Qui a envie de rire devrait s’atteler plus fréquemment à la lecture des prestations publiques du célébrissime José Bové. A ce titre, le livre intitulé José Bové. "La révolte d’un paysan" pourrait apparaître comme le meilleur livre d’histoires drôles du siècle ! Notre sire y proclame, à grands renforts de citations, sa qualité d’anarcho-syndicaliste.
Interrogé par un théologien (Christian Terras) et un politologue (Paul Ariès), José Bové commence par proclamer son attachement aux principes chrétiens. A la question « Quels types de rapports entretenez-vous avec le christianisme ? », il répond : « même si je ne m’inscris pas dans le Credo de la communauté chrétienne, j’adhère à l’Evangile comme grille de lecture et d’engagement dans le monde », et de préciser que sa femme est chrétienne et a milité dans l’aumônerie catholique et à la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC). Il dit ainsi vivre le christianisme à travers elle et, s’il ne s’y engage pas plus, « ce n’est pas un refus de principe ». Tout en qualifiant d’« extraordinaire » la manière dont les paysans brésiliens vivent leur foi, il rappelle son engagement auprès d’ecclésiastiques et de gens proches de l’Eglise, et l’influence qu’a exercée sur lui le philosophe chrétien Jacques Ellul. Tu nous rassures, José, on a cru qu’en tant qu’anarchiste, tu conspuerais 2000 ans d’oppression et d’obscurantisme chrétiens !
Notre homme n’en est pas une contradiction près ; il cite Bakounine, Marx, Thoreau, Kropotkine, Pouget, Pelloutier, jusqu’à l’apothéose évoquée plus haut : « Je suis un anarcho-syndicaliste. Je suis plus proche de Bakounine que de Marx. Mes références, ce sont la Fédération jurassienne de la Première Internationale et la CNT espagnole de 1936. » Et de regretter que le seul rôle de la politique devienne la gestion de l’appareil d’Etat. Ah, parce qu’« avant », c’était mieux ? Notre anarchiste ne vient qu’à peine de perdre ses illusions parlementaires !
Enfin, le redoutable Bové achève de rassurer les patrons quant au sens de ses déclarations : proche d’ATTAC, il précise que « l’objectif du mouvement international auquel nous participons n’a pas pour objectif la suppression de l’OMC ». Il réclame un « contrôle citoyen » du capitalisme ! On connaît le reste : les ONG et les syndicats doivent siéger à la table des patrons pour quémander quelques miettes. Demander la charité : c’est effectivement très chrétien ! Et pendant que la population continuera de se faire exploiter ou, pour certains, de crever de faim, les représentants (traduire : bureaucrates) des ONG et des syndicats, tout en s’exclamant leurs grands dieux qu’ils sont la garantie de la démocratie, s’enrichiront pour rejoindre la classe de l’encadrement du capitalisme. Toute la gauche de la gauche connaît : ça s’appelle la « démocratie participative » !
« Je suis un anarcho-syndicaliste ». Il n’y a vraiment que le Monde pour faire écho à de pareilles inepties.
Karim Landais, mars-avril 2002, Spartacus