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La lutte contre le CPE/CNE est à un tournant :

lundi 3 avril 2006

LE MOUVEMENT NE PEUT ABOUTIR SANS DES GREVES SUIVIES DANS LES ENTREPRISES

L’intervention de Jacques Chirac, vendredi, place le mouvement contre le CPE/CNE face à un véritable tournant. Les “ concessions ” faites par le gouvernement sur le CPE uniquement montrent que la lutte menée jusqu’ici contre les deux nouveaux contrats n’a pas été inutile. L’Etat a dû modifier son projet en éliminant un aspect qu’il jugeait central, l’absence de motivation de licenciement pendant les deux premières années du CPE, et en réduisant de moitié sa période d’essai, à un an.

Le mouvement commettrait une grave erreur s’il considérait que ce recul correspond à une véritable concession. Bien qu’atténuée, la nouvelle discrimination à l’emploi des jeunes demeure. C’est pourquoi il faut persister dans la revendication du retrait pur et simple aussi bien du CPE que de son précurseur, le CNE, pour lequel le gouvernement n’a annoncé aucune modification.

L’engagement direct du Président de la République française témoigne de la nature politique majeure de ce combat. Par delà le CPE/CNE, l’Etat entend prendre une revanche sur les travailleurs qui, en novembre/décembre 1995, étaient parvenus à faire abandonner définitivement au gouvernement de l’époque son projet d’abolition des régimes spéciaux de retraites de certains secteurs de la fonction publique, dont les salariés de la SNCF.

La victoire remportée en 2003 par l’Etat et les patrons avec l’adoption de la “ réforme ” Fillon-Chérèque du régime général des retraites inspire le comportement de l’exécutif actuel : faire dos rond face aux manifestations géantes ; multiplier les appels formels à la négociation avec les centrales syndicales et accroître progressivement la pression sur le terrain contre les luttes.

Opposer la rue à la loi, souligner que le CPE a été régulièrement adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis validé sans la moindre réserve par le Conseil constitutionnel revient à délégitimer le mouvement qui, à leurs yeux, n’a aucune assise légale, ni aucun droit particulier autre que celui d’exprimer une protestation. Pour contrer cette approche, la lutte doit s’émanciper de toute soumission au calendrier parlementaire, de tout espoir envers les centrales syndicales et les partis de gauche qui visent à la ramener dans le cadre étroit et perdant d’une nouvelle discussion de la loi sur l’égalité des chances à l’Assemblée nationale. Ces partis et ces syndicats n’ont qu’une idée en tête : l’élection présidentielle de 2007.

Le gouvernement emploie de plus en plus des moyens répressifs pour brider, puis casser le mouvement contre le CPE/CNE. Les arrestations se multiplient. Les condamnations se font de plus en plus lourdes, allant jusqu’à huit mois de prison ferme pour un jeune travailleur de Rennes. Chaque journée de lutte se solde par des centaines d’interpellations. Pour briser la volonté des manifestants, les forces de répression utilisent, en les laissant faire, les bandes organisées issues de certaines banlieues populaires qui sévissent contre les manifestants. Elles s’en servent en suite comme prétexte pour attaquer les fins de manifestations. Agitant le spectre de l’invalidation de l’année universitaire, Gilles de Robien, Ministre de l’Education nationale, a également menacé de sanctions les professeurs solidaires avec le mouvement. Des minorités d’étudiants, souvent organisées par l’UNI, syndicat étudiant lié au gouvernement et à la droite parlementaire, font pression pour la levée des blocages des universités et la reprise des cours.

La riposte à cette ligne articulée de “ sortie de crise ” adoptée par l’exécutif doit être bien calibrée, sous peine d’assister à l’étiolement du mouvement contre le CPE/CNE. Il est évident que se cantonner à aligner d’autres manifestations géantes dans tout le pays ne suffit pas à obtenir le retrait des deux nouveaux contrats. Le Ministre de l’économie, Thierry Breton, a déclaré vendredi 31 mars qu’à “ ce stade, la crise du CPE n’a pas d’impact sur l’économie nationale ”. Les manifestations sont utiles pour mesurer la force potentielle d’un mouvement et pour le populariser mais ne sont pas, en soi, créatrices d’un rapport de forces réel.

S’affronter aux forces de répression, multiplier les initiatives coup de poing et les actions “ médiatiques ” menées par des petites minorités, n’est pas la solution. Si elles font parler d’elles, ces actions contribuent involontairement à déplacer le débat sur le terrain très glissant des opinions pour ou contre l’emploi de la violence et les blocages. Or, aujourd’hui, pour gagner, le mouvement doit s’étendre encore et s’enraciner bien davantage sur la seule base qui compte : la critique et le refus des deux nouveaux contrats et de la précarité en général. Se défendre des provocations policières, chasser sans ménagement les bandes organisées des défilés sont deux tâches très importantes. Mais l’issue de la bataille ne se joue pas sur les formes de lutte employées.

L’entrée en lutte des salariés du secteur public et du secteur privé est désormais LA condition de la réussite du mouvement contre le CPE/CNE. Appeler les travailleurs à défiler une fois par semaine ne suffit pas. Il faut que les patrons payent le prix fort pour que leur Etat concède le retrait des nouveaux contrats. Pour ce faire, il n’y a qu’une solution : l’organisation de grèves les plus massives et étendues possibles.

Faut-il donc s’en remettre aux centrales syndicales pour qu’elles déclenchent une grève générale ? Non ! Réagissant à l’intervention de Jacques Chirac, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, s’est bien gardé de prononcer le mot fatidique de grève. Il a en revanche indiqué qu’il faut peser “ plus encore sur le débat parlementaire ”. Elections 2007 obligent.... La CFDT et FO ont adopté la même ligne.

Outre ce manque manifeste de volonté des centrales syndicales d’aller vers des grèves non symboliques, il faut rappeler que la grève générale n’apparaît pas encore comme une perspective rapprochée crédible. Dans le secteur privé et dans la fonction publique, les travailleurs disposés à s’engager pour de bon dans la bataille restent peu nombreux. Et ce y compris dans les entreprises où les patrons font un ample usage des différentes formes de travail précaire. C’est pourquoi le mouvement contre le CPE/CNE doit suivre une autre voie et se préparer à durer.

Il faut s’adresser directement aux autres travailleurs. Organiser des distributions de tracts aux usines, sur les chantiers, dans les magasins et les bureaux, comme l’ont fait des étudiants de l’université de Jussieu, à Paris. Tenter d’impliquer les salariés qui vivent déjà cette condition de précarité, d’incertitude ou de privation d’emploi. Il faut rappeler qu’une majorité nette d’étudiants sont des travailleurs et, peut-être, des futurs chômeurs. C’est à ce titre, en nouant des rapports directs entre prolétaires, rapports autonomes des partis et des syndicats d’Etat, en établissant des relations entre travailleurs basées sur l’intérêt commun et pas sur une solidarité symbolique qu’on pourra parvenir à bâtir le rapport de force avec l’Etat et les patrons nécessaire et suffisant à remporter ce premier objectif du retrait immédiat des deux nouveaux contrats, sans oublier la libération des manifestants emprisonnés. Agir ainsi ouvrirait également la voie à une lutte effective ET efficace contre toutes les formes de précarité, de temps partiel subi et les bas salaires. Paris, le 2 avril 2006.

MOUVEMENT COMMUNISTE Pour toute correspondance écrire, sans autre mention, à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique. Consulter le site Internet de Mouvement Communiste : www.mouvement-communiste.com

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