mardi 10 mars 2020
* Imaginez ! Depuis quarante-cinq ans, en tant que juif et marxiste révolutionnaire, j’attends ce débat, cette discussion. Ce retard est lui-même révélateur du refus de la gauche d’aller au-delà des platitudes, souvent écœurantes, lorsqu’elle traite des Juifs. Laissez-moi vous expliquer quel est mon sujet ici : ce n’est pas le sionisme, mais plutôt l’antisionisme et l’anti-impérialisme des imbéciles. Et je parle en tant qu’anti-impérialiste. Il y a plus d’un siècle, August Bebel, le marxiste allemand, inventa l’expression « socialisme des imbéciles » pour désigner les premiers socialistes qui assimilèrent le capitalisme mondial au judaïsme mondial. À mon avis, une grande partie des antisionistes actuels colportent des caricatures et des mythes qui sont tout aussi insensés et dangereux. Ces deux idéologies, l’antisionisme et le socialisme des imbéciles, calomnient les Juifs, tous les Juifs, et ne contribuent en rien à faire avancer la lutte absolument justifiée des Palestiniens pour se libérer de l’hégémonie israélienne. Et oui, je pense que l’antisionisme et l’antisémitisme devraient être traités séparément sur les plans conceptuel et politique. Cependant, c’est le discours dominant dans la gauche et l’extrême gauche modernes qui a permis à ces deux positions de fusionner en un discours antipolitique et grotesque. Ce qui le rend encore plus grotesque, c’est que, avant le triomphe du sionisme (et avant la création d’Israël), circulait déjà une autre calomnie antisémite (présente souvent dans la mythologie stalinienne) : celle du Juif déraciné, cosmopolite, dépourvu de patrie et qui n’est loyal envers aucun État. Dans tous les cas, le Juif est donc damné. Le langage de la damnation, du feu et de l’eau de l’enfer convient parfaitement, puisqu’il provient d’une tradition chrétienne-impérialiste, responsable de l’antisémitisme comme de l’islamophobie.