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Espagne / Manifestations

Lettres de Barcelone, place de Catalunya

jeudi 16 juin 2011

Ces deux textes ont été publiés dans Echanges n° 136, avec une réflexion sur les manifestations de 2011 en Espagne et dans le monde arabe.

Je viens de la place de Catalunya. C’est beau de se joindre à des milliers (10 000 ?) de personnes pour protester et crier des slogans [qui expriment nos envies]. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut faire ça. Les gens restent sur la place toute la journée avec différentes activités et commissions, et à partir du soir commence l’expression manifeste de la rage... Après, le silence règne sur la place, tout le monde (4 000 personnes ?) s’asseoit ; et commence une longue assemblée (de 23 heures à 2 heures) avec échange de paroles, d’idées, de propositions d’action, de réflexions, de choses concrètes pour la sécurité, sur l’organisation de la vie sur la place... C’est beau, cet échange de la parole, sans dirigeants (aucun syndicat ou parti, même minoritaire ou extraparlementaire, aucun drapeau ni enseigne...) et avec toutes les difficultés qu’entraîne un si grand nombre...

Bon, les arguments et les revendications qui se proposent sont très variés : ceux qui pensent que des vrais changements ne sont pas possibles dans ce système capitaliste et ceux qui avancent des propositions dans la même logique du système qu’ils discutent ; ceux qui sont pour les médias, dans leur fonction de faire connaître et élargir le mouvement, et ceux qui veulent bouter la TV hors de la place ; ceux qui croient que maintenant c’est le nombre l’important et ceux qui soutiennent plus la nécessité de l’affinité... Enfin, beaucoup de positions, mais j’ai vu s’exprimer une vraie attention à l’autre ...

L’ampleur du mouvement, je ne crois pas qu’elle soit un effet mimétique dû à Internet, à quoi veulent la réduire les analystes des médias. Simplement c’est la contestation d’une même situation de malaise aggravée par les mesures « anticrise » appliquées par le gouvernement dans les pas de la Communauté européenne... : diminution des services dans l’éducation, la santé... diminution des salaires, salaires liés à la productivité... dans une situation de chômage massif (43 % chez les jeunes), à part la corruption, les hypothèques... enfin, on connaît...

La suite ? On veut continuer les assemblées par quartiers.

Ce n’est pas facile de dégager le sens de ce mouvement, hors d’une lecture qui dévalorise tout parce qu’il ne va pas au-delà... hors d’une lecture qui ne considère que le nombre... La discussion va se poursuivre dans Etcétera...

Q. S.

Je vais parler seulement de ce que j’ai vu, je ne me sens pas capable de faire une analyse globale. Ce que je vois est une réaction face à une réforme qui réduit les services publics (santé, éducation, retraites... ; faire payer la crise au peuple). – En avoir marre de la corruption politique qui vole des quantités immondes d’argent sans punition et des salaires disproportionnés et des privilèges de la classe politique ; – un malaise à cause du chômage/emploi précaire et de l’impossibilité de payer les hypothèques donnés à l’époque de la bulle immobilière (logement)... ; – un manque de possibilités de participation aux décisions publiques... – la diffusion par réseaux virtuels ; – la médiatisation des événements ; – beaucoup de petits mouvements qui travaillent depuis longtemps et ont une expérience de lutte ; d’autres gens sans expérience mais qui adhèrent à cause de la situation.

Alors, ça se donne comme le fruit mûr qui tombe, sans que personne organise et prevoie ce qu’il faut faire... Alors, de plus en plus de gens sur les places. Alors, on s’organise. On fait des groupes de travail selon les besoins. Tout se décide en assemblée. Assemblées des groupes de travail et assemblées générales. Ça, pour moi, c’est une des choses les plus intéressantes : on cherche des stratégies pour mener à bien les assemblées, afin que les décisions soient le plus horizontales possible, les plus représentatives (beaucoup apprennent que cela est possible, d’autres s’exercent depuis des années). On réfléchit sur des contenus, sur ce qu’on voudrait et ce qu’on ne veut pas ; aussi sur l’organisation (cuisine, économie, communication, droit, santé, actions...). On fait de plus en plus de sous-groupes de travail pour les contenus, vu la quantité de gens et de sujets : santé, éducation (école/université), logement, droits du travail, banque, fiscalité, direction de l’argent public, libertés communales, participation politique, loi électorale, démocratie directe, droits civils et politiques, environnement, migrations, féminisme, médias, culture...

On refléchit, ça c’est sûr.

Il y a des opinions très diverses sur l’idée du changement qu’on réclame, depuis ceux qui veulent une démocratie plus participative jusqu’à ceux qui disent que personne ne les représente. Depuis ceux qui veulent changer les lois électorales jusqu’à ceux qui cherchent un autre modèle... L’ambiance est très sympa et émouvante. Aide mutuelle, responsabilité, ouverture, respect, non-violence, imagination, création, travail... Pour l’instant ça continue.

On a l’idée d’étendre la lutte dans les quartiers afin de pouvoir discuter mieux et décider plus localement, et afin de ne pas perdre la lutte si on ne peut pas continuer sur la place Catalunya. Je pense que c’est un bon plan. On a commencé à collecter des contacts avec des gens qui sont intéressés à faire des assemblées dans notre quartier (plus de 200). (...)

M. S.

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