NEUTRALITÉ BIEN ORDONNÉE... DANS LE MARCHÉ DE LA MILITANCE POUR UNE MILITANCE LIBRE ET NON FAUSSÉE
Le syndicat anarcho-syndicaliste toulousain explique cette non réaction23 : "Le cinéma Utopia est peu banal : c’est une salle militante qui défend haut et fort le cinéma indépendant contre les lois du marché. C’est aussi un lieu très engagé politiquement, qui soutient toutes les luttes progressistes. D’ailleurs, l’extrême majorité des organisations de gauche y a recours. Bref, c’est une véritable institution de la contestation toulousaine", "incontournable". "Si l’ensemble de ces militants altermondialistes et de ces pseudos syndicalistes radicaux continuent d’alter-fréquenter ces alter-patrons pourtant peu fréquentables, ce n’est pas sans raison. Utopia est en effet un véritable média pour ces organisations ; ils peuvent y laisser leur presse, y organiser des débats. Ce qui leur permet d’accéder à leur clientèle et de tenir à distance les concurrents. Que le prix en soit de s’associer à leur adversaire de classe et de fermer les yeux sur le sort de ses salariés compte si peu à leurs yeux. L’intérêt de leur organisation prime sur celui de la cause qu’elle est censée défendre." "Quant au salarié d’Utopia, il sait qu’il a une pluralité de patrons : les patrons-militants d’Utopia et les militants-patrons de la quasi totalité de la gauche toulousaine."
À Toulouse, à Orléans, comme ailleurs, c’est au même exercice que s’adonnent les organisations de gôche et alterpatronphiles, celui de l’art de la neutralité bien ordonnée : on demande l’intervention des pouvoirs publics pour aider une entreprise - avec la "nécessité d’agir rapidement" - tout en restant muet face aux pratiques patronales internes ... pour la culture et la résistance au libéralisme bien sûr. Reprenons le tract diffusé par des spectateurs orléanais solidaires des salariés du cinéma : "Nous regrettons aussi l’indifférence de certains membres d’associations sociales et culturelles ayant organisé des débats au cinéma Les Carmes, plus préoccupés de délivrer leur message, et soigner leur image que de s’interroger sur le fonctionnement interne de cette entreprise cinématographique que ces associatifs ont tacitement accepté."24 Un peu comme les rédacteurs du Monde Diplomatique qui s’invitent chez Daniel Mermet sur France-Inter pour vendre leur argumentaire dit alternatif, sans se soucier des pratiques (ubuesques) de leur hôte Mermet avec ses collaborateurs : "Ce 4 octobre, le rendez-vous mensuel avec le Diplo avait un petit air d’inachevé. Car il manquait un point à l’ordre du jour : la précarité. Non pas celle des caissières d’Auchan ou des working poors de Georges Bush, mais celle qui sévit au sein même de l’émission"25.
SAUVE QUI PEUT ! ATTAC-AMD PARTOUT ! JUSTICE SOCIALE NULLE PART !
On peut alors rire franchement quand on lit les articles des membres d’Attac45 et de leurs collègues locaux des AMD. Ainsi un membre d’Attac de s’enflammer - ça ne mange pas de pain - cet été 2005 à la suite du référendum européen : "La victoire du Non aura un prolongement : celui de donner un nouvel élan à toutes les luttes sociales et citoyennes ainsi qu’aux alternatives déjà en marche."26 Personnellement, on aurait plutôt aimé localement qu’elle ait eu un prologue par des soutiens ou des mises au points quand c’était concrètement nécessaire. Le meilleur est pour l’incontournable Christian Weber, désormais membre éminent des Amis du Monde Patronal local. Désormais parce que ce respectable associatif se trouvait être président d’Attac45 au moment de leur fameux soutien à la société Eden Carmes, et qui avait même accordé officiellement son soutien en 2001 au directeur de l’époque avant même que les membres de son association soient consultés !27 Bel exemple de démocratie pour leur "autre monde possible".
On peut lire la prose de ce monsieur sur son site personnel28, qui sert aussi de site du groupe pour les AMD - histoire de ne pas mélanger les genres et de ne pas trop personnifier les choses -. Dans un article intitulé Depuis le 29 mai...29 (décidément ce référendum est une obsession, à moins qu’il n’y ait rien d’autre qui soit digne d’intérêt pour la gôche associative) tout devient plus lumineux : "Le 29 mai au soir les temps ont changé." On découvre dans ce texte pourquoi les associations citoyennistes ne pouvaient réagir lors du conflit du cinéma local : "La mission d’éducation populaire d’Attac et d’autres associations (les Amis du Monde Diplomatique par exemple) doit impérativement se développer sur ce terrain aujourd’hui favorable." Donc, d’une part, le terrain n’était pas favorable ; et de l’autre, l’éducation populaire se fout éperdument du droit des salariés, l’exploitation de l’homme par l’homme étant un bien nécessaire à l’humanité et à ses éducateurs.
Toujours dans ce texte, on tombe sur quelques belles surprises qui feraient penser que le militant multicarte opère un transfert sur les dirigeants politiques de l’État Français : "Les modifications du droit du travail qu’il" ("le nouveau gouvernement") "entend imposer par ordonnances montrent clairement que le message n’a pas été entendu." et ailleurs : "L’alliance objective du PS et de l’UMP sur le texte constitutionnel" ... "a été un révélateur puissant sur l’ambiguïté - voire la duplicité - du social réformisme." Ce militant omniprésent entend-il ainsi faire oublier sa propre surdité (et celle de ses associations) aux conflits sociaux locaux ? Quant à parler de duplicité, il devrait d’abord régler le problème dans son propre "social réformisme" altermachin. Pour le coup mais sans vraiment d’illusion quant à la solvabilité de ce militantisme de gôche, il y a "nécessité d’agir rapidement".
Les Révoltés du Bounty, Août 2005
laluttecestpasducinema@no-log.org _________________________________
NOTES
24 Nous soutenons les grévistes dans les films ... et dans les cinémas, des Spectateurs, 2 octobre 2004 ; visible sur http://www.associations45.ras.eu.or...
25 Là bas si j’en sors d’Olivier Cyran, CQFD n°16, Octobre 2004 ; visible sur http://www.cequilfautdetruire.org/a... ?id_article=413.
26 "L’espoir" Gilles Ferté d’Attac 45, La lettre d’Attac n°31/32 ; visible sur http://www.local.attac.org/attac45/...
27 Un "autre monde possible" ou les déboires démocratiques selon Attac45 : "Une certaine confusion est intervenue du fait que le directeur du cinéma, a affirmé dans une conférence de presse juste antérieure à la tenue du CA, avoir reçu le soutien d’ATTAC (45) en la personne de son Président. Ne sachant comment interpréter cette affirmation, et en l’absence de Christian Weber pour rétablir la vérité, il a été procédé à un vote pour le soutien direct (pour=3 ; contre=2 ; abstention=4)".
28 http://perso.wanadoo.fr/chweber/Dep...
29 Article publié aussi dans Babord n°40, juin 2005 : journal local, rempli de commentaires creux plus que d’informations ou d’analyses, une vingtaine de pages mal photocopiées pour 3 euros et visant essentiellement à recomposer la gauche aux élections municipales...
_________________________________ ANNEXE A
IL Y A COMPROMISSION ET COMPROMISSION...
On peut rétorquer à ceux qui dénoncent la passivité des associations et militants face à une situation de conflit social dans ce genre d’établissement socioculturel - qui ne sont pas foules -, que quoi que l’on fasse comme action, militante ou non, on se trouve toujours corrompu d’une manière ou d’une autre. Effectivement on se trouve dans un état de société où on se compromet tout le temps. Ne serait-ce qu’en allant au supermarché, on cautionne l’exploitation des caissières (entre autres). Mais - même si c’en est un - le problème dénoncé n’est pas celui-là !
La comparaison à faire porte plus sur quelle réaction apporteraient les associations et militants, si (poursuivons notre exemple) des caissières de leur supermarché (préféré ?) se mettaient en grève ? S’il était diffusé l’information qu’une procédure de licenciement pour fait de grève avait été engagé ? Quelle aurait été la réaction de nos joyeux drilles militants si un conflit social avait eu lieu dans leur librairie préférée, celles où ils essayent de mettre en dépôt leur canard par exemple ?
Ces associations participent à l’animation de ces lieux culturels, qui prennent ainsi surtout grâce à elles, une teinte sociale voire militante. Ces structures mélangent alors de fait (de façon plus ou moins poussée) militantisme et tiroir-caisse (si ce n’est bénéfice). Il est donc d’autant plus important ne serait-ce que d’un point de vue de cohérence au sein même de leur activité militante, que ces associations - impliquées par leurs partenariats - prétendant intervenir sur un plan économique et social, réagissent (inutile de préciser qu’en présence du loup et de l’agneau, la neutralité - libérale - consiste à se ranger du côté du plus fort). Reste à savoir si ces associations sont prêtes à mettre en cause leur mode de rentabilisation militante.
_________________________________ ANNEXE B
TRACT REVENDICATIF DE GRÈVE DES DEUX SALARIÉS DU CINÉMA LES CARMES, 28 JUILLET 2004
"AUJOURD’HUI MERCREDI 28 JUILLET 2 SALARIÉS DU CINÉMA LES CARMES SONT EN GRÈVE"
... "Pour la première séance de l’après midi il est prévu que le projectionniste, en plus de sa fonction d’opérateur, devra assurer seul la caisse et l’accueil du public, gérer les possibles venues de centres de loisirs" ... "vérifier les salles, remonter la caisse... Parallèlement des caissières n’étant présentes au cinéma que pour les deux séances du soir, devront plusieurs heures à l’entreprise... à la rentrée de septembre."* ...
"Nous demandons donc pour ces trois semaines où le cinéma n’offrira que trois séances quotidiennes que :
le projectionniste ne fasse pas la caisse pour la première séance de l’après midi
la caissière prenne son poste pour toutes les séances.
Notre double revendication n’ayant pas obtenu satisfaction, nous nous déclarons en grève à partir de ce mercredi 28 juillet.
2 salariés du cinéma les Carmes."
*Notons que ces salariés n’étaient pas annualisés.
Extraits du Tract Revendicatif de Grève des deux salariés du Cinéma Les Carmes, 28 juillet 2004 ; visible sur http://www.associations45.ras.eu.or...