale Grève Illégale Grève Illégale Grève Illégale Grève Illégale Grève Illégale Milan ATM 9 000 0 6 000 4 500 0 0 6 000 4 000 1 500 Rome ATAC bus+tram 8 800 8 000 0 2 000 0 0 6 000 4 000 0 ATAC Métro+ 2 600 2 400 0 1 000 0 0 2 000 0 0 Turin GTT 5 240 4 800 0 0 3 000 0 2 500 2 500 0 Naples ANM 4 300 4 250 0 0 3 500 0 3 500 0 0 Gênes AMT 3 200 2 700 0 0 1 900 1 900 2 900 1 500 2 000 Florence ATAF 3 000 2 500 0 2 500 300 0 0 1 000 0 Venise ACTV 2 880 2 700 0 0 0 0 2 700 2 500 2 200 Palerme AMAT 2 200 2 150 0 2 100 0 0 0 0 0 Bologne ATC 1 880 1 800 0 1 700 0 0 0 1 000 1 500 Catane AMT 1 200 1 150 0 1 150 0 0 0 0 0 Bari AMTAB 1 000 700 0 0 800 0 400 0 0 Modène ATCM 800 600 0 600 0 0 0 600 400 Côme SPT 580 500 0 500 0 0 500 0 0 Pérouse APM 563 450 0 0 450 0 280 0 0 Messine ATM 500 480 0 450 0 0 0 0 0 La Spezia ATCLS 450 400 0 400 0 0 400 0 0 Brescia Brescia Trasporti 415 350 0 0 320 0 320 250 0 Bergame ATB 400 350 0 350 0 0 240 0 0 Varèse AVT 300 280 0 280 0 0 0 140 140 TOTAL 49 308 36 560 6 000 17 530 10 270 1 900 27 740 17 490 7 740
9. En effet, en Italie, les congés de Noël durent jusqu’au 6 janvier inclus.
10. 400 ouvriers manifestent au palais de la région à l’appel du COBAS.
11. Le SLAI COBAS est crédité de 600 adhérents, la FIT CISL de 1 600, la FILT CGIL de 1 600 et la UIL de moins de 400.