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Samedi 1er Octobre, à Rennes, devait se tenir une conférence avec Alain Soral et Hassan Iquioussen.
Elle a finalement été annulée par Egalité et Réconciliation Bretagne, qui prétexte des pressions des « antifascistes », mais aussi des « autorités » sur la « communauté musulmane.
La mouvance fasciste avait dans un premier temps donné une grande importance à cette conférence, annoncée sur de nombreux sites et forums comme un des temps forts de la rentrée de l’extrême droite, sur le thème de l’alliance entre les « jeunes musulmans » et les « patriotes ». Cependant, nulle part dans les publicités pour la conférence, ne figurait la moindre indication sur la pensée ou les positions précises d’Hassan Iquioussen.
Le fasciste français ne se refait pas : pour lui, un Arabe est un Arabe, interchangeable, qu’il s’agisse de le tuer ou de l’utiliser, il n’existe pas en tant qu’individu, en tant que locuteur, il ne peut être là que pour incarner une communauté figée.
Du côté antifasciste, deux réactions ont émergé : d’un côté le collectif antifasciste rennais, tout en réalisant un excellent tract contre Alain Soral a tout simplement ignoré son co-conférencier. Seuls les animateurs de Conspiracy Watch et le NPA ont parlé d’Iquioussen , mais uniquement pour pointer ses théories antisémites, développées dans un prêche de 2003 sur lequel nous reviendrons.
Silence partagé de tous côtés, en ce mois de septembre 2011, où pourtant l’islam en France est au cœur de toutes les discussions. Mais seulement par le prisme de certains phénomènes, le voile intégral ou les prières de rue, seulement par le biais de personnages mis en avant par les médias, Tarik Ramadan ou Kenza Drider , le prédicateur télévisuel ou la candidate en burka.
Hassan Iquioussen n’est pas médiatique, c’est un homme de terrain, dont l’activité est toute entière tournée vers la création de réseaux concrets.
Hassan Iquioussen n’est pas l’homme des colloques et des plateaux télé, mais celui des prêches dans les petites mosquées partout en France. Pourtant ses vidéos sont vues autant que celles de Ramadan, mais pas forcément par le même public.
En 2003, lorsque qu’Iquoioussen a émergé brièvement dans l’espace médiatique pour avoir tenu des propos antisémites lors d’un prêche sur la Palestine, il a été présenté comme un intégriste, comme un « imam des banlieues ». Pourtant, Iquioussen est vilipendé par ceux là même qui incarnent l’ « intégrisme » dans les médias, en l’occurrence les courants salafistes qui prêchent un retour aux fondamentaux de l’islam et condamnent totalement la vie dans le monde moderne.
Iquioussen a une toute autre approche, jamais dans ses prêches n’est évoquée la destruction de l’Occident, toute son approche est celle de la vie dans le monde tel qu’il est.
Iquioussen parle de la mal bouffe et déclare adorer José Bové, et détester la souffrance animale. Iquioussen a des avis aussi bien sur l’islam et l’usage des réseaux sociaux que sur l’islam et les rapports garçon/fille avant le mariage.
Dans ses prêches et conférences, on ne parle pas tellement de guerre sainte, pas tellement de la vie après la mort : il s’agit plutôt de l’attitude que le musulman doit tenir à la cantine de l’école, au conseil municipal, dans le secret de l’isoloir , au supermarché. Et sur toutes ces questions, Hassan Iquioussen semble incarner cette image du musulman « modéré » qui est défendue par tous les politiques comme le modèle à adopter : les deux mots les plus employés par Iquioussen sont « citoyen » et « consommateur ». Iquioussen a suscité la colère des salafistes pour avoir déclaré qu’une femme peut retirer son voile si c’est nécessaire pour qu’elle garde son emploi, et au détour d’une de ses conférences, l’on apprend même que « l’islam interdit de frauder dans le métro ».
Lorsqu’on a du militant de l’islam politique, la vision raciste colportée par les médias, celle d’une brute moyen âgeuse, vivant visiblement en retrait du monde « moderne », dans l’illégalisme permanent car ne reconnaissant que la loi de Dieu, on ne peut qu’être déconcerté par Hassan Iquioussen, qui déclare se battre pour la tolérance la plus absolue, pour que « musulmans » et « non musulmans » vivent côte à côte dans le respect des lois de la République.
Si l’on est persuadé que le racisme s’exprime seulement par la violence envers les membres des minorités, on reste aussi totalement abasourdi par le discours d’Alain Soral et par cette conférence qui viserait à éviter le choc entre la « France » et les « banlieues ».
La contradiction apparente avait été la même lors de la précédente conférence d’Egalité et Réconciliation à Rennes, où l’invité principal Laurent James était là pour affirmer son admiration pour l’islam et son choix de l’Orient plutôt que de l’Occident. Après les agressions physiques graves perpétrées contre des militants antifascistes lors de cette réunion, Egalité et Réconciliation n’ont cessé de mettre en avant les origines immigrées du tenancier du bar Le Fleurte, et fait l’éloge de l’ « honnête commerçant » confronté à la « racaille gauchiste » qui passe sont temps à foutre le bordel à Rennes et à emmerder les « honnêtes citoyens ».
Peut-être faut-il partir de ces deux points communs entre Soral et Iquioussen pour comprendre leur alliance et leur objectif : les deux hommes aiment énormément les commerçants et spécialement les bouchers charcutiers, et détestent les « racailles », qu’elles s’incarnent dans leurs discours par le gauchiste aux cheveux sales ou par le mauvais musulman qui « fraude le métro ».
Soral , comme tous les fascistes français, fait une grosse fixette sur le saucisson de très bonne qualité et la viande de porc bien cuisinée est selon lui un attribut incontournable de la culture « gauloise » .
De son côté Iquioussen peut parler une heure trente du « vrai hallal », qui a « forcément un prix », et de l’importance « de son boucher de quartier à qui il faut faire confiance ». Soral dans l’un de ses derniers livres , se livre à des charges extrêmement violentes contre les chômeurs, ces parasites du bas, pour lui comparables aux « parasites du haut », en l’occurrence l’ « oligarchie sioniste ».
Iquioussen, dans un de ses prêches les plus diffusés sur Internet concernant la jeunesse adapte de manière islamique la division sarkozyste entre la France qui se lève tôt et l’autre, celle des mauvais musulmans qui regardent « des sites inutiles sur Internet « et manquent la prière du matin. Dans ce même prêche, il place le fait de gagner de l’argent au premier rang des obligations du musulman et finit sur cette conclusion édifiante :
« Le musulman riche et reconnaissant est meilleur que le musulman pauvre car le riche va être utile pour lui-même et utile pour les autres » .
Iquioussen, comme Soral , bien qu’ayant une image de « rebelles » colportent donc tous deux cette apologie du bon citoyen, bon « français » ou bon « musulman » : un mec qui fait de l’argent et ne se rabaisse pas en mangeant de la merde.
Et dans leur discours sur les chômeurs ou les jeunes qui ne font pas l’effort de se lever tôt, on ne trouve rien d’autre que la bonne vieille antienne capitaliste : chacun sa chance d’accéder à la « réussite » sociale , et la misère comme la précarité sont avant tout de la faute des pauvres qui ne se bougent pas assez individuellement.
Pourtant les deux semblent bien dénoncer une oppression sociale lorsqu’ils évoquent l’ « oligarchie », et dénoncent nos gouvernants actuels, l’un pour l’injustice dont seraient frappés les « travailleurs français » , l’autre pour la « stigmatisation » qui frappe les musulmans.
C’est toute leur force respective , d’ailleurs , partir de la réalité d’un quotidien difficile , avoir compris qu’il faut s’appuyer sur la souffrance des prolétaires pour mieux les opprimer et leur offrir sur un plateau un ennemi à détester.
Cet ennemi, c’est le sioniste chez Soral, force corruptrice qui manipule tout mais telle le Diable qui possède qui il veut, n’est jamais vraiment saisissable. Chez Iquioussen, c’est aussi le « Juif », peuple damné dès l’origine, et qui pervertit tout ce qu’il touche .
Mais chez les deux hommes, parce que le mal est perversion de l’ordre existant, l’ordre en lui même n’est finalement pas critiquable et doit être respecté et les structures quotidiennes de l’oppression capitaliste ne doivent jamais être remises en cause concrètement.
Le « musulman » comme le « patriote » français doivent certes avoir la haine contre les « sionistes » contre les « banques », mais certainement pas contre leur patron, contre le salariat, contre la manière dont est organisée la représentation nationale, contre le principe de l’économie de marché. On doit respecter son patron, son boucher, et aller voter.
Simplement il faut choisir le bon patron, le bon boucher, le bon politicien, le bon conférencier.
Derrière la dénonciation du « système », il y a chez les deux hommes le soutien le plus absolu à l’ordre capitaliste, et la dénonciation des « classes dangereuses », c’est à dire celles qui contestent la place qui leur est assignée dans cet ordre.
C’est pourquoi Iquioussen a un discours très particulier sur l’histoire de l’immigration et de ses luttes.
Il y a plusieurs mots qui sont totalement absents du discours d’Hassan Iquioussen : « immigration », « racisme », « exploitation », « arabe » , « noir ».
Ils sont systématiquement remplacés par « français musulman », « islamophobie », « injustice ».
Hassan Iquioussen évoque très souvent les années 50 et 60, comme celles ou nos « anciens » sont arrivés en France.
Mais le fils de mineurs du Nord Pas de Calais ne parle pas de l’horreur des conditions de vie de l’époque pour les immigrés, le fils de l’immigration maghrébine n’évoque jamais la décolonisation ou la guerre d’Algérie : dans tous ses prêches, ce qui revient, c’est toujours la même description : les années 50 et 60 étaient celles où « nos anciens » vivaient « sans aller à la mosquée » et « sans respecter les devoirs de l’Islam ».
Interrogé sur le Tabligh, un mouvement islamique né en Inde et qui accorde une extrême importance à la pratique et aux rituels quotidiens, Iquioussen, dans un prêche leur rend un grand hommage : selon lui, ils sont venus évangéliser les mécréants paumés qu’étaient devenus nos parents et grands parents en les rappelant à leurs devoirs, notamment celui des cinq prières quotidiennes.
On peut comprendre l’arrogance de l’adolescent vis à vis de la génération précédente.
Mais Hassan Iquioussen a 45 ans, et lorsqu’il décrit les générations immigrées précédentes comme des acculturés totalement perdus dans un pays qui n’était pas le leur, il sait parfaitement ce qu’il fait : détruire la mémoire des luttes de l’immigration, nier l’apport du prolétariat immigré aux combats de classe de ce pays.
De la fédération Française du FLN, la plus importante en nombre, la plus revendicative et la plus universaliste jusqu’à ce qu’elle soit reprise en main dans le sang par les nationalistes religieux de droite dont Iquioussen est l’héritier, aux grandes grèves pour le droit de prier ET aussi de parler sur les chaînes de montage de Talbot, Iquouissen fait abstraction méprisante.
Les luttes de sans-papiers, la longue listes des militant(es) issues de l’immigration, syndicalistes combatifs et autonomes ou féministes anti-racistes ? Iquioussen crache dessus par son silence et ses considérations sur l’état de « perdition » de générations entières « intégrées par le jambon ».
Notre « imam de banlieue » n’est pas plus honnête avec les luttes internationales : dans son prêche resté célèbre sur la Palestine, Iquioussen ne se contente pas de délirer sur la vilenie des Juifs, il ose aussi comparer Arafat au maréchal Pétain, tout en glorifiant le Hamas.
Soral et Iquioussen ont donc la même haine pour tout ce qui socialement, s’oppose concrètement à l’oppression, sur la base d’une alliance objective entre des gens qui subissent la même chose au quotidien, et décident de construire ensemble une résistance concrète, malgré leurs différences culturelles .
L’immigration a toujours été un problème pour tous les fascistes , pour tous les réactionnaires, pas seulement ceux du pays d’arrivée des migrants, mais aussi ceux des pays de départ. Elle ne l’est pas pour les raisons qu’ils invoquent officiellement : mais parce qu’elle crée objectivement les conditions de la rencontre entre les prolétaires, et de cette rencontre, naît la possibilité au quotidien pour chaque prolétariat national, de relativiser le poids de la culture de soumission qui lui est inculquée par sa bourgeoisie, par le biais de la religion ou de la politique classique.
Le métissage a toujours lieu, malgré le racisme : en France, malgré la politique discriminatoire d’Etat, malgré l’intense propagande déployée depuis toujours pour séparer les prolétaires entre eux, l’unité du prolétariat s’exprime aussi bien dans la vie quotidienne , que dans des luttes de classe où l’origine, la religion, et la culture personnelle de chacun ne sont plus un obstacle à la solidarité.
Cette unité mondiale du prolétariat s’exprime aussi au travers de ce qu’apporte l’immigré à son prolétariat d’origine : les luttes anti-colonialistes pour la liberté et l’égalité sont toutes faites de l’apport de ces immigrés qui ont pris conscience de la possibilité de faire vivre cette égalité lorsqu’ils sont venus dans les métropoles colonisatrices, lorsqu’ils y ont découvert notamment d’autres combats pour l’égalité, ceux des prolétaires de ces métropoles.
C’est ce métissage de combat que vise l’ « l’intégration par le jambon » raillée par Iquioussen, quand le fasciste, lui va railler la « dhimmi attitude » de ces prolétaires français qui apprennent des luttes de l’immigration en France.
Le communisme, et toutes les idéologies progressistes ont d’ailleurs souvent été désignées par les mouvements religieux ou communautaristes, comme une « colonisation de gauche », comme une « importation étrangère ». Pendant la guerre d’Algérie, alors que les militants de gauche algériens étaient traqués par la droite des mouvements indépendantistes, on leur reprochait déjà d’être des « buveurs d’anisette », et aussi des « colonisés du cerveau », parce qu’ils contestaient l’approche purement identitaire de la libération nationale.
C’est donc bien la conscience de classe qui est l’ennemi, aussi bien pour Alain Soral que pour Iquioussen. Et cette conférence commune, même annulée, est dans son titre et dans son projet, l’annonce d’une alliance entre fascistes et militants de l’islam politique qui ne va cesser de prendre de l’ampleur dans les prochaines années.
Eviter l’affrontement entre « La France » et « La Banlieue » tel est le projet annoncé, avec le portait de Soral au dessus du mot France, et celui d’Iquioussen au dessus du mot « banlieue ».
La division entre « La France » et la « Banlieue » n’a plus rien d’extraordinaire aujourd’hui. Qu’on les appelle « quartiers défavorisés », « zones sensibles ou de non-droit », ou même à l’extrême-droite « territoires occupés », il y a bien en France, des quartiers qu’on ne définit plus uniquement par des critères objectifs ( taux de pauvreté, lieux de relégation de certaines populations ) par exemple, mais comme une sorte de « nation » à part dont les habitants volontairement s’enfermeraient dans leur propre ghetto, et seraient en fait plus liés à d’autres pays qu’à leurs voisins les « vrais français ».
De fait, la stigmatisation, la mise à l’écart du prolétariat dans ces quartiers ont crée une histoire et des luttes spécifiques.
De fait dans l’histoire récente, la spécificité en a été revendiquée par les habitants eux mêmes, et les générations qui nous ont précédés ont pu être fières d’appartenir aux banlieues rouges ou aux quartiers populaires, d’y avoir crée leurs contre-cultures, leurs révoltes contre la société capitaliste. Mais il ne s’agissait pas de revendiquer la séparation comme identité positive et indépassable, mais de dire que de ces quartiers pouvait émerger des mouvements capables de transformer la société dans son ensemble.
Dans ce cadre , l’histoire des luttes de l’immigration a toujours eu une dimension universaliste, la revendication de l’égalité se faisait au nom du principe de l’égalité entre tous les hommes, et de leurs intérêts communs à une société plus juste.
L’intérêt commun des forces incarnées par Alain Soral et Hassan Iquioussen est totalement antagoniste à cette histoire des banlieues et de l’immigration.
D’un côté comme de l’autre, les deux leaders cherchent à rendre sympathique la séparation la plus absolue entre deux parties du prolétariat, chacune réduite à une identité qui l’éloigne à tout jamais des autres prolétaires tout en l’assujettissant à ses propres leaders auto-proclamés.
Que ce séparatisme soit prôné soi-disant pour éviter la guerre ou au contraire l’encourager n’a aucune importance.
Dans les deux cas, le projet social est le même : un pays divisé entre « français » et « musulmans », et la proscription du métissage culturel, parce que de ce métissage culturel au sein du prolétariat naît souvent la conscience de classe.
Alain Soral prône cette séparation au nom de l’identité française menacée par l’invasion migratoire.
Iquioussen le fait au nom de la tradition musulmane, une et intangible. Tous ses prêches et ses conseils aux musulmans tournent autour de la même injonction : le musulman ne doit pas se retirer du monde, mais n’être en ce monde QUE musulman. Ses rapports avec les autres doivent être fondés non pas sur l’échange mais sur la « tolérance ». Là ou certains verront le mérite du non-prosélytisme, il y a en réalité la construction d’un mur culturel bien plus infranchissable que dans l’attitude qui consiste à vouloir persuader l’autre de ses croyances.
Ainsi Iquioussen ne cesse-t-il dans ses prêches , non pas de préconiser des activités « musulmanes », mais de tout faire dans l’espace d’une « communauté musulmane » : le sport, l’aide aux devoirs des enfants, le bénévolat social, tout après tout peut-être pratiqué dans le cadre d’associations musulmanes. On peut tout à fait avoir des loisirs d’adolescent, rencontres, chat sur les réseaux sociaux, mais il y a un net musulman non ? Bien sûr il faut voter , donner son avis sur les hommes politiques, mais Iquioussen réfute par exemple le choix entre droite et gauche, il s’agit simplement de voir ce que tel ou tel candidat propose pour les « musulmans ».
Ainsi se dessine un espace à la fois physique et culturel particulier, exact pendant du communautarisme gaulois prêché par Soral . Chacun sa vie, chacun son boucher-charcutier , chacun son lieu de vie, la « banlieue » ou « la France », chacun ses intérêts propre.
Et dans ces deux espaces, une communauté pacifiée ou le bourgeois est valorisé, et le chômeur méprisé, ou les salariés se doivent d’admirer le patron qui a réussi.
Bien sûr ces « communautés » sont amenées à se croiser dans l’entreprise, dans l’isoloir, dans la rue. Mais dans toutes ces rencontres, chacun doit garder intangible son « identité ».
Iquioussen, comme Soral est bien conscient de la difficulté de faire entrer cette logique séparatiste dans la tête des prolétaires.
En effet, de plus en plus, la conscience d’un destin commun lié à l’appartenance à une classe unique émerge en chacun d’entre nous. Nos spécificités culinaires, nos interdits alimentaires , pour prendre cet exemple si important pour les séparatistes sont bien peu de choses devant le problème commun que nous rencontrons en faisant les courses : l’impossibilité financière de se nourrir correctement.
Le fossé entre nous et ceux qui peuvent choisir une alimentation saine et équilibrée , mais aussi leurs loisirs ou leur lieu de vacances est évidemment bien plus grand que celui qui nous sépare du voisin qui mange du porc , quand nous mangeons de la dinde.
Les leaders comme Iquioussen ou Soral sont bien obligés de tenir compte de ces intérêts et de ces colères communes, raison pour laquelle ils sont contraints de recourir à la désignation d’un responsable pour détourner la colère et la rendre inoffensive.
Les deux professent donc à la fois un antisémitisme échevelé et un anti-américanisme chauvin.
L’antisémitisme a la fonction classique de bouc émissaire en lieu et place de la bourgeoisie.
L’antiaméricanisme, lui remplit une fonction supplémentaire, en plus de faire croire qu’il existe un bon et un mauvais capitalisme : l’ « américanisation » chez Soral comme chez Iquioussen désigne en fait l’antithèse de la Tradition, grande référence des deux hommes. Tout ce qui va dans le sens du métissage culturel, de l’intérêt pour l’autre, de l’universalisme est désigné comme une perversion : le hamburger n’est pas seulement décrié comme une mal-bouffe, mais aussi et surtout comme une recette de cuisine universelle qui détourne le « français de souche « comme le « musulman » de SA cuisine, de sa « tradition culinaire » spécifique.
De même le rap, dénoncé comme d’origine américaine insupporte les identitaires de tous bords, parce qu’il est à la croisée de beaucoup de courants culturels prolétaires, de plusieurs continents et n’appartient à aucun « peuple », constitué ou fantasmé.
Evidemment, la question qui reste posée après ces développements sur la pensée et la pratique d’Iquioussen est celle de son alliance spécifique avec le fascisme français organisé.
L’équation islam politique= ralliement au fascisme n’est pas une évidence en soi, indépendamment des conditions historiques objectives dans un pays donné, et la poser telle quelle est forcément une vision raciste de l’islam : les religieux, même lorsqu’ils estiment que la religion ne doit pas être cantonnée dans la sphère privée, mais trouver sa place dans l’espace public peuvent très bien se rallier à la démocratie, voire à la social-démocratie ou à l’extrême gauche. C’est une chose qui est naturellement admise pour le christianisme en France, et il n’y aucune raison autre que raciste pour l’admettre aussi en ce qui concerne l’islam politique.
De fait, le parcours d’Hassan Iquioussen et celui de son mouvement, les Frères Musulmans et l’UOIF l’a d’abord rapproché de la gauche et de l’extrême-gauche. La reprise de concepts comme l’ « intégration par le jambon » développés par les Indigènes de la République, ou celui de la mal-bouffe témoignent de cet itinéraire.
Iquioussen comme Tarik Ramadan ont fait partie des intervenants très réguliers des conférences organisées par l’association roubaisienne Rencontres et Dialogues fondée par un membre des Verts.
Ni l’UOIF, ni Ramadan ou Iquioussen n’ont été ostracisés ou exclus de la sphère d’extrême gauche : bien au contraire, la sympathie envers l’islam politique en est toujours une composante importante en France, ou beaucoup de groupes espèrent toujours que ses mouvements, dans le cadre de luttes communes pour la Palestine ou contre l’islamophobie évolueront vers un anticapitalisme plus affirmé.
L’extrême-gauche peut toujours attendre, car les militants comme Tarik Ramadan et Hassan Iquioussen ont très bien pris la mesure de ce qui vient de se produire en Tunisie et en Egypte et gagne progressivement d’autres pays.
Là bas, les prolétaires ont mené massivement des tentatives révolutionnaires dont le discours et la pratique visait concrètement le capitalisme, tentatives à la fois économiques et politiques, marquées par un universalisme inter-religieux et inter-culturel.
Dans ces deux pays, les grèves massives qui d’ailleurs se poursuivent démontrent que les révoltes n’étaient pas seulement contre les dictateurs mais également contre le système économique et l’exploitation salariale. Là bas, les musulmans pauvres ne sont plus de l’avis d’Hassan Iquioussen, et ne pensent plus que le musulman riche est meilleur qu’eux et plus utile à la société.
De même que la révolte de la jeunesse iranienne, les mouvements en cours ont sonné le glas d’un cycle ou l’islam politique était d’emblée perçu comme un mouvement antagoniste et essentiel à la révolte contre la société capitaliste.
Le plus terrible pour les Frères Musulmans est que ce bouleversement n’a même pas spécialement pris la forme d’une opposition ouverte à l’islam , qu’ils auraient pu immédiatement qualifier d’ « occidentalisée », mais simplement d’une indifférence profonde à ces mouvements. Les prolétaires en Egypte et en Tunisie n’ont pas viré les militants de l’islam politique , ils ont agi s’en sans préoccuper, sans venir les chercher, sans leur demander leur avis sur la manière de mener leur lutte.
Les mouvements de l’islam politique se sont retrouvés dans une situation inédite : contraints de soutenir des révoltes dont les modalités et le contenu se trouvaient en partie antagonistes à leur conception profondément bourgeoise et réactionnaire de l’ordre social pour garder leur image d’opposants à l’ordre établi.
L’islam politique est incompatible avec la lutte des classes : comme d’autres formes de politisation de la religion, il peut s’accommoder à certaines périodes du capitalisme, de formes paternalistes de prise en compte du « problème de la pauvreté », dans leur version caritative ou dans leur version social-démocrate.
Mais la notion d’antagonisme entre les classes, dès lors qu’elle émerge même de manière partielle dans un mouvement est à l’opposé de sa perspective sociale, celle d’une société fondée sur l’existence indépassable des riches et des pauvres, et de l’exploitation de l’homme par l’homme.
De plus, dès lors que les prolétaires engagés dans les mouvements en cours ne se définissent plus prioritairement en fonction de leur « communauté » ou de leur « religion », c’est tout l’édifice des organisations de l’islam politique qui tremble. Lorsque la mosquée devient non plus LE lieu prioritaire de socialisation, mais un lieu parmi d’autres, dès lors que la manifestation du jeudi devient un événement qui fait autant sens que la prière du vendredi, que le camarade rencontré au syndicat est autant un frère que celui qui partage la même religion que nous, l’influence des leaders religieux s’amenuise inévitablement.
Comment reprendre la main, pas seulement en Egypte ou en Tunisie, mais aussi en France ? Comment se remettre de ce paradoxe terrible ?Effectivement une part grandissante des prolétaires d’origine immigrée mais pas seulement retrouve des « racines » dans la culture des pays du Maghreb, ce que souhaitaient les tenants de l’islam politique...mais qu’en même temps la mémoire et le lien qui émergent sont ceux de la révolution sociale qui n’a ni pays, ni patrie, ni religion ?
La réponse ne peut être en France, que le pari de l’alliance avec les fascistes même apologues du colonialisme : imposer ensemble une fausse convergence et un vrai séparatisme entre les prolétaires, l’idée de « La France » d’un côté, de « la banlieue « de l’autre, récupérer la colère de classe en lui désignant un ennemi fantasmé et ce faisant cracher sur la révolution sociale sans en avoir l’air.
Hassan Iquioussen s’allie avec Alain Soral, l’ennemi de la prétendue « repentance », le défenseur de la colonisation, et dans le même temps Tarik Ramadan distille sans arrêt la thèse selon laquelle les révolutions du Maghreb auraient été « manipulées » par l’Occident et ne seraient donc pas si révolutionnaires que cela...
Dans l’avenir les tenants de l’islam politique (et plus globalement tous les leaders religieux souhaitant avoir un rôle politique majeur dans la gestion de la société ) et fascistes ordinaires seront donc ensemble contre toutes les manifestations de révolte populaire , qu’il s’agisse de les détourner à leur profit ou de les attaquer de front, notamment en ciblant tous ceux qui se refusent à se définir selon des identités partielles, tous ceux qui mettent la solidarité concrète entre exploités avant les différences culturelles ou religieuses .