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Bourseiller ou le Baiser du serpent

lundi 3 mai 2004

Le même procédé diffamatoire à propos de l’article du Parti communiste international est repris dans le dernier livre de Christophe Bourseiller sur l’Histoire de l’ultragauche (Denoël, 2003, page 203) où notre journaliste écrit à propos de « Auschwitz ou le Grand Alibi » cette phrase incroyable « Six millions de morts, une mystification ? » reprenant, en le séparant de son contexte, un seul mot (« mystification ») d’un raisonnement qui n’a rien à voir avec une quelconque remise en cause du nombre de Juifs assassinés. Le style du pamphlet « bordiguiste » peut ennuyer ou choquer profondément son lecteur, il n’a cependant rien d’antisémite. L’auteur de cette brochure controversée ne nie à aucun moment la réalité des chambres à gaz ni la barbarie nazie, donc l’indignation de Bourseiller est malveillante et calomniatrice. D’ailleurs, on peut se demander, dans la mesure où les seules deux citations évoquées par Bourseiller sont extraites du premier et du dernier paragraphes de l’article en question, si notre journaliste pressé l’a vraiment lu, tant il se révèle incapable d’en présenter le contenu sérieusement.

Le propos du militant de la Gauche communiste italienne qui a écrit « Auschwitz ou le Grand Alibi » est tout autre : pour le PCI, démocratie et fascisme sont deux formes de domination du capital ; il se refuse donc à choisir entre deux formes de barbarie, à trouver l’une meilleure que l’autre ; cependant ce n’est pas pour se réfugier dans une attitude neutre (genre trafiquant de marché noir, collabo ou délateur), mais parce qu’il voit un troisième choix : la révolution sociale. On peut être en désaccord avec ce type de raisonnement, le critiquer, le trouver utopique, mais encore faut-il le restituer honnêtement et le comprendre.

Comment Bourseiller peut-il écrire que selon, la Gauche communiste italienne, le nazisme serait « responsable » mais pas « coupable » du génocide contre les Juifs ? Une lecture rapide de ce passage du livre de Bourseiller peut d’ailleurs inciter un lecteur peu au fait des idées de la Gauche communiste italienne à croire que celle-ci serait négationniste. Cela n’empêche pas l’inénarrable Bourseiller de se contredire (et comme il le sait bien, lorsqu’on émet deux opinions contradictoires sur le même sujet c’est généralement la plus négative, et non la plus nuancée, qui s’imprime dans l’esprit du lecteur), et d’écrire quelques lignes plus loin : cette brochure ne « nie aucunement l’existence du génocide » mais est un « document profondément sombre et inquiétant » !

Alors, maintenant tout individu pessimiste sur le système capitaliste sera soupçonné de négationnisme… ? Difficile, pour un prétendu « spécialiste » de l’extrême et de l’ultragauche de traiter plus légèrement de questions aussi graves et d’embrouiller autant des questions déjà complexes ! On tremble devant l’utilisation qui sera faite de ce livre par des journalistes encore plus ignorants ou malveillants que son auteur. D’ailleurs tout cet ouvrage ressemble à un véritable baiser de la mort : Bourseiller proclame son admiration pour certaines idées révolutionnaires pour mieux les étouffer, les enterrer, les déformer et les calomnier.

(Y.C.)

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