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Etats-Unis : une amorce de résistance ouvrière organisée ?

vendredi 2 mars 2012

Ce texte est paru dans Echangesn° 134 (automne 2010], avec Que sont devenus les Etats-Unis dans la crise ? (1).

On peut dire en gros que les nouveaux contrats d’entreprise qui tentent d’imposer des réductions des salaires et des avantages sociaux (voir Que sont devenus les Etats-Unis dans la crise ? (1) note 10 ), sont des copies conformes de ce que le gouvernement Obama, les directions et le syndicat UAW ont imposé aux « trois grands » de l’automobile lors de la mise en faillite de Chrysler et General Motors : outre les licenciements, une réduction de salaire de 50 % pour les entrants. On peut dire aussi que, comme chez les « grands », les syndicats (UAW ou autre) ont en général conclu des accords entérinant pratiquement les propositions pa­tronales et qu’ils ont, dans la période de marasme 2008 et 2009, réussi à faire adopter ces accords par les travailleurs concernés. Mais récemment il leur est devenu plus difficile de faire adopter de tels accords. Certes un premier rejet ne décourageait pas les bureaucrates syndicaux, qui revenaient à la charge avec un contrat nouveau presque identique à celui qui avait été rejeté et, par diverses manœuvres, parvenaient à obtenir un vote favorable. Mais ces difficultés n’étaient que le début de résistances qui se sont précisées cet été.

L’exemple le plus typique en est celui d’une usine d’emboutissage de General Motors sise à Indianapolis (Etat d’Indiana) et qui, dans le plan de restructuration de GM, doit être fermée ou cédée à un repreneur.

Un tel repreneur s’est présenté en la personne de J.D. Norman, qui a mis comme condition au rachat de l’usine la baisse des salaires. Le renouvellement du contrat collectif de l’usine offrait une telle opportunité. Chacun, du côté patronal et syndical pouvait penser que le chantage à la fermeture ferait accepter le nouveau contrat comportant une réduction drastique des salaires : 14 dollars de l’heure au lieu de 29 (environ 10 euros contre 20) et d’autres broutilles concernant les cotisations maladie. En mai 2010, un premier vote rejette l’accord conclu par l’UAW, par 384 voix contre 22 sur 650 travailleurs. Ne s’estimant pas battu, le syndicat présente un accord similaire au premier et convoque un meeting pour tenter de persuader les travailleurs et les faire voter de nouveau. Pour mettre toutes les chances de son côté, c’est un bureaucrate national qui vient à ce meeting, convoqué trois jours avant le dimanche 15 août, alors que nombre de travailleurs doivent venir en voiture d’assez loin. Mais la salle est comble et le bureaucrate ne peut même pas ouvrir le bec : hué, il est poussé vers la sortie et le vote n’a pas lieu. « Non c’est non », déclare un ouvrier, « et c’est tout. On ne veut pas de leur contrat, fermez l’usine. »

L’UAW ne renonce pas, parlant de « scènes de la populace » et d’une minorité qui régnerait par la violence sur les ouvriers. Pour marquer sa volonté, le syndicat organise un nouveau vote sur les mêmes propositions, mais cette fois par courrier postal, l’associant à une campagne préalable de chantages, de calomnies, de mensonges, de pressions. Le 23 septembre, dépouillement, le contrat est rejeté de nouveau par 454 voix contre 96. Le repreneur décide de retirer son offre.

La fermeture de l’usine est programmée pour septembre 2011. Mais la lutte n’est pas pour autant terminée.

Etant donné la démission totale du syndicat, discrédité par sa défense des positions patronales et les tentatives de manipulation des ouvriers, il s’est formé dans l’usine un comité de lutte qui n’entend pas en rester là. Il tente de populariser leur lutte et non seulement de susciter une solidarité verbale et financière, mais aussi d’initier des résistances, au moins dans des situations similaires à la leur. Leur propre problème reste ouvert : grève, occupation, opposition au transfert de matériel, etc.

◆ 22 août, Metropolis (Illinois), 6 500 habitants : les 220 ouvriers d’une usine d’enrichissement d’uranium ont rejeté le 28 juin un nouveau contrat qui leur transférait la charge totale des garanties santé. Depuis, ils ont subi neuf semaines de lock out alors que l’usine tourne avec 200 jaunes spécialement embauchés pour briser la grève.

◆ 31 août, Washington (DC) : 500 travailleurs de Coca Cola en sont à leur seconde semaine de grève, ayant refusé un nouveau contrat qui supprimait les garanties santé pour les retraités et augmentait la contribution des salariés.

◆ 17 septembre, Milwaukee (Wisconsin) : les 1 000 travailleurs de l’usine Harley-Davidson, dans le cadre de la restructuration du groupe, finissent par accepter le nouveau contrat qui licencie le tiers d’entre eux avec 12 000 dollars (9 000 euros) d’indemnités de licenciement, réduit de moitié les salaires pour les temporaires (16,80 dollars de l’heure, 11 euros), gèle les salaires pour sept ans et admettent d’autres concessions sur la santé.

◆ 20 septembre, Longview (Etat de Washington, dans le nord-ouest des Etats-Unis) : les 730 ouvriers de l’usine de papier Longview Fiber Paper and Packaging Inc rejettent pour la seconde fois, par 634 voix contre 1, un contrat signé par le syndicat Association of Western Pulp and Papers Workers et comportant une réduction du système de santé, la suppression de toute garantie maladie pour les retraités et le gel des retraites. Ils votent alors la grève par 577 contre 3.

◆ 16 octobre, Detroit (Michigan) : 200 travailleurs d’une douzaines d’usines GM du Michigan manifestent devant le QG du syndicat UAW à Detroit pour protester contre la politique de réduction des salaires de moitié. Ces réductions ne touchaient que les nouveaux embauchés, elles s’appliquent maintenant aux anciens, à travers un nombre croissant de clauses complexes dans les contrats signés par l’UAW (par exemple des catégories T 1 pour les temporaires à temps partiel et T2 pour les temporaires à temps complet sur un poste fixe). Pour éviter les méconvenues de l’usine d’Indianapolis, les dirigeants syndicaux locaux d’Orion, une usine de la région de Detroit, ont décidé que le nouveau contrat serait appliqué sans vote des travailleurs. ■

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