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Mouvement communiste : premières réflexions sur les résultats du 29 mai

samedi 18 juin 2005

(Pour des raisons techniques nous avons dû malheureusement supprimer du texte les tableaux qui l’enrichissaient mais vous les trouverez sur le site de Mouvement communiste : www.mouvement-communiste.com)

« The day after » : le prolétariat en France mélange sa colère dans le protectionnisme

Les temps sont rudes pour les révolutionnaires. Plus de deux électeurs sur trois sont tombés dans le piège de l’illusion électorale. Des scores massifs de participation ont été enregistrés dans plusieurs zones ouvrières. Les données fournies par un sondage à la sortie des urnes réalisé par l’institut TNS-Sofres, constituent un précieux outil de compréhension et fournit des éléments précieux à l’analyse du vote. Faute de mieux. Selon ce sondage, on apprend que 81 % des ouvriers, 79 % des chômeurs, 60% des employés, 64 % des salariés du secteur public et 61 % de ceux du secteur privé ont voté non. Ils ont rejoint dans le camp du refus du traité les quelque 55 % de la catégorie des commerçants, chefs d’entreprise et autres artisans.

Nous ne crierons cependant pas avec la presse bourgeoise, de gauche comme de droite, qui croit déceler, dans les résultats du référendum du 29 mai sur le traité constitutionnel de l’Union européenne, « un séisme », « un choc », « un mai ’68 dans les urnes », etc. Non, pour les révolutionnaires, pour les camarades de MC, ce qui est grave est le fait que la haine sourde et parfaitement justifiée qui couve dans les milieux ouvriers les plus durement soumis aux effets néfastes de l’accumulation capitaliste se soit soudée, certes seulement le temps d’une consultation électorale, avec la revendication protectionniste. Le protectionnisme du « petit village gaulois » vis-à-vis du « grand », de préférence venu d’ailleurs, de la conservation de l’ordre social existant face à « l’inconnu », de la « douce France », assiégée par le libéralisme mondialisé (ou la mondialisation libérale) et par les fameux plombiers polonais (150 en tout, dans l’Hexagone…).

La puissante classe ouvrière de l’un des pays capitalistes les plus développés de la planète, forte d’une histoire glorieuse de combats intransigeants et d’internationalisme, s’est mélangée dans les urnes - au sens propre et figuré - aux couches les plus arriérées du pays, vivant le plus souvent hors des grandes métropoles de l’Hexagone dans cet espace abstrait que l’on nomme joliment l’environnement rural et péri-rural. Ces secteurs marginaux de la société civile cherchent désespérément des moyens (dont celui électoral) pour résister à la prolétarisation et à l’avancée de rapports de production purement capitalistes. Leur souffrance n’indiffère pas les ouvriers conscients, mais ces derniers savent qu’ils n’ont rien à gagner en associant leur sort à celui de ces éclats de classes arriérées, résidus de périodes heureusement révolues. Une classe moderne qui a tout à gagner, le prolétariat, ne saurait pas contaminer son projet politique haut - la transformation communiste des rapports humains au moyen de la démolition planifiée des sociétés divisées en classes - avec la nostalgie réactionnaire d’un monde étriqué moribond. Ce jugement global sur les résultats du référendum, serait-il trop cassant, excessivement péremptoire ou, pire, méprisant de l’expression de la grogne d’une grande partie de la classe ouvrière elle-même ? Nous ne le croyons pas.

Voici Les faits. La plupart des grandes villes ont choisi le oui, dont Paris (tous les arrondissements), Lyon, Toulouse, Nantes, Rennes, Bordeaux, Caen, Brest, Lorient, Besançon, Rouen et Strasbourg. Lille et Mulhouse terminent sur un match pratiquement nul. En revanche, la plupart des villes industrielles en perte de vitesse, dont Saint Etienne, Montluçon, Clermont-Ferrand, Limoges, Saint-Dizier, Montbéliard, Belfort, Amiens, Douai, Dunkerque, Cambrai, Le Havre, Beauvais, Marseille et Toulon, ont choisi, souvent massivement, le non, à l’instar des départements les plus ruraux du pays. La Beauce des grands céréaliers abondamment fourragés par les subventions communautaires, la Champagne des producteurs du mousseux se retrouvent ici du même côté du Nord-Pas de Calais ouvrier. Cette mixité contre nature est encore plus troublante quand on prend en compte les motivations du vote. Dans les deux cas du oui et du non l’emporte la vision nationaliste. Pour les électeurs qui ont voté non, la première raison (plébiscitée à 46 %) de leur choix relève de la crainte que « ce traité va aggraver le chômage en France ». Quelque 19 % et 18 % respectivement des votants non ont entendu stigmatiser prioritairement « la menace que l’Europe représente pour l’identité française » et « le rejet de la Turquie ». Environ 34 % a voté ainsi car le traité leur semblait « trop difficile à comprendre ». Seulement 34% ont évoqué le caractère présumé « libéral » du traité. Déception pour les tenants du « non de gauche » : à peine 35 % des sondés ayant voté non ont fait cela avant tout pour imposer la renégociation du traité . `

Quant aux oui, la musique ne varie guère. Quelque 52 % de ces votants ont choisi le traité parce qu’il permet de « renforcer l’Union européenne face aux autres grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Inde, …) ». C’est toujours la même, vieille rengaine de l’Europe comme bouclier de la France pour contrer ses pays concurrents. Démonstration : 42 % des électeurs du oui l’ont fait afin que « la France reste forte en Europe ».. Suivez leur regard. Plus que jamais, ni oui ni non donc pour les révolutionnaires. Que va-t-il suivre ? Rien ou presque du point de vue de la vie du capital. La preuve ? Les marchés sont restés de marbre face au « séisme » électoral français autoproclamé. Quant aux Etats de l’Union, ils ont jusqu’en novembre 2006 pour trouver des accords sur les points réellement importants du traité : la redistribution des pouvoirs entre le Conseil d’Europe, le Parlement de Strasbourg et la Commission de Bruxelles ainsi que les modalités de formation des majorités. Du côté du prolétariat, en revanche, tout reste à faire. La poursuite de la bataille anti-électorale et le renforcement de la critique du protectionnisme social sont plus que jamais à l’ordre du jour.

Mais gare au désespoir. Les illusions que la victoire du non a générées dans le camp ouvrier seront balayées par la réalité de l’exploitation et par le durcissement prévisible de la dictature démocratique de l’Etat français. Le grand gagnant politique de l’échéance référendaire du 29 mai, Nicolas Sarkozy, a d’ores et déjà indiqué deux objectifs prioritaires : « préférence communautaire et immigration maîtrisée » (déclaration télévisée du Président de l’UMP le soir du 29 mai). Ça promet. Le protectionnisme économique et social déborde inévitablement en vulgaire xénophobie Un deuxième sondage à la sortie des urnes, réalisé par l’institut Louis Harris, jette un sinistre éclairage supplémentaire sur les raisons du vote non. Citation : « La xénophobie a constitué un puissant ressort du vote ; 49 % des personnes interrogées ont estimé qu’il y avait ’trop d’étrangers en France’ aujourd’hui, et 67 % de ces personnes ont voté non. Sur ce registre, les images de l’adhésion de la Turquie et du plombier polonais ont fonctionné à plein ». Outre ce puissant facteur du non, Louis Harris en cite deux autres :

1) « La dimension protestataire repose sur un état d’esprit très virulent. Interrogés sur leur état d’esprit, les Français se déclarent prioritairement ’révoltés’ (34 %) ; et les personnes se déclarant ’révoltées’ ont voté non à 78 % ».

2) « La dimension sociale repose sur des inquiétudes massives pour l’avenir. Invités à qualifier leur situation dans la vie de tous les jours, les Français estiment le plus souvent avoir ’une situation encore correcte, mais qui pourrait rapidement se dégrader’ (42 %) ; et les personnes ayant cette perception d’elles-mêmes ont voté non à 66 % ». Synthèse parfaitement raisonnable des spécialistes : Le référendum s’est traduit par « une protestation sociale ET [souligné dans le texte NdlR] française ». Le responsable de l’étude, François Miquet-Marty, directeur des études politiques de l’institut, a précisé ainsi ce jugement : « La victoire du non au référendum ne se réduit pas à l’expression d’un malaise social. Le vote non se comprend comme un vote protestataire et social et national. Les électeurs qui ont voté non ont voulu refuser une Europe trop libérale (32 %), exprimer un ras-le-bol général (31 %), préserver l’indépendance de la France (27 %), exprimer leur mécontentement face à la situation économique et sociale du pays (25 %), et marquer leur opposition à l’adhésion de la Turquie (22 %) ». Le protectionnisme économique et social s’est donc marié dans l’urne avec la manifestation d’un mécontentement général et, surtout, avec des craintes croissantes pour l’avenir des emplois et des salaires.

Un vote prolétarien au plan sociologique

La détermination idéologique nationaliste du non est au moins aussi prononcée que sa caractéristique sociologique prédominante de type prolétarien. Sur ce dernier point, pas de doutes. Un troisième travail, réalisé par Dominique Goux (économiste, professeur associée Ecole Normale Supérieure) et Eric Maurin (économiste, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), montre que le vote prolétarien du non a pris de l’ampleur en intégrant largement aux bataillons du non au traité de Maastricht de 1992 les petits cadres diplômés en voie de prolétarisation accélérée en raison d’un rapprochement à étapes forcées de leurs conditions de travail (mécanisation et automatisation massives du travail intellectuel) et de rémunération à celles des prolétaires ’classiques’, ouvriers et employés. (...)

« Maastricht avait révélé une coupure très nette entre les catégories les plus diplômées de la population et les catégories les plus démunies, prélude aux lectures binaires de la société qui fleurissent depuis dix ans, fracture sociale, France d’en haut France d’en bas, les deux France... Seul un soutien très ferme des diplômés et des cols blancs avait sauvé le oui », indiquent les deux professeurs. « Or depuis treize ans, les catégories du oui à Maastricht, les plus instruites et les plus protégées du salariat, ont continué de progresser très fortement dans la population. Au moment de Maastricht, près de la moitié de la population adulte était sans diplôme, aujourd’hui la proportion n’est plus que d’un tiers environ. Issue de la dernière grande phase de démocratisation du système éducatif (85-95), les nouvelles générations d’électeurs sont bien mieux formées que les précédentes. En réponse à cet afflux massif de diplômés, les entreprises et les services publics ont - quoiqu’on en pense - poursuivi leurs transformations, la proportion de cadres et professions intermédiaires dans la population active augmentant de plus de 20 % entre 1993 et 2004. En revanche, l’importance des grandes catégories du non à Maastricht, ouvriers, artisans ou commerçants, continue de s’effriter (-10 %). Depuis treize ans, la transformation sociologique du pays se poursuit à un rythme très soutenu et cette évolution aurait dû mécaniquement jouer en faveur du oui », développent-ils. Il n’en a rien été.

« En 1992, le clivage était essentiellement entre les non diplômés et les autres, en 2005 le clivage s’est déplacé et se situe davantage entre les très diplômés et les autres. Le basculement d’une partie des diplômés intermédiaires vers le non reflète sans doute la déception de ceux dont les efforts à l’école ne s’accompagnent pas d’une élévation dans la hiérarchie sociale ». La déception pour l’arrêt de l’ascenseur social et la dégradation de leur position sociale se traduisent, pour l’heure, en une trouille noire d’être plongés dans le prolétariat ’classique’. La peur domine alors que la réalité de leur condition en fait déjà, en large partie, des prolétaires modernes ’sans col’ (ni blanc, ni bleu). Fait nouveau, l’idée réactionnaire de préserver son statut de cadre a débordé dans le secteur public. « Fragilisées par la montée de l’instabilité professionnelle, les classes moyennes du privé restent porteuses d’un non parmi les plus fermes, mais elles sont désormais rejointes dans le rejet par les classes moyennes du public. Cette communion inédite dans le rejet est sans doute la clef de la défaite du oui et peut-être le principal enseignement du scrutin de 2005 : les différentes fractions de classes moyennes, à leur tour, chacune pour des raisons différentes, cessent de jouer le jeu. Ce décrochage des classes moyennes a pour conséquence un fossé grandissant entre elles et les classes supérieures du pays ». Enfin, quant au chômage, l’interprétation qui voudrait que cette problématique ait joué les premiers rôles dans le non de 2005, doit être pour le moins nuancée : « En 1992 comme en 2005, le vote s’explique également très directement par le taux de chômage. Cela dit, le taux de chômage est aujourd’hui plutôt moins élevé qu’en 1992 (10 % contre 11.1 %) et ce facteur ne peut donc expliquer la chute massive du oui observée à l’échelon national entre les deux référendums ».

Maigre prix de consolation, l’abstention a marqué des points en milieu prolétarien

Ces jours d’ivresse post électorale ont servi à cacher un aspect important, quoique généralement négligé des commentateurs bourgeois de tous bords, celui de la composition de classe de l’abstention. Sur ce point, les nouvelles ne sont pas mauvaises, car elle passe de 23 % en 1992 (référendum pour la ratification du traité de Maastricht) à 30 % en 2005. Mieux. Tous les secteurs du prolétariat ont considérablement accru leur taux d’abstention, faisant justice des laïus post électoraux des divers Mélenchon, Buffet et autres Besancenot qui font état à l’envi d’une ruée vers les bureaux de vote des habitants des quartiers populaires. (...) Les artisans, commerçants et chefs d’entreprise ont voté massivement, avec un score digne d’une élection présidentielle. En revanche, les taux de participation se sont effondrés parmi les employés et les dites professions intermédiaires (les fameux ’cols blancs’ qui, au plan sociologique, dérivent à grand pas vers le prolétariat). Les ouvriers ont fait mieux que la moyenne, mais l’abstention n’a pas véritablement percé. Sans doute en raison de la présence nourrie et active des propagandistes de l’électoralisme en leur sein. Il est également intéressant de constater que l’abstention a fortement progressé parmi les partisans de la gauche, n’en déplaise à ses dirigeants, avec des pics significatifs aussi bien parmi les électeurs du PC que des Verts et que du PS. A contrario, les sympathisants de la droite et de l’extrême-droite ont fait acte d’électoralisme dans des proportions comparables à 1992. Ainsi, la montée de l’abstention est principalement à attribuer aux bataillons électoraux de la gauche. Enfin, un dernier mot sur les motivations de l’abstention. Ici, il n’y a pas de quoi parader….

Toujours d’après l’enquête de Louis Harris , quelque 39 % des abstentionnistes ont déclaré avoir eu « un empêchement majeur » le 29 mai. Le quart d’entre eux ont décidé de ne pas voter car « quel que soit le résultat, les gouvernements n’en font qu’à leur tête ».. Environ 19% ne sent pas rendus dans les bureaux de vote parce que « le texte du projet de Constitution était incompréhensible ». Puis, en descendant, 15 % « ne s’intéresse pas à la politique » ; 10 % l’a fait par « ras-le-bol » ; 10 % « n’a pas été en mesure de choisir », etc. Une conclusion : il n’y a pas davantage à espérer de cette abstention que de ce vote. Et deux considérations générales :

1) La peur n’engendre jamais les combats de classe. Ce vote (et cette abstention) est protestataire dans le sens qu’il exprime de façon éclatante des craintes extrêmement diffuses au sein du corps social. Comme nous l’avons vu plus haut, ces peurs débordent souvent dans l’irrationnel d’anciennes couches moyennes salariées repoussées peu à peu dans le prolétariat par la mécanisation de leur travail. Mais elles correspondent aussi à une détérioration bien tangible de plusieurs aspects de leur condition (l’alignement progressif programmé du régime de retraite des fonctionnaires à celui des travailleurs du privé a, à coup sûr, joué un rôle décisif) ainsi qu’à leur plus grande fragilisation sur le marché de l’emploi. Les secteurs les plus désespérés de la classe ouvrière, ceux qui ont subi de plein fouet les restructurations de la fin des années ’70 / début des années ’80, les chômeurs de longue durée, les prolétaires jetables en fin de carrière, etc. ont une nouvelle fois crié dans les urnes leur désarroi et leur isolement social et politique. Il est évident que les souffrances qui se sont exprimées si largement dans le vote du 29 mai ne doivent pas être assimilées les unes aux autres. Il y a en effet un véritable abîme entre le cadre déçu du fonctionnement plus qu’imparfait de l’ascenseur social, mécontent d’être de plus en plus attiré vers la condition prolétarienne et l’ancienne ouvrière du textile dans le Nord ou le travailleur licencié de Moulinex.

La douleur de ceux-ci n’indiffère pas les révolutionnaires, même lorsqu’elle s’exprime de la sorte. En revanche, il est évident que de cette douleur et, surtout, de ce sentiment diffus de défaite qui leur a fait choisir d’insérer un bulletin dans l’urne plutôt que de s’en prendre aux institutions de l’Etat (comme l’avaient fait les sidérurgistes lorrains en 1979) il n’y a, pour l’instant, rien à en tirer. Le prolétariat est capable de lutter pour ses intérêts seulement quand ses blessures se transforment en un efficace accumulateur de puissance, uniquement lorsque ses chaînes se muent en une formidable arme. La lutte de classe est bien davantage l’expression de la force sociale et politique des travailleurs que de leur détresse. Mieux, la détresse des travailleurs n’est utile que lorsqu’ils la dépassent par le déploiement de leur confiance en soi, comme classe indépendante de la société dont la vocation est de détruire toutes les oppressions.

2) Le caractère « social » du vote, maintes fois souligné par les observateurs, est incontestable. Mais le vote en n’est pas une simple transcription fidèle. Quoiqu’en la déformant par sa nature même, le vote (tout vote, à des degrés différents) relate, en revanche, de la perception, de la façon d’appréhender et de décrire la réalité sous-jacente des rapports sociaux. Peut-on assurément reconnaître que la simplicité du mécanisme référendaire, fondé sur une logique platement binaire (oui ; non à quelque chose … ou à « tout »), plaide pour le minimum de déformation. Le détail des motivations de chaque camp est tellement vaste qu’il est souvent mal aisé d’y déceler une tendance. Mais là n’est pas la question. Le point est que même en faisant abstraction des déformations mentionnées (bien réelles au demeurant), en assumant que le vote du 29 mai a fait état le plus pertinemment possible d’une colère partagée par la grande majorité de la population, on ne peut pas faire l’impasse des idées que cette colère a produites. Plusieurs de ces idées ont certes crû dans le bouillon de culture de l’exploitation et de l’oppression mais elles ne sont pas moins inutiles, voir, le plus souvent, nuisibles à l’éclosion d’un mouvement indépendant de la classe ouvrière. Un exemple : les délocalisations. La croyance commune, abondamment relayée par les politiciens bourgeois de tous bords, est que les délocalisations ont compté pour beaucoup dans la réduction de la surface de l’appareil manufacturier hexagonal. Le libéralisme (pire, l’ultralibéralisme) tant honni aurait ouvert les vannes du déplacement à l’étranger, vers des pays où les ouvriers sont mal payés et sans couverture sociale, de pans entiers des activités industrielles françaises. Ce diagnostic est purement et simplement faux. Des données en vrac :

a) « Environ 95 000 emplois industriels auraient été supprimés en France et délocalisés à l’étranger entre 1995 et 2001, soit en moyenne 13 500 chaque année. [Compte tenu d’incertitudes de comptabilisation], on peut retenir une fourchette large de 9 000 à 20 000 emplois délocalisés par an. A titre de comparaison, les suppressions d’emplois brutes annuelles dans l’industrie sont de l’ordre de 500 000. … En rythme annuel, 0,35 % des emplois industriels auraient été délocalisés chaque année entre 1995 et 2001, soit un peu plus d’un emploi sur 300 » (source : Délocalisations et réductions d’effectifs dans l’industrie française ? par Patrick Aubert et Patrick Sillard ; mai 2005)

b) En 2004, les investissements étrangers, plus de 50 milliards d’euros l’an passé (chiffre comparable à celui de la Chine) en France ont permis la création de 29 578 emplois dans l’Hexagone et d’en préserver 33 247 autres.

c) En Europe, en 2003, environ 21 % des emplois totaux crées en France dans le secteur industriel (dont 7 000 dans la construction automobile) sont issus d’investissements productifs d’origine étrangère. C’est le pourcentage le plus élevé en Europe. L’Hexagone accueille 16 % du total européen des investissements de cette nature, 2ème derrière le Royaume-Uni. (source : Ernest & Young).

d) Les effectifs français de seize grands groupes industriels du pays sont passés, grâce notamment à leur internationalisation, de 366 000 en 1995 à 432 000 en 2003. Si les gains de productivité effectivement réalisés (la productivité horaire dans l’industrie manufacturière française a progressé de 4,5 % en 2003, se traduisant par un recul moyen du coût horaire de la main d’œuvre de 1,9 %) n’avaient pas eu lieu, ils auraient été seulement 275 000 selon le Boston Consulting Group.

e) Les pays du Centre et de l’Est européen, censés « voler » des emplois aux Français, sont engagés dans un processus rapide de rattrapage des salaires par rapport à ceux pratiqués ici. Des preuves ? En Hongrie, les salaires ont augmenté d’un tiers durant la période 2001/2003. En République Tchèque, ils ont monté de 6 % en moyenne par an depuis 1997. (source : Courrier des Pays de l’Est)

Que dire pour terminer ? Les révolutionnaires ont encore beaucoup de boulot !

Bruxelles-Paris, 10 juin 2005.

Pour toute correspondance écrire, sans autre mention, à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique.

Consulter le site Internet de Mouvement Communiste : www.mouvement-communiste.com

(Pour des raisons techniques nous avons dû malheureusement supprimer du texte les tableaux qui l’enrichissaient mais vous les trouverez sur le site de Mouvement communiste : www.mouvement-communiste.com)

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