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Le revenu universel ne contribue pas à l’émancipation des travailleurs

samedi 6 mai 2017

* “Money can’t buy me love”

Une partie de la gauche radicale considère la revendication d’un revenu de base universel comme un instrument pour :

1. “faire réfléchir les gens” aux possibilités productives et à la distribution de la richesse dans le régime capitaliste ; 2. unifier autour d’une demande commune une classe ouvrière fragmentée et atomisée.

Nous ne pensons pas que cette revendication soit utile, pour les raisons suivantes :

• Le point de départ est problématique. Dans le système capitaliste, le revenu individuel dissimule le fait que nous dépendons les uns des autres pour vivre. En particulier, le salaire travestit une relation d’exploitation en un “accord équitable”. Le capital et l’Etat se présentent comme les forces sociales productives qui nous accordent un revenu individuel - alors que c’est notre travail social à tous qui nous fait vivre. La coopération sociale des travailleurs apparaît comme pouvoir du capital et de l’Etat. La revendication d’un revenu de base universel ne met pas cela en question. Par conséquent, cette revendication ne nous aide pas non plus à découvrir le pouvoir social qui pourrait s’opposer à celui de l’Etat et du capital. L’idée est séduisante, mais elle est boiteuse - même dans un sens réformiste. • Le revenu de base universel ne met pas en question les hiérarchies au sein de la classe ouvrière. La division du travail est hiérarchique : certains nettoient des saletés toute la journée pendant que d’autres développent des logiciels ou préparent un doctorat. Certains restent isolés chez eux tandis que d’autres rencontrent des gens au travail. De plus, la revendication d’un revenu de base est généralement formulée dans un cadre européen, ce qui ne fait que renforcer les inégalités au sein du prolétariat mondial. Enfin, l’insistance sur un revenu général ne met pas en cause le caractère destructeur (des hommes et de la nature) de la production capitaliste. • Le revenu universel s’adapte parfaitement à la restructuration de l’Etat providence - ce n’est pas un hasard si la classe dirigeante soutient l’idée d’une simplification des prestations sociales. En Allemagne, dans les années 90, une partie de la gauche (pas si) radicale mettait en avant la revendication de 1500 marks par mois - environ 1400 euros en termes actuels. C’est beaucoup pour quelqu’un qui est en bonne santé, qui vit dans un squat et n’a pas d’enfants. Mais si l’Etat avait nivelé les revenus de tous les prolétaires non actifs (retraités, malades, chômeurs) à 1500 marks, cela aurait représenté d’importantes économies en termes d’argent et de bureaucratie ! • La revendication d’un revenu de base universel est fondée sur une relation pourrie entre la classe moyenne de gauche et la classe ouvrière. L’idée selon laquelle “le revenu universel, en donnant plus de temps et de sécurité aux travailleurs, leur permettra d’être plus actifs politiquement” suppose que les “activistes” sont les principaux acteurs sociaux. Cette conception est dans la continuité historique de l’approche paternaliste et abstraite des “revendications transitoires” qui sont censées élever par magie la conscience de classe : les travailleurs sont un peu lents et ils sont divisés, il faut les unir derrière une revendication qu’ils comprennent - nous leur expliquerons le reste en cours de route. Allez vous faire voir !

Il n’y a pas de solution toute faite. Il nous faut partir de ce que les travailleurs font déjà et des divisions matérielles au sein de la classe. Ces divisions ne peuvent être surmontées par des mesures politiques mais seulement par et dans la lutte. Il n’y a pas de mal à formuler des revendications, mais la question de l’organisation et de l’extension de notre lutte dans les conditions actuelles est bien plus fondamentale. Nous devons analyser les liens organiques entre le chômage, le travail reproductif, les boulots précaires, le pouvoir collectif sur les lieux de travail - en tant que travailleurs et co-militants ! C’est dans ce but que nous distribuons notre journal devant les agences pour l’emploi, les entrepôts, les usines et les logements sociaux et que nous essayons d’établir des liens entre les réseaux de solidarité dans les quartiers et les groupes militants sur les lieux de travail.

Une stratégie révolutionnaire commune doit partir des luttes actuelles. Qu’y a-t-il de commun entre les grèves de la faim dans les prisons, les protestations contre les sanctions à l’encontre des bénéficiaires de prestations sociales, les émeutes contre les violences policières racistes / anti-pauvres, les manifestations contre les expulsions de migrants, les “grèves de femmes” contre les mesures sexistes / anti-pauvres prises par l’Etat, les grèves des chauffeurs de Uber ou des travailleurs des fast-food, le mécontentement des travailleurs de l’industrie ? Où les différents segments de la classe se rencontrent-ils - et qu’est-ce qui les empêche de se rencontrer ? Regardons dans le miroir…

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