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Une pause dans la crise ou l’amorce d’un nouveau boom économique ?

mardi 27 avril 2004

Deux choses paraissent pouvoir menacer l’hégémonie du dollar : la résistance des capitalismes concurrents (Europe et Chine) et la classe ouvrière américaine, dont la baisse du niveau de vie pourrait avoir atteint un point de non-retour. Article paru dans Echanges n° 107 (hiver 2003-2004).

Le 30 octobre, le département américain du commerce a annoncé que l’économie des Etats-Unis avait connu un taux annuel de croissance du PIB (1) de 7,2 % au cours du troisième trimestre 2003. Le 25 novembre, ce chiffre a été corrigé vers le haut, à 8,2 %. Du fait que ces statistiques sont constamment révisées, on peut se demander ce que cela signifie vraiment (la « productivité miracle » de la seconde moitié des années 1990 a presque disparu lors des révisions rétrospectives à la baisse après le crash de mars 2000).

Quelle que soit la situation, il est clair que l’administration Bush (2) pousse à tout stopper, dans sa stratégie électorale pour novembre 2004. On n’a pas besoin de croire en un « cycle commercial politique » pour reconnaître que le gouvernement américain dispose de suffisamment d’outils pour regonfler l’économie jusqu’à l’année électorale. Le plus connu dans l’histoire de ce type de stratagème fut la reflation (3) initiée par Nixon en 1971-1972, reflation basée sur le contrôle des prix et des salaires, sur la réforme du « système de Bretton Woods » (voir page 4) (signifiant une surcharge de 32 % sur les importations étrangères et une augmentation importante — pour cette période — des dépenses de l’Etat fédéral et du déficit public), ceci pour assurer sa réélection en 1972. Après quoi, l’inflation s’envola, le système de Bretton Woods s’écroula et les Etats-Unis et le monde plongèrent de 1973 à 1975 dans la récession économique la plus profonde depuis les années 1930.

Naturellement, Nixon se préoccupait des tendances à long terme qui pouvaient s’annoncer bien au-delà de sa stratégie électorale, mais le but de ce « cycle commercial politique » était de reporter la crise après les élections entraînant le maximum de souplesse pour « faire quelque chose » après avoir consolidé le pouvoir politique. Ce qui ne peut être contesté, c’est qu’il y eut trois années (2000-2003) de dégringolade des cours de bourse aux Etats-Unis et sur le marché boursier mondial ; des milliers de milliards de dollars s’évaporèrent et on assista à une « récession douce », de nouveau basée sur ces statistiques douteuses qui sont constamment manipulées à des fins politiques.

Le taux de chômage officiel de 6 % (4) dans la période 2001-2003 n’inclut pas le 1 % de la population américaine en prison, pas plus que tous ceux qui ont entièrement abandonné le marché du travail ou ceux qui travaillent à temps partiel (aussi peu que quelques heures par semaine) et qui voudraient bien travailler à temps complet. Si l’on inclut ces fractions de la population exclue des statistiques, le taux de chômage réel peut être estimé à environ 11 %. En réalité, 2 700 000 emplois ont disparu dans l’économie américaine depuis l’an 2000 et il n’y a eu depuis que très peu de modification dans les chiffres de l’emploi.

Il est tout aussi clair que depuis janvier 2001, Alan Greenspan (5) et la Réserve fédérale (la banque centrale des Etats-Unis) craignent la possibilité d’un crash déflationniste de grande ampleur suite à la fin du boom high-tech (dans lequel il fut découvert par exemple que 98 % des câbles en fibre optique posés au cours des années précédentes ne seraient jamais été utilisés). Le taux de la Banque fédérale (celui auquel cette banque prête aux établissements bancaires) est tombé en juin de 6 % à 1 % et tout le monde a emboîté le pas. A cela se sont ajoutées les réductions d’impôt de Bush pour les riches (environ 200 milliards par an) et l’augmentation rapide du déficit fédéral (estimé à 375 milliards de dollars (6) pour 2003) depuis le budget en équilibre obtenu (avec quelques astuces comptables) dans les dernières années du précédent président, Clinton (il est quelque peu comique de voir les Démocrates attaquer maintenant les Républicains pour ce déficit budgétaire énorme).

Finalement le déclin du dollar après 2002 (40 % contre l’euro, 10 % contre le yen) (7) vise à rendre les produits américains moins chers outre-mer, ce qui n’a pas encore réduit les 500 milliards de déficit de la balance américaine des paiements, mais a accru le coût des produits importés, ce qui devrait à brève échéance entraîner une inflation aux Etats-Unis En même temps, les Etats-Unis doivent emprunter quotidiennement 1,5 milliard de dollars pour couvrir ce déficit et couramment prendre 40 % de l’épargne mondiale (8).

L’estimation minimale de 2 000 milliards de dollars de dette (10 000 milliards détenus par les étrangers compensés par les 8 000 milliards investis par les Etats-Unis à l’étranger) signifie que le total de la dette étrangère américaine est déjà de 20 % du PIB, un niveau typiquement équivalent à celui d’un pays du tiers monde. Déjà, 1 % du PIB est consacré au paiement des intérêts dus au titre de la dette extérieure. L’euphorie actuelle du marché qui tend à faire croire que la dégringolade des dernières années est révolue est basée sur ces indices (parmi d’autres) d’une expansion sur le papier, qui n’a encore modifié aucune des tendances fondamentales d’une crise mais est plutôt basée surtout sur l’expansion des liquidités que nous venons de mentionner.

Malgré tout le battage de la fin des années 1990 sur la nouvelle économie et la « révolution » high-tech, il semble que la santé de l’économie américaine dépende encore de la bonne volonté et de la capacité des Américains à acheter des maisons et des voitures à crédit, exactement comme il y a quarante ans. Les trois quarts des profits des entreprises aux Etats-Unis généralement « paraissent bons » mais, comme les commentateurs de l’« école autrichienne » tels que Richebacher (9) l’ont souligné, ces résultats sont généralement acquis par le succès des licenciements et des réductions d’activité dans les firmes américaines.

La stratégie de base consistant à ouvrir le crédit a réussi à amener la dette des « consommateurs » américains au plus haut de tous les temps, à commencer par des mécanismes ingénieux de refinancement des emprunts hypothécaires, mettant des centaines de milliards de dollars de pouvoir d’achat aux mains de la classe moyenne, basé sur le développement d’une bulle de l’immobilier dans tout le pays (mais actuellement en train de plafonner). Cette bulle, comme la bulle du dollar, suivra le destin de la bulle high-tech plus tôt.

L’espoir de Greenspan et de Bush était que l’accroissement des dépenses de consommation maintiendrait l’économie en vie jusqu’à ce que les dépenses des firmes en capital fixe redémarrent, le schéma classique des précédents redémarrages après les récessions depuis la seconde guerre mondiale. Pourtant, avec les firmes américaines tournant à 75 % de leurs capacités et luttant encore pour sortir de leur endettement des années du boom, ces dépenses en capital fixe ne se sont pas encore vraiment manifestées. Un des meilleurs indices du manque de confiance des capitalistes dans la récente reprise est l’augmentation rapide du prix de quelques denrées de base (10) — un autre parallèle avec la reflation des années 1971-1973 —, augmentation emmenée par l’or, qui a augmenté de 20 % en 2003.

Les répercussions internationales

Il est maintenant important de se tourner vers les dimensions internationales de la « reprise » américaine qui sont encore perçues comme primordiales ici même aux Etats-Unis. Il y a quinze ans, le principal déséquilibre de l’économie internationale apparaissait entre les Etats-Unis et le Japon. Les marchandises japonaises conquéraient le marché intérieur américain et les dollars américains s’accumulaient à la Banque du Japon. Aujourd’hui, tout se focalise de plus en plus sur le déséquilibre de la balance commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, alors que l’activité de ce pays remodèle la division internationale du travail. Le moteur de base de la prospérité a été pendant des années les exportations de l’Asie vers les Etats-Unis en échange de réserves de dollars. On estime que la Chine, le Japon, Taïwan et la Corée du Sud possèdent à eux seuls 1 000 milliards de dollars ; la plus grande partie de cet argent est recyclée vers le marché des capitaux américains (par exemple la dette du gouvernement), ce qui rend possible un accroissement encore plus important du crédit et par suite de la consommation intérieure aux Etats-Unis.

Comme l’Europe dans les années 1950 et 1960, les puissances industrielles asiatiques permettent aux Etats-Unis de financer leurs déficits avec leur propre endettement extérieur (IOU). Des tendances similaires, mais pas à la même échelle sont toujours visibles aujourd’hui avec l’Europe et les détenteurs de dollars de l’OPEP (11).

Cette centralité du dollar dans l’économie mondiale est la principale énigme qui doit être élucidée si l’on veut tracer la voie d’une compréhension des futures possibilités d’accumulation. Le dollar a été en crise à partir de 1968, quand le système de Bretton Woods commença à s’effondrer, et il a survécu à cet effondrement (1971-1973) pendant trois décennies d’un pur et simple « dollar standard » (en contraste avec le précédent « gold exchange » (12) standard de 1944-1971). Pendant cette période, l’industrie américaine fut amenuisée, externalisée et vidée de son contenu. Avec l’émergence de la Chine, même les usines de la Maquiladora à la frontière du Mexique et des Etats-Unis sont délocalisées à Shenzhen (voir ci-dessous).

Les pays étrangers ont compensé les déficits américains pendant quarante-cinq ans, le prix de leur accession au marché intérieur américain. Les contre-tendances à une chute brutale du dollar incluent les investissements directs étrangers aux Etats-Unis (en partie pour contourner le choc en retour protectionniste prôné par quelques secteurs de l’industrie américaine tout comme par quelques organisations syndicales) et par le rapatriement des profits des investissement encore considérables des Etats-Unis à l’étranger. Mais aucun commentaire pour qualifier l’étendue du déclin économique depuis les années 1950 ne peut dissimuler le caractère de plus en plus fictif de l’économie américaine dans sa globalité et que les étrangers jugent comme « trop grande pour échouer ». Un indice montre cette tendance vers une économie de plus en plus fictive mieux que tout autre : l’indice « q » de Tobin (13), le concept bourgeois s’exprimant dans le taux de la valeur totale en capital fixe par rapport à son coût de remplacement.

Une étude montre que ce taux a fluctué autour de 1 pour tout le xxe siècle jusqu’à 1995, avec des déviations évidentes en dessous (la période de crise et de déflation des années 1930) et au-dessus (la période inflationniste des années du boom des années 1960 et 1970). De 1995 à 2002, l’indice q de Tobin pour le capital fixe américain est monté jusqu’au niveau vertigineux de 2,11. Le crédit rendant cela possible était largement développé par l’apport des étrangers. Une telle augmentation coexiste avec une augmentation similaire du dollar au cours des mêmes années, à la suite des années 1985-1995 de faible dollar. Les investissements étrangers dans des actifs en dollars après 1995 furent un « cercle vertueux » dans lequel des profits considérables (par exemple l’engouement pour le marché des actions) étaient alimentés par une croissance constante du dollar. Débutant en l’an 2000, le « cercle vertueux » se mua en cercle vicieux, l’effondrement du marché boursier se conjuguant avec la chute du dollar, de sorte que les investisseurs étrangers perdaient par les deux bouts. En 2002, les investissements directs aux Etats-Unis étaient devenus négatifs et le chef de la Banque centrale européenne, Wim Duisenberg, se demandait ouvertement si le déclin « inévitable » du dollar serait une retraite progressive ou une panique brutale.

Mais on ne comprend plus rien alors au seul problème de l’économie et il est essentiel de regarder la « politique » dans la critique de l’économie politique, pour tenter de voir jusqu’à quand les Etats-Unis réussiront à faire payer au reste du monde leur déclin et leur crise. Le succès ou l’échec en cela déterminera la durée de la reprise américaine présente « dans une croissance avec perte d’emplois ». Le problème fondamental pour le capitalisme américain est globalement dans la circulation de la masse de capital fictif (dans l’immédiat représenté par les 2 000 milliards de dette extérieure) qui s’est développée pendant plus de quarante-cinq années d’hégémonie du dollar ainsi subventionnée, rendant possible cette valorisation du capital en extrayant un montant adéquat de plus-value (nous ne considérons même pas ici les 1 000 milliards inconnus rattachés au marché global des dérivatifs (14) et à celui des hedge funds) (15). C’est la clé de la politique étrangère américaine dont le but est de briser toutes les barrières subsistant à une telle extraction de la plus-value. Elle s’est accomplie à travers les politiques néo-libérales du FMI et de la Banque mondiale, saignant à mort des milliards de gens dans quatre-vingts pays du tiers monde.

Cela s’est poursuivi par l’ouverture de l’ex-bloc soviétique et par un pillage extraordinaire de ses vastes ressources naturelles (dans le cas de la Russie seule), la plus grande chute démographique dans l’histoire moderne en temps de paix. Puis par l’ouverture de la Chine dont l’économie, après vingt années d’une croissance annuelle de 8 % à 10 %, est maintenant en danger de « surchauffe » par son absorption de tant de surplus en dollars. Cela s’est poursuivi par l’Alena (16), la zone de libre-échange avec le Canada et le Mexique, qui a maintenant l’intention de s’étendre à toute l’Amérique latine.

La politique américaine frappe maintenant à la porte de ce qui reste des blocs commerciaux, l’Europe et les puissances industrielles asiatiques, qui opposent des obstacles à l’espèce de pillage néo-libéral des actifs par un « gouvernement du monde des affaires » qui, aux Etats-Unis, a produit le meltdown (17) de la période postérieure à l’an 2000.

Les Etats-Unis ont pris un avantage important suite à la crise asiatique de 1997-1998, contraignant la Corée du Sud et d’autres pays à s’ouvrir pour des « réformes » (les études courantes estiment que 3,3 millions d’emplois dans le secteur des services émigreront des Etats-Unis vers l’Inde d’ici 2015, faisant de ce pays, concurremment à la Chine, une nouvelle source de pillage). Ils ont établi de fortes bases en Eurasie, avec des troupes installées de la Géorgie à l’Ouzbekistan (et la Pologne et la Roumanie concédant des bases américaines) et une politique visant à conserver les déficits commerciaux avec l’Europe, la Russie, l’Inde, la Chine et le Japon qui doivent rester soumis aux besoins de « la seule superpuissance restante » du monde. A moins que, ou jusqu’à ce que, l’Union européenne puisse développer une puissance politique et militaire correspondant à sa dimension économique, le plus grand obstacle à cette stratégie américaine de contraindre le reste du monde à subventionner son déclin est l’Asie et, finalement, la Chine (18).

Depuis la crise de 1997-1998, les puissances asiatiques ont tenté de bâtir un bloc commercial similaire à celui de l’Union européenne et de l’Alena qui impliquerait finalement une union douanière, une monnaie asiatique et quelque chose ressemblant à un Fonds monétaire asiatique indépendant du FMI (les Japonais ont fait des propositions à ce sujet, seulement pour être rembarrés par les Etats-Unis). Il est évident à chacun que les enjeux ultimes de cette stratégie sont de briser la dépendance de l’accès au marché américain et de l’accumulation de dollars en échange de marchandises qui en résulte. En conséquence (comme le fit le secrétaire américain du Trésor Robert Rubin lors du meltdown asiatique) les Etats-Unis ont ridiculisé de telles tentatives, tout juste comme ils ont pu constamment (à travers la Grande-Bretagne, l’OTAN et, plus récemment, dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak) agir pour entraver l’unification européenne.

Cette brève analyse n’a, jusqu’à présent, rien dit de l’autre obstacle potentiel à la gestion de la crise capitaliste américaine : la classe ouvrière américaine. C’est en partie parce que, depuis 1973, le capital américain a poussé à la diminution du niveau de vie de 80 % de la population américaine, sans rencontrer beaucoup de résistance. Un reflet de ce succès est la chute du taux de grève, tombé presque à zéro. Mais il est possible justement que cette attaque contre la classe ouvrière ait atteint un point qu’il ne puisse dépasser.

Les énormes pertes supportées par les fonds mutuels (fonds de retraite ou autres) des travailleurs ordinaires lors de l’effondrement des marchés boursiers, la disparition accélérée des retraites pour des millions de personnes, le coût exponentiel des soins de santé privés, les scandales financiers des firmes dans les années récentes (Enron, WorldCom, Tyco, etc.), l’écœurement croissant devant les indemnités payées à leurs hauts dirigeants par les entreprises mises au pillage (ou les 139 millions de dollars payés à Richard Grasso, ancien dirigeant du New York Stock Exchange) ont quelque peu érodé la base populiste de droite soutenant la politique néo-libérale d’austérité des trente dernières années. Les grèves des supermarchés et des transports de Los Angeles ont connu un mouvement de large sympathie populaire et un soutien que l’on n’avait pas vu depuis longtemps.

Pour ramener le salaire minimum aux Etats-Unis (6,50 dollars de l’heure) à son pouvoir d’achat d’il y a trente ans, il faudrait le porter à 18 dollars ; même une offensive modérée de la classe ouvrière pour regagner le terrain perdu dans ces trois décennies pourrait marquer la fin de l’empire du dollar.

L. G.

septembre 2003


ANNEXES

Le système de Bretton Woods

Les accords signés à Bretton Woods (New-Hampshire) en 1944 par quarante-quatre pays tentaient d’organiser un système monétaire international en réglementant les relations de change entre les monnaies nationales. Le Fonds monétaire international (FMI) créé à cette occasion devait, par un mécanisme compliqué, intervenir pour empêcher des fluctuations trop importantes des principales monnaies mondiales, qui devaient rester définies en relation à l’or ou au dollar lui-même basé aussi sur l’or (et seule monnaie convertible en or).

Le déséquilibre des échanges internationaux et l’accumulation de dollars hors des Etats-Unis entraîna la chute de ce système et l’abandon par Nixon en 1971 de la convertibilité or du dollar, ce qui rompait en même temps la relation du dollar avec les autres devises et entraîna une dévaluation de la monnaie américaine. Ce furent dès lors et jusqu’à aujourd’hui uniquement les marchés qui réglèrent les cours respectifs des monnaies (ce qui se définit par flottement, mais n’est pas exclusif de manipulations monétaires pour tenter de freiner les mouvements trop brutaux préjudiciables aux équilibres financiers).

De la Maquiladora à Shenzhen

Maquiladora est le nom donné à la zone frontalière du Mexique et des Etats-Unis, où nombre d’industries américaines furent délocalisées au cours des dernières décennies pour garantir des taux sans précédent d’exploitation des travailleurs émigrants de tout le Mexique et de toute l’Amérique centrale. Non seulement ces travailleurs ne bénéficiaient d’aucune protection sociale mais, à ces conditions de travail maintenues par une semi-dictature et la corruption, s’ajoutait la vie dans des bidonvilles insalubres. Pourtant, ces dernières années, des luttes avaient rendu moins rentable pour le capital américain l’exploitation de cette masse de main-d’œuvre proche des marchés des Etats-Unis, ce qui a entraîné l’exode des industries vers des pays plus « accueillants », dont la Chine.

Shenzhen fut en Chine la première « zone économique spéciale » destinée à permettre aux firmes occidentales d’exploiter l’inépuisable main-d’œuvre chinoise à des conditions sans équivalent dans le monde capitaliste. Limitrophe de Hong Kong, la ville est devenue une mégapole industrielle de plusieurs millions d’habitants dont le développement s’étend dans toute cette partie côtière du pays, drainant les esclaves salariés de toutes les campagnes du sud de la Chine.


NOTES

(1) PIB (produit intérieur brut) [GDP (gross domestic product) en anglais] est une sorte de fourre-tout où entrent un tas d’éléments, dont certains n’ont rien à voir avec la production de marchandises, et qui peuvent être manipulés à loisir. Bien que cet indice serve toujours de référence pour l’activité économique, les variations de, par exemple, l’indice de la production industrielle donnent une bien meilleure indication de cette activité.

(2) Il s’agit évidemment ici de Bush Junior, l’actuel président des Etats-Unis.

(3) Le terme « reflation » désigne un accroissement de l’activité économique engendrée essentiellement par l’injection de monnaie et de crédits.

(4) C’est un fait bien connu que le taux de chômage aux Etats-Unis est peu fiable car, calculé comme ailleurs sur la base de sondages, il élimine systématiquement le travailleur à temps partiel, même n’ayant travaillé qu’une heure dans la semaine. De plus, dans la période récente, outre les précisions apportées dans ce texte, la guerre d’Irak, mobilisant non seulement l’armée de métier mais également les réservistes de la Garde nationale (plus de 200 000 hommes encore sous les drapeaux et dont l’activité économique doit être assumée par des embauches, d’où la réduction présente du nombre de chômeurs).

(5) Alan Greenspan est le directeur actuel de la Federal Reserve Bank.

(6) Nous n’avons pas donné l’équivalent euro des sommes en dollars ; en gros, il y a peu encore on pouvait considérer que 1 dollar valait 1 euro, ce qui reste pratique pour de tels calculs, même à considérer la baisse présente du dollar.

(7) L’euro, d’abord unité de compte puis unité monétaire commune à différents pays de l’Union européenne. Lancée le 1er janvier 1999, elle était alors pratiquement en parité avec le dollar (1 euro pour 1 dollar) mais ce taux a décliné peu à peu pour atteindre celui de 0,80 euro pour 1 dollar, puis a remonté jusqu’à avoisiner aujourd’hui celui de 1,20 euro pour 1 dollar.

(8) Cela représente approximativement 45 milliards de dollars par mois. La mesure de la crise aux Etats-Unis peut être donnée par les derniers chiffres d’entrée de ce type de capitaux aujourd’hui. Les achats de titres américains divers avaient atteint 76 milliards en moyenne dans les six premiers mois de 2003 et 50 milliards en août. En septembre, ils n’ont atteint que 4,2 milliards de dollars, un incroyable retournement de tendance qui coïncide avec la dépréciation du dollar sur les marchés financiers.

(9) L’école autrichienne dont il est question ici représente une fraction des théories néo-libérales dont l’intention était de fournir des recommandations sur les politiques économiques à suivre pour enrayer le chômage et l’inflation des années 1970. Ces théories ont inspiré et inspirent encore les politiques économiques de la plupart des pays occidentaux depuis les années 1980. On peut juger, à la mesure de la crise actuelle, les résultats de telles orientations.

(10) Tout récemment, les cours des matières premières essentielles ont atteint des niveaux records (par exemple pour des produits aussi divers que le nickel (20 %), l’huile de palme (48 %), le coton (15 %), le soja (35 %) et le reste à l’avenant ). Comme d’habitude, les commentateurs cherchent d’autres raisons que celles venant des problèmes posés par l’évolution du capitalisme mondial ; par exemple, selon Le Monde du 13 novembre 2003, ce serait que « la Chine fait flamber les prix des matières premières ».

(11) L’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) [en anglais Opec (Organisation of Petroleum Exporting Countries)] est une sorte de cartel des principaux producteurs mondiaux, la plupart des pays arabes, ceux d’Amérique latine, d’Afrique et l’Indonésie, dont le but est de tenter une régulation des prix par un certain contingentement de la production.

(12) « Dollar standard », « gold exchange standard », voir encadré page 4 sur les accords de Bretton Woods. Ces termes définissaient les références pour la fixation du cours des monnaies nationales.

(13) Du nom de James Tobin, économiste néo-libéral américain qui a cherché des solutions pour réduire la pauvreté par la croissance et le plein-emploi et, ce faisant, a forgé une thèse de l’investissement productif concentrée sur les actifs productifs. L’indice « q » exprime le coût de remplacement du capital investi. Tobin est devenu célèbre pour sa proposition de financer mondialement les investissements en question par la taxation des transactions de change, dite « taxe Tobin », destinée soi-disant à décourager les spéculations et à renflouer les économies des pays pauvres, célébrée par les mondialistes de tout poil enthousiasmés par cette nouvelle mouture de réformisme keynésien.

(14) « Dérivatifs » - ou « produits dérivés » - désigne un marché boursier qui spécule non sur les titres mais sur des éléments de ces titres : les taux d’intérêts, les risques de change ou toute autre forme de risque concernant ces valeurs mobilières. C’est une sorte de marché libre parallèle peu réglementé où circulent des capitaux énormes.

(15) « Hedge Funds » c’est une autre forme de spéculation financière basée sur une sorte d’arbitrage entre capitaux engagés notamment dans les opérations sur les monnaies (on peut avoir une idée de l’ensemble des capitaux engagés dans toutes ces opérations boursières lorsqu’on constate que les seules opérations sur ces monnaies à l’échelle du monde atteignent plus de 50 fois la valeur du commerce des biens et des services dans une période donnée).

(16) Alena (accord de libre-échange nord-américain) [en anglais NAFTA (North American Free Trade Agreement)] conclu entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique pour la libre circulation des marchandises (pas des habitants) dont les Etats-Unis ont tiré le plus grand profit et qui a, par exemple, ruiné l’agriculture mexicaine. Les Etats-Unis exercent actuellement de fortes pressions sur les pays d’Amérique latine pour étendre ce « marché commun » à tout le continent américain, une sorte de réponse à la montée de l’Union européenne.

(17) « Meltdown » : nous avons conservé ce mot anglais qui exprime la désintégration (notamment du cœur d’un réacteur atomique, où l’arrêt du système de refroidissement entraîne la fusion des éléments de ce cœur).

(18) Ce problème semble prendre une grande dimension avec le développement récent d’un rapide développement des échanges entre la Chine et l’Inde dont les économies complémentaires pourraient effectivement être les éléments centraux de ce pôle asiatique redouté par les Etats-Unis.

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