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Le CPE, un instrument de plus pour accroître flexibilité et discipline au travail.

dimanche 19 mars 2006

Le Contrat première embauche (CPE) n’est pas vraiment une nouveauté. Il s’insère dans une longue liste de mesures prises par les gouvernements de droite et de gauche succes-sifs visant à rendre la force de travail plus flexible et plus docile. Ses éléments spécifiques en font un outil de plus dont le patronat _ public et privé _ peut désormais disposer afin de ren-dre plus « fluide » et moins cher le passage de l’emploi au chômage et vice-versa. D’autre part, c’est une incitation à la docilité des travailleurs nouvellement embauchés.

« Il est probable que les employeurs seront tentés de substituer massivement les nou-veaux contrats au CDI, puisque cela leur permet d’allonger substantiellement la période d’essai et de minimiser les coûts de licenciement », expliquent deux économistes, Pierre Ca-huc et Stéphane Carcillo, premiers à évaluer le CPE et son précurseur, le Contrat nouvelle embauche (CNE).

L’allongement de la période d’essai à deux ans est le véritable point d’orgue du CPE. Il permet aux entreprises de bien sélectionner leurs salariés sous la menace de l’interruption subite du contrat et de gérer au mieux, dans la période de deux ans, les imprévus que pourrait rencontrer leur activité.

Pour les travailleurs, en revanche, ce surcroît de pression va aller crescendo, à mesure qu’approchera la date butoir de la deuxième année. Avec, à la clé, une menace bien réelle que leur CDI de type CPE se termine par une indemnité de licenciement 20 % inférieure à ce qu’elle aurait été, s’il s’était agi d’un CDD d’une période équivalente (8 % de la rémunération pour les CPE/CNE contre 10 % pour les CDD). « Comme le CNE a une durée de vie plus courte que le CDI, leur substitution aux CDI conduit à un supplément de destructions d’emploi. Ces destructions d’emploi prennent toute leur ampleur à l’horizon de deux années, qui constitue la date à laquelle les employeurs doi-vent choisir entre garder les salariés en CNE ou bien les licencier et embaucher d’autres per-sonnes », confirment les deux économistes. Quant à la capacité de créer de nouveaux emplois du CNE/CPE, elle est très limitée si l’on en croît l’étude mentionnée : * 70 000 emplois supplémentaires au total sur 10 ans (en élargissant le CNE à l’ensem-ble du secteur privé). [Estimations à taux d’activité constant (population active sur population en âge de travailler)] * 95 000 chômeurs de moins environ à l’horizon de 15 ans, pour un taux de chômage en baisse de 0,5 %. Au total, les deux économistes estiment qu’à terme, 18 % environ des emplois seront des CNE/CPE. « Un peu moins d’un sur deux survivront aux deux ans de la période d’essai. »

L’effet de substitution de ces nouveaux contrats se fera sentir surtout sur les CDI, dont ils représentent une variante plus attrayante pour les patrons et dégradée pour les travailleurs, et les CDD les plus longs. Ils n’attaquent donc pas le noyau dur de la précarité, dont l’intérim et les CDD courts (inférieurs à 5 mois), les stages et les différents contrats d’insertion.

Le CNE/CPE, au contraire, réduira encore davantage les frontières réglementaires qui existent entre les différents types de contrats de travail, rapprochant les mythiques CDI, dont ils se veulent une variante, des multiples expressions de la précarité ouverte et légalisée. N’oublions pas, qu’en réalité, la durée moyenne des CDI est loin d’être à vie. Dans le secteur marchand non agricole, elle n’est que de 110 mois en moyenne). La précarité est désormais monnaie courante sur le marché du travail. Les nombreux ouvriers en CDI licenciés ces dernières années en témoignent. Rien qu’en janvier 2006, 16 000 travail-leurs en CDI ont subi des licenciements économiques, 53 600 supplémentaires ont été mis à la porte pour des raisons autres qu’économiques. Le temps passé au chômage est désormais de 12 mois en moyenne. La précarité « officielle », elle, représente 12 % du total des emplois en ad-ditionnant l’intérim, les emplois aidés et les CDD.

En 2004, on comptait 330.000 stages de réinsertion et 164 000 contrats en alternance. En 2002, 16 % des salariés de la fonction publique avaient des contrats à courte durée. À la fin du 3e trimestre 2005, 603 000 travailleurs étaient intérimaires. Environ 70 % des moins de 25 ans, qui ont un emploi, sont en CDD. Les étudiants sont parmi les secteurs les plus touchés par la précarité ouverte. Environ la moitié des jeunes inscrits à l’université ont travaillé en 2004. Seulement 15 % d’entre eux ont pu accéder à des CDI. S’il est vrai que le champ de la précarité s’élargit toujours plus en débordant largement dans le territoire jugé _ à tort _ comme préservé du CDI, il ne faut pas se contenter de refuser les derniers contrats sortis du chapeau du gouvernement. De même, combattre le CPE/CNE en se faisant les défenseurs acharnés du CDI signifie ne pas reconnaître la réalité de la précarité croissante qui caractérise y compris les emplois considérés comme les plus sûrs.

Il faut mener une bataille d’ensemble contre toutes les formes de préca-rité ; contre les licenciements et pour une meilleure rémunération des chômeurs. Les travailleurs aux emplois les moins menacés doivent s’unir à leurs frères de classe sous le coup d’un éventuel licenciement. Les ouvriers des grandes usines doivent s’opposer fermement à l’inté-rim, aux CDD et aux CPE sur leur lieu de travail et impliquer dans ce combat les salariés de la sous-traitance.

Les étudiants, dont la moitié sont des travailleurs « intermittents », doi-vent abandonner le terrain trompeur et impuissant de l’université pour rejoindre les travailleurs, leur proposer de se battre ensemble, là où le travail est sans cesse menacé par le capital et là où se trouvent les tra-vailleurs sans travail. Seule une lutte qui est capable de durer, de se généraliser et de s’enraci-ner dans les plis de la production peut faire reculer le patronat et son État.

Paris, le 6 mars 2006.

MOUVEMENT COMMUNISTE

Pour toute correspondance écrire, sans autre mention, à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique. Consulter le site Internet de Mouvement Communiste : www.mouvement-communiste.com

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