Fasciste argentin qui fut un des mentors de Chavez. Suivant les chavistes, cette collaboration n’aurait duré que quelques mois. Ceresole fut expulsé du Venezuela en 1995 après avoir rencontré Chavez en Argentine en 1994, puis au Venezuela où il l’accompagna lors d’une tournée politique. Il revint au Venezuela en 1999 (après la victoire du colonel aux présidentielles de décembre 1998) pour finalement mourir en Argentine en 2003.
Le négationnisme de Ceresole ne fait aucun doute. Dans ses écrits sur Chavez, il évoque un complot « judéo-anglais » à l’œuvre depuis 1492 sur le continent sud-américain ; il considère que 400 000 Juifs sont morts pendant la Seconde Guerre mondiale (et non 6 millions), et que c’est le Parti communiste allemand qui assasinait les Juifs dans les camps de concentration ; il pense que l’Eglise catholique est sous la coupe des Juifs depuis Vatican II ; il voit, dans les attentats en Argentine qui firent 100 morts en 1992, la main de l’extrême droite israélienne ; il estime que le fait que 1 250 juifs argentins soient morts dans la guérilla démontre que ces derniers ont voulu détruire la nation et l’armée argentine et y auraient réussi ; il affirme que tout Juif est un traître potentiel puisqu’il est à la fois loyal à sa patrie et loyal à l’Etat d’Israël ; il pense qu’il faut non seulement chasser les Juifs de tous les pays d’Amérique latine, puisqu’ils constituent une cinquième colonne permanente, mais qu’il faut les chasser aussi d’Israël, etc.
Ceresole exprima ses opinions dans plus de 30 livres avant sa mort en 2003 et dans de nombreux articles. Il est donc difficile de croire que Chavez ait pu ignorer l’antisémitisme hystérique et l’antisionisme fanatique de ce personnage, d’autant plus que Ceresole proposa dans ses écrits une vision géopolitique et une stratégie d’alliances du Venezuela avec les pays du Proche et du Moyen-Orient, dont l’un des objectifs était justement… l’élimination physique d’Israël.
Pour le Venezuela, il proposa un modèle politique (la trinité Caudillo- armée-peuple), la création d’un mouvement civico-militaire autoritaire et il définit le rôle stratégique que devait jouer Chavez, selon lui, à la fois en Amérique latine mais aussi à l’échelle internationale.
Ces aspects-là de sa pensée expliquent pourquoi ils ont pu intéresser Chavez et son entourage, entre la sortie de prison du colonel vénézuélien en 1994 (après deux tentatives de coup d’Etat en 1992) et son élection au poste de président en 1998. Norbert Ceresole avait réfléchi à un certain nombre de problèmes stratégiques qui se posent au continent latino-américain, et aux différentes puissances de cette planète. S’il a su capter, à des périodes historiques différentes, l’intérêt d’officiers putschistes ou au pouvoir en Argentine, au Pérou et au Venezuela, c’est qu’il les a encouragés à jouer un rôle politique décisif dans leurs sociétés respectives et à affronter les puissances américaines et européennes sur le plan idéologique, en attendant mieux….
Il s’est présenté à eux comme un classique conseiller du prince, qui leur offrait un kit militaro-idéologique :
– une vision géopolitique puisant chez Toynbee, Spengler et Huntington des conseils en matière militaire et policière (avec une prédilection pour la contre-information des services de renseignements) ;
– une vision critique de l’histoire latino-américaine officielle ;
– un projet économique (construire une industrie militaire solide et acquérir une technologie nucléaire)
– et un discours fascisant mêlant des considérations anti-oligarchiques, antidémocratiques, anti-européennes, antiaméricaines, antimarxistes, à l’hostilité vis-à-vis des Lumières et des droits de l’homme ; avec, en prime, une certaine sympathie pour ce qu’il appelait la « race-culture arabo-musulmane ».
Cette soupe idéologique peut sembler indigeste – et elle l’est. Ceresole ne fut pas un grand penseur dont les travaux seraient restés ignorés à cause de ses obsessions antisémites. C’était un intellectuel confus et brouillon, mais il faut lui reconnaître au moins une certaine habileté dans la confection d’un nouveau mythe bolivarien, après la disparition de l’URSS, et face à l’hyperpuissance américaine, dans un monde devenu multipolaire. Et, dans le cadre de ce mythe, les armées d’Amérique latine et leurs chefs suprêmes auraient, selon lui, pu jouer un rôle privilégié, Chavez apparaissant comme une sorte de Bolivar du XXIe siècle. Le projet économique et politique de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques) va tout à fait dans la direction indiquée par Ceresole. D’ailleurs l’Alba se réclame de l’héritage d’Eva Peron et d’Omar Torrijos, deux références incontournables pour ce militant d’extrême droite…
Il existe d’étonnantes convergences entre les raisonnements politiques de ce fasciste et ceux que l’on entend à l’autre extrême de l’échiquier politique, dans les milieux « anti-impérialistes » et altermondialistes de gauche ou d’extrême gauche, à la fois sur Chavez mais aussi sur la situation internationale, sur l’impérialisme américain, le sionisme, etc.. Plus grave encore : son projet politique répond sans doute aux attentes de nombreux hommes et femmes d’Amérique latine. Désespérés par la corruption effrénée des partis « démocratiques » ou l’échec des guérillas « marxistes », ils ne croient plus qu’en l’action d’un homme à poigne, d’un Caudillo providentiel, dont le colonel Chavez constitue sans doute la meilleure incarnation actuelle. Comme en témoigne l’idolâtrie (1) dont il est l’objet non seulement dans les quartiers populaires vénézuéliens, mais jusque chez certains groupes trotskystes, ou dans les colonnes du mensuel des « tiersmondains » français (c’est à dire Le Monde diplomatique).
1. C’est ainsi que, le 18 juillet 2011, suite à sa chimiothérapie et à la perte de cheveux de leur idole, on a pu voir dix (ou six selon certaines dépêches) Dominicains de l’organisation « chrétienne œucuménique » Paz dominicana se raser la tête par solidarité et Chavez, qui s’est présenté comme un « humble serviteur » du Christ, les remercier pour leur geste d’adoration en les présentant devant les caméras de télévision ! Imaginons une seconde qu’un groupe de militants du Parti socialiste ou du NPA se soient rasé la tête quand un de leurs dirigeants a été atteint d’un cancer ! Et que l’on ne vienne pas me parler des « spécificités culturelles ou religieuses latino-américaines ». Le culte de la personnalité est une arme politique qui existe sous toutes les latitudes, de la Corée du Nord à la Russie ou la Roumanie en passant par l’Afrique ou le Moyen-Orient. La religion n’est que la couche rance de crème Chantilly qui couronne ces mascarades.