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Extrême gauche/Extrême droite. Inventaire de la confusion (9). Quelques mots et expressions de l’extrême droite

lundi 12 septembre 2011

Affinités transversales  : terme utilisé par Alain de Benoist pour qualifier les convergences entre certains individus d’extrême droite et d’extrême gauche. Dans un article, ce théoricien de la Nouvelle Droite rappelle qu’il manifesta au premier rang d’une manifestation contre la guerre du Golfe aux côtés de Henri Krasucki (CGT) et Alain Krivine (LCR), le 12 janvier 1991, et que le Parti communiste finança Jean-Edern Hallier pour qu’il aille interviewer… Fidel Castro pendant « dix heures » (? !), entretien qui fut publié dans le quotidien stalinien le 23 juillet 1990. Deux exemples de sinistres convergences.

Barbus : expression méprisante utilisée par l’extrême droite, certains libertaires et certains gauchistes pour désigner les musulmans qui prétendent respecter à la lettre le Coran. Vu le système pileux de Marx, Engels, Bakounine, Proudhon, Castro, Guevara et de nombreuses autres icônes révolutionnaires, cette appellation est plutôt ridicule dans la bouche de gauchistes ou d’ultragauches.

Bien-pensance : on trouve de plus en plus cette expression douteuse sous la plume de l’extrême droite mais aussi de certains individus d’extrême gauche ou libertaires. Elle provient d’une réaction compréhensible contre le politiquement correct (« PC »), censé venir de la gauche (en fait, historiquement, le « PC » est né dans la droite conservatrice américaine, même s’il a migré et transmuté à gauche). En général, un individu parle de « bien-pensance » quand il veut défendre la liberté d’expression de tel ou tel négationniste, ou critiquer l’assimilation caricaturale du FN au fascisme.

Double nationalité : les antisionistes d’extrême droite et d’extrême gauche dénoncent souvent la double nationalité de nombreux Israéliens (argument « de gauche » pour prouver que les colons israéliens d’origine américaine ou française, par exemple, ne seraient pas des Juifs palestiniens « de souche ») et des Juifs de la Diaspora (argument de droite pour expliquer que les Juifs sont d’incurables apatrides désireux de dominer le monde).

Europe : après l’échec des putsch de l’OAS et le départ de l’armée française d’Algérie, une partie de l’extrême droite décida de se ressourcer dans le mythe européen. C’est ainsi que Rivarol écrivait le 4 juin 1964 : « La nation française est morte en même temps que l’Algérie française (…). Il faut faire la nation européenne pour créer la province France. » On retrouve la même idée, en plus lyrique et mégalomaniaque, dans un document de la Fédération des étudiants nationalistes, « Le manifeste de la classe 60 » qui croit voir en la France « le creuset de l’ethnie européenne », capable de redresser la « civilisation européenne », de « rétablir son empire » et de « réguler le monde ». Ou dans les écrits des « Jeunes de l’esprit public » influencés par Jean Mabire en 1963 : « La puissance d’une France hexagonale est ridicule à la fin du XXe siècle par rapport aux grandes puissances mondiales. Sous peine d’être absorbée par le bloc américain ou soviétique, nous devons nous dépasser. Notre volonté européiste doit sublimer notre nationalisme français en un patriotisme européen. La fin de la guerre d’Algérie a fait de nous les premiers patriotes européens. »

Pas étonnant donc, qu’en ce XXIe siècle tant de groupes fascistes aient remplacé le mot « national » ou « patriote » dans leur appellation par le terme « européen ». Et les nationalistes-révolutionnaires de Troisième Voie sont très clairs quand ils se déclarent en faveur de « l’affirmation de l’Europe comme modèle et puissance » en 1985. L’Europe-puissance, l’impéralisme européen tel est désormais leur programme. Quant au Front National, il considère que la France est le « pivot statique de l’Europe » et Paris le « pivot de l’Occident ».

Immigrétisme : terme utilisé par certains ultragauches et par l’extrême droite qui dénonce « l’immigrétisme » supposé de la gauche morale et de l’extrême gauche. Cette critique se présente comme une défense du prolétaire « gaulois », « petit Blanc » contre une prétendue préférence gauchiste aux immigrés. En réalité, l’extrême gauche militante est fort peu implantée dans les milieux de l’immigration (il suffit de voir la composition de ses cadres et dirigeants) et pas du tout dans les quartiers à forte concentration étrangère. Il y a donc confusion volontaire entre les effets de manche antiracistes des groupes d’extrême gauche dans leur presse, et une pratique de terrain quasiment inexistante. Ce sont surtout les associations (laïques ou pas) qui occupent le terrain de la défense des droits de l’immigration, et non l’extrême gauche. Quant aux syndicats et partis de gauche, ils signent les communiqués des manifestations et manifestes antiracistes, mais leur action en faveur de l’extension réelle des droits des immigrés est minimaliste.

Métapolitique : mot sophistiqué pour désigner le combat culturel mené par la Nouvelle Droite, et qui a consisté à tenter de récupérer des concepts empruntés à la gauche, et à se réclamer de Debord, Foucault, Deleuze, Guattari, Marx, Lénine, Babœuf, Blanqui, Proudhon, etc.

Métissolâtrie : terme utilisé par l’écrivain réactionnaire antisémite et xénophobe Renaud Camus, les Identitaires, les « laïcs catholiques » du site Le Salon beige et les sites du Front national. On le trouve aussi sous la plume d’un gauchiste sur le site de Denis Collin sans que cela ait provoqué la moindre réaction de ce « marxiste ».

Mondialisme  : terme utilisé par l’extrême droite pour désigner tout ce qu’ils détestent (les Juifs, les francs-maçons, les immigrés, les multinationales américaines, l’influence culturelle « yankee », etc.). Les créateurs (d’extrême gauche) du site mondialisme.org (auquel la revue Ni patrie ni frontières participe depuis neuf ans) voulurent reprendre ce terme à leur compte pour le retourner contre les fascistes et créèrent un éphémère Réseau mondialiste révolutionnaire, le terme internationaliste leur semblant peu clair et galvaudé par les courants staliniens. Et ils ne sont pas les seuls à penser que le terme mondialisme est plus adéquat que celui d’internationalisme. Un camarade, qui a lu ce petit lexique avant sa parution, m’a en effet écrit : « C’est, selon moi, un terme qui prend aujourd’hui tout son sens alors que le cadre national est une passerelle étincelante entre extrême gauche et extrême droite, que les luttes de libération nationale n’ont plus aucun caractère émancipateur et que conséquemment l’internationalisme n’est plus qu’une vieille carcasse empoisonnée. »

Néanmoins, je pense que, si j’avais connu l’usage de ce terme par l’extrême droite à l’époque, j’aurais sans doute proposé de rebaptiser ce site commun à plusieurs revues d’« ultragauche ».

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National-bolchevisme

Ce courant est né d’abord autour d’une tendance exclue du KAPD en mai 1920 implantée à Hambourg et représenté par Fritz Wolffheim (1888-1942) et Heinrich Laufenberg (1872-1932).

Elle partait du postulat que la révolution n’était pas possible immédiatement, ou plus exactement que « la dictature du prolétariat ne peut s’imposer en une fois » et que celui-ci doit agréger les autres couches ou classes (sauf la grande bourgeoisie) derrière son programme dans lequel il faut tenir compte des communautés de langage, de culture et du fait national. Cette prise en considération de la nation fut la porte d’entrée vers une évolution vers la droite, tout en participant à la révolution de Novembre 1918, à la formation des conseils (Laufenberg était président du conseil de Hambourg), à la création du KPD puis du KAPD. Par la suite, Wolffheim évolua de plus en plus vers le nationalisme allemand, la défense de la germanité dont le représentant devait être la classe ouvrière, autour de laquelle se bâtirait la « communauté populaire ». Il rejoignit les nazis en animant dans le NSDAP des petits cercles de « gauche ». Après 1934, il sera exclu du parti nazi puis emprisonné dans un camp de concentration en 1938 où il mourra en 1942.

Comment des militants ouvriers formés, participant à des luttes radicales en novembre 1918 et jusqu’au printemps 1920, ont-ils pu devenir, surtout Wolffheim, les concepteurs du national-bolchevisme ?

A la fois à cause de leur pratique collective, de leur trajectoire personnelle et de l’accélération de l’histoire qu’a constitué d’abord la Première Guerre mondiale puis la période révolutionnaire 1918-1921. Le mouvement ouvrier d’avant 1914 y compris son extrême gauche défendait une analyse plus que sommaire de ladite question nationale. Les positions oscillaient entre la défense de la nation (dans ce cas les militants les plus convaincus quittaient souvent la social-démocratie pour former des partis socialistes nationaux) et sa négation dans la situation du capitalisme actuel et sous le socialisme, mais il n’existait pas de compréhension élaborée du phénomène contradictoire que représente l’influence du nationalisme dans la classe ouvrière.

Pendant ce temps-là, les dirigeants de la social-démocratie, surtout du SPD, s’intégraient totalement à la nation et à l’Etat en lui donnant de plus en plus de gages. Le dernier gage qu’ils donnèrent à la bourgeoisie fut le vote des crédits de guerre et le soutien à l’Union nationale dans tous les pays. Le fait que des millions d’ouvriers participèrent, au début avec enthousiasme, à la Première Guerre mondiale bouleversa plus d’un militant.

En réaction contre la « trahison » du SPD, la haine des fondements théoriques du mouvement social-démocrate, assimilés à tort à un « marxisme » ou plus exactement à un « ouvriérisme » acritique, poussa Wolffheim à remettre en cause le prolétariat comme agent de la transformation révolutionnaire pour le compte de l’Humanité. (Selon Laufenberg « Toute classe dominante cherche à présenter ses intérêts comme ceux de la totalité, le Prolétariat comme la Bourgeoisie, mais à plus juste titre puisqu’il représente la “majorité de la société” . »)

Constatant ensuite que la situation issue de la révolution issue de Novembre 1918, si elle avait renversé la monarchie n’avait pas été, capable d’aller plus loin, comme le montrait l’écrasement des insurrections à Berlin (janvier puis mars 1919), à Brême et à Brunswick (janvier 1919) en Bavière (avril-mai 1919) et que le SPD n’était finalement que peu ébranlé et que le Grand Soir n’était pas pour tout de suite, certains militants en vinrent à penser qu’il fallait nouer des alliances (tout en laissant, en principe, un rôle dirigeant à la classe ouvrière) et trouver un nouveau « réceptacle » à la communauté de lutte : la nation. Le reflux du mouvement révolutionnaire en Allemagne lors de la deuxième tentative dans la Ruhr (mars-mai 1920), la groupuscularisation du KAPD dès 1921, la disparition des Unions ne pouvaient que précipiter l’évolution vers le national-bolchevisme.

1923

Ce courant était minoritaire au sein du KAPD mais il influença ensuite l’Internationale communiste et surtout son représentant en Allemagne, Karl Radek . En effet, au moment de l’occupation de la Ruhr par l’armée française en 1923, Radek soutint la « ligne Schlageter » (du nom d’un ancien officier des corps francs, organisateur de groupes de sabotage, arrêté en mai 1923 jugé par l’armée française et fusillé le 23 mai 1923 ). Selon cette « théorie », à cause des conséquences du Traité de Versailles, l’Allemagne vaincue n’était plus impérialiste mais devenait une « nation prolétaire » ; la classe ouvrière pouvait passer des alliances sinon avec la bourgeoisie du moins avec des courants nationalistes. Les vrais responsables des malheurs des ouvriers allemands, les vrais ennemis devenaient les capitalistes de l’Entente. Le quotidien du KPD, Die Rote Fahne, annonça ainsi la nouvelle ligne : « Le parti communiste doit dire très clairement aux masses nationalistes de la petite bourgeoisie et aux intellectuels que seule la classe ouvrière, après sa victoire, pourra défendre la terre allemande, les trésors de la culture allemande et l’avenir de la nation. » (13 mai 1923).

Cette politique de la « main tendue » du KPD ira assez loin puisque qu’Hermann Remmele, député communiste au Reichstag, se fera acclamer à Stuttgart dans une réunion nazie. Quelques jours plus tard, dans un meeting communiste à Stuttgart, Remmele invita à s’exprimer un nazi « venu plaider devant des milliers de militants pour une trêve entre le KPD et le NSDAP d’Hitler ». Remmele « alla jusqu’à affirmer qu’une alliance avec les nationaux-socialistes pour abattre le capitalisme lui paraissait moins blâmable qu’avec les sociaux-démocrates ».

Cette « ligne Schlageter » annonçait les revirements tactiques radicaux qui deviendront systématiques durant les années suivantes. L’Internationale communiste abandonna cette position dès la fin septembre 1923 et le KPD s’exécuta. Selon la nouvelle ligne, « l’offensive [était] à l’ordre du jour », offensive qui se conclura par la lamentable insurrection ratée de Hambourg en octobre 1923.

Pourquoi cette politique de l’Internationale communiste fut-elle relayée par le KPD ?

Depuis le traité de Rapallo (16 avril 1922) , l’Allemagne vaincue était la seule alliée et le seul partenaire économique de l’URSS. L’occupation de la Rhénanie permit à l’URSS d’honorer ses engagements en utilisant les militants du KPD comme pions sur l’échiquier diplomatique. Mais une partie des militants du KPD (beaucoup d’entre eux étaient hostiles à cette ligne sans jamais s’y opposer, d’où ensuite, le virage d’octobre 1923 pour donner des gages à cette opposition et aussi éliminer quelques énervés) soutinrent ce national-bolchevisme parce que la critique du nationalisme était loin d’être systématique au sein du Parti et que le concept d’impérialisme utilisé à toutes les sauces permettait de dédouaner toutes les bourgeoisies « faibles » de l’oppression de « leurs » classes ouvrières.

L’intermède (1923-1933)

Jusqu’à la crise de 1929-1931, les nationaux-bolcheviques ne furent organisés que dans des cercles ou des groupuscules tentant une impossible synthèse entre un « marxisme » politique et économique et la « nation ». Marginaux, ils ne bénéficieront pas d’afflux de nouveaux membres suite à la crise de 1929. A l’arrivée d’Hitler au pouvoir, la plupart passeront dans la clandestinité contre le régime.

Les prétendues réussites du plan quinquennal en URSS faisaient l’admiration tant de certains officiers et sous-officiers allemands que de milieux industriels, surtout chez les ingénieurs qui y admiraient la victoire de la rationalité technique sur l’anarchie du marché et la possibilité d’y développer un « monde nouveau ». Même les nazis comme Hitler et Goebbels admiraient la discipline et les méthodes d’organisation du KPD et la force symbolisée par l’URSS stalinienne. Ce qui conduisit le NSDAP à copier certaines méthodes d’organisation et d’enracinement dans les quartiers ouvriers jusque-là « tenus » par le SPD ou le KPD. Quant à la tendance de « gauche » du NSDAP, représentée par les frères Strasser influents dans le syndicat nazi, le NSBO, ils voulaient que les ouvriers des trois partis fassent front ensemble contre les patrons et la réaction. Dans l’expression « national-socialisme », ils s’intéressaient davantage au socialisme qu’au nationalisme.

En revanche, pour ce qui concerne le KPD et le NSDAP, tout en continuant à mener des affrontements de rues meurtriers (une centaine de morts par an dans les deux camps entre 1930 et 1933) , de nombreux militants, notamment parmi les chômeurs, firent la navette entre les deux partis. Au niveau national, en 1932, appliquant systématiquement la politique « classe contre classe » de l’Internationale communiste, le KPD passa plusieurs accords avec le NSDAP contre le SPD tant au Reichstag qu’au parlement de Prusse. Lorsque le NSDAP entreprit un « tournant de gauche » pour conquérir les ouvriers des grandes usines, les ouvriers membres du NSBO mais aussi des SA participèrent activement à la grève et se firent photographier aux piquets de grève, lors du conflit qui toucha les transports publics de Berlin (du 2 au 7 novembre 1932) et concernait 38 000 salariés . Ce tournant « ouvrier » n’ayant pas été un succès fut rapidement abandonné par le NSDAP. Evidemment, après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, les récalcitrants furent invités à la fermer au sein du NSDAP ou du NSBO, puis, lors de « la nuit des Longs couteaux » (juin 1934), le régime élimina physiquement ceux qui ne voulaient pas obéir à la nouvelle ligne.

Tentative de conclusion

Les groupes ou courants nationaux-bolcheviques sont toujours restés marginaux, dans la période considérée, sur le plan organisationnel (à l’exception du groupe d’Otto Strasser, la « Communauté de combat nationale-socialiste » fondée en juillet 1930 ; elle perdura jusqu’en mars 1933, regroupant entre 10 000 et 20 000 militants dont un quart finirent au KPD) mais leurs « études » théoriques nourrirent une partie des militants du NSDAP, voire du KPD, et permirent des transferts.

N’accordons cependant pas trop de « puissance » à ces groupuscules. C’est l’échec de la révolution en 1919, l’impuissance de la république de Weimar et les conséquences de la crise de 1929-31 qui ont été les causes de ces interpénétrations. Et si l’on veut rester sur le terrain des grandes formations politiques de l’époque et de leur « propagande » vis-à-vis des ouvriers ainsi que des raisons de la participation des ouvriers nazis aux grèves sauvages de l’automne 1932, on est obligé de constater que des « porosités » bien plus importantes existaient. En effet, si les ouvriers nazis grévistes étaient sincèrement, en tant qu’ouvriers, favorables à la lutte, ils ne représentaient que l’expression la plus radicale, dans les rangs ouvriers, de la tendance permanente au nationalisme, c’est-à-dire la défense, dans le cadre d’un Etat, de leur condition. Cette défense pouvant s’exprimer de façon violente tant contre les patrons que contre d’autres ouvriers (organisés ou pas). Mais ce nationalisme était également, sous de fausses apparences, l’apanage du SPD et du KPD.

Mouvement communiste.

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Note de Ni patrie ni frontières : Les nationaux-bolcheviks actuels comme Robert Steuckers et Guillaume Faye se réclament de Mao, Pol Pot, Enver Hoxha et Kadhafi, d’un côté, Thiriart, Degrelle, Freda, Niekisch et Evola, de l’autre.

Nazisionisme, sionazis, judéonazis, etc. : expressions nées dans l’URSS stalinienne, puis exportées à l’extrême droite et à l’extrême gauche. L’emploi de ce type de comparaisons trahit souvent l’antisémitisme de ses auteurs, même si ceux-ci se cachent derrière les propos du philosophe israélien Yeshaou Leibowitz qui l’utilisa fréquemment, mais du tout pas avec les mêmes intentions que les fascistes ou que les gauchistes qui le citent fréquemment . L’article 19 de la charte de l’OLP considérait le mouvement sioniste comme « fasciste dans ses objectifs et ses moyens » ; quant à la version révisée en 1968, elle affirme que le sionisme est « fasciste dans ses méthodes ».

On trouve dans la presse d’extrême gauche ou libertaire anglo-saxonne, notamment sous l’impulsion du trotskyste Lenni Brenner et de son livre Zionism in the Age of the Dictators (que l’on peut lire en anglais sur le site marxists.org), de nombreuses allusions à la collaboration pratique entre des « sionistes » et les nazis avant et durant la Seconde Guerre mondiale. On retrouve, dans les articles du négationniste-antisémite Robert Faurisson, les mêmes citations de critiques virulentes du sionisme extraites du Journal de Victor Klemperer ou des écrits d’Hannah Harendt, tous deux Juifs.

Il nous est impossible d’aborder ces questions historiques complexes en quelques lignes. Nous nous contenterons donc d’affirmer que le nazisme était un phénomène historique totalement nouveau, sur lequel les débats font encore rage, 70 ans après sa disparition. Certes, Hitler avait annoncé ses intentions d’expulser les Juifs d’Allemagne dès Mein Kampf, mais sans donner plus de précisions sur les moyens qu’il emploierait. Quiconque connaissait l’histoire des Juifs (marquée par des siècles de persécutions, de massacres et de pogromes) aurait pu et dû prévoir que la venue au pouvoir d’un homme politique qui se qualifiait lui-même dès 1923 d’« antisémite fanatique » allait être accompagnée d’un formidable déchaînement de violence contre les Juifs . Beaucoup de Juifs, « sionistes » ou pas, ne virent pas la catastrophe arriver. Face au phénomène inédit qu’était le nazisme, ni les grandes « démocraties » bourgeoises occidentales, ni la social-démocratie, ni l’Internationale communiste (stalinienne), ni les mouvements anarchistes ou trotskystes de l’époque, ni l’Eglise catholique (pourtant très bien informée), ni les Eglises protestantes ne virent venir le judéocide. Quand ils en apprirent les premières manifestations, aucun Etat, aucune Eglise, aucun Parti ne décida de mener une campagne internationale de masse contre le judéocide, ni sur le plan politique, ni sur le plan militaire.

Devant une telle cécité et une telle lâcheté politiques généralisées, il est pour le moins aberrant de se déchaîner aujourd’hui contre les tentatives de certains « sionistes » de Palestine ou d’ailleurs de négocier, y compris contre finances, avec l’Allemagne nazie afin de sauver des vies juives – aussi sordides qu’aient été ces négociations ou les calculs de part et d’autre. Et c’est encore plus aberrant quand on sait que les ancêtres politiques des militants trotskystes, ultragauches ou anarchistes n’ont fait preuve d’aucune lucidité politique particulière à ce sujet, ni rien proposé pour mettre fin au judéocide ! Mettre sur le même plan les génocidaires nazis et les « sionistes », toutes tendances confondues, est donc une crapulerie, purement et simplement.

Ce rappel de quelques exemples de « collaboration » entre sionistes et nazis repose sur des faits historiques incontestables mais qui ne sont jamais remis dans leur contexte. Il ne sert qu’à introduire le refrain trop connu sur « les persécutés devenus persécuteurs » (titre de l’article d’un communiste libertaire portugais, João Bernardo, sur le site brésilien http://passapalavra.info/?p=24723), refrain qui établit une responsabilité collective ininterrompue de tous les « sionistes » des années 30 à aujourd’hui. Ce raccourci simpliste (les persécutés sont devenus des persécuteurs), quel que soit son habillage radical (ultragauche, trotskyste, anarchiste, anti-étatique, etc.), ne peut que faire le jeu de l’extrême droite et des antisémites, pour qui « sionistes » n’est qu’un mot codé pour Juifs [au sens de peuple(s) juif(s) ] et juifs (au sens religieux).

« Nouvelles convergences » : expression utilisée par le néofasciste Christian Bouchet pour caractériser la situation depuis la fin de l’Union soviétique et les opportunités qui s’ouvrent pour les néofascistes.

Oligarchie : expression employée par l’extrême droite comme par l’ultragauche, voire chez Castoriadis. Elle permet, à l’extrême droite, de faire l’impasse sur la division de la société en classes antagonistes, ayant des intérêts matériels inconciliables et d’opposer l’oligarchie au peuple. Riposte Laïque dénonce « l’oligarchie pseudo-républicaine ». Ce terme est très utilisé aussi en Amérique latine, à gauche et à l’extrême gauche, et va toujours de pair avec un appel à l’union nationale contre… « l’oligarchie ».

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Pays réel : pour l’extrême droite, partie de la population habitant sur le territoire et censée, en raison de son origine de sang et/ou de son appartenance idéologique (patriotisme, nationalisme...ici on peut mentionner les harkis, ou les « allogènes » militant au sein de l’extrême droite), constituer la véritable communauté nationale. Ce concept implique qu’il existerait, à l’opposé, un « pays virtuel », formé de l’agrégat des populations immigrées qui se superposerait au noyau national. Par définition non assimilables (hormis par le biais d’une adhésion idéologique au nationalisme, ce qui ne peut concerner qu’une faible minorité de leurs membres), celles-ci sont immuablement identifiées comme étrangères, même une fois naturalisées françaises. Car la légalité, façonnée la plupart du temps par les « forces mondialistes antinationales », n’est d’aucune valeur dans cette optique. C’est pourquoi, le « pays réel » peut aussi être appréhendé comme l’antithèse du « pays légal », cet artifice produit et justifié par une législation « antinationale » vieille d’au moins quatre décennies, qui dissimulerait la progressive « invasion mortelle » de la France par les immigrés. Du reste, cet antagonisme renvoie à celui que Maurras décrivait entre d’un côté le « pays légal », c’est-à-dire les institutions et les officines idéologiques du régime républicain, jacobiniste et « au service des juifs », et de l’autre « le pays réel », ici vu comme la population laborieuse, « qui travaille et qui vit ».

Le journal que Léon Degrelle avait fondé en 1936 portait le nom de « pays réel ». Radio Courtoisie se présente depuis des années comme la voix du « pays réel ».

GARAP

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Police de la pensée antiraciste : expression utilisée à l’extrême droite mais aussi chez certains radicaux ou ultragauches de salon.

Politiquement correct : expression à géométrie variable. Elle ne recouvre pas les mêmes positions selon qu’elle est utilisée par Dieudonné, Guy Bedos, Jean-Marie Bigard, Pierre Desproges ou Marine Le Pen. Ceux qui dénoncent la « dictature du politiquement correct » regrettent souvent le « bon vieux temps » où l’on pouvait rire en entendant des plaisanteries racistes, antisémites, sexistes ou homophobes, sans que les personnes visées puissent répondre…. Le puritanisme ou le moralisme sont effectivement pesants, mais la complaisance ou le silence devant l’expression directe des préjugés discriminatoires sont-ils la solution ?

Révisionnisme (en clair : Négationnisme) : selon l’historien N. Lebourg (op. cit.), on ne peut comprendre la portée de la propagande des Faurisson, Guillaume, et autres canailles « révisionnistes », si l’on se focalise sur la seule négation de l’existence des chambres à gaz ou les polémiques sur le nombre de Juifs tués par les nazis. Pour lui, le résultat le plus négatif et le plus durable de la propagande négationniste a été de diffuser l’idée loufoque mais efficace que les Juifs dominent le monde, par l’intermédiaire de l’Etat d’Israël et avec la collaboration des éléments les plus riches et puissants de la Diaspora qui manipuleraient les gouvernements occidentaux et les opinions publiques. Le terrain avait été préparé, à la suite de la guerre des Six Jours, par François Duprat qui comprit très bien quel cocktail efficace et détonant on pouvait constituer en combinant antisionisme et négationnisme. La médiatisation des idées de Faurisson à partir de 1978 accroîtra encore la confusion entre les arguments antisionistes de gauche et la propagande négationniste d’extrême droite, grâce à un certain nombre d’idiots utiles de l’antisionisme.

Révolution populaire : terme toujours utilisé par l’extrême droite et désormais employé de plus en plus par l’extrême gauche qui a abandonné le terme de révolution prolétarienne et préfère désormais courtiser les citoyennistes, les altermondialistes, les « Indignés », etc.

Shoatique, siono-shoatique, ou holocaustique : pour l’extrême droite il y aurait une « religion », un « tabou », un « mensonge », un « racket » « holocaustiques » : le sionisme. C’est ce que pensent aussi certains individus comme Gilad Atzmon soutenus par les trotskystes du SWP britannique ou par les antisionistes « de gauche » de la librairie parisienne « Résistances », membres de la CAPJPO et d’Europalestine.

Totalitarisme mou, totalitarisme soft ou totalitarisme de la pensée : expressions que l’on retrouve sous la plume d’Alain Soral, Christian Bouchet (« Dans un monde où règne le totalitarisme mou, où les droits de l’homme sont l’unique référence »), Alain de Benoist, Riposte Laïque et les post-situs.

Tradition : pour l’extrême droite, ciment d’un peuple, d’une race, d’une ethnie liée à son enracinement dans un territoire (c’est pourquoi elle applaudit Chevènement quand il vante l’« enracinement concret des êtres »), à un âge d’or mythique, à des ancêtres dont il faut perpétrer le culte. L’extrême gauche n’utilise heureusement pas ce terme dans les pays du Nord. Par contre, en Amérique latine, elle cède de plus en plus aux sirènes de l’indigénisme, en le parant de vertus assembléistes, démocratiques, voire communisantes, au nom d’une prise de conscience (tardive mais bienvenue) des discriminations raciales et sociales qui frappent les Indiens d’Amérique depuis des siècles. Il est à craindre que cette attitude acritique mène aux mêmes désillusions que les mouvements pour l’indépendance nationale du XXe siècle dans le tiers monde. Ce n’est pas parce que l’on change la couleur de peau ou les phénotypes des exploiteurs, que l’exploitation disparaît.

ZOG (Zionist Occupied Government) ou ZORG (Zionist Occupied Remote Government). Cette expression signifie littéralement : « gouvernement occupé par les sionistes » ou « gouvernement occupé et contrôlé à distance par les sionistes ».

Peu utilisé en France sous cette appellation grossièrement antisémite, ce pseudo-concept est en fait très répandu, sous d’autres formes plus consensuelles et moins connotées politiquement : Big Brother, le Système, le mondialisme, la Trilatérale, la mcworldisation du monde, le Groupe de Bilderberg, etc. Deux universitaires de Harvard – John Mearsheimer et Stephen M. Walt – qui prétendent qu’un « lobby pro-israélien » détermine la politique étrangère américaine – écrivirent un article sur ce sujet qui fit le tour des sites d’extrême gauche et altermondialistes sans susciter la moindre critique, avant de publier un livre Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine, traduit aux Editions La Découverte, maison de référence pour la gauche française… Personne ne remarqua que ces deux auteurs défendaient un point de vue isolationniste, favorable aux « véritables intérêts » de l’impérialisme américain.

Il suffit de lire la majorité des articles antisionistes diffusés sur le Net pour retrouver la même idée, diffusée par les nazis américains, le Ku Klux Klan, les milices nationalistes américaines, etc., depuis des décennies.

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