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Islam politique contre laïcité

samedi 30 octobre 2004

Azar Majedi (Intervention au colloque "Islam contre Islam "le 30 novembre 2004)

Le thème choisi pour votre réunion d’aujourd’hui « Islam contre Islam » me semble fort intéressant. Qu’un croyant critique les croyances a un petit côté ironique et stimulant. En ce qui me concerne, je ne suis pas musulmane, mais athée. Cependant, j’ai vécu dans un pays de l’Islam ; je possède une expérience de première main de l’islam. Je suis née de l’union entre une mère pratiquante et un père athée, donc au beau milieu d’un conflit religieux. Dès mon enfance, j’ai commencé à percevoir les vices fondamentaux, les atteintes à la liberté, la misogynie, l’arriération, le dogmatisme, la superstition et l’absence de sens critique de l’islam qui contrastent avec l’ouverture, la culture de l’athéisme libre-penseur. Je suis athée depuis l’âge de douze ans.

Après l’échec de la révolution iranienne, l’instauration de la République islamique a dévoilé bien d’autres aspects terrifiants et cruels de cet islam que nous appellerions plus tard « l’islam politique. » Il ne s’agissait plus seulement d’une doctrine fondée sur un dogme ou la superstition. Mais d’un système politique reposant sur la torture, les exécutions sommaires, la lapidation, les amputations et le rapt de fillettes de neuf ans en vue de les marier. Un autre visage de l’islam ? Peut-être. Mais un visage bien réel, hélas ! En Iran, en Afghanistan, en Arabie saoudite, au Soudan, au Nigéria et en Irak, des millions de personnes font l’expérience quotidienne de cet authentique visage de l’islam. Depuis l’avènement de la République islamique en Iran, nous assistons à une renaissance de l’islam en tant que mouvement politique, à l’émergence de l’islam politique. Je préfère ne pas utiliser des termes comme « fondamentalisme » ou « intégrisme » pour qualifier ce mouvement. Aujourd’hui nous avons affaire à un courant politique qui puise son cadre idéologique et sa vision du monde dans l’islam. Il ne s’agit pas nécessairement d’un mouvement sophistiqué sur le plan théorique et doctrinal, mais il rassemble plusieurs tendances islamiques aux positions variées. En fait, ce mouvement politique cherche à devenir hégémonique et à conquérir au moins une partie du pouvoir au Moyen-Orient et au Proche-Orient, en Afrique du Nord et dans les communautés musulmanes. Pour combattre la laïcité au sein des sociétés occidentales, ces islamistes prétendent hypocritement défendre la liberté vestimentaire, alors qu’ils s’opposent en réalité à l’interdiction du port du hijab dans les écoles et pour les mineures. Ces mêmes individus soutiennent ceux qui, en Iran, en Afghanistan, en Irak et en Algérie jettent de l’acide au visage des femmes non voilées, les défigurent et les blessent à coups de couteau et de rasoir, et les fouettent si elles ne respectent pas leur code vestimentaire. Ils appartiennent tous au même mouvement politique. Et ce mouvement constitue une menace pour l’humanité, menace contre laquelle toutes celles et tous ceux qui aiment la liberté et recherchent l’égalité entre les êtres humains se doivent d’adopter une position ferme et intraitable. L’expression « L’islam contre l’Islam » peut aussi suggérer la nécessité de rechercher les moyens moyen de réformer l’islam et de recourir à des interprétations dites « modérées » de sa doctrine. Pour ce qui concerne les croyances personnelles, privées, une telle démarche n’est pas à exclure. Mais il est impossible qu’elle s’applique à un mouvement politique et notamment à celui de l’islam politique. Aujourd’hui, nous nous trouvons face à un mouvement qui terrorise l’humanité et dont nous sommes les premières victimes - ce mouvement ne peut être réformé car il recourt à la terreur comme moyen principal d’accéder au pouvoir. Mon expérience en Iran montre que la seule façon de traiter ce courant politique, c’est de le renvoyer et de le cantonner dans la sphère privée et de lui couper les mains - celles avec lesquelles il s’est emparé de l’Etat, de l’éducation et de la société. Pour ce faire, il nous faut édifier un mouvement puissant non seulement dans la zone géo-politique concernée mais aussi dans le monde entier.

Durant le bref temps de parole qui m’est imparti, je souhaite préciser quelques idées qui, selon moi, sont susceptibles de servir de base à un front uni international contre l’Islam politique, front qui contribuera à améliorer ce monde dans lequel nous vivons, à lui conférer plus d’humanité et à le rendre plus sûr.

Il nous faut séculariser la société et ses institutions afin qu’elles ne subissent plus le joug de la religion. L’Histoire nous a prouvé le bien-fondé de ce combat contre l’Eglise, combat qu’il faut reprendre aujourd’hui face aux avancées de l’Islam politique. En Iran, la voix en faveur de la laïcité se fait entendre de façon de plus en plus véhémente. Dans ce pays qui constitue le fief de l’islam politique depuis vingt-cinq ans, se dessine un fort mouvement en faveur de la laïcisation de la société. Et, en Occident comme en Orient, nous brandissons fièrement cet étendard. Il nous faut en effet redonner une nouvelle vie à l’esprit du XVIIIe siècle, celui des Lumières et de la Révolution française.

La lutte pour l’universalité des droits de l’homme et des droits de la femme est une cause primordiale. Au cours des deux dernières décennies, les islamistes ont été largement aidés par les partisans du multiculturalisme, ce que les Anglo-Saxons appellent aussi le « relativisme culturel ». En prenant fait et cause pour ce concept raciste, les universitaires, les médias et les gouvernements occidentaux ont fermé les yeux sur les atrocités commises par l’islam politique, ce mouvement misogyne et réactionnaire, non seulement dans ce qu’il est convenu d’appeler « le monde musulman » mais aussi dans les communautés musulmanes occidentales. Apparemment, selon cette conception, certains droits ne s’appliquent qu’aux femmes occidentales et pas à celles qui, comme moi, sont nées dans une autre partie du globe.

Au nom du « respect » arbitraire des cultures ou des différences, on a justifié le port du hijab et la ségrégation sexuelle et transformé les femmes en citoyennes de seconde zone. La violation des droits fondamentaux d’une femme, jugée inadmissible lorsqu’elle touche une Occidentale, apparaît désormais parfaitement justifiée si elle vise une femme née dans un pays de l’Islam. Il faut absolument mettre un terme à cette politique du « deux poids, deux mesures », à cette violation brutale des principes humanistes ! Je dois admettre cependant qu’un grand coup a été porté à l’islam politique. Il faut dire que nous les combattons depuis plus de dix ans.

La défense des droits de l’enfant doit s’étendre à tous les domaines impliquant des croyances religieuses. Voiler des filles mineures doit être interdit non seulement dans les écoles mais partout. Voiler les enfants constitue une violation très claire de leurs droits universels. Tout comme nous luttons pour l’instruction obligatoire, l’abolition du travail des enfants et celle des châtiments corporels, nous devons imposer l’interdiction du voile pour les mineures. Cette revendication possède la même signification que n’importe quel autre droit fondamental reconnu à l’enfant. Le hijab prive la fillette ou l’adolescente d’une vie normale et heureuse, d’un développement physique et mental, sain et cohérent ; il place son existence sous le signe de la différence et de la ségrégation. On détermine ainsi deux groupes de comportements en fonction du genre et on les impose à des enfants qui n’ont aucun moyen personnel de se protéger et d’exiger l’égalité et la liberté. Les enfants n’ont pas de religion à leur naissance : le hasard les fait naître au sein d’une famille religieuse ou pas. La société a donc le devoir de les protéger et de défendre leur droit à l’égalité parmi les êtres humains.

La fermeture des écoles religieuses représente un autre combat essentiel. Elle constitue en outre un principe fondamental pour un Etat laïc et assure la protection des droits de l’enfant. Les enfants ne doivent subir aucun enseignement ou endoctrinement religieux. Il faut éradiquer l’emprise de la religion sur la vie des enfants. A ce sujet, la nouvelle loi qui, en France, vise à interdire les signes religieux ostensibles dans les administrations et les établissements scolaires publics, représente certainement un pas en avant. Mais elle est insuffisante. Si l’on veut protéger les droits de l’enfant, il faut fermer les écoles privées confessionnelles. Sinon, nous contribuons à créer des ghettos religieux ; nous mettons à l’écart du reste de la société les enfants issus de familles pratiquantes ; et nous les condamnons à une vie entière d’isolement. La nouvelle loi constitue une échappatoire facile pour l’Etat français. Mais nous ne pouvons rester indifférents au sort qui guette la vie de ces enfants. La société et l’Etat ont le devoir de protéger les droits des garçons et filles mineurs. Ces enfants doivent avoir le droit de s’intégrer à la société, de se rendre à l’école comme n’importe quel autre de leurs camarades et d’échapper à l’emprise de la religion, tout au moins tant qu’ils sont mineurs.

La reconnaissance du droit inconditionnel à la liberté d’expression et à la critique constitue un autre pilier fondamental d’une société libre et de la libre pensée. Critiquer l’islam permet de combattre toutes les idéologies religieuses qui veulent dominer la société. Nous avons besoin de critiquer l’islam et nous devons le faire constamment, sans crainte de nous faire décapiter (comme cela se passe dans les pays où règne cette religion) ou bien d’être taxés de racisme, comme cela se produit en Occident. Quant à l’« islamophobie, » ce nouveau terme a été façonné par les islamistes et par leurs défenseurs afin de freiner le mouvement critique qui ne cesse de croître envers l’islam et les mouvements islamistes. Ce mot est aussi hypocrite que rétrograde.

J’aimerais que vous preniez tous conscience de l’importance et de l’urgence de réclamer la laïcisation de l’Etat et de la société, la fin de toute domination religieuse dans l’espace public, le droit inconditionnel à la liberté d’expression et à la critique, la reconnaissance de l’égalité pour les femmes ainsi que celle de l’universalité de leurs droits, l’interdiction du voile pour les mineures et la fermeture des écoles privées confessionnelles. Nous devons fièrement brandir cet étendard afin de construire un monde meilleur, plus sûr, plus libre et plus égalitaire.

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