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Chronique d’une journée intense, le 27 mai 2011 à Barcelone

jeudi 25 août 2011

A l’aube du 27 mai, le gouvernement catalan, sous le prétexte de nettoyer et d’enlever les objets dangereux qui pouvaient être utilisés lors de l’éventuelle célébration de la victoire du Barça (Football Club de Barcelone), envoya la police tenter d’évacuer la place de Catalogne. La résistance passive de ceux qui y campaient empêcha l’opération et, dès les premières heures du jour, des milliers de personnes arrivèrent sur la place en réponse à l’appel des « campeurs ».

Ainsi, la police qui cernait le centre de la place s’est retrouvée entourée par les arrivants (ils pouvaient être environ 5 000 à 14 h 30 bien que je compte très mal). Tout comme la semaine précédente à Madrid, la tentative d’évacuer la place a eu un effet mobilisateur encore plus puissant. Toute la journée les tentatives de disperser la foule ont été inutiles, alors que les provocations et les agressions de la part de la police ont été constantes (129 blessés dont deux graves). L’attitude des occupants a été absolument pacifique, se limitant à faire opposition aux mouvements policiers en s’asseyant avec le geste habituel de garder les bras levés alors que la police chargeait par vagues et frappait comme du temps de Franco. Son acharnement contre les jeunes attire l’attention : c’est un peu comme si les policiers avaient été lâchés avec la consigne de chasser et de donner une bonne leçon à tous ceux qui présentaient un aspect contestataire.

Durant la matinée, les services de nettoyage, qui avaient été amenés au centre de la place, genre cheval de Troie pour rompre l’unité des campements, ne pouvant accomplir leur tâche, une tentative de médiation intervint sur la proposition d’un avocat appartenant à un organisme international des droits de l’homme. La police prit l’excuse du nécessaire nettoyage pour faire une proposition que l’assemblée des occupants de la place rejeta (alors que quelques « campeurs » quittaient les lieux) comprenant bien qu’il s’agissait d’un stratagème policier pour les évacuer ; ce qu’ils firent savoir à ceux qui les soutenaient de l’autre côté du cordon de policiers. Les provocations et les charges musclées continuèrent un moment mais la ferme résolution de résister et la masse de gens concentrée sur la place « convainquirent » les robocops de se retirer ; ce qu’ils firent non sans tenter auparavant des manœuvres de terreur (tirs de balles à blanc, lancer de fourgon en trombe sur l’avenue avec les sirènes à fond) ceci sans aucun résultat. Le sentiment d’être ensemble et de le rester, sans plus, a imposé sa force et en un rien de temps, chacun s’est mis à la reconstruction des campements au centre de la place. Comme lors des journées antérieures, le mélange d’ingénuité, d’humanitarisme, d’absence d’agressivité… de cette multitude de jeunes était la même mais cette fois avec une expérience vécue dans leur propre chair de ce que signifie « leur » démocratie.

Il était émouvant, spécialement pour qui a vécu d’autres expériences dans le passé, de voir comment des jeunes de vingt ans en chemise, assis sur l’asphalte sous une chaleur suffocante, injuriaient les énergumènes armés sur le ton de l’ironie et de la réprimande didactique (quelques-uns leur offrirent des fleurs et l’un d’eux, un livre) ce qui permit de dédramatiser une situation qui à tout moment aurait pu dégénérer en tragédie. Parallèlement les étudiant des facultés du quartier de Pedralbes, mis au courant de ce qui se passait sur la Plaça Catalunya, coupèrent l’avenue Diagonal, bloquant ainsi une des principales voies d’accès à la ville.

La victoire tactique qui a eu pour effet l’abandon de la place par la police et le maintien de l’occupation rendit possible une fusion avec la manifestation convoquée à 17 heures par des institutions civiques contre la diminution des budgets sociaux (la fin de la manifestation était prévue sur la Plaça Catalunya). Ceci permit un apport de plusieurs milliers de personnes et un renfort pour l’occupation (de nouvelles tentes se sont installées). Les responsables de l’ordre public du gouvernement catalan constitué en novembre 2010 semblent avoir épuisé tous les subterfuges de la corruption dont ils étaient capables, en démontrant une absolue incompétence dans la gestion du conflit de la Plaça Catalunya à Barcelone. Bureaucrates du ministère de l’Intérieur du gouvernement autonome, hauts gradés de la police et policiers ont été tout près de provoquer une tragédie que seule l’extraordinaire dose de patience et de pacifisme des « indignados » a permis d’éviter.

Tout cela fit qu’aux premières heures de la matinée du samedi plus de 12 000 personnes occupaient la place. Entre-temps, l’assemblée des occupants avait décidé de lever le camp le dimanche comme c’était prévu, en ajoutant de nouvelles revendications (comme la démission du responsable de l’Intérieur du gouvernement catalan). Il existait la crainte que la célébration de la victoire du Barça puisse être l’occasion de nouvelles provocations, suite à la tentative de manipulation antérieure de la part des responsables de l’ordre public, mais il n’en fut rien, et ceci bien que les supporteurs eussent entouré le campement et que, comme toujours dans ce type de célébration, des troubles aient eu lieu, provoquant une centaine de blessés et une autre centaine d’arrestations.

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