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Après les élections européennes (Initiative communiste-ouvrière)

mercredi 11 juin 2014

Après les élections européennes Publié le 09/06/2014

Article paru dans "Communisme-Ouvrier" n°44, bulletin de l’Initiative Communiste-Ouvrière :

Ceux qui ont tout fait pour rendre l’Union européenne détestable se plaignent de ce qu’un parti anti-européen arrive en tête des élections européennes… Le premier ministre qui mène une politique policière, raciste et anti-ouvrière, s’étonne qu’un parti policier, raciste et anti-ouvrier ait surclassé le sien.

Le système électoral français, conçu pour protéger les partis en place, a permis d’amortir le choc lors des municipales. Les élections européennes donnent une image à la fois plus réaliste et autrement déformée des rapports de force politique. Avec 4 147 212 voix, le Front national est incontestablement en tête, loin devant le parti socialiste et ses alliés écologistes. Mais cette fois, le système électoral permet à ces voix, qui représentent en réalité 8,1% de la population adulte du pays, d’obtenir 26% des suffrages exprimés et un tiers des députés européens.

L’abstention (57%), la non-inscription sur les listes électorales (9%), les étrangers non européens, privés du droite de vote (6%), expliquent cette étrange disproportion entre nombre d’adultes et nombre de suffrages exprimés. Le système électoral lui-même, c’est-à-dire le vote par circonscriptions et les seuils destinés à éliminer les « petits partis », permet d’augmenter la proportion des sièges par rapport à celle des voix et d’attribuer des « primes au gagnant ». Le système électoral touche ici ces limites : le Front national va gagner 24 sièges là son nombre de voix réel devrait lui attribuer 6.

Cette arithmétique électorale, si elle permet de mieux proportionner les choses, ne doit pas masquer le grave danger : 4 millions de voix, en France, se sont portés sur l’extrême-droite. Parmi eux, le nombre d’ouvriers et d’employés est bien plus grand qu’au PS, qui a oublié l’existence de cet électorat, ou même qu’au Front de gauche. Une estimation du journal Le Monde, sur la base des suffrages exprimés, indique que 38 % des employés et 43 % des ouvriers ont voté FN, contre respectivement 8% et 16% pour le PS, et 5 et 8% pour le Front de gauche. Bien sûr, ces chiffres masquent une autre disproportion : la majorité des ouvriers s’abstient et nombre des employés également. Reste qu’ils constituaient le cœur de la gauche, socialement et électoralement, et que ceux qui votent encore soutiennent majoritairement l’extrême-droite. Le PS a perdu près de 200 000 voix par rapports aux précédentes européennes, là où le FN a quadruplé les siennes.

A l’échelle européenne, l’extrême-droite enregistre d’autres victoires ­et heureusement, quelques échec. C’est en Hollande et en Finlande que l’extrême-droite recule le plus. De même, les antisémites hongrois du Jobbik obtiennent 15%, en seconde position et en recul par rapport aux élections précédentes. Par contre en Autriche, le FPÖ est à 20%, au Danemark, le parti du peuple danois, droite anti-européenne et anti-immigrée, atteint à 23%, en Grèce, les néo-nazis de l’aube dorée sont autour de 10%. En Allemagne, le NPD, parti néo-nazi, obtient 1 siège, dans un contexte très différent, puisque c’est la suppression des seuils qui lui permet d’avoir un élu avec à peine plus de 1% des voix. En Angleterre, les anti-européens de l’UKIP ont nettement progressé, avec 9 élus. A l’inverse, la gauche gagne en Grèce (Syriza), et progresse en Belgique (PTB-GO) et en Espagne (Podemos), mais cela ne suffit guère à faire une contrepoids à l’immense bloc d’extrême-droite qui va arriver au parlement européen aux côtés de la majorité conservatrice.

Mais , une fois encore , c’est l’abstention qui reste majoritaire. Même dans les pays où le vote est obligatoire, comme en Belgique ou le Luxembourg, elle atteint 10%. Même en Grèce, où il l’est théoriquement, elle est de 43,65%. Partout ailleurs, elle oscille entre 40 et 87% (en Slovaquie). Elle est, par exemple, de 52,1% en Allemagne, de 64% en Angleterre. Et partout, ce sont les classes populaires, les chômeurs, les ouvriers, qui votent le moins. Confondre les sièges, les voix et la réalité de la population est un piège dans lequel s’engouffrent tous les commentateurs politiques et les journalistes.

Un autre chiffre intéressant permet, a contrario, de vérifier la pénétration du discours du FN : c’est le ratio entre les adhérents des partis politiques et leur nombre de voix. Le plus faible est pour ceux du Front de gauche : un adhérent PCF ou PG fait voter environ 8 personnes. Autant dire que l’écho est faible en dehors des partisans, même si les score est en hausse. Pour le PS, l’UMP et l’UDI / Modem, il est respectivement de 1 adhérent pour 15, 19 et 22 votes. Par contre, pour EELV, ce taux passe à un adhérent pour 170. Par contre, un adhérent du FN (65000 membres revendiqués, sans doute moins en réalité) fait voter 724 personnes. La plupart des votants n’ont sans doute jamais rencontré un militant , mais reçoivent sa propagande, largement diffusée dans les grands médias. Le FN, qui ne comptait que quelques centaines de membres au début des années 1980, est un parti efficace, avec un discours qui porte. La campagne de Marine Le Pen a été centrée essentiellement sur la question de la sortie de l’Europe, laissant les provocations racistes à son père. Le FN cherche, avec un certain succès, à attirer à lui un vote anti-européen, au-delà du vote raciste.

Cela dit, un fois posé la question du décalage entre les voix et les sièges, en France comme dans le reste de l’Europe, une fois critiqué le système électoral et tout ce qui contribue à dégoutter du vote un majorité de la population, nous devons faire face à une situation nouvelle, une majorité d’extrême-droite qui pourrait se confirmer dans d’autres élections. Il faut construire une alternative politique crédible, ancrée dans le monde du travail, capable de mobiliser réellement et de répondre aux inquiétudes de la classe ouvrière. Sans quoi, la victoire de nos pires ennemis sera inéluctable.

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