(Ce texte, dont nous publions les extraits les plus intéressants, a été publié en 2003 et il éclaire la stratégie de ceux qui, à gauche, en Italie mais aussi en France, veulent discuter gentiment avec des « penseurs » réactionnaires comme Costanzo Preve ou pensent qu’on peut aller défendre le « marxisme » auprès des amis du fasciste Serge Ayoub. Le fait que nous publions cet article ne signifie évidemment pas notre accord avec toutes les positions de ce groupe. Par ailleurs nous avons consacré le numéro 36-37 de la revue à cette question (http://www.mondialisme.org/spip.php...). Tous les textes sont sur le site et la revue est toujours disponible sous format papier ou en PDF.. NPNF.)
Si nous étions convaincus que l’histoire de la manifestation du 6 décembre 2003 en soutien à la résistance irakienne annoncée bruyamment par le Campo Anti-imperialista et organisée, disent-ils, de manière horizontale était seulement un problème d’infiltration des fascistes dans le cortège, notre tâche serait aisée. Parce que démontrer cette infiltration ne nécessiterait aucun travail d’enquête et de recherche tant l’opération est évidente. En effet, il suffirait de mentionner la présence, dans la liste officielle des signataires de l’appel, de Serge Thion, l’un des théoriciens de la négation des chambres à gaz. Sans parler de ceux qui, tout en soutenant la manifestation du 6 décembre 2003, ne voient pas leur nom mentionné dans la liste officielle de l’appel, comme Claudio Mutti l’idéologue de l’extrême droite, qui vit à Parme.
Mais nous ne sommes pas du tout convaincus qu’il s’agisse d’infiltrations, opérations qui, comme l’a justement écrit Moreno Pasquinelli, seraient trop nombreuses et trop ouvertes.
Ici, cependant, il s’agit d’un projet politique de gens qui jugent dépassée la dichotomie droite-gauche, voient dans l’empire américain l’ennemi de l’humanité et appellent à la mobilisation de tous ceux qui veulent s’opposer à l’avance des Américains, sans distinction de race, de religion ou d’opinions politiques. Et, bien sûr, les réponses à un tel appel ont été très diverses.
Les premiers à réagir officiellement ont été les communautaristes de Socialismo e Liberazione, qui avec un email envoyé à la liste Anti-americanista, ont cherché à adhérer à cette liste en tant que groupe. Nous ne serions pas en présence d’un projet politique, simplement d’une conséquence de l’ambiguïté de l’appel à la manifestation du 6 décembre 2003, si un élément ne changeait pas la donne : Costanzo Preve, le philosophe du Campo Antiimperialista, publie depuis un certain temps ses propres écrits sur le site de Socialismo e Liberazione. Signalons d’ailleurs que l’appel « Peoples Smash America », qui a donné naissance à la Lista Antiamericanista, avait déjà reçu le soutien à titre individuel de Maurizio Neri, du groupe Socialismo e Liberazione.
Dans la discussion qui a suivi cette adhésion collective des communautaristes, Pasquinelli a affirmé qu’il s’agissait d’un groupe de communautaristes repentis, parmi lesquels figurait seulement une poignée d’anciens fascistes. Mais soudain apparaît le nom d’Alessandra Colla, directrice de orionlibri, et qui, en dépit du fait qu’elle dirige un site ouvertement nazi, a continué à être acceptée sur la Lista Antiamericanista, et à y écrire pendant un certain temps, jusqu’à ce que sa présence soulève un chahut sur ecn.org/movimento.
À ce moment Alessandra Colla a démissionné, mais d’autres personnages, eux, ne sont pas partis, nous voulons parler d’Enrico Galoppini, qui publie régulièrement ses livres aux Edizioni del veltro, dirigées par Claudio Mutti, livres également présentés sur le site de orionlibri et dans le catalogue des livres sur la République Sociale Italienne [la république fasciste crée en septembre 1943 dans le nord et le centre de l’Italie, et soutenue par les nazis, NPNF]. Tiberio Graziani n’a lui non plus pas démissionné, ce personnage qui a fait de l’anti-américanisme et de l’européisme son drapeau. Il a traduit un texte du nationaliste serbe Kalajic, « La Serbie avant-poste de l’Europe », et a écrit une postface pour deux livres significatifs : un de Tahir de la Nive, « Les croisés de l’Oncle Sam » (publié en français aux Editions Avatar avec une préface du fasciste Christian Bouchet, NPNF), avec une préface de Claudio Mutti et le livre du père Jean Marie Benjamin « Irak, avant-poste de l’ Eurasie », sous la forme d’une interview de Graziani, avec une préface de Galoppini, publié aux Edizioni del veltro de Claudio Mutti avec un appendice par Carlo Terracciano. Décidément notre Graziani sponsorise de nombreux « avant-postes » !
Et dans l’appel à la manif on retrouve aussi des personnages moins connus, mais tout aussi significatifs, comme Walter Catalano, collaborateur au Diorama letterario, dirigé par Marco Tarchi, qui a été pendant un temps un élément de liaison entre la droite institutionnelle et l’extrême droite, et Miguel Martinez, qui signe Kelebek et anime un site du même nom. Ce dernier, même s’il a quitté les milieux de droite qu’il fréquentait dans sa jeunesse à Rome, continue d’avoir des relations avec Colla et Murelli, le mari de Colla, emprisonné pendant des années pour la mort d’un policier lors d’une manifestation fasciste. De plus, « Kelebek » a participé à la réunion du Campo antiimperialista à Assise en 2003, à laquelle a participé également le père Jean-Marie Benjiamin (désormais célèbre pour ses passages à la télévision), l’auteur précité de « Irak, avant-poste d’Eurasie » (en français ce livre a été publié par les Cahiers de la radicalité, une maison d’édition fasciste, NPNF).
Comme vous pouvez le voir, il s’agit d’un groupe conséquent de personnes, dont les noms se croisent fréquemment et qui sont en fait unis par un ciment anti-américain.
C’est pourquoi le projet politique anti- américain ouvert à tous, sans distinction de religion, d’opinion politique, etc., ne pouvait manquer d’attirer tous ces individus, comme le miel attire les abeilles.
Cela fait longtemps en Europe, et donc aussi en Italie, que l’extrême droite poursuit l’objectif de dépasser les frontières entre la droite et la gauche et de réaliser l’unité de tous ceux qui combattent le « système ».
Sans remonter aux nationaux-bolcheviks qui ont joué un rôle pionnier dans ce projet unitaire (cf. l’article de Mouvement communiste http://www.mondialisme.org/spip.php..., NPNF), il suffit de rappeler le rôle des nazis-maoïstes de Serafino Di Luia, l’ami de Stefano delle Chiaie, théoricien et praticien du massacre d’Etat, autrement dit de la stratégie de la tension.
Et l’on peut rappeler que Maurizio Neri, avant de se rapprocher des communautaristes, s’est présenté aux élections de 1998 sur les listes du Fronte Nazionale dans la circonscription de Terracina, laissant ainsi sa place dans la circonscription de Sabaudia à.... Serafino Di Luia.
Finalement, le choix du Campo Antiimperialista n’a rien de très nouveau, si ce n’est que cette fois le saut par-dessus le fossé entre la droite et la gauche n’a pas été effectué par des formations d’extrême droite, nazimaoïstes, partisanes de la Troisième Voie, mais par une organisation qui se situe à gauche. (...)
Ceux qui choisiront de participer, comme l’ont fait deux membres des éditions Malatempora (...) ne pourront ignorer à quelle manifestation ils se rendent et avec quel type de gens ils défileront. Ils ne pourront pas dire demain qu’ils ne savaient pas et ont été pris au piège.
Pour notre part, non seulement nous n’irons pas, mais nous ne voulons plus avoir rien à faire avec ceux qui iront à ce spectacle rouge-brun.
Nous savons qu’il faut s’opposer à l’occupation militaire d’un pays par les Américains et leurs alliés.
Mais nous pensons aussi que nous ne devons pas choisir de raccourcis. Parce que deux choses doivent être claires : 1 ) il n’y a pas que l’impérialisme américain (les Africains, par exemple, en savent quelque chose ), 2 ) l’impérialisme ne peut pas être combattu en soutenant des États-nations, qui sont le berceau de l’impérialisme, en particulier si ces Etats nationaux se situent en Europe. (...)
L’Avamposto degli Incompatibili
Extrait et traduit du site controappuntoblog.org