mondialisme.org
Accueil du site > Ni patrie ni frontières > Islam, islamisme, "islamophobie" > L’essor de l’islam en France et ses conséquences politiques (...)

L’essor de l’islam en France et ses conséquences politiques négatives pour les mouvements ouvrier et féministe

lundi 12 janvier 2015

(Cet article a été écrit pour une réunion de l’Alliance for Workers Liberty en juillet 2005 et publié en 2008 dans la compil n° 2 de NPNF "Islam, islamisme et islamophobie". Depuis dix ans, la situation des musulmans en France s’est encore aggravée mais pour l’essentiel l’analyse me semble toujours valable. Seul bémol : je serais sans doute aujourd’hui un peu moins sévère vis-à-vis du concept d’"islamophobie", même si je préfère, en attendant de trouver une expression plus satisfaisante, parler de "racisme anti-musulmans." Il est en effet essentiel de ne pas adopter une attitude suiviste vis-à-vis du combat idéologique mené par l’ONU et les 57 Etats de l’Organisation pour la conférence islamique, comme le font beaucoup de libertaires, d’altermondialistes et de gauchistes. Ce combat étatique vise à généraliser des lois contre le blasphème, lois en vigueur déjà dans la moitié des Etats de la planète et 7 pays d’Europe dont l’Allemagne et le Royaume Uni. Il s’agit de ne pas se tromper de cible : ce qui doit être combattu ce n’est pas la critique des religions mais le racisme, les discriminations, vis-à-vis d’une catégorie de la population (racisée car de fait cette religion est surtout implantée dans certaines populations originaires d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord) . Il ne s’agit pas d’une "phobie" (sauf pour quelques crétins ou fascistes invétérés) : ce terme psychologisant et vague vise en fait à empêcher toute critique rationaliste et scientifique de l’islam et par extension toute critique des les religions, YC, 12/01/2015)

Personne ne sait exactement combien il y a de musulmans en France. Pour une raison très simple : la loi interdit de collecter des statistiques sur les convictions religieuses des personnes vivant sur le « territoire national ». Ceux qui cherchent à collecter des données sur ce sujet partent d’un point de vue assez arbitraire : ils étudient les statistiques concernant les immigrés ou les personnes naturalisées des personnes originaires des pays où l’islam est la religion d’Etat et ils leur attribuent le qualificatif de « musulmans ». Et leur attitude est de fait approuvée par de nombreux militants d’extrême gauche, politiciens, sociologues et journalistes qui considèrent que les Maghrébins, les Turcs et une partie des Africains sont automatiquement « musulmans », comme si c’était dans leurs gènes (1).

A partir de ces données approximatives, les démographes estiment que les « musulmans », ceux qui sont censés croire en Allah et se soumettre à sa loi, seraient aux alentours de 3,5 millions (les chiffres les plus délirants allant jusqu’à 5 ou 6 millions). Dans un pays de 65 millions d’habitants, 3,5 millions représente une « communauté » non négligeable, ce qui pousse certains à prétendre hardiment que l’islam serait devenu la « seconde religion » de France. Mais cette affirmation est bien téméraire car les spécialistes n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le nombre de pratiquants sérieux, c’est-à-dire celles et ceux qui prient cinq fois par jour, respectent les interdictions alimentaires, vont à la mosquée le vendredi et respectent le jeûne durant le mois de Ramadan. Selon les enquêtes, les musulmans pieux répresenteraient entre 20 et 70% de ces fameux 3,5 millions.

Si l’estimation basse est la plus proche de la réalité, alors on est bien loin de la mythique « deuxième » religion de France !

Quelles sont les sources d’information

sur l’importance de l’islam en France ?

S’il n’existe aucun recensement et aucune étude nationale scientifique sur les pratiques politiques et religieuses des musulmans en France, on trouve cependant un certain nombre de livres écrits par des journalistes ou des spécialistes des sciences sociales, mais ils ont tous un gros inconvénient lié à leur parti pris idéologique. Les journalistes ou les sociologues et démographes de droite dénoncent un « complot islamiste » mythique qui viserait à convertir non seulement la France, mais toute l’Europe ! Quant aux journalistes et sociologues de gauche, ils partagent les valeurs fondamentales du multiculturalisme et des politiques fondés sur le respect des « identités ». S’ils critiquent le néocolonialisme français, ils veulent aussi restreindre la laïcité, même s’ils prétendent être en faveur d’une « laïcité ouverte ». Ils oublient que le combat pour la laïcité en France s’inscrivait au départ dans le cadre d’une lutte du mouvement ouvrier pour l’égalité et contre la domination de l’Eglise catholique sur le système scolaire et dans l’espace public. Et ils feignent de croire que les « laïcards » n’étaient qu’une poignée de francs-maçons ou de libéraux bourgeois obtus et ils affirment que la laïcité serait aujourd’hui, au minimum, dépassé, quand ils ne l’accusent pas d’être islamophobe (sous-entendu raciste).

C’est ainsi que les partisans de la « laïcité ouverte » renoncent à défendre les droits des femmes (et même les libertés démocratiques), au nom de la fumeuse « liberté de choix » des jeunes filles de porter le foulard à l’Ecole.

Face à ces difficultés à la fois objectives et subjectives, seule une organisation révolutionnaire solidement implantée dans tous les quartiers ouvriers pourrait présenter un portrait plus précis de ce qui s’est passé au cours des 20 dernières années en ce qui concerne la classe ouvrière et sa composante dite « musulmane ». Cet article ne peut donc présenter qu’une vue très partielle, mais cependant utile car il nous semble que l’extrême gauche défend des positions très confuses sur les questions religieuses en général, et sur l’islam en particulier.

Comment certains falsifient le sens de l’Islam

et de la religion musulmane

En principe, l’islam est une religion. On ne devrait donc considérer comme musulmans que ceux qui la pratiquent. Mais de nombreux intellectuels multiculturalistes ou militants d’extrême gauche considèrent qu’être musulman serait quelque chose de « culturel », et pas spécialement religieux, qui relèverait de l’ « identité ». Et une fois ce mot prononcé, grâce à cette astuce assez grossière mais très répandue, plus rien n’arrête les tiersmondistes, les multiculturalistes et certains trotskystes dans leur raisonnement. Ils procèdent en 5 étapes :

1) Tout d’abord ils élargissent le sens du mot « musulman » et le transforment en une référence culturelle très générale ;

2) Une fois qu’ils ont opéré ce tour de passe-passe, le concept est suffisamment vague (et vide de contenu) pour qu’on puisse le remplir avec n’importe quoi. L’avantage de cette indéfinition initiale est qu’on peut changer à volonté, au gré des circonstances, le sens du mot « musulman ». En effet, comme chacun sait, les « cultures » changent fréquemment. Mais cette entourloupe a d’autres avantages :

– les interprétations successives de l’islam n’ont pas besoin d’être cohérentes entre elles

– ce concept nébuleux crée une unité idéologique fictive et factice entre des hommes et des femmes appartenant à des classes sociales opposées et ayant des positions politiques opposées. Après tout, ce sont tous des « musulmans », ils appartiennent tous à une même « communauté ». Et peu importe que toute cette construction soit bâtie sur du sable. –

3) Une fois que le concept fourre-tout de « musulman » est accepté dans le débat politique, toutes les personnes qui sont nées (ou dont les parents ou les grands-parents sont nés) dans un pays où l’islam était la religion dominante, toutes ces personnes sont obligées de se dire « musulmanes », même si elles sont athées ! Et si elles n’acceptent pas cette étiquette, elles sont considérées comme des traîtres, non seulement à leur religion supposée, mais aussi à leur patrie, leur peuple, leur culture et même leur prétendue « race » ou « ethnie ».

Malek Boutih (dirigeant de droite du Parti socialiste) et Fadela Amara (dirigeante de Ni putes ni soumises) sont deux personnalités dont les parents viennent d’Afrique du Nord. Leurs adversaires (le MRAP, les Indigènes de la République, le MIB, une partie des gauchistes, etc.) les considèrent comme des agents des « Blancs » parce qu’ils auraient trahi leur « religion » ou leur « communauté » supposée. Aux Etats-Unis, on appelle les Noirs qui sont vendus au pouvoir « blanc » des « cherios » (ce biscuit noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur) ; en France on appelle les « Arabes » proches du pouvoir ou du PS, des « bounty ».

4)La quatrième manipulation consiste à mélanger et confondre la question bien réelle du racisme anti-maghrébin ou anti-africain avec une imaginaire « islamophobie ».

5) Et la cinquième étape consiste à obliger tous les « non-musulmans » (pour parler comme Tarik Ramadan qui divise l’humanité en deux catégories : les « musulmans » et les « non-musulmans ») à se définir comme islamophiles, voire comme musulmans. C’est ainsi que Socialisme par en bas, groupe proche du SWP britannique et entré par la suite à la LCR, s’était montré particulièrement créatif en imaginant ce slogan qui barrait la première page de son journal : « Nous sommes tous des musulmans » !

La boucle est donc bouclée : les multiculturalistes de gauche commencent par déformer le sens d’une notion fondamentalement religieuse et pour finir ils voudraient que tous les gens de gauche et d’extrême gauche se considèrent par solidarité comme « musulmans », sous peine d’être taxés de racistes.

Cri des opprimés ou opium du peuple ?

Les marxistes révolutionnaires défendent souvent une position schématique sur la religion, qu’ils réduisent soit au « cri des opprimés », soit à « l’opium du peuple ».

Ceux qui considérent la religion surtout comme l’opium du peuple ont tendance à croire qu’une bonne cure de désintoxication suffira à traiter la question et éliminer son influence sociale : en d’autres termes, une éducation rationnelle et scientifique, et le progrès techniques, conduiront automatiquement à la disparition de l’aliénation religieuse.

Ceux qui considèrent la religion comme le « cri des opprimés » ont tendance à être plus tendres (traduire : opportunistes) ou neutres face aux groupes religieux. Pour ces militants (et le mouvement altermondialiste en offre un bon exemple, d’autant plus qu’il est peuplé de chrétiens de gauche) le fait que la religion puisse être une expression déformée des souffrances et des révoltes des opprimés les pousse à voir dans la religion, et en particulier dans l’islam, une idéologie aux potentialités contestatrices voire révolutionnaires.

Quatre conséquences négatives

L’essor de l’islam en France a eu quatre conséquences négatives que je résumerai ici brièvement :

1) il a créé de nouvelles divisions au sein de la gauche et de l’extrême gauche, non seulement à l’intérieur de ces groupes, mais aussi à l’intérieur des associations, syndicats, etc., où ces militants sont actifs ; 2) il a affaibli l’influence des idées féministes en France, qui était de toute façon déjà très faible à la fois dans le mouvement ouvrier et dans la société ; 3) il a contribué à limiter encore davantage les débats politiques à des questions purement morales et à des alternatives faussées : par exemple, soit vous êtes athée, raciste et islamophobe : soit vous êtes antiraciste, favorable au port du hijab à l’Ecole et indulgent vis-à-vis de la religion et de l’islamisme ; 4) il a introduit une confusion importante dans les débats politiques et historiques sur le colonialisme : puisque la Troisième République a introduit la laïcité dans ses colonies et a mené des guerres coloniales, alors la laïcité est accusée d’être intrinsèquement raciste, colonialiste et islamophobe.

Qui est concerné par ce nouveau phénomène religieux ?

Durant les 20 dernières années, l’essor de l’islam a touché toutes sortes de gens :

– de vieux travailleurs migrants qui avaient été obligés de prier en cachette, de façon clandestine, pendant des dizaines d’années et ne se réunissaient que dans des caves, des garages et d’anciens locaux industriels (en France il n’existe que 8 mosquées mais 1 700 salles de prière) ;

– leurs fils, filles, petits-fils et petites-filles qui ont grimpé dans l’échelle sociale, ont étudié à l’université et veulent que leur religion (l’islam) devienne un culte respecté par tous les Français, et surtout par les autorités françaises ;

– des jeunes de la seconde voire de la troisième génération, en échec scolaire, victimes du racisme, et dont les parents immigrés se sont retrouvés au chômage ou en pré-retraite. Face à des pères déboussolés et privés d’autorité puisqu’ils ne travaillaient plus, les fils se sont tournés vers la religion comme une source de fierté identitaire, et ont été endoctrinés par des groupes politico-religieux (on a pu observer le même phénomène en Algérie dans les années 80 et 90 : de nombreux salariés ont été licenciés suite aux réformes préconisées par le FMI et les pères se sont trouvés au chômage, sans ressources, face à leurs fils qui se sont tournés vers l’islam politique et le FIS) ;

– des migrants plus récents qui sont fiers d’être musulmans et ne voient pas pourquoi ils devaient cacher leurs convictions religieuses,

– de nouveaux convertis de toutes origines, des Franco-Français, mais aussi Portugais, etc.

L’islam s’est implanté dans toutes les classes de la société et son essor a eu des conséquences sociales importantes, les plus visibles étant celles concernant le système éducatif (port du hijab à l’école ; nourriture halal à la cantine ; demande de dispense de sports, notamment de la natation, au nom de la non-mixité et de la défense de la « pudeur » ; opposition au contenu de certains cours d’histoire, de biologie, ou d’histoire, etc.).

L’essor de l’islam, la gauche et l’extrême gauche

Ce phénomène nouveau a surpris tous les partis politiques, y compris les réformistes et les révolutionnaires.

Depuis leur création, respectivement en 1905 et 1920, les partis socialiste et communiste n’ont jamais tenté de recruter massivement des travailleurs immigrés dans leurs rangs, ou de défendre leurs droits fondamentaux. Durant pratiquement toute leur histoire, les partis communiste et socialiste ont été des partis nationalistes qui défendirent de plus en plus ouvertement les intérêts de l’impérialisme français (pour le PS) ou soviétique (pour le PCF), puis aujourd’hui de l’impérialisme européen (pour le PS – le PCF étant divisé sur cette question).

Le parti socialiste s’est opposé aux mouvements de libération nationale dans les colonies françaises ; quant au PCF il généralement attendu la dernière minute pour montrer un minimum de solidarité (dans le cas de l’Algérie, il a commencé par s’opposer à l’indépendance), si l’on met de côté une certaine agitation durant la guerre du Rif ou la guerre d’Indochine. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les partis socialiste et communiste n’ont jamais mené de campagne contre les nombreuses interventions de l’armée française en Afrique, y compris après la décolonisation ; ils ne se sont jamais prononcés pour l’indépendance de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie ou de la Guyane française.

En dehors de quelques phrases enflammés prononcées lors de meetings ou de congrès, les partis socialiste et communiste ont toujours pensé que les « étrangers » reviendraient dans leurs pays d’origine, après être restés pendant quelques années en France pour des raisons économiques, ou alors qu’ils resteraient en France dans la discrétion et l’invisibilité la plus totales.

Les partis communiste et socialiste considéraient que les immigrés devaient être contrôlés par leurs organisations « communautaires » comme les Amicales qui regroupent tous les ressortissants d’un pays donné (Algérie, Maroc, Tunisie, Turquie, etc,) et sont contrôlées par les ambassades et les polices politiques de ces régimes. En général, ces régimes étaient regardés avec bienveillance par l’URSS (donc, par exemple, le PCF ne critiquait ni Bourguiba, ni Boumedienne) ou par l’impérialisme américain (donc le PS se taisait sur la nature dictatoriale ou monarchique des régimes d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne… d’autant plus que les partis de certains potentats faisaient partie de l’Internationale socialiste), voire par les deux impérialismes les plus puissants de la planète.

Les partis communiste et socialiste n’ont jamais lutté très activement contre le racisme dans leurs propres rangs et surtout pas dans la classe ouvrière. Même si le Parti communiste était une force dominante dans le MRAP et si le Parti socialiste entretenait des liens étroits avec la LICRA (spécialisée dans la lutte contre l’antisémitisme) et plus tard avec SOS Racisme, un mouvement de jeunes apparu en 1983.

Les partis communiste et socialiste n’ont jamais élaboré de perspectives à long terme concernant les travailleurs immigrés : ils ne voulaient pas les organiser sur un programme politique pour les aider à continuer leur combat dans leur pays d’origine s’ils devaient un jour y retourner.

Dans les années 1970, le PCF s’opposa violemment aux grèves dans les foyers SONACOTRA, grèves soutenus par les maoïstes, puis tenta de les contrôler par en haut. A une occasion, en 1980, un maire du PCF utilisa même un bulldozer, à Vitry-sur-Seine, pour chasser des travailleurs immigrés d’un squat. En 1991, la direction du Parti communiste français distribua des centaines de milliers de tracts disant : « avec 3,5 millions de chômeurs, il faut mettre fin à toute immigration nouvelle » et « les familles d’immigrés (sont) parmi les premiers bénéficiaires de l’argent distribué à la fraction la plus pauvre de la population » ! Ce même tract se terminait par la dénonciation du trafic de drogue, de la délinquance et de la violence, procédant à un amalgame qui faisait à l’époque et fait toujours aujourd’hui le pain quotidien de la droite et de l’extrême droite.

Quant à l’extrême gauche et aux libertaires, s’ils s’intéressèrent (en paroles) un peu plus aux travailleurs immigrés que la gauche traditionnelle, les trotskystes et les anarchistes ne jouèrent aucun rôle dans les luttes, laissant les maoïstes diffuser leur propagande démagogique et nationaliste.

La laïcité française et l’islam

En ce qui concerne la place de la religion dans la vie politique et sociale, les réformistes et les révolutionnaires défendaient jusqu’au début des années 1980 une position laïque, influencée par la tradition nationale bourgeoise républicaine ; la religion était une affaire privée et l’islam ne faisait pas exception à la règle. Bien sûr, cette conception de la laïcité ne correspondait pas tout à fait à la réalité, puisqu’en Alsace, à cause du concordat signé par Napoléon avec le pape, les ministres du culte sont payés par l’Etat et les cours de religion délivrés au sein des écoles publiques ; mais cette philosophie faisait plus ou moins partie du patrimoine commun à tous les partis, même la gauche et la droite ne comprenaient pas exactement la laïcité de la même façon, il existait un accord tacite entre elles.

Tout changea quand les musulmans – français et étrangers – vivant en France commencèrent à devenir plus exigeants quant aux respects de leurs droits : droit de construire des mosquées et des cimetières musulmans, droit d’avoir des aumôniers musulmans dans les prisons, droit d’avoir des repas halal dans les cantines des écoles ou des entreprises, droit de recevoir des subventions municipales pour leurs associations, etc.

Paradoxalement, ce changement est en partie lié à la fermeture officielle de l’immigration en 1974 et aux changements que cette mesure a provoqués dans la société française. Les ouvriers migrants qui travaillaient en France et avaient laissé leur femme et leurs enfants au pays, demandèrent à leurs familles de venir vivre avec eux en métropole. Leur décision, en réaction aux mesures gouvernementales, changea la nature de l’immigration : les migrants décidèrent de s’installer en France, leurs enfants devinrent automatiquement français en naissant en France ou ils demandèrent à être naturalisés, et une partie d’entre eux sentirent la nécessité de transmettre leurs croyances à leurs enfants, surtout d’ailleurs à leurs filles.

Les campagnes antimusulmanes durant les grèves de l’automobile

Traditionnellement, durant les années 50 et 60, les ouvriers africains et nord-africains occupaient des boulots non qualifiés dans les grandes entreprises et soutenaient généralement la CGT, syndicat à l’époque entièrement dominé par le Parti communiste – stalinien – français.

Déjà en 1983-1984, Pierre Mauroy, Premier ministre socialiste dénonça les grévistes de l’usine Talbot parce que, selon lui, ils étaient manipulés par des imams. Les attaques contre les musulmans se déchaînèrent dans les médias durant plusieurs grèves de l’industrie automobile à Peugeot, Renault et Citroën dans des usines de la région parisienne où il y avait une forte proportion de travailleurs marocains. Ces grèves concernaient des réductions d’effectifs et des licenciements et certaines des revendications pour la première fois concernaient la pratique religieuse musulmane sur le lieu de travail.

En réalité, loin d’être manipulés, les travailleurs musulmans commençaient à respecter de plus en plus les principes fondamentaux de leur religion ; par exemple, durant les grèves, ils priaient dans l’usine elle-même, au lieu d’attendre la fin de la journée et de regrouper les prières qu’ils ne pouvaient faire au boulot ; ou bien ils amenaient leur propre nourriture hallal pour cantiner, ou bien ils jeûnaient, plutôt que de manger au restaurant d’entreprise ; ils respectaient davantage le jeûne du Ramadan qu’ils ne le faisaient auparavant, etc.

Le Parti communiste et l’islam

La Gauche revint pour la première fois au pouvoir en 1981. Le Parti communiste ne resta pas longtemps au gouvernement (deux ans). C’est pourquoi les staliniens n’eurent guère d’occasions d’attaquer les musulmans à partir de leur position gouvernementale, mais dans les municipalités les maires du PCF furent confrontés très tôt à l’essor de l’islam dans les années 80 et 90.

Dans les années 90, la position du parti stalinien changea, parce que le PCF était devenu une organisation de plus en plus hétérogène, divisée entre des fractions rivales de l’appareil, dont plusieurs prétendaient être plus à gauche que le Comité central. Les maires staliniens réagirent de deux façons opposées, comme l’illustre l’exemple de deux banlieues ouvrières de Lyon (la seconde ville de France : 1,5 millions d’habitants) et l’un des centres religieux musulmans les plus actifs, pour toutes les tendances de l’islam, de ceux qui partirent se battre aux côtés des Talibans en Afghanistan aux amis de Tariq Ramadan (la librairie et le siège des éditions Tawhid se trouvent à Lyon) ou d’autres musulmans plus modérés. Le maire « communiste » de Vaux-en-Velin défendit une position keynésienne traditionnelle, favorable à l’Etat-providence. Il investit de l’argent dans des piscines, des bibliothèques municipales, des activités pour les « bébés nageurs » et toutes sortes d’activités pour les jeunes, dans le cadre notamment des maisons de la culture. Le maire stalinien de Vénissieux choisit une politique différente pour traiter les problèmes sociaux : il décida (comme d’autres maires de droite le firent aussi dans certaines municipalités) de conclure une alliance avec les forces musulmanes locales. Le maire du PCF accorda des emplois-jeunes à de jeunes musulmans dans l’administration municipale ou dans les écoles, afin d’assurer la paix sociale. Le maire stalinien participa à la campagne pour libérer les Français emprisonnés à Guantanamo, etc.

Les potes français du SWP britannique

En ce qui concerne l’extrême gauche, la seule organisation qui ait des tendances hidjabophiles et antilaïques est la LCR : que ce soit l’ex-groupe Socialisme par en Bas (qui publie la revue Que faire) ou l’ex groupe Socialisme international (avec une revue homonyme). La JCR, organisation de jeunes proche de la LCR, est elle aussi sur une ligne islamophile.

Ces militants trotskystes considèrent possible l’émergence d’une théologie musulmane de la libération, et c’est une des raisons pour lesquelles ils sont si complaisants vis-à-vis du bigot réactionnaire Tariq Ramadan. Ils sont très peu critiques vis-à-vis du régime iranien et présentent la situation particulière des femmes en Iran (notamment le pourcentage très important de femmes qui font des études universitaires) comme une conséquence de la politique de la théocratie des mollahs. (Un peu comme si la position moins catastrophique des femmes dans la société suédoise était crédité au compte de la social-démocratie, alors que les capitalistes suédois décidèrent d’employer massivement les femmes dans l’industrie, plus de trente ans avant que les sociaux-démocrates parviennent au pouvoir).

Mais le pire est que ces militants hidjabophiles participent aussi à des luttes et des alliances plus larges avec toutes les forces antilaïques : une bonne partie d’ATTAC, des groupes tiermondistes, de la gauche chrétienne (Témoignage chrétien fit signer une pétition), de l’Ecole pour tous-toutes (mouvement regroupant toutes sortes de multiculturalistes de gauche et quelques islamistes). Cette alliance sans principes est évidemment justifiée par une prétendue lutte contre le racisme et l’islamophobie.

Dans les années 60 et 70, la gauche révolutionnaire en France mettait toujours en avant le combat des « TRAVAILLEURS immigrés », le premier mot étant beaucoup plus important pour elle que le second. Aujourd’hui, la LCR, les milieux libertaires et altermondialistes ne se réfèrent plus aux travailleurs, mais seulement aux « immigrés », voire aux « sans-papiers », terme encore plus neutre. Toute référence à la classe ouvrière a disparu de la propagande de l’extrême gauche et de la gauche hidjabophiles.

Le réveil religieux chez les catholiques et les protestants

L’essor de l’islam coïncide également avec le réveil d’autres religions :

– le catholicisme : la manifestation la plus visible a été l’organisation des JMJ, Journées mondiales de la jeunesse, à Paris en 1997 avec la présence du Pape, mais on peut aussi noter que de plus en plus d’intellectuels et de journalistes révèlent dans les médias (notamment à la télévision) leurs sympathies pour la religion catholique et pour le pape Jean-Paul II, phénomène inédit jusque-là.

Ou le fait que la droite française essaie d’instaurer des cours sur la religion dans le système public, un projet qui est clairement destiné à défendre les valeurs chrétiennes, sous prétexte que les jeunes devraient mieux connaître les « religions qui sont à l’origine des grandes civilisations du monde »

– le protestantisme : le pentecôtisme est en train de se développer, en particulier parmi les travailleurs antillais qui vivent dans les banlieues populaires ;

– le judaïsme : des organisations juives font une propagande active non seulement en faveur des gouvernements israéliens et de Tsahal (elles collectent des fonds et organisent des galas de solidarité) mais aussi de l’Aliah (retour en Terre sainte).

Ce militantisme religieux est important mais jusqu’à maintenant il faut reconnaître qu’il n’a pas conduit à la création de nouveaux partis, massivement influencés par la religion. En général, les croyants tentent de travailler au sein des grands partis, pas de créer le leur sur une base confessionnelle, même s’il existe un syndicat chrétien (la CFTC) et un parti chrétien-démocrate (l’UDF).

L’islam en France : dangers réels et imaginaires

En ce qui concerne l’islam, son essor en France ne s’est accompagné de la création d’aucun groupe ou parti significatif qui défendrait par exemple le modèle social et politique imposé par les talibans en Afghanistan ou les mollahs et les Gardiens de la révolution en Iran. Et pas même une organisation qui se réclamerait de l’exemple des Frères musulmans et aurait acquis une base de masse sur le territoire national.

Malgré tous les efforts des médias pour faire croire à l’existence dun complot « islamiste », il n’existe à notre avis aucun danger que l’islam politique grandisse et prenne le pouvoir en France.

Cela ne signifie pas bien sûr qu’il n’y aura jamais des cellules clandestines se réclamant d’Al Quaida ou d’autres groupes djihadistes-terroristes ou qui préparent des attentats dans l’Hexagone, comme cela s’est déjà produit plusieurs fois au cours des trente dernières années. Mais les idées djihadistes-terroristes ne peuvent toucher qu’une infime fraction de la population dite « musulmane ». Ce qui est en jeu est très différent : il s’agit d’une érosion lente et progressive de certains aspects de la laïcité dans les services publics (l’Ecole, la Santé et l’administration) :

– la nourriture halal (en théorie, il n’y a pas de raison de refuser de tenir compte des interdits religieux alimentaires d’une certaine catégorie de la population ; le problème en pratique est que cela crée une dynamique incontrôlable qui ensuite s’étendra aux végétaliens, végétariens, etc.)

– la participation aux cours de gymnastique et de natation,

– la participation à des sorties scolaires (théâtre ou cinéma) le soir pour des jeunes filles,

– la participation à des groupes de théâtre pour des jeunes filles,

– l’évocation de certaines thèmes liés à la religion, dans les cours de philosophie, d’histoire, etc.,

– dans certains hôpitaux, des maris musulmans demandent que leur femme soit examinée par un médecin femme au point que l’Assistance publique a dû nommer des médiatrices chargées à la fois de former le personnel hospitalier en matière de laïcité et de gérer les conflits,

– dans les consultations médicales, des parents musulmans exercent de fortes pressions sur les filles pour qu’elles aient une tenue modeste, gardent les yeux baissés, etc.

Malheureusement, jusqu’à maintenant, seuls des journaux de droite ou des programmes de télévision sensationnalistes collectent des informations sur ce sujet. Il est très difficile de collecter et de vérifier ce type d’informations auprès de militants d’extrême gauche ou libertaires : habituellement, ils ont peur d’être traités de racistes et la presse « révolutionnaire » ne traite de ces problèmes qu’en en niant l’existence.

L’essor de l’islam et ses causes profondes

Ce qui se passe en France provient en partie de la disparition de toute manifestation de conscience de classe, en particulier dans la jeunesse ouvrière. Une partie de cette jeunesse n’est même plus ouvrière proprement dit, mais seulement pauvre. Peu réussissent à avoir un vrai boulot avant 25 ou 30 ans. Ils n’entretiennent pas de lien de solidarité avec la classe ouvrière. Si leurs parents étaient ouvriers, beaucoup ont été frappés par le chômage et les délocalisations. L’identité ouvrière n’existe plus à leurs yeux ; ils se tournent vers d’autres signes : les marques vestimentaires, les bandes, la religion, les équipes de foot, etc.

Au cours des vingt dernières années, les organisations qui ont eu une influence dans la jeunesse (comme SOS Racisme et dans une moindre mesure Ni putes ni soumises, par exemple) et qui ont organisé des milliers de gens en dehors des groupes d’extrême gauche ont appris aux jeunes à raisonner en termes d’ « ethnie », et non plus en termes de classe : le fameux slogan « Blacks, Blancs, Beurs » des années 80 dont les termes sont aujourd’hui repris par tous les médias et même les militants. Cette tendance à voir tous les problèmes sociaux avec des lunettes purement morales a été facilité par l’évolution générale de la scène politique.

Ce qui est au centre des débats politiques, ce n’est plus le marxisme, le communisme, la dictature du prolétariat, l’insurrection armée ou la grève générale, ce qui est branché aujourd’hui et essentiel aujourd’hui c’est d’être « antiraciste », et contre « le libéralisme » ou le « capitalisme libéral ».

Etre raciste ou défendre le libéralisme est « mal ». Chacun doit « respecter les différences » et soutenir l’idée d’un capitalisme « juste », d’un commerce « éthique » ou « équitable ». La propagande des mouvements altermondialistes, des mouvements antiracistes et les écrits de la plupart des intellectuels de gauche ne vont pas au-delà de ce programme minimum, qui est en fait leur programme maximum.

L’adaptation politique

Dans une situation où le niveau politique de la jeunesse ne fait que décliner, l’extrême gauche (et en particulier la LCR) s’est en fait adaptée aux éléments les plus modérés de la gauche antiraciste et altermondialiste. C’est pourquoi ces militants sont si complaisants non seulement avec l’islam, l’islam politique, Tariq Ramadan, le prétendu féminisme islamique, etc,, mais aussi avec la religion catholique. Il est intéressant de noter que le Collectif des sans-papiers s’est fendu, lors de la mort du pape Jean-Paul II, d’un communiqué pour exprimer sa solidarité avec la peine des catholiques qui avaient soutenu leur lutte.

Dans une telle situation, qui est marquée non seulement par un recul des luttes ouvrières, mais des idées socialistes ou même de réflexes de classe élémentaires, les perspectives sont plutôt sombres.

Quelles sont les forces qui s’opposent à l’essor de l’islam et à ses conséquences négatives ?

– Deux des trois principaux groupes trotskystes (le Parti des travailleurs et Lutte ouvrière) continuent à défendre la position laïque et athée traditionnelle du mouvement ouvrier. Mais ils n’ont aucune influence de masse dans les quartiers ouvriers, et spécialement parmi les travailleurs étrangers et leurs descendants. Le Parti des travailleurs est un groupe lié à la franc-maçonnerie, notamment à travers la Libre Pensée, donc inutile d’en attendre quoi que ce soit de positif, d’autant plus que depuis quelques années il est engagé dans une politique nationaliste. Quant à Lutte ouvrière, elle a choisi de soutenir de façon acritique Ni putes ni soumises, attitude qui semble un moyen d’éviter de prendre ses responsabilités vis-à-vis des travailleurs immigrés qui pourraient être musulmans et de leurs descendants.

– Ni putes ni soumises est une organisation qui défend des positions politiques très modérées. Sa dirigeante, Fadela Amara, qui est une musulmane respectueuse de la laïcité, affirme qu’elle est fière de vivre dans « belle démocratie » comme la France et se vante même d’être franchouillarde – en clair, chauvine.

– Et la troisième force qui s’oppose franchement, ou partiellement, à l’essor de l’islam se trouve carrément de l’autre côté de la barricade : il s’agit des forces d’extrême droite (Front national, Mouvement pour la France) ou de droite (certains secteurs de l’UMP ou de l’UDF).

Il est peut-être utile de rappeler qu’une partie de la droite, et spécialement son politicien le plus ambitieux (Nicolas Sarkozy) ont récemment subi des transformations idéologiques importantes : Sarkozy défend une forme de discrimination positive, même s’il n’a proposé aucune mesure concrète décisive dans cette direction pour le moment. Et il décidé de renforcer les liens entre l’Etat français et les forces religieuses, en particulier l’islam : la formation des imams français sera contrôlée et financée par l’Etat, il a créé le Conseil consultatif du culte musulman qui regroupe les principales tendances musulmanes et est censé représenter toute la « communauté » musulmane, comme on a pu le voir quand certains délégués ont été rencontrer le conseil des oulémas à Bagdad pour obtenir la libération de la journaliste Florence Aubenas. Progressivement une organisation qui a des objectifs purement religieux (concernant l’organisation du « culte » comme l’indique son titre) prend des positions politiques, avec l’aide de l’UMP et de Chirac, au nom de considérations humanitaires.

La disparition des liens de solidarité locale dans les quartiers ouvriers

Sans idéaliser la situation antérieure, il existait jusque dans les années 70 un certain nombre de liens de solidarité de classe et locaux, entretenus, de façon bureaucratique et clientéliste certes mais réelle, par les partis stalinien et socialiste, les unions locales syndicales et toutes sortes d’associations, y compris les amicales de locataires. Ces liens sont en train de disparaître ou ont déjà disparu dans la plupart des banlieues populaires.

Il est facile de comprendre que, dans une telle situation, des groupes religieux (de toutes les religions) tentent de remplacer partiellement des liens sociaux qui ont disparu et essayer de fonder de nouvelles communautés religieuses. Et naturellement l’islam, en plein essor, joue lui aussi un rôle dans ce contexte.

Les conséquences négatives de l’essor de l’islam sur le féminisme

L’essor de l’islam en France a eu aussi des conséquences négatives sur les idées féministes et le mouvement féministe. Le féminisme n’a jamais été un mouvement de masse en France, même dans la petite bourgeoisie intellectuelle, mais il a constamment été l’objet d’attaques : il a été ridiculisé par les médias, y compris par la presse féminine bourgeoise dans les années 60 et 70, attaqué par les politiciens de droite et discrédité par l’intégration de certaines féministes carriéristes dans le Parti socialiste ou les institutions de l’Etat.

Mais désormais le féminisme a trouvé de nous ennemis inattendus sur sa « gauche » : Tariq Ramadan, des tendances altermondialistes et tiersmondistes, ainsi que des intellectuels musulmans de gauche expliquent que Ni putes ni soumises et d’autres féministes modéres donneraient une image négative ou, pour être plus précis, raciste des « garçons » et des hommes nord-africains vivant en France ou des mâles français d’origine nord-africaine. Nacira Guénif-Souilamas y a consacré un livre (Les féministes et le garçon arabe) au langage prétentieux et jargonnant pour défendre cette thèse acclamée bien sûr aussitôt y compris par des libertaires. Cette universitaire a pourtant utilisé dans son livre des concepts totalement étrangers à la culture révolutionnaire.

Tous ces antiféministes de gauche dénoncent Ni putes ni soumises et les féministes bourgeoises en raison de leurs liens (réels) avec le Parti socialiste ou à cause de leurs positions politiques modérées. Cette critique peut sembler justifiée, mais elle cache une tout autre position : en fait ce que ces antiféministes n’apprécient pas c’est que ces femmes dénoncent le machisme, le harcèlement sexuel, les viols et l’homophobie dans les quartiers populaires.

Ainsi dans un article publié sur le site de l’Ecole pour tous-toutes, par exemple l’auteur attaque Ni putes ni soumises pour avoir invité Elisabeth Badinter, une féministe politiquement très modérée, épouse d’un ex-ministre de la Justice socialiste et elle-même issue d’une famille de grands bourgeois, dans l’un de ses meetings à Fontenay-sous-Bois, une banlieue ouvrière. L’auteur de l’article utilise huit fois l’expression la « Blanche Badinter ». Au lieu de critiquer ses positions politiques l’auteur préfère s’attaquer à sa couleur de peau. Comme chacun le sait, Badinter est juive, et il est évident que les allusions répétées à sa « blancheur » sont une façon d’éviter tout problème avec les lois contre l’antisémitisme. Et cet article a été publié sur un site web (Les mots sont importants) qui se prétend de gauche, et se montre très critique vis-à-vis du Front national et des partis de droite. Au bout de quelques mois, le texte fut d’ailleurs retiré de la circulation, sans explications.

Ce type de situation est sans doute l’une des conséquences les plus néfastes de l’attitude des musulmans de gauche et des altermondialistes vis-à-vis de la religion en général, et de l’islam en particulier : ce milieu refuse de dénoncer le machisme, les attitudes homophobes et la violence masculine dans les quartiers populaires parce que ces quartiers sont peuplés par des gens qui sont opprimés par le néo-colonialisme et le racisme ! (2)

Et quand ils sont incapables de justifier leurs positions politiques, ils inventent une lutte fictive entre Blancs et Noirs, ou Blancs et Arabes, exactement comme la droite et l’extrême droite font lorsqu’ils veulent mobiliser, dans l’autre sens, les catégories politiques les plus arriérées de la population française. Dans les années 60, on disait souvent « Il ne faut pas désespérer Billancourt ». Aujourd’hui ce n’est plus l’usine Renault, la plus grande concentration ouvrière du pays, qu’il ne faut pas désespérer mais une imaginaire communauté musulmane radicale !

Y.C., juillet 2005

Les principales

organisations musulmanes

en France

Bien que les médias, les altermondialistes et les gauchistes parlent tout le temps des « musulmans », il n’existe aucune communauté musulmane unie en France. Tout d’abord parce que la notion de communauté n’est pas vraiment valorisée dans la culture politique française, et ensuite à cause du nombre très important d’organisations présentes dans l’Hexagone.

La Grande Mosquée de Paris fut construite après la Première Guerre mondiale comme « remerciement » pour les 100 000 soldats « musulmans » morts pour défendre les intérêts de l’impérialisme français. Elle est aujourd’hui officiellement liée à l’Etat algérien et son personnel est recruté parmi des fonctionnaires algériens. Sa politique a toujours été très conservatrice et son influence semble décliner.

Fondée en 1983, l’UOIF, Union des organisations islamistes de France, a été créée par des Tunisiens membres d’En Nahada, un mouvement influencé par l’islamisme et proche des Frères musulmans. Elle regroupe 300 associations musulmanes et chaque année rassemble 20 à 30 000 personnes au Bourget.

La Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) regroupe des associations marocaines et turques et a été fondée en 1985 pour contrer l’influence de la Grande Mosquée de Paris.

La FAIACA (Fédération des associations islamiques d’Afrique, des Comores et des Antilles) regroupe surtout des associations africaines et insiste sur la difference entre arabité et Islam.

La Coordination des associations musulmanes des pays d’Asie et de l’Océan Indien regroupe des musulmans en provenance de ces pays et entretient des relations avec certains groupes chiites.

Le Tabligh, né au Bengale, est un mouvement transnational. Actif et militant, il défend une interprétation très traditionnelle et littérale du Coran.

L’ Union des femmes musulmanes de France regroupe plusieurs associations musulmanes.

Plusieurs organisations de jeunes sont apparues récemment comme l’Union des jeunes musulmans de France, les Jeunes musulmans de France et les Etudiants musulmans de France. Ces groupes sont principalement composés de musulmans nés en France et sont influencés par Tarik Ramadan et l’imam Tarik Aubrou. Ils sont animés par des membres de la petite bourgeoisie diplômée, cadres, professions libérales, enseignants, etc.

Le Secours Islamique collecte de l’argent et aide les musulmans qui vivent dans des conditions difficiles.

Et il ne faut pas non plus oublier les différentes « confréries », qui sont centrées autour de la personnalité et des idées de leur fondateur mystique, des groupes comme Tijaniya, Quadiriyya, Muririyya et Alawya qui a fondé les Scouts musulmans de France.

Notes

1. Dans un petit livre (Etat et religions), prétendument neutre, édité par la Documentation française et les Editions Odile Jacob, le très islamophile journaliste du Monde Xavier Ternisien nous livre une analyse au ton sournoisement antilaïque (les partisans de la laïcité sont systématiquement présentés comme « durs », « rigides », « survivants du passé », « scientistes », etc.) et pro-religieux (la religion catholique est présentée comme indissoluble d’une mystérieuse « identité nationale française »).

2. On remarquera que ce silence de la gauche et cette complicité avec les partisans de l’islam politique se retrouve en Palestine où l’on discrédite les féministes palestiniennes qui refusent de porter le hidjab (foulard islamique) ou de jelbab (robe islamique) en les traitant de collaboratrices d’Israël et d’agentes de l’Occident (cf. dans ce livre les articles de Islah Jad, Manar Hasan et Rema Hammami, p. 44-71.)

SPIP | squelette | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0