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35 heures : la droite enlève le fard aux lois Aubry

vendredi 11 février 2005

Tract de Mouvement communiste diffusé à la manifestation du 5 février

Les modifications qu’apporte le gouvernement Raffarin aux lois Aubry sur la Réduction du temps de travail (RTT) ne sont pas indolores. Faut-il, pour autant, les comprendre comme une remise en cause radicale de la RTT couleur rose PS ? `

Absolument pas. La dite réforme de la droite n’est autre que l’aménagement de certains points des lois Aubry jugés trop rigides par certaines catégories du patronat français. Elle s’inscrit pleinement dans la continuité de cette législation issue du PS qui a encouragé la modération salariale dans les entreprises où elle a été appliquée, accru sensiblement la flexibilité du temps de travail et ouvert la chasse aux temps morts au boulot. Mais revenons aux lois Aubry. A quoi correspondent-elles ?

Il n’y avait jamais eu de grève pour obtenir la RTT, voilà qu’un gouvernement s’engageait à nous l’accorder. C’était louche. Et très vite, tout travailleur conscient en a compris la nature :
- La loi fixait l’horaire légal à 35 heures hebdomadaires sur l’année … tout en introduisant la variabilité des horaires, non plus définis sur une base hebdomadaire mais annualisés ;
- Les pauses acquises n’étaient plus comptabilisées comme temps du travail ;
- On instituait plusieurs SMIC ;
- On donnait davantage de liberté aux entreprises pour négocier des accords spécifiques ;
- Le nombre d’heures supplémentaires payées avec un taux majoré diminuait ;
- Les patrons recevaient l’autorisation de fixer les dates de congés en fonction des exigences de la production.

Créditées par les plus optimistes d’avoir créé 350 000 emplois nouveaux, en réalité, les deux lois Aubry de 1998 et 2000 n’ont guère permis de résorber le chômage, dont le taux est encore proche du dixième de la population active.

Par delà le mythe entretenu par la gauche bourgeoise, les 35 heures ont servi à soumettre davantage l’utilisation de la force de travail aux impératifs du capital. Et cela au moindre coût. Si les représentants de la gauche du capital avaient annoncé d’emblée toutes ces mesures, certains syndicats (pas la CFDT, qui a été l’un des premiers inspirateurs de la loi) auraient eu du mal à rester si discrets face aux interrogations des travailleurs. En revanche, en mettant en avant le seul argument positif de la réduction du temps de présence au boulot, les syndicats ont eu la partie facile. De plus, la nouvelle loi leur permettait de multiplier les échéances de négociation (leur véritable raison d’être) et d’étendre leur présence sur les lieux de travail.

C’est ainsi qu’on n’a pas eu un mouvement général contre ces lois, mais plutôt des luttes, entreprise par entreprise, pour en obtenir " une meilleure application ". Une multitude d’accords ont été signés par les syndicats. La CFDT s’est affirmée comme la grande gagnante de ce jeu, suivie de près par la CGT et FO, à quasi égalité.

Côté patronal, seuls les petits commerçants et les PME ont traîné des pieds, eux aussi avec succès, car, dans ces secteurs, les 35 heures sauce Aubry n’ont jamais été appliquées. Une fois compris l’esprit et la lettre de ces lois et appris qu’elles allaient leur servir sur un plateau d’argent des jolis avantages pour pas cher, les patrons des grands groupes (à l’exception près d’Edouard Michelin, digne fils de son père) se sont empressés d’obtenir des accords d’entreprise. Les aides de l’Etat et la possibilité de répercuter le coût d’éventuelles baisses d’horaires sur les salaires ont ajouté la fameuse cerise sur le gâteau.

Aujourd’hui, alors que la droite rouvre la querelle des 35 heures, la plus grande partie des sociétés qui comptent dans ce pays, à l’instar de Renault et de Peugeot SA, affirment que les mesures mises en place par les accords d’entreprise existants leur suffisent amplement. Preuve, s’il en est, que cela ne doit pas être bien bon pour les travailleurs ….

Beaucoup de grandes firmes ont institué d’amples fourchettes horaires, réintégré le travail du samedi dans les horaires normaux, comme chez Renault et Citroën. Au total, quand on y regarde de plus près, la durée effective du travail hebdomadaire est, dans la plupart des cas, plus élevée après l’application des 35 heures signées Aubry qu’avant.

Plus le travail comporte de tâches pénibles et répétitives, davantage on ressent les effets négatifs de cette législation. D’après les sondages, les ouvriers d’usine sont plus mécontents de la RTT que les employés, les techniciens ou les cadres.

Des nouveaux cadeaux aux patrons de PME…

Maintenant, le gouvernement de droite veut revenir sur les maigres avantages de cette législation en jouant du sophisme débile : " Il faut travailler plus pour gagner plus." Comme si, dans la société capitaliste, ceux qui ont le plus de fric étaient ceux qui travaillent le plus ! Alors, exerçant leur rôle institutionnel d’opposants de Sa Majesté, syndicats et partis de gauche montent au créneau en criant comme des fous, oubliant vite que ce sont eux qui ont conçu et/ou entériné cette attaque à la condition des travailleurs.

Quelles sont donc les modifications que le gouvernement actuel fait adopter ?

- Les salariés peuvent accepter volontairement de travailler plus, au-delà du contingent d’heures supplémentaires. Mais le volontariat pour un salarié, c’est quoi ? De plus, la rémunération supplémentaire versée pour ces heures sera définie par le biais d’accords d’entreprise et de branche, avec, pour conséquence, des taux de majoration différents d’une société à l’autre, en fonction du rapport de force à ce moment-là.

- On donne la possibilité de céder au patron les jours de RTT et de congés en échange d’une rémunération supplémentaire. Aucune précision n’est donnée sur le taux de cette rémunération, qui lui-même doit être négocié avec les syndicats. Enfin, dans les limites légales européennes (quatre semaines de congés payés), aucune borne n’est établie sur le nombre de jours autorisé à céder chaque année.

- On prolonge de trois ans l’autorisation pour les PME de rémunérer les heures supplémentaires avec une majoration plafonnée à 10 % et pas à 25 %. Dans cette catégorie d’entreprises, le rachat des jours de RTT ne va pas nécessiter un accord préalable avec les syndicats. Une entente individuelle entre le salarié soi-disant volontaire et son patron suffira.

Avec les modifications du gouvernement actuel, qu’adviendra-t-il de la législation Aubry ? Pour les salariés, il n’en restera que les aspects négatifs liés à l’assouplissement du Code du travail et à la flexibilité. Voilà une démonstration parfaite de la façon dont la gauche du capital et la droite se partagent les tâches pour aggraver les conditions d’exploitation.

Avec les lois Aubry, la gauche a créé des meilleures conditions réglementaires et légales pour que le régime de l’exploitation se renforce dans ce pays. Son action spécifique a consisté à aggraver, au moyen de l’application de sa traditionnelle pommade idéologique, la condition des travailleurs. Les syndicats, y compris ceux qui sont restés discrets lors de l’adoption de ces lois anti-ouvrières, se mobilisent aujourd’hui pour " défendre cet acquis social face aux attaques de la droite ". Pourtant, la droite revenue aux affaires ne fait qu’ôter aux 35 heures à la mode Aubry une partie de leur maquillage rose. Ceux qui ont cru et croient encore que les capitalistes peuvent, gentiment, en l’absence de luttes ouvrières autonomes, satisfaire les revendications, y compris les plus élémentaires, des exploités ne sont que des naïfs dangereux. Dans ce cas, ces gens partagent la responsabilité d’avoir contribué à ouvrir le chemin emprunté aujourd’hui par la droite.

Mouvement Communiste Bruxelles-Paris, le 5 février 2005. Pour toute correspondance écrire (sans autre mention) à : BP 1666, Centre Monnaie 1000, Bruxelles 1, Belgique.

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