L’attitude des médias
Les journalistes ont généralement couvert les “émeutes” du côté policier et non du côté des jeunes révoltés. En effet, la présence de gens extérieurs au quartier, en pleine émeute, munis de caméras, d’appareils photos et de micros, ne pouvait que susciter l’hostilité. C’est du moins ce que la plupart des journalistes ont affirmé durant les événements.
De toute façon, le traitement des “émeutes” était rendu difficile pour d’autres raisons : les journalistes ne vivent pas dans les quartiers les plus « chauds » ; très peu d’entre eux suivent le même quartier sur une longue période (à l’exception notable des journalistes de RFI et de leur excellente émission « Territoires de jeunesse », qui depuis 1998 donne la parole aux jeunes sans apparemment trop les censurer). Donc les journalistes travaillent généralement avec des travailleurs sociaux, des médiateurs, des sociologues ou des chanteurs de rap qui sont d’origine africaine ou nord-africaine et connaissent bien la population locale. Aussi les informations que fournissaient les médias étaient-elles filtrées par des journalistes qui ne connaissaient pas grand-chose à leur sujet de reportage. Depuis la fin des « émeutes », les médias ont apparemment décidé de « positiver » : on est donc passé du mythe de l’ « émeutier » au mythe du « petit entrepreneur à succès », comme en a témoigné la distribution de chèques et de trophées à l’Assemblée nationale, lors du concours « Talents des cités » en ce même mois de novembre 2005. Dans les journaux télévisés comme dans les émissions consacrées au bilan politique des « émeutes », mais aussi dans la presse écrite, on fait désormais constamment l’éloge de tous ces petits capitalistes franco-africains ou franco-maghrébins qui nous expliquent en détail combien ils sont contents d’exploiter leurs compatriotes de toutes origines...
L’attitude des partis de gauche et de droite
Les partis de gauche voulaient rétablir « l’ordre républicain » et ne souhaitaient pas mettre le gouvernement et Chirac en difficulté en menant campagne pour la démission de Sarkozy ou pour des élections anticipées.
Le PCF s’est opposé à la loi de 1955 mais en même temps il a utilisé les mêmes arguments que la droite : les parents seraient responsables du « mauvais comportement » des enfants, il faudrait rétablir la police de proximité, rétablir le service militaire, etc. Le PS a commencé d’abord par adopter une attitude neutre face à l’état d’urgence, puis il a changé de position lorsque le Parlement l’a prolongé de trois mois. Au départ il était en effet davantage passionné par ses magouilles et luttes internes pour les prochaines élections présidentielles (8 candidats socialos potentiels !). Le PS a préféré soutenir une « bonne » politique de rétablissement de l’ordre tandis que les militants du PCF à la base ont essayé d’avoir une attitude plus compréhensive vis-à-vis des jeunes révoltés sans pour autant tomber dans les dénonciations « primaires » des flics. Le grand écart, quoi, mais les militants staliniens ont l’habitude...
La droite, quant à elle, est divisée, discréditée et haïe par une quasi-majorité de la population pour ses attaques contre le niveau de vie et les droits sociaux élémentaires des salariés. Une fraction de la droite envisage peut-être une union nationale gaullo-centro-socialiste, mais pour le moment cela reste une hypothèse abstraite. Chirac et Villepin ne vont sans doute pas adopter une politique totalement répressive, et mettre l’armée dans les rues avec le droit de tirer à vue, même si les flics essuient des coups de feu. Si le gouvernement allait aussi loin (comme certains membres du PS et de la droite l’ont demandé) ou s’il autorisait les flics à utiliser de vraies balles, Chirac mobiliserait les syndicats et la gauche officielle contre son gouvernement et le jeu n’en vaudrait pas la chandelle. Chirac laissera sans doute la situation pourrir et revenir à la normale ou, si cette politique ne fonctionne pas, il demandera à Sarkozy de quitter le gouvernement, et annoncera quelques mesures symboliques. [Depuis que ces lignes ont été écrites, le gouvernement a choisi de durcir sa ligne et de prolonger l’état d’urgence, ce qui contredit donc le pronostic précédent.] La droite a une politique à court terme et vise seulement à s’accrocher au pouvoir jusqu’aux prochaines élections. Même si le Premier ministre Villepin a admis que le gouvernement a commis une erreur en diminuant radicalement les subventions versées aux associations, il continue à prétendre que les flics n’ont commis aucune erreur et ont fait preuve de beaucoup de patience et de modération : il a raison si l’on compare le nombre de personnes tuées par la police française durant ce ce qu’il appelle les récents « troubles sociaux » (ou même en mai 68) avec le nombre d’”émeutiers” tués par les flics américains durant des événements similaires (55 mots à Los Angeles en 1992) ; mais il n’est pas crédible quand on connaît le comportement quotidien de ces policiers avec des ados et des enfants, et le nombre impressionnant de bavures policières en temps normal. De plus, Villepin a chassé sur les mêmes terres que le FN en évoquant « les déséquilibres sociaux créés par un flux non maîtrisé d’immigration clandestine » (argument classique de Le Pen depuis des années) alors qu’il savait parfaitement que les « émeutiers » n’étaient pas des « étrangers » mais des « Français » (sur 4770 personnes, la police a arrêté moins de 500 « étrangers », pourcentage tout à fait normal si l’on considère leur place statistique dans la population française, et dans les quartiers « défavorisés »). Une « négociation collective par l’émeute » ? Les journalistes et les politiciens étaient partagés entre la réprobation et l’interprétation de la révolte de la jeunesse. Le gouvernement devait-il faire des concessions aux “émeutiers” ou non ? Au cours d’un débat télévisé, un journaliste de droite a déclaré qu’il n’en était pas question, et qu’une telle attitude constituerait une concession inadmissible à un mouvement qui n’avait aucune revendication et utilisait des moyens illégaux. Un journaliste de gauche lui a répondu avec raison qu’un gouvernement efficace est toujours obligé de faire des concessions à un mouvement social important, que ce mouvement emploie des méthodes illégales ou non. Toute l’habileté, pour les puissants, consiste à s’efforcer de faire croire que ces concessions n’ont pas été imposées par la rue.
Le vendredi 25 novembre 2005, lors d’un débat sur LCI, Luc Ferry a déclaré - lapsus révélateur - que « lorsque les banlieues faisaient grève » pour se faire entendre, le gouvernement cédait un peu de lest. La haine de classe de ce « penseur » clairement exprimée ce jour-là contre les grévistes de la SNCM, de la RTM, de la SNCF et de la RATP l’a poussé à voir des « grèves » dans les banlieues... même lorsqu’il n’y en avait pas la queue d’une. Et son paternalisme méprisant est allé jusqu’à défendre la création d’un service national civil pour les « enfants » (sic) comme si un adulte majeur de plus de 18 ans était encore un enfant !
Concrètement, pour le moment les « banlieues » n’ont rien gagné (d’une certaine façon, au niveau de leur environnement immédiat, la situation a plutôt empiré ; et il y a fort à parier que les habitants de ces quartiers auront encore plus de difficulté à trouver du boulot quand ils déposeront un CV quelque part), mais les jeunes révoltés ont réussi, du moins temporairement, sur au moins un point : les médias et les politiciens ne peuvent plus nier la misère de certains quartiers, les discriminations dans le travail et à l’école, le désespoir de certaines catégories significatives de la population. C’est d’ailleurs ce qu’ont dit durant ces événements la plupart des chanteurs de rap, sociologues, assistantes sociales et médiateurs qui sympathisaient avec les jeunes et tentaient d’expliquer dans les médias leurs motivations. Ils ont agi comme les interprètes-porte-paroles de la jeunesse en affirmant en substance : « Quand les jeunes n’arrivent à bien manier les mots pour exprimer leur colère et leur frustration, et quand en plus ils savent qu’on ne les écoutera pas, ils agissent pour être entendus. » Le problème est que de nombreux récupérateurs professionnels sont déjà prêts à déformer le message de cette révolte qui ne formulait aucune revendication, à part celles que lui soufflaient les journalistes :
d’abord et avant tout les politiciens de la gauche réformiste qui considèrent, comme l’a déclaré l’un d’eux, que « le meilleur cocktail Molotov est le bulletin de vote ». La mobilisation « citoyenne » actuelle pour le vote des immigrés ressemble fort, de ce point de vue-là, à une tentative de récupération assez grossière. C’est aussi ce qui sous-tend le message des groupes d’extrême gauche et altermondialistes qui ont pour seul horizon les élections de 2007. C’est enfin ce qu’affirment les sportifs célèbres, tous ces « hommes ou femmes modèles » qui reviennent des quartiers dont ils sont « sortis », pour répéter en boucle que tous peuvent « s’en sortir ». Ils oublient qu’il n’y a pas de place dans cette société pour plusieurs millions de vedettes du football, de stars du rap, de médecins, d’avocats, d’artistes ou d’ « entrepreneurs » richissimes. Sans compter que pour arriver à « s’en sortir » (sous-entendu de la classe ouvrière, du prolétariat) c’est par la débrouille individuelle, et non par la lutte collective qu’on réussit. C’est d’ailleurs ce que préconisait très clairement l’actuel ministre de l’Intégration Azouz Begag il y a dix ans : il incitait les jeunes à « sortir des cités pour s’en sortir ». On voit que la recette lui a bien réussi...
Une partie de la droite et de la gauche antiracistes présentent la « discrimination positive », voire un rôle accru des dirigeants religieux (musulmans ou autres), comme des solutions. Comme si les sociétés britanniques et américaines avaient définitivement éradiqué le racisme et la discrimination. Il est exact qu’aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne il existe une petite-bourgeoisie aux origines non « européennes » plus importante qu’en France, et en tout cas beaucoup plus visible dans les associations, les partis politiques, au Parlement et dans la haute fonction publique.
Mais ces antiracistes oublient trois choses fondamentales :
1) ces progrès indéniables ont été réalisés au prix d’un enfermement des individus dans une catégorie ethnique ou raciale. Cela aboutit d’ailleurs aux Etats-Unis à des conséquences comiques puisque les « Noirs » ont découvert qu’au niveau génétique 90 % d’entre eux étaient beaucoup plus proches des « Blancs » que des Noirs africains, censés être de la même « race ».
2) l’appartenance supposée à une même pseudo-race ou à une même pseudo ethnie aboutit à une fraternité imaginaire et superficielle.. C’est évidemment sympa lorsqu’on est « Noir » et que l’on croise un autre « Noir » dans la rue de se faire un clin d’œil, de se sourire voire d’engager la conversation de façon spontanée. Mais on découvre rapidement, si l’on apprend à connaître l’autre, que cette fraternité de surface ne résiste pas à des différences beaucoup plus fondamentales : les goûts, valeurs, habitudes, opinions, etc., ne sont pas ethniquement homogènes - et heureusement. La fraternité « noire » (ou arabe, ce concept s’étendant, de façon totalement absurde aux Berbères, aux Turcs, etc.) est tout aussi illusoire que la « sororité » féminine.
A propos du mot ethnie.
Ce terme politiquement correct remplace progressivement celui de « race » en France tout en ayant exactement le même sens fantaisiste et changeant. Ainsi, dans Le Monde du 10 novembre une journaliste dans un article sur l’ « origine ethnique des salariés », considère que la question « Etes-vous blanc, noir, arabe ou asiatique ? » serait une question concernant l’ethnie : son ignorance est telle qu’elle ne se rend même pas compte qu’elle mélange la couleur de la peau (blanc, noir), la référence géographique (asiatique) et la référence à une population (arabe), ce dernier terme, ayant comme on le sait un sens culturel et politique, puisque l’on parle de « nationalisme arabe ».
3) Plus grave encore, sur le plan politique, une telle défense du « Pouvoir noir », de la « nation arabe » ou de tout autre cause similaire fait totalement l’impasse sur le fait qu’en France il existe aussi des millions de jeunes dont les ancêtres sont « gaulois » depuis des générations, tout en galérant un maximum et en ayant un avenir très limité. Des millions de « Fromages » (jeunes et moins jeunes) n’ont ni boulot, ni appartement, ni bagnole, ni perspective de se payer un pavillon ou de fonder une petite entreprise.
4) L’ascension de représentants des « minorités visibles » dans les hautes sphères du pouvoir politique a un prix. Et ce prix, ce sont les exploités eux-mêmes qui le paient. On sait parfaitement qu’une Condoleeza Rice ou qu’un Colin Powell, tout « Afro-Américains », qu’ils sont, ne lèveront pas le petit doigt pour leurs « frères de couleur », ni aux Etats-Unis ni en Afrique... pour ne pas parler de l’Irak. Et en France, on voit bien que Azouz Begag a beau essayer péniblement de se démarquer de Sarkozy, son ministère n’a pas de moyens et surtout aucune chance de faire progresser en quoi que ce soit la situation dans les quartiers les plus pauvres. Il n’est là que pour servir de caution à une politique dirigée contre tous les exploités, qu’ils soient d’origine maghrébine ou pas. Les révolutionnaires devraient donc essayer d’avancer des revendications qui unifient tous les ouvriers, les pauvres et les sans ressources, et non pas les diviser entre eux, sur la base de la couleur de la peau, de la religion, ou de toute autre identité imaginaire, comme si la classe ouvrière prétendue « blanche » était responsable de tous les maux du capitalisme, du colonialisme, du néocolonialisme et du racisme. Or c’est exactement l’opération à laquelle se livrent, délibérément ou pas, les signataires de l’Appel des indigènes. Ceux qui font , ouvertement ou non, l’apologie, de la fierté « raciale » ou « religieuse » des Noirs, des Arabes, des « musulmans », etc., ne devraient pas s’étonner si demain naissent et se développent en France des mouvements pour la « fierté blanche ». D’ailleurs, n’est-ce pas ce que représente le Front national ? N’est-ce pas ce que Sarkozy, le pseudo antiraciste, implique quand il déclare à la télévision que ce ne sont jamais les « enfants suédois » qui causent des problèmes dans les écoles françaises, mais toujours des enfants « africains et nord-africains » ? L’escalade de l’ethnicisation à laquelle participent la droite, l’extrême droite et une partie de l’extrême gauche ou de la gauche dite altermondialiste, pour des raisons évidemment différentes, n’aboutira qu’à une impasse.
P. Tévanian et ses potes sont obsédés par la couleur de la peau de leurs adversaires politiques
Pendant des mois, Pierre Tévanian, qu’on a connu mieux inspiré dans sa critique du Front national, a hébergé sur son site le compte rendu d’une réunion à Fontenay-sous-bois de Ni putes ni soumises où CINQ fois il était fait allusion à la couleur d’Elisabeth Badinter (« sexagénaire blanche de peau », « une femme blanche sexagénaire et richissime ») ou du public (« l’assistance était blanche de peau à 90% », « un public blanc et aisé ») sans oublier la dénonciation d’une « classe politique quasi hégémoniquement blanche de peau ». Dans un articulet de quarante lignes, la mention répétée de la couleur de peau de ses adversaires politiques est éminemment suspecte, même si le mot « blanc » est à chaque fois mis entre guillemets (et non souligné comme nous l’avons fait ici). Cet article a mystérieusement disparu du site Les mots sont importants et on en trouve une version nettement adoucie dans le dernier livre de Pierre Tévanian sur le voile... mais on voit bien ce que le rédacteur de cette note avait en tête : obliger chaque membre d’une « ethnie » imaginaire (y compris les « Blancs », pseudo « ethnie » majoritaire en France) à s’identifier avant tout à la couleur de sa peau, à sa religion présumée ou à son origine nationale. Notre rédacteur n’est d’ailleurs pas très fort en maths, puisque dans cette réunion, il compta 20 % de « Maghrébins » (90+20= 110 !).
Plus grave, cette notule n’est pas fondée sur une opposition entre deux conceptions politiques (et Dieu sait si le discours de Mme Badinter était critiquable, cf. dans Ni patrie ni frontières n° 10 l’article de Christian Béridel qui, lui, se garde de toute attaque personnelle douteuse), mais elle repose sur l’opposition artificielle entre deux groupes de participants à cette réunion : les « Blancs » d’un côté, les « Maghrébins » de l’autre. Ce militant du Collectif Les mots sont importants, emporté par son écœurante thématique racialiste, ne s’est même pas rendu compte que les Maghrébins dont il parle, et qui détiendraient en quelque sorte la vérité par la seule magie d’une appartenance à un ensemble géographique (le Maghreb), sont tout aussi « blancs » que les Gaulois qu’il dénonce ! Régression théorique et inconséquence politique de ces partisans de l’ « Appel des indigènes ».
« Bonne » et « mauvaise » violence ? Sur Internet et dans certains cercles radicaux on a beaucoup débattu pour savoir quelle attitude devaient adopter les révolutionnaires face à la violence des jeunes « émeutiers ». Et le lecteur trouvera des échos de ce débat dans plusieurs textes de ce numéro. Il était pourtant évident que l’on ne pouvait mettre sur le même plan la violence contre les personnes et la « violence » contre des objets, des voitures ou des bâtiments. En d’autres termes, quand les jeunes ont foutu le feu à des bus transportant des passagers, cogné un conducteur de bus, agressé physiquement des caissières de supermarché, tenté de transformer en torche vivante une femme, incendié un foyer habité par des travailleurs immigrés ou cogné à mort un petit vieux, il n’y avait pas à discuter et à faire la fine bouche pseudoradicale. De tels actes devaient être dénoncés pour ce qu’ils étaient : un symptôme de la guerre entre les pauvres, un symptôme de la barbarie sociale. Et ils ne pouvaient être réduits à de simples « faits divers », qui seraient de surcroît quotidiens en banlieue comme l’affirment avec condescendance certains textes reproduits dans ce numéro.
La question est totalement différente si l’on parle de l’incendie de poubelles, de voitures ou de tout autre véhicule (à condition qu’ils soient vides). Et d’ailleurs les habitants des banlieues considéraient souvent ces actions avec plus d’indulgence... sauf évidemment quand c’était leur propre bagnole qui brûlait ! Et s’ils désapprouvaient ces actes, ce n’était pas parce qu’ils étaient « aliénés » par la civilisation de la bagnole (comme si les usagers des transports en commun et des deux-roues n’avaient pas eux aussi des comportements totalement égoïstes et aliénés !), mais tout simplement parce qu’ils en ont besoin pour aller travailler, chercher du boulot, faire les courses et surtout pouvoir sortir de leur ghetto, seuls, en famille ou avec des copains. Enfin, pour ce qui concerne les bureaux de poste, les crèches, les théâtres, les gymnases ou les écoles qui ont été incendiés, les révolutionnaires ne devaient pas hésiter à critiquer ces actes, même si nous pouvions en même temps les comprendre comme l’expression du désespoir et de la révolte. Il n’était nul besoin pour cela de traiter les incendiaires de « voyous » ou de « crétins », il suffisait de leur expliquer que la destruction d’installations collectives ne pénaliserait nullement la bourgeoisie, ni l’Etat, mais seulement eux-mêmes.
En ce qui concerne la violence contre les flics, le fait qu’ils soient armés, qu’une bonne partie d’entre eux aient des comportements racistes, et ne montrent aucun respect pour les travailleurs et les jeunes ne justifie pas pour autant d’entreprendre n’importe quelle action contre eux, même s’ils tuent, tabassent ou torturent des gens, innocents ou coupables. Notre attitude face à la violence contre les flics n’est pas seulement liée à des considérations purement tactiques : au fait que pour le moment le rapport de forces « nous » est défavorable. Dans la situation politique présente, tirer sur des flics n’a aucun résultat politique positif, cela ne fait partie d’aucune stratégie révolutionnaire... à moins que l’on souhaite s’allier au crime organisé ou aux petits gangs artisanaux locaux. Dans la période actuelle, si les révolutionnaires étaient en position de faire quelque chose, ils choisiraient plutôt d’influencer politiquement les flics, ils leur proposeraient de quitter leur boulot ou en tout cas de refuser d’obéir aux ordres. Il ne sert à rien de fantasmer sur les combats physiques (ou pire armés) contre les flics. L’extrême gauche italienne a payé et paie encore un prix exorbitant pour de telles illusions.
Par contre, il n’était pas non plus correct, lors de tels événements, de laisser croire qu’un changement radical de société pourrait être « pacifique » comme l’ont écrit par exemple Lutte ouvrière et Convergences révolutionnaires dans leurs tracts (Convergences révolutionnaires évoque un « soulèvement massif qui pourrait être d’autant plus pacifique qu’il serait puissant »). Il est absolument évident que si les jeunes des quartiers populaires, tout comme la majorité des prolétaires vivant en France, voulaient vraiment s’attaquer aux fondements de leur exploitation et de leur oppression, cela n’aurait rien d’un « dîner de gala », ni d’une grande marche pacifique, ne serait-ce que parce que, en face, les flics, les gendarmes et les militaires sont armés. Il suffit de voir ce qui se passe en ce moment dans un pays comme le Venezuela (où pourtant le colonel-président Chavez n’a aucune intention de déclencher la moindre révolution socialiste) pour comprendre que jamais la bourgeoisie ne se laissera déposséder de manière pacifique. Et c’est d’ailleurs pourquoi les révolutionnaires ne sont pas opposés à l’usage de la violence.