La Révolution fut une belle aventure. Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934)
Paul Mattick
L’Echappée, 2013
A la fin de l’année 2013, a paru simultanément en allemand et en français un livre signé de Paul Mattick (1904-1981). La version allemande (datée simplement 2013) constitue le quatrième volume de la collection « dissidenten der arbeiterbewegung » de la maison d’édition Unrast, qui avait publié en 2008 dans un volume II, un recueil de texte de Cajo Brendel, Die Revolution ist keine Parteisache, recensé dans Echanges n° 125, p. 70 ; la traduction française est parue aux éditions L’Echappée au quatrième trimestre 2013. Les deux éditions ont été réalisées par une même équipe mêlant résidents en France et résidents en Allemagne. Cependant, elles portent des titres différents : Die Revolution war für mich ein großes Abenteuer. Paul Mattick im Gespräch mit Michael Buckmiller (La Révolution fut pour moi une grande aventure. Un entretien de Paul Mattick avec Michael Buckmiller) et La Révolution fut une belle aventure. Des rues de Berlin en révolte aux mouvements radicaux américains (1918-1934). Le titre allemand est clair : il s’agit de la transcription d’un entretien entre Paul Mattick et Michael Buckmiller ; ce que l’on apprend dans l’édition française seulement dans la préface. L’entretien s’est déroulé du 21 au 23 juillet 1976 et n’avait jusqu’à maintenant jamais été publié.
Paul Mattick, né en Allemagne, a passé son enfance dans un quartier ouvrier de Berlin, puis adolescent a vécu dans plusieurs villes allemandes avant de partir pour les Etats-Unis en mars 1926, où il a résidé jusqu’à sa mort. Michael Buckmiller est un universitaire allemand spécialiste de Karl Korsch (1886-1961) (voir Echanges n° 101, p. 56). Il a rencontré pour la première fois Paul Mattick à l’occasion d’une conférence sur la révolution allemande que celui-ci était venue donner à l’Université libre de Berlin au printemps 1971, l’intérêt de Buckmiller ayant été éveillé par les relations que Korsch et Mattick avaient entretenues à partir des années 1930, tous les deux étant d’ardents marxistes et propagandistes du communisme de conseils. Après cette première rencontre, Mattick et Buckmiller sont demeurés en relations, épistolaires ou physiques, se fréquentant à l’occasion de voyages de l’un en Europe ou de l’autre aux Etats-Unis. Peu à peu, Buckmiller réussit à convaincre Mattick, en dépit de ses réticences, à parler de sa vie.
L’entretien couvre les années d’enfance de Mattick jusqu’aux années 1940 : dans l’édition française, les dates, 1918-1934, données au titre sur la couverture, sont fausses et en contradiction avec celles exactes assumées à l’intérieur de l’ouvrage (p. 9). Ce panorama d’une vie sur un quart de siècle environ offre une vision rare dans les écrits politiques sur l’étroite imbrication du destin individuel d’un militant issu de la classe ouvrière et du destin collectif de cette classe, de l’évolution d’un fils d’ouvrier, lui-même devenu ouvrier, d’une jeunesse prise entre les tentations de la délinquance et de la politique, de son évolution vers une action de plus en plus consciente en faveur de la lutte autonome du prolétariat, sans dieu ni maître.
Avant de lire cet entretien de 1976, j’avoue avoir peu fréquenté les écrits de Paul Mattick, principalement parce que Mattick s’est tout au long de sa vie réclamé d’un marxisme orthodoxe et du communisme de conseils (je veux faire remarquer incidemment que l’édition allemande dans l’introduction, p. 12, se trompe en affirmant que « les communistes de conseils y [dans les soviets russes et les conseils d’ouvriers et de soldats en Allemagne] voyaient la forme d’organisation enfin trouvée du mouvement ouvrier », s’ils en imputent l’idée à Paul Mattick). Je ne suis pas marxiste et, si je pense que les conseils ouvriers furent jusqu’à aujourd’hui l’expression organisationnelle la plus haute du mouvement ouvrier révolutionnaire, j’ai aussi une idée de l’organisation non comme préalable à la conscience de classe mais comme à la fois sa réalisation et le creuset de son développement éventuel, le tout sans illusion sur la faiblesse de la conscience au regard de la forcce de l’inconscient.
Je laisse de côté l’affirmation des éditeurs selon laquelle ils s’inscriraient dans le courant « mattickiste » en nous donnant deux textes dissemblables d’un même entretien, en français et en allemand. Une tradition « mattickiste » d’incessante réécriture des textes publiés qu’ils assument (respectivement p. 18 et p. 167). N’étant pas connaisseur des écrits de Paul Mattick je ne peux juger de cette affirmation, aucun exemple dans les versions allemandes et françaises ne l’appuyant. Je tiens tout de même à souligner qu’à condition de connaître plusieurs versions d’un même texte rédigées par Mattick, elles auront été de toutes les façons remaniées par leur auteur et non par des interprètes dont on ne sait de quelles compétences ils se réclament pour modifier un texte d’un auteur aujourd’hui décédé.
Les éditeurs ont supputé qu’un lecteur pourrait être tenté de comparer les deux versions et constater qu’elles offrent de nombreuses différences : je les ai pris au mot et ai comparé avec soin les deux éditions ; ce qui explique en partie le retard de ma recension par rapport à celles parues en France dans de nombreuses revues, anarchistes ou marxistes, lors de la parution de l’ouvrage.
Le texte
Il y a dans la traduction française quelques inexactitudes plus ou moins importantes par rapport à l’original allemand, sans gravité pour le sens du texte. En voici quelques exemples :
– le texte français nous dit : « (...) un Hongrois qui lisait un roman, Jimmie Higgins d’Upton Sinclair si je me souviens bien » (p. 43), là où le texte allemand donne : « (...) ich weiß noch genau (...) » (p. 36), qui signifie « je sais encore exactement » et non pas « si je me souviens bien » ; – dans l’édition française, p. 60, le nom de Ruth Fischer (1895-1961) est pris pour celui d’un homme ; ce passage dans le texte allemand, p. 45, est très différent de la traduction française, mais ne laisse aucune ambiguïté sur le sexe (« sie »). Même erreur, p. 63 de l’édition française. La note biographique, p. 166 de l’édition allemande, non traduite en français, est aussi tout à fait claire sur ce point. A part ignorer que Ruth Fischer était une femme, les traducteurs semblent aussi ignorer qui était Theodor Lessing puisqu’ils rajoutent « un dénommé Theodor Lessing » (p. 63) où il n’y a que « Theodor Lessing » dans le texte allemand (p. 46). On trouve en français quelques traductions de textes de Theodor Lessing (1872-1933) : un article extrait de l’ouvrage Europa und Asien (1918) sous le titre « L’Europe et l’Asie » dans La Révolution surréaliste n° 3 (15 avril 1925), p. 20/21 ; Der jüdische Selbsthass (1930) sous le titre La Haine de soi. Le Refus d’être juif, Berg International, 2001 ; et « Die verfluchte Kultur. Gedanken über den Gegensatz von Leben und Geist » sous le titre « La Culture maudite. Réflexions sur l’opposition entre Vie et Esprit », dans la revue (Dis)continuité n° 29 (février 2008) précédé de « L’Europe et l’Asie », cité plus haut, et suivi d’autres textes inédits en français ; – pour en finir, signalons aussi quelques erreurs de date. On lira dans l’édition française : « [Jan Appel] (...) avec Franz Jung (...) avaient détourné un navire jusqu’en Russie pour participer au premier congrès de l’Internationale communiste. » (p. 54), alors que la note 12, p. 41 de l’édition allemande et les notes 53 p. 53 et 55 p. 54 de l’édition française, indiquent qu’il s’agissait de participer au deuxième congrès de l’Internationale communiste. Autre exemple : là où l’édition française donne deux fois 1946 (p. 125), le curieux trouvera dans l’édition allemande une fois 1948-49 et une autre fois 1948 (p. 81). Ce ne sont que des erreurs vénielles ; mais elles confirment, à mon avis, que, malgré l’annonce des éditeurs d’un travail d’équipe pour assurer la simultanéité des éditions française et allemande, il y eut un manque flagrant de coordination interne.
Je veux passer à plus grave : l’absence des questions, posées par Michael Buckmiller, dans la traduction française, les changements de place de nombreuses phrases dans les réponses de Paul Mattick et quelques omissions. Dans les sept premiers chapitres, les questions de Michael Buckmiller qui se trouvent dans la version allemande n’ont tout simplement pas été traduites et le texte des réponses a été beaucoup remanié ; là encore, omission de certains passages et, en outre, interversion de phrases. Comme l’écrivait Nicolas Perrot d’Ablancourt (1606-1664), dont on a pu dire de ses traductions du grec ancien et du latin qu’elles étaient de « belles infidèles » parce qu’elles étaient à la fois élégantes et inexactes : « (...) en changeant seulement l’ordre des mots, ne peut-on pas faire d’une loüange un precepte ? » (Lettres et préfaces critiques, Librairie Marcel Didier, 1972, p. 40) Pour justifier la suppression des questions de Michael Buckmiller, dans les chapitres 1 à 7 de l’édition française, on nous affirme : « Lorsqu’ils l’ont jugé utile, les traducteurs ont réorganisé le récit, supprimant des questions pour le rendre plus fluide » (préface, p. 7). Puis, pour justifier, cette fois, la réintroduction de l’organisation en questions-réponses dans le chapitre 8 (qualifié de « deuxième partie »), les mêmes arguent de « rendre compte plus fidèlement des échanges entre les deux interlocuteurs » (p. 127). Qu’est-ce à dire ? Qu’auparavant les échanges ont été rendus moins fidèlement ? Comprendra qui peut, d’autant que dans cette soi-disant deuxième partie, les questions et les réponses ne sont pas traduites au plus près du texte allemand (rajouts, omissions, etc.).
Il y a pire encore, l’appareil de notes.
Les notes
J’ai annoté les notes qui ont été rajoutées dans la version française et n’en ai trouvé quasiment aucune qui ne comporte des erreurs ou des lacunes. Dues à l’ignorance ou à une volonté délibérée de passer sous silence certaines données qui déplaisent à celui, ou ceux, qui les ont élaborées ? Je ne veux pas entrer dans ce débat, mais il me semble que, au moins en certains endroits, l’étrangeté de ces lacunes indique une volonté délibérée de passer sous silence des informations que quelques recherches élémentaires auraient pu mettre à la disposition de qui aurait voulu les trouver.
Le lecteur d’Echanges m’absoudra de ce que je ne peux ici répertorier l’ensemble des erreurs que j’ai relevées dans les notes à l’édition française ; j’ai 23 pages d’annotations diverses suite à ma lecture des deux ouvrages, dans leurs versions allemande et française, qui ne sont pas destinées à être publiées en l’état mais dont je suis disposé à envoyer une copie à toute personne intéressée. Je me contenterai ici d’en offrir un aperçu.
Quelques erreurs factuelles, dues sans aucun doute à l’ignorance : – note 10, p. 19, on peut lire « Unabhängige Sozialistische Partei Deutschlands (Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne) » ; une petite connaissance de l’allemand aurait permis à celui qui a élaboré cette note de savoir que « Sozialistische » ne signifie pas « social-démocrate » et que le nom exact est « Sozialdemokratische » ; dans la même note, on nous affirme : « En décembre 1914, (...) Karl Liebknecht fut le seul député à voter contre les crédits de guerre. Un an plus tard, en décembre, dix-huit députés du SPD votèrent contre et furent exclus du groupe au Reichstag (...) », passant sous silence que le 20 mars 1915, à l’occasion du vote des troisièmes crédits de guerre, Otto Rühle s’opposa aux côtés de Liebknecht à les accorder ;
– la note 11, p. 20, qualifie dans un allemand approximatif de « Gruppe International » ce qui était le Gruppe Internationale ; dans ce même type d’erreur, on peut lire dans la note 53, p. 53 : « (...) le Groep Internationaler kommunisten (GIK) (...) », qui contient plusieurs erreurs : GIK est l’acronyme en allemand pour Gruppe Internationaler Kommunisten (tout en majuscules), en néerlandais, GIC pour Groep(en) van internationale communisten. Cette erreur est d’autant plus incompréhensible que la notice sur le Groep van Internationale Communisten (en majuscules dans l’édition allemande, p. 173) a été reprise en partie dans l’édition française, p. 181-182 ; – note 43, p. 45, on peut lire « (...) la revue anarchiste Die Aktion publiée par Franz Pfemfert. (...) » ; et note 63, p. 63 : « Die Aktion, revue littéraire et politique publiée par Franz Pfemfert entre 1911 et 1932. Pfemfert avait été lié aux dadaïstes pendant la guerre. Sa revue était politiquement proche de l’anarchisme et des unitaires de l’AAUD. » En réalité, Pfemfert fréquentait des individus de tous les milieux d’agitation, artistiques ou politiques, mais n’était pas proche, au sens strict, des milieux anarchistes ou dadaïstes (je renvoie à ce propos le lecteur germanophone à Lisbeth Exner, « Vergessene Mythen. Franz Pfemfert und Die Aktion », dans Pfemfert, Erinnerungen und Abrechnungen. Texte und Briefe, belleville Verlag, s.d., p. 15 et 33). Dans l’historiographie actuelle on rapproche plutôt Die Aktion de l’expressionisme et du communisme de conseils ; – dans l’édition française, on peut lire que Mattick rejoignit les IWW en 1929 (note 85, p. 83) puis en septembre 1928 (note 87, p. 85). Cette dernière date correspond à la note 24, p. 60 de l’édition allemande.
Des lacunes
– la note 56, p. 57, donne une version différente de celle de la note 14, p. 43, de l’édition allemande, et supprime, en particulier, la dernière phrase qui me paraît pourtant importante : « Die auch als “Cuno- Streiks” bekannten Streiks von 1923 richteten sich jedoch nicht nur gegen die Besatzer, sondern zunehmend auch gegen die Regierung und trugen schließlich zu ihrem Rücktritt im August 1923 bei. » (Les grèves de 1923, connues sous le nom de « grèves Cuno », ne furent toutefois pas uniquement dirigées contre les occupants [Français et Belges] mais de plus en plus contre le gouvernement et aboutirent finalement à la démission de celui-ci en août 1923). Le lecteur m’accordera que cette phrase omise dans l’édition française donne un tout autre sens à ces grèves dans la Ruhr que celui, purement nationaliste, que lui confère l’édition française ; – dans la note 86, p. 83-84, la dernière phrase de la note 22, p. 59 de l’édition allemande, n’a pas été traduite : « Die Studien von Elton Mayo wurden in den fünfziger Jahren u.a. von der linksradikalen französischen Gruppe Socialisme ou Barbarie rezipiert. » (Les études d’Elton Mayo ont été recensées, dans les années 1950, entre autres, par le groupe français de la gauche radicale Socialisme ou Barbarie) ; – enfin, à la suite de la phrase « (...) j’ai vécu sous la menace d’être appelé sous les drapeaux » (édition française, p. 122 ; édition allemande, p. 79), la note 42, p. 79 de l’édition allemande précise que Mattick a alors demandé la nationalité américaine, probablement obtenue le 2 mai 1940, afin d’échapper au service militaire ; cette note n’a pas été traduite en français.
La chronologie et la bibliographie
La chronologie et la bibliographie comptent elles aussi leur lot d’erreurs et d’étranges omissions. On peut ainsi lire dans la chronologie, par exemple : « 1914 – 4 août Les députés du SPD (à l’exception de Karl Liebknecht et Otto Rühle) votent les crédits de guerre au Reichstag », alors que dans la note 10, p. 19, il est bien écrit que ce n’est qu’en décembre 1914 que Karl Liebknecht vota, seul, contre la deuxième ligne de crédits de guerre. Otto Rühle n’ajouta sa voix à celle de Liebknecht que lors du vote du troisième projet de crédits le 20 mars 1915. La même erreur est répétée dans « Quelques éléments de glossaire », qui correspondent au « Sachregister » de l’édition allemande, en moins complet et qui ne suit pas un ordre alphabétique simple comme dans l’édition allemande, et qui reprend plusieurs erreurs ou approximations que j’ai relevées tout au long de ma lecture de la version française. La bibliographie et la bibliographie annexe, en français, sont différentes de la bibliographie en allemand. Pourquoi la bibliographie de l’édition allemande n’est-elle pas reprise en français ? A laquelle il aurait été possible d’ajouter une bibliographie d’ouvrages en français ? Le livre de Hermann Knüfken, Von Kiel bis Leningrad. Erinnerungen eines revolutionären Matrosen, 1917-1930, Berlin, Basis Druck, 2008 ? (cité dans la bibliographie et dans la note 12 de l’édition allemande) me semble important pour une meilleure connaissance de cette période (je ne suis pas parvenu à me le procurer et reste prudent), pour ne donner qu’un exemple.
Pourquoi ne pas avoir signalé que « Humanisme et socialisme » de Paul Mattick a été republié en brochure bilingue par Echanges en mai 2003 ? Pourquoi ne pas avoir signalé que la première édition française de Le Chemin vers le bas, considérations d’un révolutionnaire allemand sur une grande époque (1900-1950), de Franz Jung, est parue sous le titre Le Scarabée-torpille aux éditions Ludd en 1993 dans la même traduction de Pierre Galissaires, seul le titre ayant été rétabli par les éditions Agone ? Pourquoi avoir attribué au même Galissaires les traductions des deux textes inclus dans La République des conseils de Bavière..., de Erich Mühsam, Pierre Galissaires n’ayant traduit que « Vers une Société libérée de l’Etat », et non comme mentionné « La Société libérée de l’Etat » ? Pourquoi avoir cité l’édition de 1949 de Spartacus et la Commune de Berlin (1918-1919) d’André et Dori Prudhommeaux, sans préciser les rééditions qui ont suivi ? Etc.
Enfin, pourquoi avoir écrit dans la postface : « Au cours de l’été 1969, Mattick participa à une réunion internationale organisée à Bruxelles. Ce ne fut pas une conférence formelle, mais plutôt une rencontre où se croisèrent quelques révolutionnaires de la période d’avant-guerre, comme Marc Chirik et Cajo Brendel, ainsi que des individus et des collectifs antiautoritaires issus du mouvement de Mai 68, parmi lesquels figuraient des membres de la tendance communiste libertaire du Mouvement du 22 mars » (p. 164) ? Henri Simon, un des participants à cette réunion, affirme au contraire : « Avant 1968, le groupe Informations Correspondance Ouvrières organisait des rencontres nationales regroupant les participants à ICO, les groupes proches français et étrangers. En 1968, pour d’évidentes raisons, il n’y eut pas de rencontre. En 1969, le nombre des groupes participant à ICO et à des groupes proches était si important que la rencontre fut dédoublée en une rencontre nationale tenue en juin à Taverny (banlieue de Paris) et internationale tenue à Bruxelles. Ce n’était pas des rencontres informelles, comme le laisse supposer le texte, mais des rencontres très formelles, organisées à l’avance, avec une préparation (échange de textes), circulation de documents et compte rendu postérieur. Mattick, introduit par Daniel Saint-James, participa à ces deux rencontres. Parmi les participants figuraient aussi des membres du groupe anglais Solidarity mais la vedette en fut incontestablement Cohn-Bendit. Les débats, contrairement à ce qui est dit, ne concernèrent pas la guerre du Vietnam ou la nature du mouvement étudiant. Ils se centrèrent sur les perspectives et le désaccord entraîna une séparation en deux réunions distinctes. »
Finalement, on se demande à quoi peuvent servir ces ommissions, ces remaniements et ces interversions de phrases dans l’édition française au regard de l’original allemand. Sans compter que « Paul Mattick – ein proletarischer Intellektueller. Statt eines Nachwort » (Paul Mattick : un intellectuel prolétarien. En guise de postface), un texte de 30 pages de Michael Buckmiller, ainsi que les textes littéraires de Mattick annexés à l’édition allemande, n’ont pas été traduits. Dans le texte de Buckmiller, j’ai trouvé (p. 147-153) une traduction partielle en allemand d’une lettre écrite le 16 novembre 1940 par Mattick à son ami le peintre Fairfield Porter(1907-1975). Buckmiller raconte dans sa postface que Mattick ne lui a jamais parlé de cette amitié, qu’il a appris « avec surprise » après la mort de Mattick (éd. allemande p. 46). A ma demande, Michael Buckmiller en a envoyé une copie de l’original à Echanges. Je l’en remercie.
Je l’ai intégralement traduite de l’anglais, ci-dessous, à cause de l’intérêt qu’elle me semble présenter pour une meilleure connaissance de la personnalité de Mattick, loin de l’icône peinte et repeinte par les mattickistes de France. F. M. en a rédigé les notes, sauf indication contraire.
J.-P. V.