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Luciano Lanza : La ténébreuse affaire de la piazza Fontana

mardi 26 avril 2005

Luciano Lanza, La ténébreuse affaire de la piazza Fontana, Paris, Editions CNT-Région parisienne, 2005, 226 p., 14 euros.

Le 12 décembre 1969, une bombe explose devant une banque milanaise, tuant seize personnes et blessant une centaine de passants. Bien que les tueries gratuites ne relèvent pas de la tradition de combat de l’extrême gauche, la police s’oriente immédiatement sur cette piste à l’exclusion de toute autre. Le cheminot libertaire Giuseppe Pinelli et le danseur Pietro Valpreda, membre d’un groupuscule anarchiste infiltré par la police et l’extrême droite, sont arrêtés. Pinelli ne survivra pas à l’interrogatoire du commissaire Calabresi, dans la nuit du 15 au 11 décembre : il tombe de façon inexpliquée par la fenêtre du quatrième étage de la préfecture de police de Milan. Valpreda, opportunément reconnu comme auteur de l’attentat par un chauffeur de taxi aux ordres, effectuera trois années de prison injustifiées. Les médias déchaînés avalisent le " suicide " de Pinelli et accablent " le fou sanguinaire ", " la bête humaine " Valpreda et sa mouvance.

Militant libertaire, devenu un journaliste économique reconnu, Luciano Lanza, qui a vécu en témoin privilégié cette période, éclaire dans ce livre les faces cachées de ces événements délibérément travestis et manipulés. Ses investigations minutieuses démontrent la réalité, longtemps niée, de " massacres d’Etat " perpétrés par des groupes fascistes sous l’égide de responsables politiques avec la complicité des services secrets italien et américain. Les institutions policières et judiciaires se distingueront quant à elles par des années d’errements aboutissant à l’acquittement général des coupables d’extrême droite. Imaginé avant 1968 pour contrer le " péril communiste " par Federico D’Amato, chef du bureau des affaires réservées du ministère de l’intérieur, membre de la loge P2 et Yves Guillou alias Guérin-Serac, néo-fasciste français, ce 12 décembre 1969 inaugurait la " stratégie de la tension ". Le principe clairement exprimé dans un document intitulé " Notre action politique " consiste à réaliser des attentats meurtriers dans des lieux publics et à les revendiquer au nom de l’extrême gauche. " Quand on les frappe et qu’ils ne peuvent pas se défendre, les petites gens vont réclamer un Etat fort ", déclarera Delfo Zorzi, un néo-nazi qui a avoué à deux reprises avoir participé à l’attentat de la piazza Fontana.

Durant les années suivantes, une longue série d’actions criminelles propagent la terreur en Italie, le dernier attentat tuant quatre-vingts voyageurs à la gare de Bologne en août 1980. En réaction, vers le milieu des années 70, les Brigades rouges commettront des attentats ciblés contre des magistrats, des politiciens, des militaires ou des patrons. Bien que n’atteignant pas le tiers des victimes du terrorisme noir, ce terrorisme rouge recevra un traitement bien différent de celui des comploteurs fascistes. Exploitant l’émotion créée par l’assassinat d’Aldo Moro, de nombreux militants de gauche seront arrêtés, de lourdes peines prononcées et d’inlassables poursuites engagées. Cesare Battisti en est l’une des dernières victimes.

La pièce du prix Nobel de littérature Dario Fo, Mort accidentelle d’un anarchiste, a pérennisé l’injuste destin de Pinelli tandis que l’ouvrage de Luciano Lanza - le seul actuellement disponible en français sur le sujet - permet de connaître la vérité trahie de ces " années de plomb ".

HF

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